Travailleuses,
travailleurs, camarades et amis,
L'organisation patronale MEDEF avait
réagi à la journée d'action syndicale de mardi en dénonçant le caractère
"indécent" - c'est leur mot - des grèves et des manifestations,
vu le contexte international. Et les commentateurs de relayer largement
le point de vue patronal et de se demander si c'était bien le moment
de revendiquer.
Ces gens ne se demandent pas si c'est
bien le moment, pour les grandes entreprises, d'annoncer des plans
de licenciements à un rythme accéléré en prétextant, pour certaines,
précisément la situation internationale !
Et Seillère, le patron des patrons
a fustigé - et je le cite - l'absence de "patriotisme social"
des syndicats. Lui, Seillère, n'a pas poussé le patriotisme jusqu'à
remettre dans la compagnie aérienne AOM-Air Liberté dont il était
l'actionnaire majoritaire les capitaux qu'il en avait retiré. Pourtant,
cela a entraîné la débâcle pour cette entreprise et surtout, pour
ses travailleurs menacés de licenciements !
Ces grands bourgeois arrogants considèrent
qu'il est de leur droit de porter des coups aux travailleurs, mais
il est "indécent" pour ces derniers de se défendre !
Eh bien, ce que j'espère, ce que je
souhaite, c'est qu'il y ait, dans la période à venir, bien d'autres
réactions de la classe ouvrière, bien plus amples, bien plus massives
! C'est la seule façon de faire rentrer dans la gorge de ces gens-là
leur arrogance anti-ouvrière.
Car regardons avec quel mépris les
patrons et leurs serviteurs politiques traitent le monde du travail
!
Regardons donc comment ils mènent
en bateau ceux de Moulinex-Brandt, depuis plusieurs années, de repreneur
en repreneur, pour se préparer à leur annoncer qu'il n'y a plus
d'espoir pour eux et qu'ils seront tous mis à la porte, alors que
nombre d'entre eux ont passé vingt, trente ans ou toute leur vie
à travailler dans cette entreprise et à enrichir ses actionnaires
!
Pour Moulinex-Brandt, on nous dit
qu'on n'y peut rien, c'est la concurrence, l'entreprise n'est plus
rentable. Mais, pendant plusieurs dizaines d'années, rentable, elle
l'a été, cette entreprise ! On l'avait même présentée alors comme
le véritable fleuron des entreprises familiales en France. De petite
entreprise, elle est devenue une multinationale, ses chiffres d'affaires
ont été multipliés par dix, par cent, ses profits aussi.
Les travailleurs de Moulinex-Brandt,
eux, ne se sont pas enrichis pendant ce temps. Ils ont tout juste
vécu en essayant de joindre les deux bouts avec leurs salaires,
comme tous les travailleurs.
Mais le propriétaire, mais les actionnaires,
combien d'argent ont-ils donc encaissé ? Que sont devenus les milliards
qu'ils se sont appropriés ? Dans quelle autre entreprise ont-ils
été investis pour exploiter d'autres travailleurs ? Combien de propriétés
ou de châteaux achetés avec cet argent ? Combien de bijoux, de tableaux
de maître, de voitures de luxe ou d'avions privés ?
Et les banques qui, aujourd'hui, cherchent
à étrangler Moulinex en exigeant des remboursements de crédits,
combien d'intérêts, combien d'agios ont-elles prélevé au cours des
ans sur l'entreprise, c'est à dire, en dernier ressort, sur le travail
de ses ouvriers ? Combien d'argent ont encaissé les actionnaires
de ces banques ?
La loi permet à ceux qui se sont approprié
tout cela de le garder. Et ceux qui le leur ont fait gagner, devenus
chômeurs, ne gardent que leurs yeux pour pleurer.
Et bien oui, la justice serait que
tout ce capital accumulé grâce au travail des Moulinex-Brandt, toutes
ces fortunes privées amassées, soient réquisitionnés pour continuer
à assurer un salaire à tous ceux qui les ont produits par leur travail.
On enseigne dans les écoles que nous
sommes tous égaux devant la loi ! Mais la loi protège les riches,
protège les actionnaires, mais pas les travailleurs !
La loi reconnaît au patron de Danone
le droit de fermer les usines qu'il veut, de jeter leurs travailleurs
à la rue, d'aggraver le chômage alors, pourtant, que l'entreprise
ne peut même pas prétendre qu'elle est dans la difficulté. Et, pour
ajouter le cynisme à l'inacceptable, le patron de cette entreprise
a osé affirmer que c'est lorsque les affaires vont bien qu'il faut
licencier !
