SUJET: À LA RECHERCHE DU FIL DE DIEU
Le 22 Fév 2004 à 20:50:00
Message #3856 / 4466 Envoyé par L.L. de Mars
Chers tous,
pour les rennais ou tous ceux qui sont pas trop loin, je transmet cette info qui ne peut pas passer telle quelle sur la liste (c'est du HTML, vous avez échappé à un fond cyan du meilleur goût, hmmm, je vous dis que ça) filée par Csepher:
"FORUM DES PSYS DE RENNES
Samedi 6 mars 2004 14h à 18h (accueil à 13h45)
Halte à l'évaluation généralisée
Le 6 mars 2004 De 14h à 18h Faculté de Droit et de Science Politique
9, rue Jean Macé 35000 RENNES
Entrée libre, participation aux frais 10€, 5€ pour les étudiants
et chômeurs
Renseignements :
Roger Cassin : tel : 02 99 79 07 04 ; email : cassin@wanadoo.fr
Jean Luc Monnier : tel : 02 99 79 72 36 ; email : monnierj@club-internet.fr"
Y'avait une liste de participants et un descriptif du programme, mais ces cornichons en en fait des images; je vais pas me farcir la frappe, tant pis. Je vois au passage Mordillat (le réalisateur de l'épatant Corpus Christi) et une de nos colistières, tient donc, petite cachottière...
On notera tout de même que l'entrée est plus chère qu'un concert d'Élémarsons. Et après je suis assez stupide pour me demander comment on fait pour rester pauvres...
L.L.d.M.
Le lièvre :
Je vois au passage Mordillat (le réalisateur de l'épatant Corpus
Christi)
Épatant, je confirme. Si j'arrive à être d'accord avec Laurent sur un sujet religieux, c'est soit qu'on a beaucoup vieilli depuis hier, soit que c'est *vraiment* très bien. Noter, du même Mordillat, le tout aussi épatant "Jésus-Christ contre Jésus-Christ" en collaboration avec Jérôme Prieur, disponible en poche (chez Points, me semble-t-il), et une collaboration régulière aux Papous (France-Cul, dimanche, 12 h 40- 13h58), bref cet homme est très fréquentable.
et une de nos colistières, tient donc, petite cachottière...
Des noms ! Ou, à la rigueur, un lien ?
> On notera tout de même que l'entrée est plus chère qu'un concert d'Élémarsons.
Ah bon ? C'est combien, un concert d'Elémarsons ?
F.
Objet: Re: [terrier] FORUM DES PSYS DE RENNES
Le 26 Fév 2004 à 09:58:00
Message #3867 / 4466 Envoyé par L.L. de Mars
Epatant, je confirme. Si j'arrive à être d'accord avec Laurent sur un sujet religieux, c'est soit qu'on a beaucoup vieilli depuis hier, soit que c'est *vraiment* très bien.
Je doute franchement mon cher François que je puisse être un jour
d'accord avec un grand garçon qui enmêle à volonté
religion et superstition comme s'il s'agissait d'une seule et même chose
; pour ton enthousiasme à propos de Corpus Christi, c'est surtout
à mon avis que ta religieuse irreligiosité fait, comme pour beaucoup
d'athées pathologiques* (une certaine branche anarchisante du lot, pas
très difficile en matière de métaphysique), feu de tout
bois pour peu qu'elle voit (ou croit voir) quelque part l'écho de son
démontage brouillon.
Tout content de constater autant d'activité historique autour d'un texte
dont tu réfutes la sainteté (comme, après tout, moi-même,
je te le rappelle), voilà une rassurante chanson du retour du rationnel,
n'est-ce pas, pour celui qui ne peut s'extirper de sa propre tendance à
subsumer la foi à l'histoire des religions**.
Dieu serait une farce parce qu'on s'entretue en son nom. Bizarre équation...
Je suppose qu'il est temps d'abandonner les droits de l'homme pour les mêmes
raisons.
L.L.d.M.
* ce qui laisse bien entendu entendre qu'il existe à mes yeux des formes non pathologiques d'athéisme, celles qui s'expriment par autre chose que les nerfs.
** Ce qui est hautement pertinent, non? Faisons-en autant avec la médecine
et interdisons sa pratique: depuis toujours entre les mains de types qui se
prennent pour des demi-dieux et qui enchainent les superstitions comme des perles
- la moindre d'entre elles n'étant pas la santé - en pliant la
société entière au délire aseptique, elle a un pouvoir
un peu plus appuyé que le Vatican, cette saloperie. À la mer les
médecins!
Objet: Re: Re: [terrier] FORUM DES PSYS DE RENNES
Le 26 Fév 2004 à 12:56:56
Message #3868 / 4466 Envoyé par F. Coquet
Dieu serait une farce parce qu'on s'entretue en son nom. Bizarre équation... Je suppose qu'il est temps d'abandonner les droits de l'homme pour les mêmes raisons.
Non, ton dieu,comme tous les dieux, est une farce. Qu'on s'entretue en son (leur)
nom ne fait que la transformer en farce sinistre.
Mais bon, les religieux ont toujours eu un peu de mal avec les questions de causalité...
François
Objet: Re: Re: [terrier] FORUM DES PSYS DE RENNES
Le 26 Fév 2004 à 13:01:41
Message #3869 / 4466 Envoyé par F. Coquet
Allez, après réflexion, j'accepte la perche :
* ce qui laisse bien entendu entendre qu'il existe à mes yeux des formes non pathologiques d'athéisme, celles qui s'expriment par autre chose que les nerfs.
