Traversée


Tous les jours,
je suis sans doute qui je suis.
Chaque nuit, je suis
quelqu'un d'autre
sans doute.

Et c'est la nuit...
La nuit porte conseil.
Le jour en est travers?,
nous rêvons d'aise.
A qui appartient le langage?
A ceux qui le parle.
A qui appartient la langue?
Il y en a une dans ma bouche,
elle est mienne, partie de mon corps
et j'en suis l'habitant, merci.
A qui appartient l'intelligence?
A ceux qui observent alentours.
A qui appartient la vie?
Aux vivants
et ça leur file entre les doigts,
tant qu'ils sont mortels,
Dieu merci.

Le droit d'auteur n'a pas pris la mesure.
Le doigt dedans qu'il se met en se pointant
lui-même comme origine.
L'autre!
L'eau coule de source et les idées vont et viennent.
A qui appartient les idées?
A personne, à tout le monde, à celui qui les accueille,
il y pense et il oublie.

Le jour, les idées forment
mais c'est la nuit qu'elles prennent formes.

Au jour le jour
je suis marqué par des signes
plus ou moins visibles.
Des marques, propriétaires de leur objet
fondent sur ma peau pour en griffer la surface.
Des marques qui se veulent remarquables
et qui marquent des points.
Des marques qui comptent.
C'est tous les jours que les marques
propriétaires de leurs objets
bornent l'horizon des échanges
et tracent un profil culturel
comme on taille un short.
Un peu court, oui.

Au jour le jour
les marques avancent leur droit à la propriété exclusive.
Elles amassent les savoirs et les faires, elles font
froid dans le dos, c'est cool la culture cool
qui nique tes sabots Hélène
et viens valser dans les choux mon chou.
C'est tous les jours que la propriété intellectuelle
rappelle à l'ordre du possédant, du maître étalon
de ce qui fait office de loi, oh fils de ton pre...
Le nom signe jusqu'au sang
que ça marque les esprits
de la descendance
qui courbe l'échine
très bas
jusqu'au sol.

Des comptes à rendre,
de la gerbe, oui.
Ainsi la vie nous marque
et nous fait remarquables,
possédés qui voulions
comprendre.

S'agit-il alors de nier la propriété intellectuelle?
Non.
Mais l'ouvrir
aérer l'espace
prendre le temps
de la conversation.
tous les jours
toutes les nuits
au petit jour
à l'orée de la nuit.

La P.I se discute.

Les jours se succèdent,
les jours succàdent
aux nuits.

"Traversée", version 1.0 Copyright © 02/2002, Antoine Moreau Copyleft : cette oeuvre est libre, vous pouvez la redistribuer et la modifier selon les termes de la Licence Art Libre.
Vous trouverez un exemplaire de cette Licence sur le site Copyleft Attitude http://www.artlibre.org ainsi que sur le Terrier, http://www.le-terrier.net.