Oui, ces gens-là méprisent les travailleurs
comme ils méprisent les intérêts de toute la société. Mais il n'y
a pas qu'eux ! Leurs valets politiques, les ministres de ce gouvernement
comme ceux des gouvernements qui l'ont précédé, affichent le même
mépris et le même cynisme. Et le plus écoeurant, c'est que les responsables
politiques se targuent de nos votes et se posent en représentants
de tous !
Ecoutons donc les ministres parler
de la nouvelle aggravation du chômage. Jusqu'à cet été, le gouvernement
se vantait d'avoir fait baisser d'un million le nombre des chômeurs
en quatre ans. C'était déjà un double mensonge. Car ce chiffre de
un million de chômeurs en moins devait bien plus aux manipulations
statistiques qu'à une baisse réelle du nombre de chômeurs. Depuis
1995, on ne compte plus comme chômeurs ceux qui ont travaillé plus
de 78 heures par mois. On a rayé des statistiques du chômage tous
les précaires, tous les intérimaires qui n'ont que des emplois partiels,
occasionnels, avec des salaires qui permettent à peine de survivre.
Ce qu'ils ont osé appeler une "politique efficace contre le
chômage" n'a été que la généralisation des emplois partiels,
payés plus bas que le Smic. C'est grâce à la prétendue lutte contre
le chômage, menée de cette façon que plus de quatre millions de
personnes ont aujourd'hui un salaire annuel inférieur au SMIC.
Mais, malgré les manipulations statistiques, les chiffres officiels
indiquent depuis quatre mois que le nombre des chômeurs s'accroît.
Et voilà donc les ministres qui se
succèdent pour parler de "plan de bataille pour l'emploi"
ou, comme Jospin récemment, de "mobilisation exceptionnelle".
Qu'y a-t-il derrière ces mots ? 30.000 emplois CES supplémentaires
! 20.000 stages d'insertion ! Eh bien, vraiment , ils se fichent
de nous !
Les grandes entreprises licencient
les unes après les autres, y compris celles qui ne prétendent même
pas être en faillite et qui, au contraire, affichent toujours des
profits élevés : Michelin, Danone, Aventis, Philips, Alstom, Alcatel
et bien d'autres. Et encore, les plans de licenciements annoncés
ne concernent que les licenciements officiels, avoués, de travailleurs
en contrat à durée indéterminée. Mais combien d'intérimaires sont
mis à la porte, discrètement, dans toutes les grandes entreprises
? Les licenciements d'intérimaires, on ne les compte même pas comme
licenciements, et pourtant le résultat est le même : des travailleurs
qui se retrouvent du jour au lendemain sans travail et sans salaire.
Devant ces licenciements, le gouvernement
ne fait rien, ne lève pas le petit doigt, se refuse à faire la moindre
pression même sur les entreprises qui ne s'enrichissent que grâce
aux commandes d'Etat. Non, le gouvernement laisse faire. Et il ose
exhiber quelques milliers d'emplois CES, à raison de 3.500 F par
mois, des emplois qui de surcroît ne sont que provisoires et qui,
s'ils font sortir les chômeurs des statistiques du chômage, ne leur
assurent pas pour autant des emplois réels.
Fabius, le ministre de l'Economie,
vient d'annoncer une rallonge de la prime pour l'emploi qui sera
versé en janvier au plus bas salaires. Le versement de cette prime
représentera une dépense de 8 milliards pour l'Etat, à répartir
entre 8 millions cent mille foyers concernés. Cela fait 946 francs
en moyenne par ménages modestes.
Au même moment, Fabius a annoncé,
entre autres mesures en faveur des entreprises, une baisse de 24
milliards sur la facture des grandes sociétés pour le droit d'exploitation
des téléphones mobiles de la troisième génération. Cette baisse
ne concerne dans l'immédiat que France Télécom et Vivendi, ex-Générale
des Eaux, et demain, Bouygues. Le cadeau de l'Etat représentera
donc, en moyenne, pour chacun des trusts concernés, une somme de
même ordre que pour plus de huit millions de foyers modestes. Et
je vous rappelle qu'il ne s'agit même pas d'entreprises en difficulté,
mais de trusts fleurissants. Et je ne parle pas des autres cadeaux
aux patrons, décidés au même moment, sous prétexte d'aides aux investissements,
d'aide à la biotechnologie, d'aides à l'aéronautique ou aux entreprises
d'assurances. Ce n'est pas pour rien que Jean Marie Messier, patron
de Vivendi, comme Martin Bouygues se sont félicités de la "sage
décision" de Fabius, et que les actions en Bourse des trois
entreprises concernées aient aussitôt augmenté. Il a beau se dire
socialiste pour se faire élire par l'électorat de gauche, ce gouvernement
est vraiment le conseil d'administration de la grande bourgeoisie
et du patronat !
