SCÈNE IV |
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PÈRE UBU Qui de vous est le plus vieux ? (Un paysan s'avance.) Comment te nommes-tu ? LE PAYSAN Stanislas Leczinski. PÈRE UBU Eh bien, cornegidouille, écoute-moi bien, sinon ces messieurs te couperont les oneilles. Mais, vas-tu m'écouter enfin ? STANISLAS Mais votre Excellence n'a encore rien dit. PÈRE UBU Comment, je parle depuis une heure. Crois-tu que je vienne ici pour prêcher dans le désert ? STANISLAS Loin de moi cette pensée. PÈRE UBU Je viens donc te dire, t'ordonner et te signifier que tu aies à produire et exhiber promptement ta finance, sinon tu seras massacré. Allons, messeigneurs les salopins de finance, voiturez ici le voiturin à phynances. On apporte le voiturin. STANISLAS Sire, nous ne sommes inscrits sur le registre que pour cent cinquante-deux rixdales que nous avons déjà payées, il y aura tantôt six semaines à la saint Mathieu. PÈRE UBU C'est fort possible, mais jai changé le gouvernement et jai fait mettre dans le journal qu'on paierait deux fois tous les impôts et trois fois ceux qui pourront être désignés ultérieurement. Avec ce système, jaurai vite fait fortune, alors je tuerai tout le monde et je m'en irai. PAYSANS Monsieur Ubu, de grâce, ayez pitié de nous. Nous sommes de pauvres citoyens. PÈRE UBU Je m'en fiche. Payez. PAYSANS Nous ne pouvons, nous avons payé. PÈRE UBU Payez ! ou je vous mets dans ma poche avec supplice et décollation du cou et de la tête Cornegidouille, je suis le roi peut-être ! TOUS Ah, c'est ainsi ! Aux armes ! Vive Bougrelas, par la grâce de Dieu, roi de Pologne et de Lithuanie! PÈRE UBU En avant, messieurs des Finances, faites votre devoir. Une lutte s'engage, la maison est détruite et le vieux Stanislas s'enfuit seul à travers la plaine. Ubu reste à ramasser la finance. |
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