Musée de la bd — Les Musées Imaginaires de la bande dessinée — Angoulême |
Une école de Bande dessinée
s'y était créée depuis plus d'un an, et ses qualités
réelles étaient fantasmatiquement gonflées de tous
les kilomètres qui m’en séparaient. Un concours long
et casse-couille me promettait une formation exceptionnelle pour cette
deuxième promotion de l'école (la première, de dix
élèves elle-aussi, comptait dans ses rangs Nicolas de Crécy
— qui était déjà bestialement bon — Alexios
Tjoyas, Roberto y Lazarillo de Tormes — pendu? — et
quelques autres types et typesses assez brillants qui travaillaient en
collaboration avec des élèves des Beaux-Arts — dont
le célèbre Paquito Bolino, fondateur du Dernier
cri — pour former un groupe d'oiseaux rares appelés «Les
amis»); seul le concours d'entrée était impressionnant
et pouvait faire illusion; l'enseignement était, lui, la plus sinistre
farce qu'on m'ait jamais jouée. Le principal enseignant avait dû se dire que le seul moyen d'obtenir un jour un niveau correct en bande dessinée était encore de kidnapper dix jeunes recrues brillantes par an pour lui filer des cours*; en effet, chacun des élèves lui étant risiblement supérieur, le sentiment quotidien d'absurdité de la situation allait grandissant. Je ne tardai pas à me barrer en courant de ce trou sordide, me demandant ce que j'étais venu y foutre. *Vous avez déjà vu les bandes dessinées de Gérald Gorridge quelque part, vous? On prétend qu'il a fini par aller donner ses cours à des petits vietnamiens ; ils ne se sont pas encore rendus compte que le côté touchant et exotiquement maladroit de ses gribouillis n'avait rien à voir avec un quelconque particularisme européen, mais j'aimerais pas être à sa place le jour où ils se rendront compte qu'on leur a refilé un tel cheval de labours. |