Et même les 35 heures, que le gouvernement
considère comme sa grande réalisation sociale, a surtout donné au
patronat des armes légales pour accroître la flexibilité, supprimer
des pauses et aggraver les conditions de travail.
Et puis, regardez leur attitude à
Toulouse avant comme après l'accident qui a fait 29 morts parmi
les travailleurs et dans le voisinage, où il y a eu plus de 2000
blessés et des milliers de logements détruits ou rendus inutilisables
! Le patron du trust TotalFinaElf, dont l'usine AZF fait partie,
ose prétendre que toutes les précautions avaient été prises. Mais
plus l'enquête avance, plus se révèle que, par mesure d'économie,
la direction de l'entreprise stockait le nitrate d'ammonium sans
précaution, sans contrôle, sans même un capteur de température.
Et les patrons d'évoquer la fatalité car, n'est-ce pas, le risque
zéro n'existe pas. Mais il est évident qu'il aurait pu exister si
toutes les précautions, dont l'absence est dénoncée aujourd'hui
par la commission d'enquête, avaient été prises dans le passé.
Mais la préoccupation du trust TotalFinaElf
n'est pas de tout faire pour réduire le risque à zéro. Elle est
d'obtenir le maximum de profits et de dividendes pour les actionnaires.
Et, quand on privilégie le profit, on sacrifie des vies.
Il y a 1.249 sites à risque officiellement
recensés dans le pays. Il ne suffit pas de les éloigner des villes,
comme le préconisent un certain nombre de maires, bien sûr, après
coup. Car, si les usines dangereuses peuvent être éloignées des
zones habitées, elles ne peuvent pas être éloignées de leurs propres
travailleurs. Il n'y aucune raison que ceux d'entre nous qui travaillent
dans des usines chimiques, dans des raffineries, dans des poudreries,
soient contraints de travailler la peur au ventre. Il faut imposer
à toutes ces entreprises des contrôles draconiens et obliger leurs
propriétaires à dépenser l'argent qu'il faut pour que la sécurité
soit assurée.
Et puis, à côté de ces sites considérés
comme dangereux, combien d'autres où il n'y a ni matières explosives
ni produits dangereux et ou des travailleurs meurent quand même
d'accidents du travail parce qu'on fait des économies sur la sécurité,
parce qu'on leur impose un rythme de travail trop élevé. 748 accidents
du travail mortels l'année dernière, deux par jour !
Regardons aussi, à Toulouse, le cynisme
avec lequel le PDG de TotalFinaElf a jeté 20 millions de francs
pour compenser des dommages qui sont évalués au bas mot à 8 milliards
! Il se considère quitte avec cette aumône. Pendant ce temps, combien
d'habitants des quartiers populaires atteints par l'explosion sont
condamnés au relogement dit provisoire ou de vivre dans des conditions
précaires, dans leurs appartements endommagés ? Et pour combien
de temps ?
Et les travailleurs d'AZF, qui ont déjà payé un lourd tribut pour
l'irresponsabilité de leur patron, en sont, aujourd'hui, à craindre
pour leurs emplois.
La moindre des choses serait de prendre
sur le revenu des actionnaires de quoi assurer l'emploi et le salaire
de tous les travailleurs concernés et que TotalFinaElf paie l'intégralité
des dégâts dont il est responsable !
Cela ne mettrait même pas les actionnaires
sur la paille car l'entreprise a fait 57 milliards de profits, les
plus importants jamais réalisés en France !
Mais, le gouvernement a préféré débloquer
1,5 milliard, c'est-à-dire une somme de toute façon largement insuffisante,
plutôt que de contraindre TotalFinaElf à payer. La justice sait
faire saisir, sur le salaire d'un père de famille, de quoi rembourser
les dégâts causés par ses enfants. Mais cette justice-là n'est pas
appliquée à ce trust, récidiviste pourtant, responsable déjà des
dégâts causés par le naufrage du pétrolier Erika. Le gouvernement
a pourtant les moyens de contraindre cette multinationale bien française,
dont les sièges et une grande partie des biens sont ici. Ces biens
devraient être mis sous séquestre comme garantie que TotalFinaElf
fera face à ses obligations !
