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SCÈNE VI LES MEMES. Entre un ours. |
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COTICE Hon, Monsieuye des Finances ! PÈRE UBU Oh tiens, regardez donc le petit toutou. Il est gentil, ma foi. PILE Prenez garde! Ah quel énorme ours : mes cartouches! PÈRE UBU Un ours Ah l'atroce bête. Oh pauvre homme, me voilà mangé. Que Dieu me protège. Et il vient sur moi. Non, c'est Cotice qu'il attrape. Ah ! je respire. L'ours sejette sur Cotice. Pile l'attaque à coups de couteau. Ubu se réfugie sur un rocher. COTICE A moi, Pile à moi ! au secours, Monsieuye Ubu ! PÈRE UBU Bernique ! Débrouille-toi, mon ami; pour le moment, nous faisons notre Pater Noster. Chacun son tour d'être mangé. PILE je l'ai, je le tiens. COTICE Ferme, ami, il commence à me lâcher. PÈRE UBU Sanctificetur nomen tuum. COTICE Lâche bougre ! PILE Ah ! il me mord 0 Seigneur, sauvez-nous, je suis mort. PÈRE UBU Fiat voluntas tua! COTICE Ah ! j'ai réussi à le blesser. PILE Hurrah ! il perd son sang. Au milieu des cris des Palotins, l'ours beugle de douleur et Ubu continue à marmotter. COTICE Tiens-le ferme, que jattrape mon coup-de-poing explosif. PÈRE UBU Panem nostrum quotidianum da nobis hodie. PILE L'as-tu enfin ? je n'en peux plus. PÈRE UBU Sicut et nos dimittimus debitoribus nostris. COTICE Ah ! je l'ai. Une explosion retentit et l'ours tombe mort. PILE ET COTICE Victoire ! PÈRE UBU Sed libera nos a malo. Amen. Enfin, est-il bien mort ? Puis-je descendre de mon rocher ? PILE, avec mépris. Tant que vous voudrez. PÈRE UBU, descendant. Vous pouvez vous flatter que si vous êtes encore vivants et si vous foulez la neige de Lithuanie, vous le devez à la vertu magnanime du Maître des Finances, qui s'est évertué, échiné et égosillé à débiter des patenôtres pour votre salut, et qui a manié avec autant de courage le glaive spirituel de la prière que vous avez manié avec adresse le temporel de l'ici présent Palotin Cotice coup-de-poing explosif. Nous avons même poussé plus loin notre dévouement, car nous navons pas hésité à monter sur un rocher fort haut pour que nos prières aient moins loin à arriver au ciel. PILE Révoltante bourrique ! PÈRE UBU Voici une grosse bête. Grâce à moi, vous avez de quoi souper. Quel ventre, messieurs ! Les Grecs y auraient été plus à l'aise que dans le cheval de bois, et peu s'en est fallu, chers amis, que nous n'ayons pu aller vérifier de nos propres yeux sa capacité intérieure. PILE Je meurs de faim. Que manger ? COTICE L'ours ! PÈRE UBU Eh ! pauvres gens, allez-vous le manger tout cru ? Nous n'avons rien pour faire du feu. PILE N'avons-nous pas nos pierres à fusil ? PÈRE UBU Tiens, c'est vrai. Et puis, il me semble que voilà non loin d'ici un petit bois où il doit y avoir des branches sèches. Va en chercher, Sire Cotice. Cotice s'éloigne à travers la neige. PILE Et maintenant, Sire Ubu, allez dépecer l'ours. PERE UBU Oh non ! Il n'est peut-être pas mort. Tandis que toi, qui es déjà à moitié mangé et mordu de toutes parts, c'est tout à fait dans ton rôle. Je vais allumer du feu en attendant qu'il apporte du bois. Pile commence à dépecer l'ours. PÈRE UBU Oh prends garde ! il a bougé. PILE Mais, Sire Ubu, il est déjà tout froid. PERE UBU C'est dommage, il aurait mieux valu le manger chaud. Ceci va procurer une indigestion au Maître des Finances. PILE, à part. C'est révoltant. (Haut.) Aidez-nous un peu, Monsieur Ubu, je ne puis faire toute la besogne. PÈRE UBU Non, je ne veux rien faire, moi je suis fatigué, bien sûr! COTICE, rentrant. Quelle neige, mes amis, on se dirait en Castille ou au pôle Nord. La nuit commence à tomber. Dans une heure il fera noir. Hâtons-nous pour voir encore clair. PÈRE UBU Oui, entends-tu, Pile ? hâte-toi. Hâtez-vous tous les deux ! Embrochez la bête, cuisez la bête, j'ai faim, moi !PILE Ah ! c'est trop fort, à la fin ! Il faudra travailler ou bien tu n'auras rien, entends-tu, goinfre ! PÈRE UBU Oh ! ça m'est égal, j'aime autant le manger tout cru, c est vous qui serez attrapés. Et puis, j'ai sommeil, moi ! COTICE Que voulez-vous, Pile ? Faisons le dîner tout seuls. Il n'en aura pas. Voilà tout. Ou bien on pourra lui donner les os. PILE C'est bien. Ah, voilà le feu qui flambe. PÈRE UBU Oh ! c'est bon ça, il fait chaud maintenant. Mais je vois des Russes partout. Quelle fuite, grand Dieu ! Ah Il tombe endormi. COTICE Je voudrais savoir si ce que disait Rensky est vrai, si la Mère Ubu est vraiment détrônée. Ça n'aurait rien d'impossible. PILE Finissons de faire le souper. COTICE Non, nous avons à parler de choses plus importantes. Je pense qu'il serait bon de nous enquérir de la véracité de ces nouvelles. PILE C'est vrai, faut-il abandonner le Père Ubu ou rester avec lui ? COTICE La nuit porte conseil. Dormons, nous verrons demain ce quil faut faire. PILE Non, il vaut mieux profiter de la nuit pour nous en aller. COTICE Partons, alors. Ils partent.
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