En effet. Essayons dans un autre contexte : il existe aussi des formes non pathologiques d'art contemporain, celles qui s'expriment par autre chose qu'une posture radicale.
Comme je suis dans un jour de bonté, je t'offre cette phrase pour ta prochaine demande de financement institutionnel, ça devrait faire bon effet.
François
Objet: Re: [terrier] FORUM DES PSYS DE RENNES
Le 27 Fév 2004 à 14:29:39
Message #3874 / 4466 Envoyé par L.L. de Mars
> Non, ton dieu,comme tous les dieux, est une farce.
Merde, moi qui attendais une pitite controverse pimentée pour égayer
la liste, j'ai un prout d'écolier. ... C'est toujours pareil: on attend
une tempête dans un crâne et on a le raz de marée dans un
slip.
«Ton dieu,comme tous les dieux, est une farce»... J'ai la vague
impression d'avoir pris vingt ans d'un coup. Vingt ans de moins.
«Ah, Bruce Willis! C'est mon Dieu»
Fabrice Neaud, fan.
«Mon Dieu, ça a encore attaché! Cette casserole est foutue.»
Gaétane Woulite, spécialiste des dieux et des casseroles.
> Mais bon, les religieux ont toujours eu un peu de mal avec les questions de causalité...
Je me demande quel pourcentage de ma bibliothèque il faudrait que je
brûle pour pouvoir t'accompagner dans ce genre de déclaration...
Va déj falloir virer l'essentiel de la philo, allez zou! À la
mer les métaphysiciens! Hop!
Sinon, j'y pense, l'ontologie, sans le religieux, ça devient quoi de
passionnant?
Je crois que je vais virer aussi Jay Gould parce que j'ai l'impression bizarre
qu'il vire dangereusement métaphysicien le coco. Bon. je réponds
du même coup à la suite, pas très envie de m'étendre,
tu as un bougre de talent pour décourager toute conversation.
>>* ce qui laisse bien entendu entendre qu'il existe
à mes yeux des formes non pathologiques d'athéisme, celles qui
s'expriment par autre chose queles nerfs.
> En effet. Essayons dans un autre contexte : il existe aussi des formes
non pathologiques d'art contemporain, celles qui s'expriment par autre chose
qu'une posture radicale.
Hm. On, sent bien à te lire que tout ça a du sens pour toi, et
que ce serait peut-être même cinglant. Mais j'ai beau retourner
ça dans tous les sens, vraiment, je vois pas. Qu'entends-tu par là?
Ma phrase laisse clairement entendre que je considère l'athéisme
sous sa forme épidermique comme une pathologie (je n'ai évidemment
aucune compétence pour diagnostiquer sérieusement quoi que ce
soit, il s'agit juste de la forme policée de la sanction pour "imbécillité
épaisse").
Là-dessus, je pense qu'il n'y a pas d'ambiguité. Une sorte de
bégaiement de l'esprit qui sait pas trop quoi foutre avec Dieu, mais
qui veut pas, bon sang qui veut pas! Aaaaah! Caca!
Bien.
J'en dirais à peu près autant pour presque tous les moments de
l'existence où l'on systémise la cession de sa parole à
ses nerfs dès qu'est abordé un certain sujet (genre moi avec les
salsifis. J'entretiens un rapport d'amour/haine avec les salsifis mais je vais
pas vous gonfler avec ça).
Je voudrais essayer de comprendre ta comparaison: veux-tu dire qu'une posture
radicale en art contemporain est pathologique?
C'est quoi une posture radicale en art contemporain?
Est-ce une posture artistique radicale dont nous sommes contemporain? (sinon
ça voudrait dire qu'elle est radicalement contemporaine. Et là,
franchement, je vois pas bien)
Dans ce cas, disons "une posture radicale en art est pathologique",
c'est ça? (Ou alors on pouvait être radical en 1957 mais là,
non, vraiment, c'est plus possible?)
En quoi?
Dans le fait qu'il s'agisse d'une posture?
Au sens d'attitude forcée ou au sens de situation?
Au sens d'une attitude forcée, oui, je suppose que toute posture tient
de cette forme répandue de pathologie sociale: vouloir tirer les gratifications
d'un statut sans en payer le prix.
Bien. Dans ce cas, radicale ou pas, la nature pathologique ne situe pas là.
Ou bien c'est le radical qui tient de la pathologie?
Dans ce cas nous n'avons rien à nous dire. Est-ce assez radical?
> Comme je suis dans un jour de bonté, je t'offre cette phrase pour ta prochaine demande de financement institutionnel, ça devrait faire bon effet.
Je me demande à qui tu parles par-dessus mon épaule... À
moins que ce ne soit un effet comique.
Bon. On va continuer à causer Peer2Peer, je crois que ça vaut
mieux au fond. Qui qu'a vu mon flim, dites?
Mel L.L.d.M. Gibson
Philippe De JonckheereObjet: Re: [terrier] FORUM DES PSYS
DE RENNES
Le 27 Fév 2004 à 16:00:59
Message #3874 / 4466 Envoyé par Philippe De Jonckheere
Et à part ça que foutait Dieu avant la création du monde?
Phil, farceur.
Objet: Re: [terrier] FORUM DES PSYS DE RENNES
Le 27 Fév 2004 à 15:22:28
Message #3875 / 4466 Envoyé par L.L. de Mars
Et à part ça que foutait Dieu avant la création du monde? Phil, farceur.
