Du logiciel libre aux
ressources collaboratives libres
Sébastien Blondeel
blondeel@april.org
La Lune des Pirates --- vendredi 11 avril
2003
APRIL ---
http://www.april.org
Table des matières
1 Introduction
Les
présentations du logiciel libre auxquelles j'ai assisté pêchaient souvent par
excès de technicité. Quand le public convient (ex: DESS d'informatique), cela se
comprend, et c'est même souhaitable: on parle leur jargon pour faire passer plus
d'idées en moins de mots, et on se concentre sur les sujets qui leur tiennent à
coeur ou qu'ils sont susceptibles de rencontrer dans leur future vie
professionnelle.
J'essaie souvent de me mettre à la place de ceux à qui
on parle, en faisant abstraction de mes connaissances techniques ou de ma
connaissance du sujet, et je crains que souvent on perde tout le monde en
quelques minutes et pérore des heures sans que cela ne les touche plus.
On peut bien sûr retrouver dans le logiciel libre des idées chères aux
communistes, aux altermondialistes, aux soixante-huitards, aux libéraux, et j'en
oublie: je connais des gens marqués dans l'un de ces courants d'idées qui sont
motivés par le fait que le logiciel libre porte leur credo, et qui n'en parlent
qu'à travers ce dernier.
Il s'agit quand même de domaines et d'idées
fondamentalement apolitiques, ou transpolitiques, et je vais tâcher de vous les
expliquer, pour qu'ensuite chacun d'entre vous fasse éventuellement sa petite
cuisine mentale et s'y retrouve.
J'ai le défaut d'avoir fait des études
d'informatique: j'ai beau jeu de dire aux autres que ces choses sont faciles et
pas effrayantes. Je connais des gens d'autres spécialités (physique, chimie,
maths, histoire, droit, sociologie, ...) qui ont peu à m'envier en matières
d'aisance sur les ordinateurs, et de toutes manières ce n'est pas vraiment tout
ceci que j'ai étudié dans mon cursus. En France, le terme «informatique»
recouvre un peu tout et n'importe quoi; je l'utiliserai dans le sens «asservir
la machine à l'homme, comprendre ce qui est bête et méchant et répétitif et le
lui faire faire».
2 Aspects techniques
Le
logiciel libre (dans cet exposé on utilisera ce terme au sens de la Free
Software Foundation, et il sera défini précisément plus loin), s'il a de
nombreux aspects et dimensions humaines, psychologiques, sociales, sociétales,
économiques, etc., se définit avant tout par des critères techniques.
2.1 Code source, compilation
Les logiciels sont écrits par des hommes. Au
début c'était difficile et les contraintes des premières machines étaient
lourdes. Mais le temps a passé et les programmeurs disposent maintenant
d'environnements et de langages de programmation conviviaux pour eux --- plus
intuitifs, et éloignés de la froideur mécanique de la machine.
L'aspect
de la programmation destiné à être manipulé et partagé par des hommes s'appelle
le code source. Les machines utilisent, pour des raisons historiques ou
d'économie de place ou de vitesse, des codes binaires.
La transformation
du code source en code binaire s'appelle la compilation. Elle est menée par un
compilateur, et elle détruit des méta-informations: on ne peut pas remonter. On
dispose de strictement moins de compréhension de ce qui s'est passé dans
l'esprit du programmeur si l'on ne dispose que du code binaire; on en est
presque réduit à un rôle de consommateur passif. J'ai déjà illustré cela par des
ateliers grand public, et récemment et régulièrement, il m'arrive à titre
personnel de vérifier l'intérêt de disposer du code source.
Le code
source est un peu comme la recette de cuisine: un gâteau une fois sorti du four
s'adressera directement aux papilles gustatives, qui en apprécieront quasi
primairement les qualités. Il sera très difficile d'en retrouver la recette, et
d'en fabriquer une version un peu plus sucrée ou en remplaçant ceci par cela. Au
contraire, le rédacteur de la recette aura émaillé cette dernière de
commentaires et de conseils pour la préparation, qui disparaîtront lors de la
réalisation de la recette.
Il n'est pas nécessaire d'avoir étudié
l'informatique pour comprendre un code source. Exemple: #include <stdio.h>
int main () {
int compteur;
for (compteur = 1; compteur <= 10; compteur = compteur + 1) {
int carre, cube;
carre = compteur * compteur;
cube = carre * compteur;
printf("%d\t%d\t%d\n", compteur, carre, cube);
}
}
À l'exécution on obtient: 1 1 1
2 4 8
3 9 27
4 16 64
5 25 125
6 36 216
7 49 343
8 64 512
9 81 729
10 100 1000
Le code binaire a l'allure suivante:
0000000: 7f45 4c46 0101 0100 0000 0000 0000 0000 .ELF............
0000010: 0200 0300 0100 0000 1083 0408 3400 0000 ............4...
0000020: 1408 0000 0000 0000 3400 2000 0600 2800 ........4. ...(.
0000030: 1900 1800 0600 0000 3400 0000 3480 0408 ........4...4...
0000040: 3480 0408 c000 0000 c000 0000 0500 0000 4...............
[...]
00005b0: f682 0408 0683 0408 0000 0000 0047 4343 .............GCC
00005c0: 3a20 2847 4e55 2920 322e 3935 2e34 2032 : (GNU) 2.95.4 2
00005d0: 3030 3131 3030 3220 2844 6562 6961 6e20 0011002 (Debian
00005e0: 7072 6572 656c 6561 7365 2900 0047 4343 prerelease)..GCC
00005f0: 3a20 2847 4e55 2920 322e 3935 2e34 2032 : (GNU) 2.95.4 2
0000600: 3030 3131 3030 3220 2844 6562 6961 6e20 0011002 (Debian
0000610: 7072 6572 656c 6561 7365 2900 0047 4343 prerelease)..GCC
[...]
0000bb0: 0700 0000 0000 0000 0000 0000 dc06 0000 ................
0000bc0: 7800 0000 0000 0000 0000 0000 0100 0000 x...............
0000bd0: 0000 0000 0100 0000 0300 0000 0000 0000 ................
0000be0: 0000 0000 5407 0000 bf00 0000 0000 0000 ....T...........
0000bf0: 0000 0000 0100 0000 0000 0000 ............
