SCÈNE VII

La cour du palais pleine de Peuple.

PÈRE UBU couronné, MÈRE UBU, CAPITAINE BORDURE, LARBINS chargés de viande.




PEUPLE

Voilà le roi ! Vive le roi ! Hurrah!

PÈRE UBU, jetant de l'or.

Tenez, voilà pour vous. Ça ne m'amusait guère de vous donner de l'argent, mais vous savez, c'est la Mère Ubu qui a voulu. Au moins, promettez-moi de bien payer les impôts.

TOUS

Oui, oui !

CAPITAINE BORDURE

Voyez, Mère Ubu, s'ils se disputent cet or. Quelle bataille.

MÈRE UBU

C’est vrai que c'est horrible. Pouah en voilà un qui a le crâne fendu.

PÈRE UBU

Quel beau spectacle ! Amenez d'autres caisses d'or.

CAPITAINE BORDURE

Si nous faisions une course.

PÈRE UBU

Oui, c'est une idée.

Au peuple.

Mes amis, vous voyez cette caisse d'or, elle contient trois cent mille nobles à la rose en or, en monnaie polonaise et de bon aloi. Que ceux qui veu­lent courir se mettent au bout de la cour. Vous par­tirez quand j'agiterai mon mouchoir et le premier arrivé aura la caisse. Quant à ceux qui ne gagneront pas, ils auront comme consolation cette autre caisse qu'on leur partagera.

TOUS

Oui ! Vive le Père Ubu ! Quel bon roi ! On n'en voyait pas tant du temps de Venceslas.

PÈRE UBU, à la Mère Ubu, avec joie.

Écoute-les!

Tout le peuple va se ranger au bout de la cour.

PÈRE UBU

Une, deux, trois ! Y êtes-vous ?

TOUS

Oui ! Oui!

PÈRE UBU

Partez !

Ils partent en se culbutant. Cris et tumulte.

CAPITAINE BORDURE

Ils approchent ! ils approchent!

PÈRE UBU

Eh ! le premier perd du terrain.

MÈRE UBU

Non, il regagne maintenant.

CAPITAINE BORDURE

Oh ! Il perd, il perd ! fini ! c'est l'autre

Celui qui était deuxième arrive le premier.

TOUS

Vive Michel Fédérovitch ! Vive Michel Fédéro­vitch!

MICHEL FÉDÉROVITCH

Sire, je ne sais vraiment comment remercier Votre Majesté...

PÈRE UBU

Oh ! Mon cher ami, ce n'est rien. Emporte ta caisse chez toi, Michel; et vous, partagez-vous cette

autre, prenez une pièce chacun jusqu'à ce qu'il n'y en ait plus.

TOUS

Vive Michel Fédérovitch ! Vive le Père Ubu!

PÈRE UBU

Et vous, mes amis, venez dîner ! je vous ouvre aujourd'hui les portes du palais, veuillez faire honneur à ma table !

PEUPLE

Entrons ! Entrons ! Vive le Père Ubu ! c'est le plus noble des souverains !

Ils entrent dans le palais. On entend le bruit de l'orgie qui se prolonge

jusqu'au lendemain. La toile tombe.


FIN DU DEUXIÈME ACTE





















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