Cécile Bellat

Liquide incolore, inodore, transparent et insipide lorsqu'il est pur [nuoc]


serait une installation/parcours à la recherche du Mirage, Phénomène optique dû à la réfraction inégale des rayons lumineux dans des couches d'air inégalement chaudes et pouvant produire l'illusion d'une nappe d'eau s'étendant à l'horizon où se reflèteraient les objets éloignés.

Léger, éphémère, magique, fugace, le dispositif formel veut produire un charme, un enivrement visuel et sensitif, apuyant d'autant la réalité de l'être investi dans le monde.

Le mirage de Liquide incolore, inodore, transparent et insipide lorsqu'il est pur prend racine sur le terme de culture :

  • l'intellectuelle, la littéraire,
  • l'agraire, l'essentielle, la terrestre

Nourriture et culture.
La place du mot et sa naissance dans la terre.
Le mot, la racine du mot (le mot naît-il dans la terre ? Où prend-il sa place dans les branches des arbres ?)

C'est la découverte du travail de laque des frères LE Ngoc Thanh et LE Duc Hai, qui se fonde dans l'immédiateté du rapport à la terre qui enfante et nourrit le monde et à la lumière qui l'enchante, non embarassé de nos rapports occidentaux mentaux aux mots et aux choses, la justesse de leur travail dans le non-dit, qui justement me mène et m'engage vers ces jeux du dire, des dire sous-jacents, des correspondances.

Et remettre en question la place de l'individu dans la société occidentale, cet idem

Cécile : depuis 1971, mois de novembre, je vis à Rennes où je suis d'abord sonore, constituée de musique, d'écriture, d'espaces plastiques, de théâtre, de photographie, d'envies chorégraphiques, et depuis peu d'envie et de réalisation vidéo.
Et d'eau surtout (comme tout le monde).

Avec ça, j'ai montré :
Gris bleu clair (installation sonore) , en 2000
Je te donne ça [toî cho ban caî nay], en 2001
L'Odeur d'Été du Premier Orage de Printemps, en 2002

Mes formes ou pratiques plastiques, musicales et textuelles, théâtrales et psycho-sensuelles sont intimistes et peu étiquettables, accueillant toujours tant la chair que l'esprit du spectateur : aborder l'autre (vous/toi) en son entier.

Avec Thanh et Hai, j'essaie de faire en sorte que la distance géographique ne soit plus jamais grave, à partir et en regard de nos horizons partagés.

Liquide incolore, inodore, transparent et insipide lorsqu'il est pur, prochaine étape de notre rencontre artistique, est le reflet de la prise de conscience de la mobilité des territoires dans le miroir de l'eau, de l'aptitude des eaux à refléter l'ailleurs, à orienter le regard vers le lointain, vers d'autres bouts du monde.

Liquide incolore, inodore, transparent et insipide lorsqu'il est pur s'inscrira en juillet 2003 dans la dynamique cyclique des expositions-résidences de l'Île Manifeste au Bon Accueil à Rennes, dans la poursuite de nos rencontres (le Bon Accueil et moi). J'ai souhaité ancrer ce travail autour, d'abord, du site St Martin et des jardins ouvriers en raison de leur état de rupture d'avec l'espace urbain tout proche, de leur frontière floue entre ruralité et urbanité.

Je veux, sur ce site, au travers de prismes optiques et sonores ou de voilages fragiles au milieu des champs, décaler légèrement la réalité d'ici, celle qui semble souvent difforme, pour aller transporter l'humain (toi/vous) dans la douceur des sons et des images du monde fictif que je construis autour de moi.

Aussi tout d'abord je pars là-bas, à l'autre bout, emmagasinner ça, les sons doux, les images et aussi en passant pour apprendre leur chose, de Thanh et Hai, l'art de la laque ou comment la peinture peut rester constituée d'eau, comme tout le monde,
mais pour toujours,
et de lumière
A la différence de nous.

Ensuite ce sera revenir organiser la rencontre de ces rivières, de ces herbes, dans les reflets de l'eau et les vapeurs des nuits tombantes.

Développer le regard horizontal à l'infini, orienter le regard occidental vers le Sud, souligner l'identique de nos territoires, meurtris, en profiter pour oublier un peu Jean-Pierre Raffarin, la France de Haut en Bas et ses divers pompiers planétaires, pour mieux revenir, un peu plus fort de ça, si possible.

Mais dire nos différentes meurtrissures...