Modifions-nous sa substance en tant qu'émanations (ou représentations,
si l'on suit ce que je raconte plus bas) de son désir? En d'autres termes,
la question pourrait-elle se poser ainsi: «Qu'était Dieu avant
la création du Monde?».
Si, comme je préfères le postuler, Dieu est plus fondateur que
créateur, alors La question que vous posez revient à se demander
ce qu'est la morale tant que nous ne l'agissons pas; un peu comme si elle était
une substance dont on s'empare, nouménale, que nous actualiserions par
la séparation propre de ses valeurs, jusqu'ici indisctintes.
Cet «état», qui parait n'avoir aucun sens, est en gros pourtant
ce que les textes donnent pour l'état séraphique: une Loi incorporée
absolument et indistincte de Dieu, et, voletant de-ci de là comme des
merdasses souriantes avec ou non des plumes dans le cul, des créatures
si ajustées à leur créateur - les anges - que cette Loi
n'a pas plus de sens pour eux que plumes, monde, feuilles, nuées, sol.
Ces figures - intercessives et actrices selon certaines théologies, tutélaires
ou oniriques selon d'autres - doivent pouvoir satisfaire les athées de
la liste comme métaphore de l'impénétrable gelée
du réel. Ce qui signifierait que Dieu, s'il est fondateur, cherche par
cette fondation de quoi se fonder lui-même, un miroir de sa puissance
à fonder. Ceci entraîne fatalement la nécessité que
la créature soit émancipée de la Loi comme substance, pour
la réincorporer par le jeu de son propre désir. S'il fallait une
démonstration ontologique au libre arbitre, cette proposition pourrait
être un point de départ possible (parmi tant d'autres, bien entendu.
Le plus intéressant étant le trajet qui y conduit, la réponse,
elle, est jetable). Ainsi, si le «à son image» est bien réflexif
et non distributif, c'est le couple énergie/désir qui caractérise
le lien de cette ressemblance.
Une des millions de réponses à votre question intéressante
au moins en tant qu'elle est absurde (s'il est fondateur, il se fonde avec sa
fondation, s'il est créateur la réponse est Dieu, dans tous ses
états et de toute éternité identique à lui-même):
avant notre apparition, Dieu était sans doute dans notre actuelle situation
vis à vis de lui: plein d'un désir sans objet, une forme intransitive
du désir.
L.L.d.M.
«J'ai choisi de croire en Dieu parce que ça rend lumineuse la
moindre
conversation de bistrot»
M.B.
Philippe De JonckheereObjet: Re: [terrier] FORUM DES PSYS
DE RENNES
Le 27 Fév 2004 à 16:00:59
Message #3876 / 4466 Envoyé par Philippe De Jonckheere
«J'ai choisi de croire en Dieu parce que ça rend lumineuse la moindre conversation de bistrot M.B.
M.B. c'est pour Maurice Blanchot?
Phil, qui n'a décidément jamais été très sérieux au cathéchisme, voire farceur.
Objet: Re: [terrier] FORUM DES PSYS DE RENNES
Le 27 Fév 2004 à 18:37:47
Message #3877 / 4466 Envoyé par L.L. de Mars
Philippe De Jonckheere a écrit :
>>«J'ai choisi de croire en Dieu parce que ça rend lumineuse
la moindre conversation de bistrot M.B.
> M.B. c'est pour Maurice Blanchot?
il allait au bistrot, Maurice Blanchot? Vous avez des sources vraiment étonnantes, vous.
Objet: Re: [terrier] FORUM DES PSYS DE RENNES
Le 27 Fév 2004 à 18:38:43
Message #3878 / 4466 Envoyé par F. Coquet
Philippe :
> Et à part ça que foutait Dieu avant la création du monde?
Mais de quel dieu s'agit-il, déjà ? J'en ai une bonne collection en stock, et la réponse diffère suivant le candidat.
François
Objet: Re: [terrier] FORUM DES PSYS DE RENNES
Le 27 Fév 2004 à 22:39:05
Message #3879 / 4466 Envoyé par L.L. de Mars
Mais de quel dieu s'agit-il, déjà ? J'en ai une bonne collection en stock, et la réponse diffère suivant le candidat.
Tu vas pouvoir le balancer ton stock, je crains que tu ne te sois fait refiler
de la camelote; tes réponses ne valent rien, tu aurais dû plutôt
acheter un stock de questions.
Ce qui sépare l'athée du croyant tient en peu de chose: que la
nature de l'homme soit hasardeuse pour l'un et pour l'autre motivée.
Les deux postulent à la source de la vie humaine un principe, mais seul
le second donne à ce principe ce qu'on peut appeler une conscience. La
foi est le questionnement de cette conscience : que doit-on à cette conscience?
Peut-on pénétrer la nature de cette conscience? A-t-elle d'autres
desseins que notre apparition? Par où, surtout, agit-elle dans le langage?
La question: "quel Dieu"? serait assez nunuche de la part d'un occidental
né dans un pays monothéiste qui sait a priori quelle réalité
recouvre ce mot dans sa langue maternelle si elle était autre chose que
le jeu d'une andouille se donnant l'air d'avoir posé la question du siècle
qui tue. Mais c'est quoi, au juste, cette question qui n'en est pas une?: si
tu me demandes quel lapin je préfère, celui avec les plumes et
le bec ou l'autre avec le poil soyeux, je te répondrai à coup
sûr que le premier n'est pas un lapin mais une poule et qu'il est temps
que tu apprennes à faire la différence. Que Dieu soit Dieu, c'est
une question de définition, sinon c'est qu'on est en train de parler
d'autre chose.