Oui, cette organisation économique
et sociale est aussi injuste que stupide et dangereuse. Une économie
où la productivité croissante, au lieu d'améliorer la vie des travailleurs,
la rend plus dangereuse ; où on fait crever de travail les uns pendant
qu'on condamne les autres à l'inactivité ; où des minorités qui
ne travaillent pas s'assurent des fortunes qui finissent par ne
plus avoir de signification pendant que d'autres, même dans les
pays dits riches comme la France, sont dans l'incertitude du lendemain.
Et tout cela pour les mêmes raisons
: parce que c'est une économie où seul compte la solvabilité, et
pas les hommes ; où l'activité économique, c'est-à-dire le travail
de la collectivité, n'est pas orienté pour satisfaire au mieux les
besoins de tous, mais pour dégager toujours plus de profits pour
quelques-uns.
Oui, c'est une organisation économique
et sociale qui conduit l'Humanité à la barbarie ; barbarie dont
l'actualité nous offre l'illustration dramatique à l'échelle de
la planète.
A l'horreur des attentats de New-York
et de Washington, exécutés par quelques hommes se revendiquant d'idées
rétrogrades, répond l'horreur des villes afghanes détruites par
les bombes et les missiles de la nation capitaliste la plus moderne.
Les Etats-Unis présentent la guerre
qu'ils mènent contre l'Afghanistan, avec l'aide et la complicité
d'autres grandes puissances dont la France, comme un acte de "légitime
défense". Mais, en quoi les attentats contre les tours du World
Trade Center peuvent légitimer des bombardements contre une population
déjà réduite à la misère et qui n'est pour rien dans les crimes
de Ben Laden ? Et, pour quelques taliban tués, combien de femmes,
voilées de force et privées de liberté par les taliban, devront
mourir sous les bombes ?
En s'en prenant à des édifices qui
étaient des symboles de la puissance américaine, Ben Laden prétend
venger les palestiniens opprimés et pourchassés dans leur propre
pays par un appareil militaire israélien supérieurement armé et
soutenu par les Etats-Unis. Il prétend venger plus généralement
le monde musulman dont la majorité vit dans la pauvreté et est opprimée
par des régimes à la dévotion des Etats-Unis.
Toute cette démagogie est un mensonge
car l'écroulement des tours du World Trade Center n'avance en rien
le combat du peuple palestinien et parce que la mort des 6.000 victimes
des attentats-suicide, pour la plupart des employés, n'affaiblit
en rien l'impérialisme américain. Au contraire. Cela permet aux
dirigeants impérialistes de jouer sur l'émotion légitime de leurs
peuples pour faire approuver aujourd'hui la guerre contre l'Afghanistan
et demain on ne sait quelles autres guerres de brigandage.
Et puis, Ben Laden et ses semblables
ne cherchent pas à libérer les peuples, pas même ceux qui se reconnaissent
dans l'islamisme, mais, au contraire, à leur imposer des dictatures
obscurantistes comme en témoigne précisément le régime des taliban.
Oui, Ben Laden est un terroriste doublé
d'une crapule réactionnaire. Mais Bush ne vaut pas mieux, lui qui,
sous prétexte de venger les 5.000 tués du World Trade Center, envoie
des bombes et des missiles sur l'Afghanistan. Mais ceux qui meurent
sous les bombes en Afghanistan sont tout aussi innocents des crimes
de leurs propres dirigeants que l'étaient les victimes de New-York
des crimes des leurs.
A l'horreur des bombardements, le
gouvernement américain ajoute le cynisme qui consiste à faire jeter
par les bombardiers américains quelques tonnes de vivres en plus
de leurs bombes afin que Bush puisse prétendre faire de l'humanitaire
!
Les dirigeants américains recommencent
la même politique criminelle qu'ils mènent depuis une décennie contre
l'Irak. La guerre du Golfe, ils prétendaient la mener contre Saddam
Hussein. Mais le dictateur est toujours là, son armée aussi, alors
que les bombardements et le blocus économique ont fait plus d'un
million de morts dans la population.
Eh bien, si la guerre actuelle s'éternise
et s'étend, il n'est pas difficile de prévoir qu'elle ne fera qu'augmenter
la haine dans le coeur de dizaines, de centaines de millions de
femmes et d'hommes, et bien au-delà des pays bombardés.