Un minimum d'honnêteté intellectuelle m'oblige à signaler que si l'on a la
chance de disposer d'un code binaire non «strippé» on peut le faire parler de
manière un peu plus convaincante en utilisant un débogueur. On obtient alors: (gdb) disassemble main
Dump of assembler code for function main:
0x80483f0 <main>: push %ebp
0x80483f1 <main+1>: mov %esp,%ebp
0x80483f3 <main+3>: sub $0x18,%esp
0x80483f6 <main+6>: nop
0x80483f7 <main+7>: movl $0x1,0xfffffffc(%ebp)
0x80483fe <main+14>: mov %esi,%esi
0x8048400 <main+16>: cmpl $0xa,0xfffffffc(%ebp)
0x8048404 <main+20>: jle 0x8048408 <main+24>
0x8048406 <main+22>: jmp 0x8048440 <main+80>
0x8048408 <main+24>: mov 0xfffffffc(%ebp),%eax
0x804840b <main+27>: imul 0xfffffffc(%ebp),%eax
0x804840f <main+31>: mov %eax,0xfffffff8(%ebp)
0x8048412 <main+34>: mov 0xfffffff8(%ebp),%eax
0x8048415 <main+37>: imul 0xfffffffc(%ebp),%eax
0x8048419 <main+41>: mov %eax,0xfffffff4(%ebp)
0x804841c <main+44>: mov 0xfffffff4(%ebp),%eax
0x804841f <main+47>: push %eax
0x8048420 <main+48>: mov 0xfffffff8(%ebp),%eax
0x8048423 <main+51>: push %eax
0x8048424 <main+52>: mov 0xfffffffc(%ebp),%eax
0x8048427 <main+55>: push %eax
0x8048428 <main+56>: push $0x80484a4
0x804842d <main+61>: call 0x8048300 <printf>
0x8048432 <main+66>: add $0x10,%esp
0x8048435 <main+69>: incl 0xfffffffc(%ebp)
0x8048438 <main+72>: jmp 0x8048400 <main+16>
0x804843a <main+74>: lea 0x0(%esi),%esi
0x8048440 <main+80>: leave
0x8048441 <main+81>: ret
0x8048442 <main+82>: lea 0x0(%esi,1),%esi
0x8048449 <main+89>: lea 0x0(%edi,1),%edi
End of assembler dump.
Travaillant quasi-exclusivement avec du logiciel libre, je connais mal les
technique de déplombage et de décompilation. Vous aurez cependant compris qu'il
est bien plus difficile de comprendre ce que le programme fait, et de le
modifier pour le corriger, le faire évoluer, ou l'adapter aux besoins, si on ne
dispose pas de son code source.
Comment procéderiez-vous pour aller
jusque 12 et non 10, en disposant:
- du code source?
- du code binaire?
- d'un déboggeur?
Même question pour calculer les puissances quatre,
travailler par incréments de deux, etc.
Cet exemple peut sembler bébête
et taillé sur mesure. Il en est exactement de même avec la plupart des
programmes. Nul besoin d'assimiler toute l'architecture de l'arborescence de
fichiers pour intervenir sur un point de détail précis. J'ai un atelier à ce
sujet utilisant le jeu affenspiel, et récemment à titre personnel j'ai compris
une limitation un peu laconique d'un jeu vidéo de cette manière.
Ne
diffuser que la version binaire, compilée, d'un programme revient donc à ériger
un obstacle gratuit et artificiel pour restreindre la souplesse d'utilisation de
ce produit par autrui.
2.2 Système d'exploitation, applications
Le système d'exploitation est assez
distinctement séparé des applications sur les systèmes Unix. Il s'agit de la
couche de virtualisation logicielle qui s'interface entre les programmes et les
ressources de la machine: elle a pour tâche de reconnaître le matériel et le
gérer.
Ainsi, on accédera à n'importe quel modèle de moniteur, de carte
vidéo ou de disque dur de la même manière, et le même programme fonctionnera sur
des systèmes différents.
Les applications sont les programmes destinés à
l'utilisateur.
Le logiciel libre est traditionnellement bon et riche en
logiciels plus proches du système, mais il se dote peu à peu d'une bibliothèque
de programmes applicatifs de plus en plus fournie et convaincante.
3 Aspects juridiques
3.1 Théorie
I-A-N-A-L. C'est
une mise en garde classique en anglais: je ne suis pas un avocat. Vous trouverez
sans dommage un mathématicien, professeur ou étudiant, pour vous soutenir en
s'engageant que deux et deux font quatre, ou qu'en plaçant des poutres de cette
manière votre toiture supportera sans problème telle épaisseur de
neige.
Je crains qu'il soit autrement plus difficile de trouver un
juriste qui soutienne quoi que ce soit. Les lois changent au gré des rapports de
force, les juges les interprètent de manières diverses, et on observe même des
revirements de jurisprudence. J'en ai conclu --- peut-être de manière
simplificatrice et abusive --- qu'il n'est nulle vérité absolue dans ce
domaine.
J'exposerai ici ce que j'ai compris et retenu de diverses
lectures et exposés sur le sujet. Il s'agira évidemment de droit américain,
puisque c'est historiquement et économiquement le territoire de développement
privilégié des questions logicielles.
Un logiciel est soumis dès sa
création, même s'il ne sort pas du tiroir, au droit du copyright. Ce copyright
donne par défaut tous les droits classique à son auteur, tels que celui d'en
interdire la production de copies ou d'exiger une taxe à chaque copie
effectuée.
Il peut également soumettre l'utilisation du logiciel à des
conditions plus ou moins aberrantes ou discriminatoires.
Ce droit se
vend; on n'en conserve alors plus rien. Ni droit de repentir ni droit moral.
C'est le transfert de copyright.
Si l'on souhaite placer un logiciel sous
des conditions d'utilisation et de diffusion différentes, on peut l'accompagner
d'une licence, que l'utilisateur final devra ou non, selon les pays ou les
époques, accepter sciemment et explicitement.
Les oeuvres tombées ou
placées dans le domaine public peuvent être utilisées par quiconque de la
manière qu'il le souhaite. Il peut les revendre sous son propre copyright, les
travestir, les modifier, etc.
Le logiciel libre n'est pas libre de
droits. Les auteurs de logiciels libres, même s'ils émettent des réserves quant
à l'arsenal juridique actuellement en place sur les questions de copyright,
exploitent ce dernier pour arriver à leurs fins. Un logiciel libre utilise donc
le droit du copyright pour imposer certaines conditions de diffusion à tous. Si
on ne les accepte pas, par défaut on n'a aucun droit sur la création
intellectuelle d'autrui, et on retombe dans le schéma classique, autrement plus
restrictif.
3.2 Limites
En France et en
Europe on a d'autres droits, le droit latin notamment prévoit une partie
patrimoniale et une partie morale au droit d'auteur.
Il y a également la
question des langues (en France une traduction en français est obligatoire, le
contrat de licence devrait donc peut-être l'être pour avoir une quelconque
valeur).
