Voilà un bon moment que la musique a été transformée dans le meilleur des cas en monument aux morts et, dans le pire, en mobilier sonore : sa présence continue ne faisant plus question, elle est le fantôme permanent de notre vie quotidienne. Les tempos rebattus dans lesquels elle est moulée par les habitudes paresseuses de la ritournelle la rendent anecdotique, insipide, inoffensive. Et le seul rapport entretenu avec elle désormais est un vestige d'une pauvre pastorale entamée il y a un siècle qui la réserve à nos seuls nerfs. Le résultat de ce gâchis est étrange : la musique la plus vivante du monde est celle qu'écoutent le moins les vivants... Voilà, c'est un peu plus de 70 pages, en noir et blanc. L'intégralité des dessins est réalisée avec des tampons d'écoliers formant un squelette humain : décors, nuages, paysages, sont donc également composés de fragments d'os. Afin de garder intacte les valeurs et rythmes artificiels des impressions et le sentiment général de dessin sans cause certaine, j'ai décidé de créer une typographie électronique à partir de mon écriture (elle est toujours trop nerveuse, elle aurait parasité tout ça) pour composer ce long texte et le fixer. C'est une bande dessinée bavarde, comme j'aimerais en lire plus souvent (je fais moi-même trop de planches taciturnes ou muettes, ces temps-ci), bavarde comme j'aime le cinéma bavard de Rivette, de Ruiz, de Bergman. Elle retranscrit le plus fidèlement possible les éléments d'une conversation avec un ami aimable mais fatiguant. Cette 5300ème version du même dialogue de cons a été assez décisive : sa version écrite m'épargnerait à jamais d'y revenir. Écrire me sert souvent à oublier. Ma fatigue du heideggerianisme renaissant sans cesse de ses cendres à fait le reste et composé pour cette bande dessinée un cadre pastoral délicieusement volkish à la séduction hideuse et au romantisme de carnaval. N'y manquent que les moutons de la forêt noire pour se tricoter des chaussettes heideggeriennes et une petite tisane de l'Être, mais je compte sur vous pour siffloter du Wagner.
Si vous désirez une dédicace, vous pouvez le commander en écrivant au Terrier à : Sinon, il est disponible par paiment Paypal sur le site de l'éditeur (www.scutella.fr) |
|