Elle ne fera que creuser encore plus
le fossé de sang entre les grandes puissances impérialistes et la
partie pauvre de la planète.
Elle ne fera que pousser les peuples
au désespoir, que les groupes terroristes comme celui de Ben Laden
canaliseront au profit de leurs objectifs aussi réactionnaires que
stériles.
Ben Laden, ce milliardaire saoudien
a beau se déguiser avec les vêtements traditionnels des pauvres,
il a beau citer le Coran et appelé "sainte" la guerre qu'il
mène, il est un sous-produit américain. Ce sont les Etats-Unis et
leurs services secrets qui ont fabriqué ce personnage, à une époque
où, pour contrer l'influence soviétique en Afghanistan, ils appuyaient
les courants islamistes. Ce sont encore les Etats-Unis qui ont incité
les rois réactionnaires d'Arabie saoudite et les dictateurs militaires
du Pakistan à financer et armer les taliban et à les aider à s'emparer
du pouvoir.
Mais la responsabilité de l'impérialisme
dans le développement du terrorisme islamiste est bien plus profonde
encore. Parce que ce terrorisme et surtout la sympathie qu'il rencontre
dans la partie sous-développée de la planète s'enracinent dans la
pauvreté ; et parce que les masses pauvres sentent confusément ou
savent d'expérience que le sort qui leur est imposé l'est en dernier
ressort par ce système impérialiste dont les Etats-Unis constituent
le principal pilier.
Il aura fallu que l'attention de tous
les médias du monde soit focalisée sur l'Afghanistan pour que l'opinion
publique découvre qu'il y a la sécheresse là-bas depuis trois ans
et que, dans ce pays de 21 millions d'habitants, au bas mot 8 millions
vivent dans la misère, 3 millions sont menacés de famine et qu'ils
sont plus de 2 millions à végéter dans les camps de réfugiés des
pays voisins.
Et Chirac a eu l'aplomb, lors de son
discours destiné à justifier l'engagement de la France aux côtés
des Etats-Unis, d'affirmer "tout sera fait pour l'aider et pour
favoriser à l'avenir le développement de l'Afghanistan" ! Mais
ils n'ont pas honte, ces gens-là ! Pourquoi ni lui ni Bush ni Tony
Blair n'ont-ils favorisé, avant, le développement de l'Afghanistan
?
Pourquoi la France ne le fait-elle
pas, ne serait-ce que dans ses anciennes colonies d'Afrique ? Pourquoi
donc Chirac n'a-t-il pas proposé de débloquer des crédits pour venir
en aide à la population du Niger, par exemple, qui, il y a quelques
mois, était frappée de famine ?
Non, la présence de la France en Afrique
ne sert pas à ça. Elle ne sert qu'à assurer à quelques grands trusts
français du pétrole ou des travaux publics des sources de profit
supplémentaire ; à quelques trafiquants d'armes, un pactole ; et
des pourboires juteux aux margoulins politiques, ex-ministre de
droite ou fils à papa de gauche, qui leur servent d'intermédiaires.
Alors, qu'ils ne s'étonnent pas que
la colère explose un jour !
Le combat que mènent les puissances
impérialistes coalisées n'est certainement pas le combat du camp
de la liberté, de la démocratie contre le terrorisme et l'obscurantisme.
Car, depuis toujours, pour assurer aux grands trusts le droit de
piller la planète entière, les puissances impérialistes soutiennent
des régimes oppressifs, des dictatures abjectes, s'appuient sur
des forces réactionnaires, quand elles n'interviennent pas directement
contre les peuples.
Et s'il y a une différence entre les
Etats-Unis et les puissances impérialistes de seconde zone, dont
la France, cette différence ne tient qu'à la disproportion des moyens,
pas à la nature de leurs politiques respectives.
L'hypocrisie qui consiste à ne dénoncer,
dans l'engagement de la France dans cette guerre, que le suivisme
à l'égard des Etats-Unis est d'autant plus répugnante que, des bombardements
de Sétif à la guerre d'Algérie, en passant par les bombardements
de Madagascar et la guerre d'Indochine, une longue liste de méfaits
montre que l'impérialisme français ne vaut pas mieux que l'impérialisme
américain et que ses dirigeants, même ceux qui se prétendent socialistes,
ne valent pas mieux que George Bush !