Si tu dois retrancher de Dieu tout ce qui le définit, trouve-moi un nouveau
mot très joli comme tout pour me parler de ton invention, mais ne t'imagines
pas être en train de batailler contre Dieu quand tu ne t'excites que contre
le père Noël, avec lequel tu sembles le confondre.
Que tu y croies ou non, c'est encore autre chose, mais ça ne change pas
cette notion définitionnelle; pour ma part je ne crois pas dans l'existence
de la santé, mais quand on m'en cause, je sais ce qu'on est en train
de me dire. Pour tous les monothéistes, Dieu recouvre la même vérité
principielle, la même conjonction immanente et transcendante, même
si les dogmes qui découlent de l'organisation sociale de la foi, de l'interprétation
des textes voire du choix-même des textes saints par lesquels on s'ouvre
à la question du divin sont différents. Après, nous pénétrons
le champ des religions, c'est encore autre chose que la métaphysique.
Si ta question avait été posée ainsi: «de quelle
religion (comme position pour ta parole) parles-tu de Dieu?», j'aurais
sans doute répondu «Qu'est-ce que ça peut bien foutre, il
est question ici du Principe commun à toutes; et surtout, qu'est-ce que
ça peut bien te foutre à toi dont le discernement assez particulier
les confond toutes de toute façon?»
Sinon, putain, il neige à Rennes; je sais pas chez vous, mais ici il
neige.
Il serait peut-être temps de changer le titre de ce fil si on le poursuit,
parce que là, " FORUM DES PSYS DE RENNES", c'est assez bizarre
du coup...
L.L.d.M.
Objet: Re: [terrier] FORUM DES PSYS DE RENNES
Le 28 Fév 2004 à 06:54:36
Message #3880 / 4466 Envoyé par P. De Jonckheere
“Lourdes
Hautes-Pyrénées
France
Monsieur
Un rat, ou tout autre petit animal mange une hostie consacrée,
1/ Ingère-t-il le Corps Réel, oui ou non?
2/ Si non qu'est devenu celui-ci?
3/ Si oui que faire de celui-là?
C'est dans "Molloy" d'un petit auteur irlandais que j'aime beaucoup,
Samuel
Beckett.
Amicalement
Phil
Objet: Re: [terrier] FORUM DES PSYS DE RENNES
Le 28 Fév 2004 à 15:35:45
Message #3881 / 4466 Envoyé par L.L. de Mars
Un rat, ou tout autre petit animal mange une hostie consacrée, 1/ Ingère-t-il le Corps Réel, oui ou non? 2/ Si non qu'est devenu celui-ci? 3/ Si oui que faire de celui-là?
Tout dépend quelles conditions président à l'acomplissement
du miracle chrétien pour l'eucharistie: la foi du croyant en son accomplissement
fait-elle de l'ostie le Corps Réel? la bénédiction de l'ostie
suffit-elle? Si c'est le second cas, alors le rat a avalé le corps du
Christ et il va falloir lui taper sur la tête avec un petit maillet à
mécréant appelé pumpidum pour qu'il recrache.
Sinon, ça dépend: la miette est-elle tombée un peu mâchée
de la bouche d'un croyant qui avait déjà investi sa foi dans la
transsubstantiation?
Si oui: pareil, pumpidum etc.
Mais la question, ensuite, est relative aux conséquences, et là,
je n'en sais pas plus que pour les conditions qui font de l'ostie le Corps Réel
ou non: celui qui ingère le Corps Réel devient-il chrétien
pour autant? Si oui, un rat peut-il faire sa première communion? Aller
au cathé?
L.L.d.M.
Objet: Re: [terrier] FORUM DES PSYS DE RENNES (débat annexe, ce que
foutait Dieu avant la créati du monde, les actes de ce colloque finiront
bien par suivre)
Le 28 Fév 2004 à 16:12:06
Message #3882 / 4466 Envoyé par «Aucun nom n'est défini»
Selon "L.L. de Mars - le Terrier" <lldm@wanadoo.fr>:
Tout dépend quelles conditions président à l'acomplissement du miracle chrétien pour l'eucharistie: la foi du croyant en son accomplissement fait-elle de l'ostie le Corps Réel? la bénédiction de l'ostie suffit-elle? Si c'est le second cas, alors le rat a avalé le corps du Christ et il va falloir lui taper sur la tête avec un petit maillet à mécréant appelé pumpidum pour qu'il recrache. Sinon, ça dépend: la miette est-elle tombée un peu mâchée de la bouche d'un croyant qui avait déjà investi sa foi dans la transsubstantiation? Si oui: pareil, pumpidum etc. Mais la question, ensuite, est relative aux conséquences, et là, je n'en sais pas plus que pour les conditions qui font de l'ostie le Corps Réel ou non: celui qui ingère le Corps Réel devient-il chrétien pour autant? Si oui, un rat peut-il faire sa première communion? Aller au cathé? L.L.d.M.
