Le travail de Gérald Wagner (ci-dessus
Reliquats, empreintes sur paraffine de fragments de journaux)
n'est pas ouvertement à chier, mais il renvoie au jeu infini
(et doux) des équivalences, et ceci à double titre
: du point de vue de l'histoire de l'art, cette appropriation désinvolte
de la quincaille Beuysienne fait fi de toute notion de modernité
(ma cave aussi est pleine de blocs de paraffine et de résine
du genre, à ce détail près qu'à vingt
ans l'horreur de la perte de mémoire me faisait choisir les
journaux de guerre de 1939 pour mes incrustations... Ah! le sentiment
de responsabilité historique et la gravité tourmentée
de la jeunesse!) et du point de vue politique, il n'est pas indifférent
de dire que l'urgence tiendrait plutôt à ruiner le
goût des archives et de leur mise à plat pour rendre
enfin les événements lisibles...
Gisèle Beauvois a employé elle-même le terme
de consommateurs d'art... pourquoi voulez-vous qu'on attende grand-chose
de ce que l'on définit comme jetable, périssable (en
d'autres termes : chiable)?
Que les changements opérés chez moi par une oeuvre
de Jaspers Johns soient non seulement radicaux mais définitifs,
que ce que m'apportent les oeuvres de Berio ne puisse jamais m'être
ôté et qu'elles consituent une part essentielle de
l'homme que chaque jour je deviens, voilà qui cadre assez
mal avec la terminologie de notre marchande de soupe...
Alors Comment rendre dérisoires les propriétés
de l'art? En rendant dérisoire l'art lui-même. Soit
en participant à sa médiocratisation (c'est assez
simple quand on dispose — ou prétend disposer —
des moyens de production et d'exhibition), soit en s'appuyant sur
des oeuvres médiocres.
|