4 Les grandes familles de licences
4.1 Le logiciel privé
Le
logiciel privé est le logiciel majoritaire en volume de par le monde. C'est du
logiciel que l'on produit et garde par devers soi (ou remet contre rétribution
au commanditaire ou client qui a passé commande dans le cas d'une société de
services). Il n'est jamais diffusé à des tiers, les questions de conditions de
diffusion ne se posent donc pas.
4.2 Le logiciel propriétaire
On appelle logiciel propriétaire tout logiciel
qui n'est pas libre. Il s'agit probablement du logiciel auquel vous êtes
habitués: il est fréquent qu'il soit payant, et/ou fourni sans code source,
et/ou avec interdiction de le recopier et de le diffuser à des tiers, de manière
lucrative ou non.
4.3 Le logiciel libre
Le
logiciel libre est un terme parfois galvaudé (et l'Open Source Initiative
n'ayant pas réussi à déposer la marque, cette autre dénomination n'apporte pas
non plus la solution).
Les entités principales traitant et théorisant sur
le sujet sont la Free Software Foundation, ancienne (créée en 1984), solide et
réfléchie, et l'Open Source Initiative, plus récente et brouillon.
Toutes
deux proposent des définitions permettant de décider si la licence d'un logiciel
en fait un logiciel libre (FSF) ou un logiciel Open Source (OSI). Leurs sites
Web respectifs dressent également la liste des licences les plus répandues
qu'ils ont analysées et les classent en deux catégories.
L'examen de ces
listes montre que ces deux définitions formelles, fort différentes (la
définition du logiciel libre compte quatre conditions fort simples, inchangées
depuis toujours et la définition de l'Open Source compte une petite dizaine de
conditions tarabiscotées et en est à la version 1.9) sont quasiment équivalentes
(l'APSL, licence peu utilisée qui nie le droit à la vie privée, est compatible
OS mais pas libre au sens FSF).
On traite donc des mêmes objets sous des
noms différents. Cet éclairage a quand même son importance quant aux éléments
mis en avant: la FSF traite avant tout de la liberté de l'utilisateur, l'OSI
adopte un point de vue de technicien. Leurs slogans pourraient être «Liberté,
Égalité, Fraternité» et «Rentabilité, Efficacité, Fiabilité».
Il existe
plusieurs dizaines de licences de logiciels libres, plus ou moins heureuses,
plus ou moins utilisées, répandues et importantes, et elles se divisent en deux
grandes classes.
4.3.1 Les licences copyleft
Copyleft, ou «gauche d'auteur» est un jeu de mot
expliquant que le principe du copyright est utilisé contre l'esprit original du
copyright: une oeuvre diffusée sous licence copyleft est fournit avec certaines
libertés (comme celles de l'utiliser, la copier, la modifier, la diffuser) et
l'obligation de ne jamais priver autrui de ces mêmes libertés.
Cela
implique notamment que toute copie remise à un tiers devra être placée sous la
même licence, et proposer le code source si ce tiers le
demande.
L'exemple le plus connu de ces licences est la licence phare de
la FSF, la GPL, ou General Public License de GNU, couvrant la majorité des
projets logiciels libres. La FSF propose également une licence LGPL,
originellement pour les bibliothèques de programmation et dont l'utilisation est
désormais découragée (elle permet de faire une édition de liens avec des
programmes propriétaires sous certaines conditions), et la GFDL, qui est le
pendant de la GPL pour les documentations techniques.
Il est en
particulier possible à un tiers de vendre un programme sous GPL, d'en tiret de
substantifiques profits, et de n'en rien reverser à l'auteur original. Ceci est
voulu: plus le logiciel dispose de médias de diffusion, plus il sera accessible
à tous. Le but de la FSF n'est pas de protéger les auteurs ou d'assurer leurs
moyens de subsistance. Qui plus est, dans la plupart des cas cela impliquerait
des comptes d'apothicaire impossibles à mener à bien, notamment dans le cas de
nombreux auteurs ou des compilations. Une association pourra ainsi sans problème
graver des CD et les revendre à ceux qui ont un accès Internet limité sans
aucune paperasserie.
4.3.2 Les autres
licences
Parmi les autres licences de logiciels libres, les
plus importantes historiquement et en volume sont les licences dites BSD ou X,
très courtes et simples, utilisées par de nombreux projets logiciels et
notamment pars les BSD libres (FreeBSD, NetBSD, OpenBSD).
La grande
différence est qu'il est possible de partir d'un logiciel sous ces licences, de
le retravailler, et de le diffuser sous forme propriétaire, binaire seulement,
en se contentant de le signaler dans un petit coin de la documentation. C'est ce
qu'a fait Microsoft dans des Windows récents pour quelques programmes, et c'est
ce qu'a fait en particulier Apple avec Mac OS X, inspiré des BSD
libres.
L'utilisateur peu averti ne sera donc pas protégé malgré lui, et
pourra faire l'erreur de se laisser séduire par une version propriétaire d'un
tel programme, pour lequel seul son éditeur pourra ensuite, éventuellement, lui
proposer des correctifs.
5 La liberté selon la
FSF
La FSF propose une définition simple et directe de la
liberté du logiciel: un logiciel est libre si et seulement si il propose quatre
libertés précises à son utilisateur.
5.1 Les quatre critères de la liberté
- Liberté d'utiliser le logiciel, pour tout moyen. Ceci est acquis par
défaut et ne nécessite nullement que l'utilisateur accepte implicitement ou
explicitement la licence.
- Liberté d'étudier le logiciel et son fonctionnement et de l'adapter à ses
besoins. Il faut donc pour cela pouvoir accéder au code source. C'est
l'«Égalité» de tous devant le logiciel.
- Liberté de faire des copies du programme et de les remettre à ses amis,
liberté d'aider le voisin. C'est la composante «Fraternité», et c'est une
composante importante des idées véhiculées par la FSF. Les questions de
rentabilité ou de financement des programmeurs ou des éditeurs de programmes
passent au second plan derrière cela: ce n'est pas le problème de la FSF, même
si elle peut suggérer des réponses.
- Liberté d'améliorer le programme et d'en diffuser des versions modifiées
pour que tous en profitent. Ainsi on crée une dynamique de communauté, ce que
le créateur de la FSF a toujours voulu suite au démantèlement de son
laboratoire de copains.
5.2 Les types d'oeuvres et les
conséquences
Richard Stallman distingue plusieurs types
d'oevres, et pense qu'elles relèvent de problématiques différentes dans le droit
du copyright:
- les oeuvres fonctionnelles, telles que les recettes de cuisine, les
documentations techniques, les logiciels. Elles sont interchangeables, tant
que la nouvelle version remplit le même besoin. Il convient de les diffuser
selon les conditions du logiciel libre, et si possible sous copyleft.