Admettons que le rat ingère véritablement le corps du Christ (à
ce sujet nous éviterons de parler de toutes les vermines qui elles ont
véritablement entamé le corps du Christ pendant trois jours nous
dit-on, mais à vrai dire faut-il croire tout ce qui est écrit
dans cette deuxième partie assez douteuse d'un livre dont il faut admettre
que la première partie est mieux écrite que la seconde dans laquelle
on relève tout de même de criantes invraisemblances, un type qui
marche sur l'eau, un autre qui nourrit une foule avec trois quignons de pain
et deux darnes de saumon, si on se permet des trucs pareils on peut écrire
n'importe quel roman, enfin ce que j'en dis) et, second précepte, que
la religion c'est l'opium du peuple:
1/ cela fait-il de notre rat un drogué, donc un rat de laboratoire, pov
bête?
2/ le rat fait-il partie du peuple?
3/ sommes-nous des rats?
Toutes ces questions que je me pose aujourd'hui...
Phil, qui décidément n'a pas écouté grand-chose au cathéchisme, sans quoi il ne poserait pas des questions aussi tartes.
> --
Philippe De Jonckheere
Email: pdj@desordre.net
Site: http://www.desordre.net
Objet: Re: [terrier] FORUM DES PSYS DE RENNES (débat
annexe, ce que foutait Dieu avant la création du monde, les actes de
ce colloque finiront bien par suivre)
Le 28 Fév 2004 à 17:13:33
Message #3883 / 4466 Envoyé par F. Coquet
Philippe :
>mais à vrai dire faut-il croire tout ce qui est écrit dans cette deuxième partie assez douteuse d'un livre dont il faut admettre que la première partie est mieux écrite que la seconde dans laquelle on relève tout de même de criantes invraisemblances, un type qui marche sur l'eau, un autre qui nourrit une foule avec trois quignons de pain et deux darnes de saumon, si on se permet des trucs pareils on peut écrire n'importe quel roman, enfin ce que j'en dis)
Ah, mais il y en a de belles aussi dans la première partie : pour rester dans le thème aquatique et alimentaire, on y apprend qu'une inondation peut noyer aussi les poissons, qu'on peut faire pleuvoir du pain du ciel et couper la mer en deux en laissant un passage au milieu.
Dans un registre plus savant, on y apprend aussi que le nombre pi (le périmètre d'un cercle de diamètre un, ignorants) vaut 3, ce qui simplifie un certain nombre de calculs mais semble encore contesté par certains hérétiques.
François
Objet: Re: [terrier] FORUM DES PSYS DE RENNES
Le 28 Fév 2004 à 17:51:21
Message #3884 / 4467 Envoyé par F. Coquet
Suite d'une passionnante controverse.
> > Mais de quel dieu s'agit-il, déjà ? J'en ai une bonne collection en stock, et la réponse diffère suivant le candidat. Tu vas pouvoir le balancer ton stock, je crains que tu ne te sois fait refiler de la camelote;
C'est bien ce que je craignais : contrefaçons made in Tiers-Monde, c'est ça ?
> Ce qui sépare l'athée du croyant tient en peu de chose: que la nature de l'homme soit hasardeuse pour l'un et pour l'autre motivée. La question: "quel Dieu"? serait assez nunuche de la part d'un occidental né dans un pays monothéiste qui sait a priori quelle réalité recouvre ce mot dans sa langue maternelle si elle était autre chose que le jeu d'une andouille se donnant l'air d'avoir posé la question du siècle qui tue.
Ben plus je me la pose, cette question, plus je la trouve pertinente. Parce
que de deux choses l'une : soit le dieu dont auquel il est question est, dans
mon pays supposé monothéiste (j'y reviendrai plus bas) un simple
dieu régional, daté historiquement et localisé géographiquement,
auquel cas il ne vaut guère plus cher que les dieux des autres temps
et autres cieux - et ma question ci-dessus reste entière ; soit c'est
le (le seul, hein, on est au moins d'accord sur l'unicité du monde dans
lequel on vit ?) dieu créateur (allez, je transige pour "fondateur")
de l'Univers, rien que ça, et ça me pose un problème de
me dire que justement, voyez-vous, j'ai la chance insigne d'être né
dans la petite région et la courte époque où "on"
ne se trompe pas à son sujet. Vous vous rendez compte un peu, j'aurais
pu naître dans ces contrées ou époques barbares où
on m'aurait parlé de Bouddah et de réincarnation, de Brahma, de
Seth, de Bélénos, de Zeus, d'Odin, de divers cultes animistes
shintoïstes, syncrétistes, que sais-je ? Et non, je nais juste là
et quand on me parle du vrai seul dieu fondateur, et j'ai encore l'audace de
me plaindre : trop d'ingratitude, vraiment.
Heureusement que la foi en ce vrai Dieu, certes sous des aspects parfois concurrentiels,
a pu faire pièce radicale d'un certain nombre d'hérésies
européennes, africaines ou américaines, ça prouve qu'on
est les meilleurs et ça simplifie la donne, mais pas assez à mon
goût. A vrai dire, j'ai même une certaine réticence intellectuelle,
voire morale, à accepter que le, donc, vrai seul dieu m'a fait la grâce
de naître quand et là où on le reconnaît pour ce qu'il
est . Réticences encore aggravées quand je réfléchis
aux conséquences que des esprits mal intentionnés, quoique bénéficiaires
de la même grâce, pourraient en tirer.
Et tant que j'y suis, à propos du "pays monothéiste"
(c'est beau comme du Raffarin ; on ne t'a jamais dit que ce pays ne reconnaît
aucun culte ?) :
dans ce pays, comme dans les pays voisins où les divers avatars du vrai
Dieu ont passé quelques millénaires à se foutre sur la
gueule, et ça ne semble pas fini, la version historiquement majoritaire
est un monothéisme à trois, dont deux au moins clairement différenciés.