Alors oui, même si les taliban semblent
sortir directement du Moyen-Âge et si les missiles et les avions
envoyés contre eux contiennent le dernier cri de la technologie,
ce n'est pas le combat de l'avenir contre le passé, de la civilisation
contre la barbarie. Car le terreau de la barbarie, c'est l'impérialisme
lui-même. Voilà pourquoi des millions d'hommes dans la partie pauvre
de la planète se reconnaissent en un Ben Laden simplement parce
qu'il tient tête aux Etats-Unis.
Alors oui, on ne peut que déplorer
et s'attrister que certains jeunes des banlieues brandissent le
portrait de ce milliardaire saoudien réactionnaire. Mais il ne s'agit
pas seulement de déplorer. Pour convaincre les opprimés qui voient
un espoir là où il n'y en a pas pour les classes populaires, il
faudra que le mouvement ouvrier renaisse. Il faudra qu'il incarne
de nouveau, aux yeux des opprimés du monde, l'espoir d'un changement
social radical.
Oui, tout se tient. Cette économie,
où une classe minoritaire capitaliste monopolise toutes les richesses,
tous les moyens de les produire, pour lui permettre d'accumuler
des fortunes extravagantes, sécrète la pauvreté partout sur la planète.
Elle la sécrète même à l'intérieur des pays riches, même aux Etats-Unis.
Mais elle sécrète aussi l'inégalité
entre pays. A côté de la douzaine de pays impérialistes et de quelques
autres capables d'assurer à la majorité de leurs populations un
niveau de vie acceptable, combien d'autres, une grande partie de
la planète, où la simple survie quotidienne est un problème, où
on ne dispose pas d'eau potable et où même un minimum de soins est
un rêve inaccessible ? Ce n'est pas faute de moyens matériels ;
le niveau de la science et des techniques et les progrès de la productivité
sont tels qu'il est possible d'assurer à toute la population de
la planète une existence digne du XXIe siècle.
Deux maladies transmissibles, le paludisme
et la tuberculose, qui sont faciles à guérir, tuent 5 millions de
personnes par an dans le monde. La science médicale est capable,
depuis un demi-siècle, de combattre victorieusement le bacille de
Koch. Et il existe des médicaments efficaces contre le paludisme.
Mais la société est désarmée devant quelques trusts pharmaceutiques
qui monopolisent la fabrication des médicaments et dont la préoccupation
n'est pas la santé publique mais le profit de leurs actionnaires.
Et l'achat d'une simple tablette pour soigner le paludisme est hors
de portée pour ceux qui sont contraints de vivre avec moins d'un
dollar par jour , et ils sont 1,2 milliard sur les 6 milliards d'êtres
humains de la planète !
Mais qu'est-ce donc que cette organisation
économique où il n'y a pas d'argent pour nourrir ceux qui meurent
de faim, mais où il y en a, au centuple, pour les écraser sous les
bombes ?
Qu'est-ce que cette économie où les
conditions d'existence et la vie même de milliards d'êtres humains
dépendent des enthousiasmes, des emballements ou des terreurs de
quelques milliers d'actionnaires et de leurs spéculations boursières
?
Ceux qui nous gouvernent sont tous,
pourtant, à plat ventre devant cette économie. Tous sont unanimes
à proclamer que, hors l'économie de marché, il n'y a pas de salut
pour l'Humanité. Mais le fait que cette économie soit organiquement
incapable d'assurer la nourriture quotidienne à une partie importante
de l'Humanité, la condamne irrémédiablement.
Ceux qui nous gouvernent présentent
la liberté d'entreprendre, c'est-à-dire la liberté d'exploiter autrui,
comme la mère de toutes les libertés. Mais la liberté d'exploiter
pour quelques-uns signifie les chaînes de l'exploitation pour tous
les autres, la misère et l'oppression pour la majorité de la planète.
Camarades et amis,
Pour montrer sans doute que notre
programme est purement contestataire et utopique, des journalistes
m'ont posé la question : "Si vous étiez élue, quels seraient
vos premiers gestes, qu'est-ce que vous pourriez faire ?".
Au fond, la réponse est simple, à
condition de faire un effort d'imagination et de se représenter
le contexte politique où 50 % des électeurs, c'est-à-dire l'écrasante
majorité de l'électorat ouvrier et une grande partie de l'électorat
populaire, en votant pour ma candidature, feraient la démonstration
qu'ils se retrouvent dans la politique que je défends. Cela signifierait
une situation sociale où plus de la moitié de l'électorat serait
convaincue que le rapport de force entre le monde du travail et
celui du capital doit impérativement changer. Ce serait un bouleversement
politique complet. Ce serait la démonstration du nombre important
de ceux qui veulent changer la société et cette simple évidence,
cette simple conviction donnerait les moyens pour la changer réellement
!