- les oeuvres d'opinion, telles que les mémoires, les manifestes, les
prises de position. Il convient d'en autoriser la copie verbatim, gratuitement
ou non, pour en encourager la diffusion, mais toute modification du contenu
est évidemment interdite.
- les oeuvres artistiques, pour lesquelles la situation est moins
claire. De nombreux classiques sont inspirés d'oeuvres de leur époque depuis
tombées dans l'oubli: Shakespeare, La Fontaine, ... On peut souhaiter en
autoriser la diffusion non commerciale par exemple; elles ne sont en effet pas
interchangeables.
6 Historique
Le logiciel
libre est un exemple unique dans l'histoire de l'humanité de collaboration
internationale par un grand nombre d'individus qui aboutit à un résultat très
riche et complexe. Il y a d'un point de vue ingénierie de nombreuses pertes,
déchets, redites, mais cela garantit une certaine qualité et la sélection
naturelle s'exerce pour conserver en général les meilleures
solutions.
Ceci est rendu possible grâce à Internet, qui permet de copier
autant de fois que l'on veut, pour un prix dérisoire et d'un bout à l'autre de
la planète, des volumes d'information d'une valeur ajoutée parfois
considérable.
6.1 Internet
Internet et
Unix ont démarré dans les années 1970. Internet était d'abord un réseau
militaire, conçu de manière décentralisée pour résister à une attaque nucléaire.
Il s'est peu à peu répandu dans les universités dans les années 1980 puis le
grand public dans les années 1990.
Quel que soit votre centre d'intérêt,
aussi pointu et spécialisé soit-il, vous serez pratiquement assuré de trouver
sur Internet d'autres mordus qui le partageront et auront déjà mis en place des
documents et médias de communication à ce sujet. Qu'ils soient aux antipodes n'a
presque aucune importance: c'est ce qu'on appelle le Village Global. La
géographie ne vous contraint plus.
Si tu apportes une orange et moi une
pomme et que nous les partageons, nous avons chacun deux demi-fruits. Si tu
apportes une idée et moi un concept et que nous partageons, nous avons chacun
deux informations. Tout est là.
Au début des années
1980, Richard Stallman a eu la douleur de voir l'industrie naissante de la
micro-informatique vider le laboratoire d'intelligence artificielle du MIT de
tous ses amis, et créer en quelque sorte le logiciel propriétaire.
Jusque
là le logiciel était naturellement montré aux copains, partagé, fourni avec les
machines. Quand il s'est avéré que c'était un poste lucratif, la donne a
changé.
Il a résolu de changer le monde et s'est retroussé les manches,
en commençant de rien. Il a codé pièce par pièce un système Unix libre et
complet, GNU, sous les moqueries de ceux qui pensaient à raison qu'il s'attelait
à une tâche titanesque. C'était compter sans son grand talent de programmeur,
qui lui a valu de nombreux prix, et le fait que de plus en plus de monde l'a
rejoint dans cette tâche.
Tous les outils système étaient prêts au début
des années 1990, à l'exception du noyau, coeur du système. RMS et le projet GNU
ont alors fait un choix techniquement osé, et mauvais tactiquement, et leur
noyau Hurd n'est toujours pas pleinement fonctionnel de nos jours.
En 1991, un jeune
étudiant en informatique finlandais appelé Linus Torvalds, souhaitant disposer
de la puissance d'Unix sur son petit ordinateur personnel, a commencé la
programmation d'un noyau selon d'autres choix techniques.
Il a
rapidement trouvé que GNU complétait fort bien son oeuvre. Le rêve de Stallman
prenait corps: il était possible d'utiliser un ordinateur en ne faisant appel
qu'à des logiciels libres.
C'est la raison pour laquelle la FSF souhaite
que nous nous référions au «système Linux» sous le nom «GNU/Linux».
6.4 Open Source
Internet se
développait à grands pas aux USA, et l'Europe suivait avec quelques années de
retard: la presse avait trouvé un nouvel os, et les fournisseurs d'accès grand
public se multipliaient dans les années 1990.
C'est le cocktail magique
qui a permis que tout explose, et les projets applicatifs ambitieux se sont peu
à peu montés sur la base GNU/Linux.
Une poignée d'Américains souhaitait
redorer l'image de marque et améliorer la visibilité de «Linux» et a créé
l'«Open Source Initiative» pour éviter d'utiliser le terme ambigu «free» en
anglais en 1998, suite à une décision de Netscape de libérer leur navigateur
dans leur guerre avec Internet Explorer, le navigateur de Microsoft.
7 Aspects humains et psychologiques
7.1 La motivation, la concurrence
Tout le monde a accès aux mêmes informations ---
évidemment, ceux qui ont plus d'expérience, qui ont écrit le code eux-même, ou
qui ont des baes théoriques plus solides ou un esprit plus vif sont avantagés.
Tout le monde travaille donc dans la plus parfaite transparence, et seuls les
critères techniques sont utilisés pour les jugements de valeur.
Les
projets se tirent parfois la bourre (tels que GNOME et KDE, deux environnements
de bureau). Des programmeurs doués font des concours de chevilles enflées. C'est
l'émulation généralisée.
De plus, travailler sur un projet copyleft est
une motivation essentielle pour certains, qui vivraient mal que leur
contribution tombe sous des fourches caudines.
Les passagers clandestins
sont nombreux, et on est toujours le passager clandestin d'un autre projet.
Qu'importe: aussi incroyable que cela pouvait paraître dans les années 1980, au
début de GNU, il est possible que des milliards de dollars d'équivalent
industriel en développement logiciel s'écrivent tous seuls. Et jusqu'à présent
il a toujours existé suffisamment de contributeurs pour cette dynamique
continue; après tout les passagers clandestins ne privent personne de
rien.
7.2 Les communautés
C'est
ainsi que se montent et évoluent un certain nombre de petites communautés autour
de projets logiciels. Quelques chefs de projet autoritaires et charismatiques,
une poignée de développeurs principaux, et une armée de débogueurs, utilisateurs
exprimant plus ou moins bien leurs souhaits, les constituent.
Aussi
incroyable que cela paraisse, tout cela tourne, et c'est expliqué dans les
essais d'Eric Raymond sur CatB.org, notamment dans The Cathedral And The
Bazaar.
8 Aspects industriels
Nous
avons vu que que le logiciel libre avait une définition technique et éthique, et
que les aspects économiques passaient au second plan. Question de
priorités.