Là aussi, la question de "quel dieu ?" a une pertinence...
François (prochaine épisode : et encore, si un dieu nous foutait au moins la paix...)
Objet: Re: [terrier]DIEU: principe, conscience
Le 29 Fév 2004 à 01:32:32
Message #3885 / 4467 Envoyé par Eric
le 27/02/04 23:42, L.L. de Mars - le Terrier à lldm@wanadoo.fr a écrit
:
> Ce qui sépare l'athée du croyant tient en peu de chose: que la nature de l'homme soit hasardeuse pour l'un et pour l'autre motivée. Les deux postulent à la source de la vie humaine un principe, mais seul le second donne à ce principe ce qu'on peut appeler une conscience.
Monsieur, voici mes t'chiotes questions de Picardie, France, pays monothéiste
ça tout le monde le sait, où il neige ici aussi (en Picardie).
J'en profite pour les poser puisque vous avez l'air en de bonnes dispositions
actuellement et que vous ne vous êtes pas encore énervé
alors que franchement j'en vois un certain nombre là-bas qui ne font
rien qu'à chercher à vous agacer.
-Il n'existe vraiment pas d'athée pensant la nature de l'homme autre qu'hasardeuse?
-Qu' appelez vous exactement la nature de l'homme et en quoi là distinguez vous de celle des animaux ou des cailloux, si toutefois vous là distinguez?
-Que signifie "donner une conscience à un principe"?
Merci de me répondre,
mes respectueuses salutations vespérales, ding dong oh je crois qu'il
est l'heure.
Eric L.
Objet: Re: [terrier] DIEU: dfinition
Le 29 Fév 2004 à 01:43:58
Message #3886 / 4467 Envoyé par Eric
le 27/02/04 23:42, L.L. de Mars - le Terrier à lldm@wanadoo.fr a écrit
:
> Que Dieu soit Dieu, c'est une question de définition, sinon c'est qu'on est en train de parler d'autre chose.
-Est-ce que vous pourriez nous donner cette définition s'il vous plaît,
ça faciliterait ma prise de note et de conscience.
Et, si vous ne pouvez pas nous donner cette définition s'il vous plaît,
pouvez vous nous dire pourquoi vous ne la donnez pas?
Merci,
Eric L.
Objet: Re: [terrier] FORUM DES PSYS DE RENNES
Le 29 Fév 2004 à 01:45:05
Message #3887 / 4467 Envoyé par Eric
le 27/02/04 23:42, L.L. de Mars - le Terrier à lldm@wanadoo.fr a écrit
:
> Pour tous les monothéistes, Dieu recouvre la même vérité principielle, la même conjonction immanente et transcendante (...)
C'est à dire?
Eric L.
Objet: Re: [terrier] A la poursuite du fil de DIEU.
Le 29 Fév 2004 à 01:46:42
Message #3888 / 4467 Envoyé par Eric
le 27/02/04 23:42, L.L. de Mars - le Terrier à lldm@wanadoo.fr a écrit
:
> Il serait peut-être temps de changer le titre de ce fil si on le poursuit,
Oh oui, poursuivons-le.
Eric L.
Objet: Re: [terrier] DIEU: véri principielle,conjonction
immanente et transcendante.
Le 29 Fév 2004 à 01:49:31
Message #3889 / 4467 Envoyé par Eric
le 27/02/04 23:42, L.L. de Mars - le Terrier à lldm@wanadoo.fr a écrit : Pour tous les monothéistes, Dieu recouvre la même vérité principielle, la même conjonction immanente et transcendante (...)
C'est-à-dire?
Objet: fil à retordre ?
Le 01 Mar 2004 à 11:12:52
Message #3890 / 4467 Envoyé par thierry.bouche
Le vendredi 27 février 2004 à 23:42:32, L.L. Terrier écrivit
:
LLdM> Ce qui sépare l'athée du croyant
tient en peu de chose: que la nature de l'homme soit hasardeuse pour l'un et
pour l'autre motivée.
Assez d'accord avec ce raccourci.
À quoi sert Dieu ? À simplifier le monde en plaquant un sens dessus.
À fonder, donc, une vérité transcendante qui autorise toutes
les intolérances « c'est pas moi qui l'ai dit, c'est Lui »
-- version supposément gonflée de « si tu continues à
m'emmerder, j'appelle mon grand frère ! »
LLdM> La foi est le questionnement de cette conscience :
Mouais, en s'appuyant sur le postulat de son existence, le questionnement va sûrement aller très loin !
LLdM> que doit-on à cette conscience?
Un grand confort intellectuel. Cataplasmant les inquiétudes.
LLdM> Peut-on pénétrer la nature de cette conscience?
trop immatérielle ! Et pis ya pas de fille dans la Trinité !
LLdM> A-t-elle d'autres desseins que notre apparition?
on le lui souhaite ! Parce que sinon, tout ce charivari pour ça...
LLdM> Par où, surtout, agit-elle dans le langage?
J'allais dire que c'était un dieu bien lacanien que le tien, mais bon, à supposer que cette question soit sérieuse, l'hypothèse de dieu corrompt le discours et le sens du langage en introduisant un absolu dans des énoncés qui ne peuvent être que relatifs.
« je ne t'aime pas, prends donc cette mandale » devient :
« tu es le Mal et c'est ainsi que je te bombarde, amen. »
Thierry Bouche
Objet: Re: [terrier] fil à retordre ?
