Matière à formes
(retaillé pour la lecture)

Matériel: une digital delay pour les saisies de boucles, un rack d'effets pour les différentes réverbérations, interface graphique/sonore de Daltex.

Quelles formes prennent nos créations?
Quand décide-t-on qu'une oeuvre est achevée,
qu'elle est à point
exemplaire?

Cet exemplaire est-il si original
qu'il aurait sa propre origine,
qu'il serait à ce point
unique
qu'il n'y en aurait pas d'autres
qu'il n'y aurait pas d'Autre?
Que cette origine
couperait court à toute
projection créative.

N'y a-t-il de création que la Création?
Les créations ne sont-elles pas
d'aimables
et d'admirables
recréations
fidèles ou infidèles, dures ou molles,
substantielles ou inconsistantes?

L'autorité d'un auteur ne réside
elle pas dans le pouvoir
qu'il prend à vouloir
le dernier mot, le mot fantasmé
d'une fin éblouissante?

Alors qu'être auteur
c'est avant toute chose
ne pas l'avoir été,
avoir observé
écouté
alentours.

(début de saisies en hold sur la delay, réverb sur le rack d'effet, premières interventions extérieures de l'interface de Daltex)

Il est légitime d'affirmer sa puissance.
Il est criminel d'asseoir son pouvoir.

Quelle est cette marque qui signe et
signifie par là même qu'elle se mesure
au Maître Etalon, à l'Inconnu Créateur?

Car pourtant l'Histoire n'est pas finie.
Et la découverte de la mort de Dieu,
son invention,
a bien été, pour qui sait lire, celle de l'Homme.
Une certaine idée de l'Humanité liée au Créateur.

Un créateur de formes ne créé rien d'autre
que ce qu'il découvre.
Ce qu'il invente est ce qui existe,
rien d'autre.
Il pointe le doigt et d'autres prennent la main
jettent un oeil
tendent l'oreille
ouvrent la bouche.

L'origine de la création est dans ce vide
qui fait apparaître la main dans une grotte d'avant l'Histoire.

Une antimatière.
Un réceptacle, un berceau, une tombe.
Le lieu de notre existence. Nous sommes fait auteurs
et de notre fait
créons cette illusion vitale
de nous y croire
créant le monde.

Le recréons.

Mais nous n'y sommes plus.
Y avons nous jamais été d'ailleurs?

Traçons joyeusement les contours de notre amour
quand bien même l'immonde domine
de toutes les façons possibles sous toutes les formes.

Châtier la forme, sa matière même et son cadre.
Lui autoriser à l'envi sa transformation,
une continuité multiple,
qui multiplie les possibles
créations.

Châtier le verbe

Sujets du sens nous sommes.
Singuliers imprenables,
l'impensable est bien notre pensée.

Que mes oeuvres soient ouvertes.
A la faillite, à la reprise.
A la vie à la mort à la vie à la mort
et ainsi de suite.
Que mes créations soient autres qu'elles ne sont
supposées être.
Qu'elles génèrent
chez d'autres
dont la discipline
est l'exercice
des ouvertures
des respirations
des pratiques
des choses
des je ne sais quoi
des on verra bien
on verra bien mieux.
On va voir ce qu'on va voir
et ce n'est pas tout vu
ni
déjà vu, le soleil.
Toujours le même,
toujours autre.
Qu'elles s'inscrivent dans le fil d'une discussion sans fin.
Qu'elles se souviennent qu'elles n'ont de compte à rendre
à personne
et
à tout le monde à la fois.
Qu'elles se livrent
qu'elles soient ravies
heureuses la joie.
Qu'elles soient inimaginables,
imprévisibles,
exc?d?es par l'improbable.
Qu'elles soient offertes.
A l'être.
Qu'elles.
Soient.
Une histoire.
Qui se trame.

Il y a matière

Il y a matière
du vin à l'envie.

Il y a matière
mon corps abandonné

Il y a matière
à penser

Les formes
vivantes.

Il y a matière
à faire
et défaire
et refaire
et pas faire.

Puisque ça fait rien
mais que ça
compte.

Et ce qui compte
c'est
ce qui
ne
se compte pas.

 

 

"Matière à formes", version 1.2
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