Il n'en demeure pas moins que ce bouillon de culture
psychologique a des effets secondaires très intéressants dans un contexte
industriel.
8.1 Les business plans
Il
est beaucoup plus difficile, presque impossible, de faire de l'argent en vendant
des licences de logiciels.
Et alors?
Environ 5% des programmeurs
dans le monde ont un salaire qui dépend directement de ce type de vente. La
plupart des autres font du service, de la maintenance, ou développent des
programmes à façon (du logiciel privé).
De plus, les incompatibilités
entre les différents systèmes, impossibles à éviter en l'absence du code source
pour vérifier que personne ne triche et de toutes manières tolérées par les
législateurs, ont abouti à une situation de Winner Takes All, avec une
oligopole confinant au monopole. D'un point de vue économique, les ventes de
licences constituent des fuites de capitaux pour engraisser des géants. C'est
une forme d'impôt nouveau, régulièrement prélevé.
8.2 Intérêts du logiciel libre
Quoi que certains en pensent, je ne suis pas convaincu
que la liberté soit un élément qui ait la moindre importance dans aucune
entreprise d'une certaine taille.
Le logiciel libre confère cependant
trois indépendances, toutes trois fort intéressantes:
- une indépendance technique: si le fournisseur change ses conditions
de maintenance ou son service après-vente de manière unilatérale, ou se
comporte de manière insupportable, il est envisageable d'en changer si l'on
dispose du code source (surtout si ce dernier correspond à un logiciel libre
non privé, publié sur Internet et susceptible d'être connu par d'autres). On
pourra au pire faire l'effort de rentrer dans le code.
La revue des
pairs ne confère pas une qualité parfaite et maximale: on trouve régulièrement
des failles de sécurité grotesques, conséquences d'erreurs d'inattention que
personne n'a pris la peine de lire par la suite. Le corpus est énorme; on
compte des millions voire des milliards de lignes de code. Mais une telle
sécurité n'est possible que pour quelques agences gouvernementales richement
dotées car elle suppose une revue exhaustive et poussée du code par des
spécialistes.
Dans le cas pratique qui nous intéresse, le logiciel
libre est la solution approchée la meilleure qu'on puisse espérer étant
données les contraintes du monde physique et les ressources
limitées.
Les communautés réagissent très vivement aux bogues les plus
graves ainsi qu'à la plupart des remarques ou des questions, et produisent des
logiciels généralement de fort bonne tenue.
Un particulier pourra
tenter sa chance dans le code, poser la question sur Internet, ou demander au
cousin ou au fils de la concierge de lui donner un coup de main. Il ne sera
plus frustré par des services techniques incompétents qui se fichent du
monde.
- une indépendance politique par rapport aux pays des grands éditeurs
de logiciels, qui peut avoir son importance pour les États ou les grandes
entreprises.
- une indépendance économique enfin, car il est souvent possible et
facile d'obtenir du logiciel libre de manière gratuite, sans être l'otage des
éditeurs, de leurs mises à jours, de leurs bogues savamment mis en place pour
nous forcer la main, et de leurs prétendues assistances.
8.3 Le coût du passage
Si
on a la malchance de ne pas partir de zéro et d'avoir un corpus documentaire ou
des habitudes prises sur systèmes propriétaires, le passage au logiciel libre
sera plus difficile et nécessitera un certain investissement ou une motivation
solide.
Après tout, les conseillers en communication des éditeurs
propriétaires distillent au compte-gouttes les couleuvres qu'ils font avaler
année après année à leurs utilisateurs, et prennent garde de procéder
progressivement, sans jamais franchir la ligne jaune. Il faut un peu de recul et
d'analyse pour voir la tendance générale et craindre pour l'avenir du traitement
d'informations, qui occupera un part de plus en plus centrale dans les
vies.
9 Aspects
administratifs
Les habitudes sont dures à perdre,
l'informatique fait peur à tout le monde, ennuie les politiciens, et les lobbies
du logiciel propriétaire ont compris depuis les années 1980 qu'il ne fallait
plus rigoler. Ils mettent en place des cellules de surveillance et accordent une
extrême attention à ces questions, tous les moyens sont bons. Il y a énormément
d'argent et de pouvoir en jeu.
Certains souhaitent imposer par voie
légale, par exemple dans les appels d'offre, le logiciel libre. Après tout, on
impose bien aux industriels de l'agro-alimentaire d'afficher la liste de leurs
ingrédients. Les changements de gouvernements et les pressions aidant, on fait
souvent trois pas en avant pour deux pas en arrière.
Donnons une liste
non exhaustive de liens et de lieux où les discussions ou des annonces publiques
ont lieu ou ont eu lieu sur ces sujets:
- Projets de loi en France et en Belgique:
http://wiki.april.org/Terminologie
- Projets de loi en Belgique:
http://wiki.ael.be/index.php/ProjetOrdonnanceLibre
- L'Inde se déclare neutre:
http://groups.google.com/groups?selm=Pine.LNX.4.50.0304040352100.7055-100000%40news.goa.bytesforall.org
- Extrémadurie:
http://www.washingtonpost.com/ac2/wp-dyn/A59197-2002Nov2
- Résolution de l'université de Buffalo à New York:
http://orange.math.buffalo.edu/csc/resolution2_april2003_approved.html
- Costa Rica:
http://groups.google.com/groups?selm=Pine.LNX.4.50.0304080220090.3447-100000%40news.goa.bytesforall.org&output=gplain
10 Les prochains défis à relever
10.1 Documentation technique
Richard Stallman avait 15 ans d'avance en 1983, et
de nos jours il souhaite étendre le mouvement du logiciel libre aux
encyclopédies, aux manuels scolaires, et aux documentations techniques de
manière générale.
10.2 Ne pas se laisser distancer
Les logiciels propriétaires font de la surenchère
de fonctionnalités et d'apparence. La plupart du temps, c'est inutile: à quoi
bon avoir des boutons en 3D et des reflets? Qui utilise la plupart des
fonctionnalités des mammouths logiciels qu'il utilise? Les ordinateurs de la
conquête spatiale de 1969 étaient moins puissants que nos actuelles
calculatrices, les monstres que nous utilisons pour jouer à de petits jeux
futiles leur feraient bien envie.
Ce discours a beau être juste, c'est un
combat d'arrière-garde. Quoi qu'on dise, il faut être sexy pour avoir une chance
de tenir le haut du pavé, et ne pas se laisser distancer même par les nouveautés
futiles.