Le 01 Mar 2004 à 11:41:42
Message #3891 / 4467 Envoyé par tea o
Par où, surtout, agit-elle dans le langage? J'allais dire que c'était un dieu bien lacanien que le tien, mais bon, à supposer que cette question soit sérieuse, l'hypothèse de dieu corrompt le discours et le sens du langage en introduisant un absolu dans des énoncés qui ne peuvent être que relatifs. « je ne t'aime pas, prends donc cette mandale » devient : « tu es le Mal et c'est ainsi que je te bombarde, amen. »
Thierry Bouche
Mouais. Me fait aussi penser à l'"Introduction à la métaphysique" de MH : il propose sa question, celle qu'il estime au centre de toute interrogration métaphysique et de toute métaphysique "pourquoi y-a-t'il de l'être et non pas plutôt rien". Puis suit un étrange passage où il prononce en substance "les croyants peuvent sortir", c'est à dire qu'ils ne peuvent pas questionner cette question puisque là où celui qui ne croit pas (le terme Athée, en ce qu'il s'orne d'un préfixe privatif -et privé de quoi je vous le demande - ne me satisfait pas) se trouve confronté à ce "pourquoi y-a-t'il de l'être et non pas plutôt rien", le croyant aurait lui déjà une réponse, ou déjà du moins au travers de sa croyance quelque chose (qu'on aura bien du mal à nommer) qui lui interdit l'accès à cette question (avec toute l'angoisse qui lui est associée), qui lui en bouche l'horizon; donc ce qui va se tenir par la suite - ce texte est la transcription d'un séminaire - le questionnement de la question ne lui serait pas ... j'allais écrire accessible et ce n'est pas ça ... ne lui serait pas "destiné" pour reprendre ce terme un peu fourre-tout.
Diantre que cela est compliqué.
Je trouve ça assez séduisant et en même temps un peu court. Réducteur. Je connais des biologistes qui font très bien l'association entre une robuste dose de théorie de l'évolution (où le hasard joue un rôle énorme sinon déterminant - hop, petit chèvre-pied) et leur croyance, leur dieu ou leur foi. L'histoire regorge de métaphysiciens qui sont allés s'aventurer sur les limites de ce chaos là de la pensée des fondations sans forcément renacler. Et puis il existe tellement de façons de croire.
La foi peut se dévoyer en simplifications, ou se figer (provisoirement ou au long cours) en réponses supposées à une question fondamentale supposée, mais peut aussi fonctionner tout autrement.
à quoi sert dieu ?
oolong
Objet: Re: [terrier] fil à retordre ? (pan sur le bec)
Le 01 Mar 2004 à 13:36:41
Message #3892 / 4467 Envoyé par tea o
> Le vendredi 27 février 2004 à 23:42:32,
ooops, dans les choux le oolong, la formulation de la question est "pourquoi y-a-t-il de l'étant et non pas plutôt rien" :
"Nous demandons la question fondamentale de la métaphysique : "Pourquoi y a-t-il l'étant et non pas plutôt rien ?" Dans cette question fondamentale s'annonce déjà la pré-question : "Qu'en est-il de l'être?". "
mes excuses.
oolong
Objet: Re: [terrier] FORUM DES PSYS DE RENNES
Le 01 Mar 2004 à 19:51:57
Message #3893 / 4467 Envoyé par L.L. de Mars
C'est bien ce que je craignais : contrefaçons made in Tiers-Monde, c'est ça?
toi non plus tu ne comprends pas ce que j'écris? Vous le faites exprès
toi et Eric ou quoi? Je répète la phrase, ça pourrait s'arranger:
«tes réponses ne valent rien, tu aurais dû plutôt acheter
un stock de questions.» Voilà exactement ce que j'avais écrit.
«Réponses»...
«Questions»...
«Réponses» ;
«Questions».
est-ce clair?
Bon, pour le reste, hé bien ça va encore friser la chronophagie...
c'était peut-être une très mauvaise idée de ma part
cette conversation; parce que sur cette liste ça ne se voit évidemment
pas mais certains d'entre vous, plus timides probablement, me bombardent sur
le même sujet en privé, ce qui va finir par dévorer toutes
mes journées! Argl....
mais pourquoi ne pas prendre ça, après tout, comme une opportunité
de mettre un peu plus clairement en ordre certaines conceptions personnelles
sur la question; ça me fera pas de mal.
Il me semble que tu superposes des choses assez différentes, et que,
par là-même, une certaine confusion règne entre tes différentes
exigences de réponses, relatives pour les unes à l'existence de
Dieu (ce qui n'est pas de mon ressort du tout, ni du ressort de qui que ce soit,
j'ai la foi et c'est tout) et pour les autres à la façon dont
les hommes organisent avec la foi leur relation à Dieu (relation, d'ailleurs,
dans les différents sens du terme, celui de narration historique comme
celui de lien spécifique).
> un simple dieu régional, daté historiquement et localisé géographiquement, auquel cas il ne vaut guère plus cher que les dieux des autres temps et autres cieux -et ma question ci-dessus reste entière ;
Ta superposition commence ici entre Dieu (comme conscience fondatrice selon
moi, créatrice pour d'autres) et la façon dont les croyants organisent
leur relation à ce dont ils ont l'intuition (il ne peut s'agir d'autre
chose, inutile de chercher devant ça un quelconque écho de démonstration
rationnelle même si plusieurs philosophes, poussés par des nécessités
politiques heureusement caduques, s'y sont essayés: quiconque se plonge
dans un mode démonstratif commet à mon avis une erreur de "lieu"
si nous évoquons la créance accordée à Dieu).