Même élue présidente de la République,
je ne pourrai rien sans le soutien politique actif, sans la participation
physique et matérielle de millions de travailleurs. Ce sont eux,
leurs actions collectives qui permettront de créer un rapport de
force capable de contrebalancer le poids du patronat et de son argent,
le poids d'un appareil d'Etat bâti pour défendre les intérêts des
riches. Ce n'est pas moi, ce sont ces centaines de milliers de travailleurs
qui pourront imposer un contrôle réel sur la production. Ce sont
les travailleurs des banques, des assurances, des groupes financiers,
des grandes entreprises industrielles qui pourront contrôler les
comptes des entreprises, vérifier le montant des profits, contrôler
à qui va l'argent et faire en sorte qu'il soit utilisé en premier
lieu, non pas à accroître la fortune des actionnaires, mais à assurer
l'emploi à tous avec un salaire convenable, quitte à partager le
travail en diminuant fortement les horaires.
Ce ne sera pas un petit corps d'inspecteurs,
mais les travailleurs des entreprises concernées eux-mêmes qui auront
la charge de vérifier si leur patron a pris toutes les mesures de
sécurité qui s'imposent.
Ce sera les travailleurs démocratiquement
organisés qui discuteront si la production de telle ou telle entreprise
est utile du point de vue social ou si, avec les mêmes capacités
productives, il ne vaudrait pas mieux produire autre chose, moins
profitable pour une poignée d'actionnaires, mais plus utile à l'ensemble
de la société.
Ce sera les mal-logés qui, avec la
population, feront le recensement de tous ceux qui sont logés dans
des conditions inacceptables ou qui ne sont pas logés du tout, et
qui recenseront aussi les logements inoccupés ou sous-occupés dans
les quartiers riches, afin de les attribuer à ceux qui en ont besoin
pour que chacun puisse avoir un toit au-dessus de sa tête.
Aujourd'hui, on se prétend en démocratie
parce qu'il y a des élections et parce qu'on organise, de temps
en temps, un référendum sur une question sans intérêt comme la durée
du mandat présidentiel. Mais, regardez comment, lorsque la population
d'une région, comme celle de Chamonix, organise un référendum sur
une question qu'elle considère comme importante pour elle-même,
la réouverture ou non du tunnel du Mont-Blanc, et lorsque ce référendum
entraîne une participation plus élevée que d'habitude et que le
"non" l'emporte de très loin, un ministre soi-disant communiste
donne raison au préfet qui déclare que ce n'est pas légal et que
le tunnel ouvrira quand même !
Eh bien, sur toutes les questions
qui concernent directement la population, ce sera à elle de se prononcer.
Eh bien oui, même élue, je ne serai
rien et je ne pourrai rien sans cette collaboration active, volontaire,
consciente, de centaines de milliers de travailleurs, démocratiquement
organisés dans leurs entreprises, dans leurs quartiers. Mais c'est
dire aussi que, si cette mobilisation, cette conscience existent,
tout est possible, quel que soit le président de la République.
La gauche réformiste, Parti socialiste
en tête, promet des changements dans le cadre des institutions existantes
et en respectant la domination du grand capital sur l'économie.
Nous avons pu vérifier et revérifier ce qu'il en est. Une fois au
gouvernement, le Parti socialiste non seulement ne change rien mais
il sert platement, obséquieusement, le grand patronat et mène, à
l'intérieur du pays comme dans sa politique internationale, la politique
de la grande bourgeoisie.
Alors, les travailleurs n'ont rien
mais vraiment rien à attendre du Parti socialiste qui, même s'il
fait un peu de démagogie de gauche au moment des élections, une
fois au pouvoir est rigoureusement semblable aux partis de droite,
aussi hostile aux intérêts des classes populaires, valet servile
qu'il est des intérêts patronaux.
Et le malheur pour le Parti communiste
ou, du moins, pour ses militants qui se situent sincèrement dans
le camp des travailleurs, c'est qu'en participant au gouvernement
socialiste, en cautionnant sa politique pro-patronale, leur direction
les oblige à s'identifier à cette politique.
