SCÈNE III

PÈRE UBU, MÈRE UBU, CAPITAINE BORDURE ET SES PARTISANS









MÈRE UBU

Bonjour, messieurs, nous vous attendons avec impatience. Asseyez-vous.

CAPITAINE BORDURE

Bonjour, madame. Mais où est donc le Père Ubu ?

PÈRE UBU

Me voilà ! me voilà ! Sapristi, de par ma chandelle verte, je suis pourtant assez gros.

CAPITAINE BORDURE

Bonjour, Père Ubu. Asseyez-vous, mes hommes.

Ils s'asseyent tous.

PÈRE UBU

Ouf, un peu plus, j’enfonçais ma chaise.

CAPITAINE BORDURE

Eh ! Mère Ubu ! que nous donnez-vous de bon au'ourd'hui ?

MÈRE UBU

Voici le menu.

PÈRE UBU

Oh Ceci m'intéresse.

MÈRE UBU

Soupe polonaise, côtes de rastron, veau, poulet, pâté de chien, croupions de dinde, charlotte russe...

PÈRE UBU

Eh ! en voilà assez, je suppose. Y en a-t-il encore ?

MÈRE UBU, continuant.

Bombe, salade, fruits, dessert, bouilli, topinam­bours, choux-fleurs à la merdre.

PÈRE UBU

Eh ! me crois-tu empereur d'Orient pour faire de telles dépenses ?

MÈRE UBU

Ne l'écoutez pas, il est imbécile.

PÈRE UBU

Ah ! je vais aiguiser mes dents contre vos mollets.

MÈRE UBU

Dîne plutôt, Père Ubu. Voilà de la polonaise.

PÈRE UBU

Bougre, que c'est mauvais.

CAPITAINE BORDURE

Ce n'est pas bon, en effet.

MÈRE UBU

Tas d'Arabes, que vous faut-il ?

PÈRE UBU, se frappant le front.

Oh ! j'ai une idée. je vais revenir tout à l'heure.

Il s'en va.

MÈRE UBU

Messieurs, nous allons goûter du veau.

CAPITAINE BORDURE

Il est très bon, j’ai fini.

MÈRE UBU

Aux croupions, maintenant.

CAPITAINE BORDURE

Exquis, exquis ! Vive la Mère Ubu.

TOUS

Vive la Mère Ubu.

PÈRE UBU, rentrant.

Et vous allez bientôt crier vive le Père Ubu.

Il tient un balai innommable à la main et le lance sur le festin.

MÈRE UBU

Misérable, que fais-tu ?

PÈRE UBU

Goûtez un peu.

Plusieurs goûtent et tombent empoisonnés.

PÈRE UBU

Mère Ubu, passe-moi les côtelettes de rastron, que je serve.

MÈRE UBU

Les voici.

PÈRE UBU

A la porte tout le monde ! Capitaine Bordure, j’ai à vous parler.

LES AUTRES

Eh ! nous n'avons pas dîné.

PÈRE UBU

Comment, vous n'avez pas dîné ! A la porte tout le monde ! Restez, Bordure.

Personne ne bouge.

PÈRE UBU

Vous n'êtes pas partis ? De par ma chandelle verte, je vais vous assommer de côtes de rastron.

Il commence à en jeter.

TOUS

Oh ! Aïe ! Au secours ! Défendons-nous ! mal­heur ! je suis mort !

PÈRE UBU

Merdre, merdre, merdre. A la porte ! je fais mon effet.

TOUS

Sauve qui peut ! Misérable Père Ubu ! traître et gueux voyou !

PÈRE UBU

Ah ! les voilà partis. je respire, mais j'ai fort mal dîné. Venez, Bordure.

Ils sortent avec la Mère Ubu.

















































































































































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