Il faut également veiller à comprendre en permanence les formats
de sauvegarde abscons utilisés par les logiciels propriétaires, évidemment non
ou mal documentés, ainsi que les protocoles de communication réseau si l'on veut
avoir une chance d'interopérer.
Chaque
génération, chaque classe d'âge, compte une fraction d'individus doués pour
l'ordinateur et la chose informatique. J'ai eu la chance de manipuler des micros
8 bits des années 1980. Même s'ils étaient peu puissants et si leurs langages de
programmation me font aujourd'hui sourire, ils m'ont formé et permis de faire
mes premières armes. Une majorité des étudiants et des professionnels de
l'informatique sont des bébés-micros.
Une génération entières a été
gâchée dans les années 1990 par le fait que les seuls ordinateurs vendus dans le
commerce ne fournissaient pas par défaut d'environnement de programmation. Ils
en étaient réduits à exercer leur curiosité et leur malice à des stupidités
telles que la manipulation astucieuse des suites bureautiques ou des outils de
configuration du système. Quel gâchis.
Il sera plus difficile de
sensibiliser les utilisateurs passifs, qui ne veulent pas entendre parler de
choses compliquées et pour qui l'ordinateur n'est qu'un outil capricieux mais
incontournable, à ces questions. L'intérêt leur sera moins évident et immédiat,
et le coût du passage les rebutera. Je n'aurai jamais le temps d'exciter leur
curiosité et leur patience suffisamment pour leur expliquer suffisamment de
choses sur lesquels je souhaiterais qu'ils s'interrogent avant d'être classé
doux dingue illuminé.
Ils forment néanmoins l'essentiel du peloton, Et ce
sont peut-être d'autres exemples, tels que ceux que je vais maintenant donner,
qui les aideront à comprendre l'importance et la portée de la maîtrise du
traitement automatique des informations.
10.4 Les brevets
logiciels
Les brevets logiciels sont une autres perversion
moderne des anciennes lois ayant mis en place les patentes et le droit d'auteur.
Ils sont copieusement détournés de leur but premier par les grandes
multinationales avec la complicité de bureaux des brevets qui ne s'acquittent
pas de leur tâche. Ils permettent d'écraser un astucieux petit concurrent avec
une menace de procès (qui serait perdu par la grande entreprise s'il était mené
à terme et si le petit avait les moyens de se défendre). Certains permettent
l'évasion fiscale, et ne sont ainsi jamais utilisés en justice. Ils représentent
un très mauvais moyen d'évaluer l'innovation et le capital intellectuel d'une
entreprise, mais c'est l'un des seuls dont on dispose: on préfère donc
l'utiliser plutôt que de remettre en question les procédures
d'évaluation.
Le copyright ne protège pas les idées, mais leur
expression. On peut écrire un livre d'histoire libre relatant les mêmes
événements qu'un livre d'histoire propriétaire à condition de le rédiger à
nouveau.
Le brevet logiciel protège les idées, et parfois les plus
simples et les plus absurdes. Un Australien aurait récemment déposé un brevet
sur la roue, en la décrivant en des termes pompeux. Les exemples grotesques
abondent.
Le brevet logiciel est une épée de Damoclès, un instrument de
terreur: il est impossible de savoir ou de garantir qu'un code n'en viole aucun,
et le détenteur du brevet peut frapper à tout instant, y compris des années plus
tard. Le logiciel libre est particulièrement fragile car il est très aisé de
montrer, en examinant le code source publiquement affiché, qu'il utilise une
technique brevetée.
Un brevet pourra interdire à tout logiciel libre
d'implémenter une technique de codage ou décodage d'image, de musique, de vidéo,
interdisant ainsi au logiciel libre de proposer les mêmes fonctionnalités que le
logicie propriétaire.
Si l'on avait appliqué les idées du brevet logiciel
à la musique des siècles passés, Bach ou Beethoven n'auraient rien pu écrire:
leurs innovations ne pouvait s'exprimer qu'au sein d'une oeuvre empruntant aux
autres morceaux de l'époque, des idées musicales.
Le brevet logiciel
n'est pas l'ennemi du logiciel libre, c'est l'ennemi de l'innovation. Aucune
étude économique ne conclut qu'il peut la favoriser, c'est pourtant le leitmotiv
sans cesse répété par ses défenseurs. C'est la consécration de la loi du plus
puissant, au détriment de l'intérêt de la majorité. Il concerne toutes les PME,
qu'elles fassent ou non du logiciel, libre ou non.
Les multinationales
américaines font pression depuis plusieurs années pour que l'Europe rende le
logiciel brevetable. Il ne l'était pas, même si cela était régulièrement
contourné et transgressé. Eurolinux, FFII et EUCD.info sont des sites Web
d'information sur ce sujet ou des sujets proches.
Note: tout ceci ne
préjuge en rien de l'intérêt ou non du brevet dans d'autres domaines que le
logiciel.
11 Quelques exemples dans d'autres
domaines
Le logiciel système est rébarbatif et réservé aux
passionnés de technique et autres professionnels de l'informatique.
Même
les logiciels applicatifs sont ennuyeux: un traitement de textes écrit des
lettres, un tableur fait de la comptabilité.
Le logiciel n'est pas une
fin en soi. De même que ces émissions de télévision qui parlent d'autres
émissions de télévision dans une spirale nombriliste vaine et sans fin, le média
de l'ordinateur et de l'Internet n'a d'intérêt que s'il parle de la vraie
vie.
L'alchimie créative Internet + communautés réparties en villages
globaux + motivation psychologique de participer plus vite, plus haut, plus fort
que le voisin n'est pas propre au logiciel libre, même si pour l'instant c'est
sans doute le domaine où les créations sont les plus convaincantes.
Elle
vaut pour toutes les informations à forte valeur ajoutée qui peuvent circuler
sur Internet et être compilées par une communauté éparse mais organisée.
Commençons par
une exception: les jeux vidéo. Ce sont techniquement des logiciels, mais ils ont
pour but de divertir, de détendre. Ne nous voilons pas la face, ne jouons pas
les sainte-nitouches en feignant réserver cette activité légère aux enfants: de
plus en plus d'adultes jouent au jeux vidéo, qu'ils ont connus petits, et les
autres jouent à d'autres jeux, guère plus intellectuellement stimulant, mais
socialement mieux acceptés.
L'homme est fait pour jouer, c'est le pêché
originel qui l'a condamné au travail. Dont acte!