Travailleuses, travailleurs, camarades
et amis
Le monde du travail subit une offensive
incessante de la part du patronat, aidé par le gouvernement. Mais
nous avons la force d'arrêter l'offensive patronale et de les faire
reculer.
L'ensemble des travailleurs de ce
pays, quels que soient leurs corporations, leurs branches d'activité,
leurs métiers ; qu'ils travaillent dans le privé ou dans le public,
ont les mêmes intérêts politiques fondamentaux. Et tous ensemble,
travailleurs de nationalité française, travailleurs immigrés avec
ou sans papiers, nous constituons une seule et même classe ouvrière
!
Ceux qui sont dans le camp du patronat
véhiculent dans nos rangs bien des préjugés destinés à mettre l'accent
sur ce qui divise les travailleurs pour faire oublier ce qui les
unit. Et, malheureusement, bien souvent, les confédérations syndicales
elles-mêmes propagent des préjugés corporatistes dont le résultat
est que les travailleurs d'une branche, d'une profession ou d'une
entreprise considèrent que leurs problèmes sont particuliers alors
qu'ils ne sont que l'expression de problèmes qui concernent l'ensemble
du monde du travail.
Divisés entre corporations ou entre
ceux du public et ceux du privés, se jalousant les uns les autres,
nous continuerons à subir les coups que nous assènent le grand patronat
et le gouvernement. Notre combativité, serait condamnée à se dissiper
sans résultat si elle restait sur le terrain du corporatisme. Mais
tous ensemble, unis autour d'une politique qui correspond à nos
intérêts de classe, nous pourrons tout.
Il faut que le gouvernement en place,
quelle que soit son étiquette politique, soit en permanence sous
la surveillance et sous la pression des travailleurs.
La pression de la bourgeoisie est,
elle, permanente. Le moindre projet du gouvernement, comme d'ailleurs
des institutions étatiques, au niveau de la région, du département,
de la municipalité, est passé au crible par la bourgeoisie. Et elle
sait se faire entendre à tous ces niveaux-là pour obtenir des subventions,
des avantages, des passe-droits, pour éliminer les rares mesures
projetées qui lui déplaisent, pour en imposer d'autres qui sont
à son avantage.
Eh bien, les travailleurs doivent
exercer une pression dans l'autre sens, non seulement par leurs
armes de classe, par des grèves et par des manifestations politiques,
mais aussi, directement, en vérifiant eux-mêmes les comptes des
entreprises, de leurs patrons et de leurs principaux actionnaires
! La détermination du grand nombre à faire fonctionner autrement
la société donnera les moyens d'abord d'outrepasser les lois, pour
ensuite les changer ! Au pouvoir de l'argent, les travailleurs doivent
opposer leur nombre et leur rôle irremplaçable dans la vie économique.
Ce que je souhaite, c'est que les
travailleurs n'attendent rien d'autre des élections à venir que
l'occasion d'affirmer qu'ils refusent la politique de la bourgeoisie,
qu'elle soit présentée avec une sauce de droite ou avec une sauce
de gauche.
Ce que je souhaite, ce que j'espère,
c'est que, pendant les mois à venir, il y ait des grèves, des luttes,
des réactions contre l'arrogance patronale et la politique du gouvernement.
Nous ne sommes certainement pas de ceux qui prêchent la trêve électorale.
Mais les élections constituent une
occasion de se
prononcer sur des objectifs qui pourront devenir ceux des luttes
de demain.
Lors de l'élection présidentielle précédente, en 1995, nous étions
les seuls à dire que, pour combattre le chômage, il faut interdire
les licenciements sous peine de réquisition des entreprises qui
s'en rendent coupables. Nous étions les seuls à propager l'idée
qu'il est nécessaire, indispensable, de l'intérêt des travailleurs
comme de l'intérêt de toute la société, de contrôler les entreprises,
de contrôler les capitaux et leur fonctionnement.
Certaines de ces idées commencent
à faire leur chemin. Eh bien, je suis confiante dans la capacité
de réagir de la classe ouvrière. Ce sont les patrons par leur avidité
et par leur cynisme, et c'est peut-être les dirigeants politiques
à leur service, qui feront la provocation de trop, celle qui fera
exploser la colère du monde du travail.
Eh bien, quand cela arrivera, les
idées propagées aujourd'hui deviendront une force. Et, alors, travailleuses,
travailleurs, tous ensemble, nous imposerons des objectifs qui changeront
le rapport des forces entre le monde du travail et le monde patronal
!
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