Extrait des Jardins effroyables de Michel Quint.

Aussi loin que je puisse retourner, aux époques où je passais encore debout sous les tables, avant même de savoir qu'ils étaient destinés à faire rire, les clowns m'ont déclenché le chagrin. Des désirs de larmes et de déchirants désespoirs, de cuisantes douleurs, et des hontes de paria.

Plus que tout, j'ai détesté les augustes. Plus que l'huile de foie de morue, les bises aux vieilles parentes moustachues et le calcul mental, plus que n'importe quelle torture d'enfance. À dire au plus près l'exact du sentiment, au temps de mon innocence, j'ai éprouvé devant ces hommes raccommodés à la ficelle, écarquillés de céruse, ces grotesques, le vertueux effroi des puceaux croisant une prostituée peinte, selon l'idée imagée et sommaire que je m'en fais, ou la soudaine suée des rosières découvrant au parterre fleuri un nain de jardin obscène, ithyphallique. Si on m'imposait le spectacle de la piste, je trouillais à cramoisir, à bégayer, à faire pipi-culotte. A devenir sourd. Fou. A mort.


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