Il me faut reconnaître
ici que les jeux en logiciel libre ne sont pas vendeurs. Historiquement, les
fous d'informatique ne se sont pas privés de coder des amusettes en parallèle
des logiciels système. De manière peu inattendue, ces divertissements
reflétaient leurs goûts, qui ne sont en aucun cas ceux du grand public. Ils ont
d'exceptionnelles qualités ludiques, on peut se passionner pour des caractères
se déplaçant sur l'écran en noir et blanc et y consacrer des nuits et des mois,
mais vous m'accorderez que ce n'est pas vendeur.
La situation a progressé
depuis, et on trouve quelques jeux plus présentables, capables d'exciter
l'intérêt sans d'abord obliger à s'y plonger et à franchir l'obstacle
psychologique d'une interface fruste. Ce sont des jeux en 2D, au niveau
technique de ce qui se faisait dans les années 1980.
Les développeurs
sont souvent bénévoles, travaillant sur leur temps libres (quelques autres
projets de logiciels libres majeurs sont partiellement financés par de grandes
sociétés). Ils n'ont absolument pas accès aux moyens et aux studios nécessaires
à la création des jeux modernes.
Les jeux les plus vendeurs (et non pas
forcément les plus ludiques) sont à mon sens FreeCiv, clone de Civilization, et
FreeCraft, clone de WarCraft II.
11.2 Encyclopédies
C'est la
nouvelle frontière. Un responsable de WikiPedia a même promis que d'ici 10 ans
les encyclopédies propriétaires auraient vécu et qu'il leur souhaitait de
crever, car les encyclopédies libres auraient été complétées et bien
meilleures.
Nupedia est une encyclopédie très sérieuse, avec un long
processus de rédaction, revue, correction, commentaires, par des spécialistes
des domaines. Elle compte pour l'instant quelques dizaines
d'articles.
WikiPedia est un projet qui a vu le jour suite à une
frustration de la lenteur de la progression de Nupedia. Wiki est un protocole
permettant d'écrire un document à plusieurs sur interface Web; certains des
liens donnés ici sont des Wiki. Elle a rapidement eu un succès foudroyant, et sa
version anglaise compte depuis le 15 janvier 2001, plus de 114 mille articles à
ce jour, dont la plupart sont très corrects.
Des traductions partielles
existent en plusieurs langues, mais à ce niveau il est bien plus facile de lire
l'anglais: c'est après tout la langue qui permet à des gens du monde entier de
communiquer, et les Français sont particulièrement favorisés dans
l'apprentissage de l'anglais étant donnée sa similarité avec leur langue
maternelle.
On trouve encore une «encyclopédie» musicale, présentant des
partitions. Les règles de droit d'auteur sévissant en musique sont encore plus
dures que dans d'autres domaines, cette encyclopédie se résume donc à
d'anciennes partitions, qui ont plusieurs siècles, mais à ce jour le projet
Mutopia compte 274 morceaux.
11.3 Littérature
Aux
États-Unis, aucune oeuvre n'est tombée dans le domaine public depuis la deuxième
guerre mondiale, et certains prédisent que plus jamais, plus aucune oeuvre n'y
tombera: les majors concernées exercent en effet un lobby intense pour prolonger
régulièrement la durée du copyright, avec effet rétroactif. Cela s'est produit
plusieurs fois au vingtième siècle, à chaque fois que le personnage de Mickey
Mouse menaçait de pouvoir être utilisé librement sans l'autorisation de Disney
--- il a donné son nom à ce phénomène. Ce ne sont pas les seuls; la France a
procédé de même dans les années 1990, passant de 50 à 70 ans après la mort de
l'auteur avec effet rétroactif, et le Petit Prince n'est toujours pas
domaine public à cause de cela.
De plus, la charge de la preuve est
malheureusement dans le camp de celui qui souhaite utiliser une oeuvre: à lui de
vérifier la date de la mort de l'auteur, s'il a été prisonnier de guerre, les
autres cas particuliers. Les États, qui prêtent le concours de leur force
publique au respect des ponctions des ayants-droits et de leurs caprices en
matière de représentations de l'oeuvre de leur grand-père ou aïeul, ne proposent
pas pour autant une liste exhaustive et officielle des oeuvres protégées et de
l'instant précis où elles tombent dans le domaine public. Dans le doute, il
convient donc d'attendre un peu plus...
Le projet Gutenberg, démarré dans
les années 1970, est le fait d'un homme qui a eu l'idée géniale de numériser la
littérature américaine domaine public. Ils ont commencé doucement, les
ordinateurs de l'époque disposant de faibles capacités, par les textes qui leur
tiennent à coeur: déclaration d'indépendance, divers discours de présidents
célèbres. Ils ont ensuite passé près de 10 ans sur la seule Bible, et depuis les
années 1990 tout s'emballe et le nombre de livres disponibles croît sans cesse,
avec une liste d'attente de promesses sur plusieurs années. Fin 2002, il y avait
plus de 6200 livres numérisés, dans plusieurs langues. Je regrette toutefois
leurs choix techniques en matière de représentation des accents, en anglais ou
dans les langues étrangères comme le français.
Le principe du projet
Gutenberg est qu'une personne se charge entièrement d'un livre qui lui plaît, ce
qui peut être très long. C'est alors que voici peu, un autre homme a eu une idée
géniale: distribuer le travail pour chaque livre, page par page, sur l'Internet.
Distributed Proofreading étaient né. Le principe est de massicoter des volumes
anciens mais sans valeur, de mettre le tas de feuilles qui en résulte dans un
chargeur automatique de scanner, et de lancer le programme de reconnaissance
optique de caractères (ROC). En quelques minutes, on dispose d'une version texte
des pages de très bonne qualité. Les photos et leur ROC sont ensuite mises sur
le serveur et relues et corrigées manuellement par ceux qui s'inscrivent pour
cela. Après deux passes et la mise en place de certaines conventions de codage,
les pages de texte sont rassemblées par des volontaires.
L'équivalent
français de ces questions est l'Association des Bibliothécaires Universels mais
elle semble morte depuis plus d'un an et je regrette leurs contraintes en
matière de licence. Le projet Gutenberg s'attaque désormais aux livres en
langues étrangères dont le français de toutes façons. Signalons également que le
projet Gallica de la BNF propose la numérisation de nombreux livres sous forme
d'images, et de certains sous forme de texte.
DMOZ est un
répertoire (directory) collaboratif: il permet d'organiser les
informations disponibles sur le Web de manière hiérarchique, avec des
commentaires sur la valeur des pages ainsi pointées.
Usenet est un
sous-réseau d'Internet très actif depuis les années 1970. Au début, il ne
fonctionnait pas toujours en temps réel, et les messages qui circulaient sur ses
groupes de discussion atteignaient parfois les différents endroits du globe avec
beaucoup de retard. On y trouve actuellement des milliers de groupes, traitant
de tous les sujets possibles. De nombreux groupes ont compilé au fil du temps
des Foires Aux Questions et des archives, cristallisant et synthétisant en
quelque sorte les discussions tenues. On trouvera la plupart de ces documents
sur FAQS.org.
