Il est d'usage de se foutre gentiment de la gueule
des bourgeois imbéciles qui choisissent un monochrome de
Klein parce qu'il va bien avec le bleu de la salle de bain; ici,
pourtant, on n'est pas très loin de cette organisation du
goût, la monumentalité des lieux dictant la monumentalité
des pièces.
«Bon, on va foutre quoi dans ce hall de gare, là? —
Je sais pas, y'a bien Kienholz,
non? Pas assez grand? Bin, ce serait pas mal un Serra, non, c'est
grand, Serra? — Allo, oui... Msieur Serra,
vous avez quoi de très grand? Ouaip. 8 mètres? Pas
mal, mais vous avez pas PLUS grand? Ah! Parfait, parfait! Vous avez
des amis qui font des trucs grands? Ouais... Grands, quoi...»
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Derrière la prétention affichée
dans le projet de donner un panorama exhaustif de l'art moderne
se masque mal la certitude hautaine qu'il ne saurait y avoir d'art
moderne qu'américain...
À tel point que quand on y expose Saura
on n'oublie pas de l'encadrer de trucs américains censés
avoir plus ou moins permis à cet indigène de penser
la peinture et de s'y exprimer ; on comprend assez vite que ce qui
motiva la présence de ce grand artiste est moins l'intérêt
qu'on a pu porter au travail artistique d'un espagnol que la peu
ragoûtante flatterie de la fibre locale, sans toutefois renoncer
à son inféodation à une supposée tutelle
américaine... |
L'avoir choisi mort rendra plus simple cette réécriture
biographique, l'espagnol mort étant taciturne comme chacun
sait. |