On apprendra ainsi la route, hectomètre par hectomètre,
permettant de se rendre de Londres au lieu de tournage du Prisonnier.
Ou encore la liste des briques de Lego disponibles et leurs tailles au dixième
de millimètre près. On trouvera des centaines de rumeurs qui ont circulé et les
conclusions de l'enquête à leur sujet. Les professeurs de mathématiques soucieux
d'égayer leurs exercices ainsi que les animateurs de colonies de vacances s'y
inspireront avec joie. La somme de connaissances ainsi consignées semble infinie
--- mais attention de ne pas oublier l'esprit critique au vestiaire. J'ai appris
le point de vue des Créationnistes des USA: ils soutiennent que la Terre a
seulement quelques milliers d'années, et que Dieu dans la toute-puissance qui le
caractérise a mis en place des fossiles et réglé leur carbone 14 pour tromper
les chercheurs qui mettraient Sa parole en doute.
12 Bibliographie
(Ajouter
http://www. ou http:// devant les adresses
données. On trouvera sur
http://linuxshop.ru/linuxbegin/win-lin-soft-en/ une liste de
programmes libres pour remplacer un certain nombre de produits
propriétaires)
APRIL --- april.org. Association pour la
Promotion et la Recherche en Informatique Libre. Partenaire français de la
FSF.
AFUL --- aful.org. Association Francophone des
Utilisateurs de Linux et de Logiciels Libres. Plus récente qu'APRIL, plus
orientée Open Source, ciblant plus les institutions et le lobbying.
GNU
--- gnu.org. GNU's Not Unix. Projet de Richard Stallman de
construire un système compatible Unix entièrement libre.
FSF ---
fsf.org. Free Software Foundation.
FSF Europe ---
fsfeurope.org. Free Software Foundation, bureaux et actions en
Europe.
FSF France --- france.fsfeurope.org. Free
Software Foundation Europe. branche française.
Stallman.org ---
stallman.org. Écrits et prises de position de Richard Stallman
sur de nombreux sujets annexes et connexes aux logiciels et aux
ordinateurs.
Open Source Initiative --- opensource.org.
Campagne de marketing du logiciel libre sur des critères
techniques.
NUPEDIA --- nupedia.org. Encyclopédie libre
avec des procédures très strictes, comptant quelques dizaines
d'articles.
WikiPedia --- wikipedia.org. Encyclopédie
libre beaucoup plus souple, comptant plus de cent mille articles.
Mutopia
--- mutopiaproject.org. Projet de rassemblement des partitions
musicales de domaine public.
FreeCraft --- freecraft.org.
Jeu libre, clone de WarCraft II, capable d'en utiliser les graphiques mais
disposant de jolis graphiques propres.
FreeCiv ---
freeciv.org. Jeu libre, clone de Civilization.
Mozilla
--- mozilla.org. Navigateur libre, initialement issu de Netscape
Navigator, libéré en 1998.
KDE --- kde.org. Environnement
de bureau libre et tous ses outils.
GNOME --- gnome.org.
Environnement de bureau libre et tous ses outils.
Bochs ---
bochs.sf.net. Émulateur de machine virtuelle, permettant
d'employer un autre système d'exploitation à l'intérieur d'une
fenêtre.
Wine --- winehq.com. Émulateur de Microsoft
Windows permettant d'employer des applications Microsoft Windows sur d'autres
systèmes.
GIMP --- gimp.org. Programme de dessin d'art,
fonctionnellement équivalent à PhotoShop.
Gnumeric ---
gnumeric.org. Tableur libre, capable de lire et d'exporter des
données au format Excel.
Open Office --- openoffice.org.
Suite bureautique libre, capable de lire et d'exporter des données au format
Microsoft Word.
SourceForge --- sourceforge.net. Site Web
regroupant près de soixante mille projets de développement libres et plus de six
cent mille utilisateurs répertoriés.
Savannah ---
savannah.gnu.org. Site Web regroupant plus de 1500 projets de
développement libres et plus de quinze mille utilisateurs
répertoriés.
Knoppix --- knoppix.org. CD amorçable d'une
distribution GNU-Linux s'exécutant entièrement en mémoire, sans rien inscrire
sur le disque dur, avec détection automatique du matériel.
DemoLinux ---
demolinux.org. CD amorçable d'une distribution GNU-Linux
s'exécutant entièrement en mémoire, sans rien inscrire sur le disque dur, avec
détection automatique du matériel.
Debian --- debian.org.
Distribution de GNU-Linux comptant plus de 8700 paquetages logiciels et
développée de manière associative, avec un contrat social.
Linux Mandrake
--- linux-mandrake.com. Distribution de GNU-Linux mise au point
par une société parisienne.
Red Hat --- redhat.com.
Distribution de GNU-Linux mise au point par une société
californienne.
FreeBSD --- freebsd.org. Système BSD
libre.
NetBSD --- netbsd.org. Système BSD
libre.
OpenBSD --- openbsd.org. Système BSD
libre.
Kernel.org --- kernel.org. Site de distribution
officiel du noyau Linux.
Hurd ---
www.gnu.org/software/hurd. Noyau du système
GNU.
Eurolinux --- eurolinux.org. Site d'information sur
les brevets logiciels.
FFII --- ffii.org. Site
d'information sur les brevets logiciels.
EUCD ---
eucd.info. Site d'information sur les menaces concernant la
copie privée.
Project Gutenberg --- promo.net/pg. Site
Web centralisant la numérisation des oeuvres littéraires de domaine public,
principalement en langue anglaise.
Distributed Proofreading ---
texts01.archive.org/dp. Site Web distribuant le travail de
relecture de la reconnaissance de caractères de pages numérisées pour le projet
Gutenberg.
ABU --- abu.cnam.fr. Site Web centralisant la
numérisation des oeuvres littéraires de domaine public, principalement en langue
française.
Gallica --- gallica.bnf.fr. Organe de la
bibliothèque nationale de France proposant de nombreux livres sous forme
numérique, images et/ou texte.
DMOZ --- dmoz.org. Open
Directory Project: projet de répertoire libre du Web.
CatB.org ---
catb.org. Essais et réflexions sur le logiciel libre et Open
Source, ses modes de développement, etc.
FAQs.org ---
faqs.org. Collection de foires aux questions et d'archives de
groupes de discussion Usenet.
Ce document a été traduit de LATEX par
HEVEA.