Pour la plupart des croyants, cette relation est signifiée par des manifestations;
pour les uns par un rapport contemplatif à une sorte de permanence "visible"
(sensible) de l'ontologie en toute chose (et pas seulement chez les animistes:
certains points de vue rabbiniques considèrent aussi que le monde est
un livre, au sens le plus littéral du terme), pour d'autres par le dérèglement
de l'ordre des choses par Celui qui est censé l'avoir institué
(les miracles); et, pour les trois monothéismes, bien entendu, par des
textes.
Que ces textes soient de Dieu, cela ne fait aucun doute pour eux, ces manifestations
"littéraires" sont incorporées au chemin de leur foi,
croire au livre et croire en Dieu signifie pour eux une seule et même
chose. Ces livres ne sont pas que les manifestations de Dieu (inspirés
par Lui ou selon d'autres dictés), ils sont surtout l'instrument du questionnement
infini de notre relation à Lui. Car le Livre n'est jamais "écrit"
(fixé); c'est le premier point sur lequel tes exigences de datation et
tes déclarations sur la régionalité ou l'histoire frisent
la candeur. Le Livre (et non le Dieu) daté et régional n'existe
que dans ton esprit ; pour un monothéiste (du moins pour un Juif ou un
chrétien, je ne connais pas grand-chose à l'Islam), rien n'est
donné ni fixé. Le livre est composé en plusieurs moments
d'Écriture, se compose de plusieurs ouvrages qui ont des fins et des
origines distinctes; on y rencontre des textes juridiques, des guides pour la
vie religieuse, quotidienne, agricole même. On y croise bien entendu un
livre d'Histoire. Ce qu'elle est, la façon dont elle est racontée,
est parfois soumis aux mêmes règles du passage par le mythe comme
éclairage (et non comme éclaircissement), que les livres d'Hérodote
ou de Pausanias sur lesquels nous continuons à fonder en parfaite connaissance
de cause notre actuelle histoire de l'Antiquité. Les narrateurs s'enchaînent,
les périodes y sont soumises à des angles d'approche différents
selon les multiples aspect du questionnement de la relation principielle dont
cette écriture est le pari. Chaque partie est elle-même, infiniment,
en réécriture.
Ce principe est à la fois celui de l'inteprétation herméneutique
(celle qui révèle le Livre aux croyants) et celui de la théologie
(c'est la poursuite infinie de l'écriture qui associe l'homme à
l'invention du Monde selon ce qu'il comprend des desseins de Dieu: le moindre
de ces desseins étant pour nous d'être digne de lui, c'est à
dire l'inventeur du monde); car il n'y a pas que la Thora, il y a aussi les
deux talmuds, la kabbale et les multiples écrits rabbiniques pour le
judaïsme (ce travail de composition et d'étude étant déjà
commencé dans le Livre-même avec les textres massorétiques).
Peu à peu, ces textes relèvent de la même foi respectueuse
que le corps de la Thora elle-même, en tant qu'ils en procèdent
et qu'ils participent à sa révélation (Midrash); et pour
les chrétiens, il y a aussi une histoire continue et foisonnante de l'écriture
savante ; le christianisme que tu imagines fixé, n'a jamais eu le même
visage depuis son apparition à nos jours.
Je suis émerveillé de lire aujourd'hui le petit prof de maths
tout triomphant avec son Pi devant l'Écriture Sainte de quelques siècles
avant l'ère chrétienne: c'est oublier - outre le fait que nous
ne sommes pas en train de tailler le bout de gras devant un manuel d'arithmétique
- que si on tient le livre pour Livre de Dieu (sinon, il n'y a même pas
de problème, n'est-ce pas: c'est un vieux livre parmi l'ensemble des
autres) alors il est adressé: il n'est pas adressé pour instruire
de Pi, mais pour conduire à en inventer, entre mille autres choses, la
notion ; le Livre instruit de l'existence d'un dialogue entamé.
Cette notion est assez importante, par exemple, pour se méfier d'une
traduction aussi littéralisante que celle de Chouraqui, par exemple,
dont l'attachement à un rythme particulier ne fait que réveiller
la langue des morts pour un livre qui s'adressait (et doit toujours s'adresser)
à des vivants. En effet, l'étrangeté provoquée par
cette traduction n'est pas du texte, elle se place entre lui et moi. De la même
manière, chacun de ces textes est composé avec une adresse particulière
(dans le sens "s'adresser à") dont il faut tenir compte. Chaque
texte est LE POINT DE DÉPART d'une interprétation infinie, et
c'est ce simple ancrage qui lui donne sa langue, l'espace de ses métaphores,
de ses descriptions, de ses correspondances. Afin qu'il PUISSE ÊTRE ENTENDU.
A un tarahumara, il vaudra mieux éviter de causer "principe actif"
pour le convaincre que ce qu'on lui refile va le guérir, et il aura pleinement
raison de se méfier: le nom de quelque chose de familier le persuadera
du pouvoir de ce qu'on lui propose. À Marcel, il vaudra mieux au contraire
aligner quelques composants qui n'ont que la consonnance de noms savants pour
qu'il se sente déjà un peu guéri : le nom de quelque chose
d'obscur et d'inconnu le convaincra du pouvoir de ce qu'on lui propose.
Pour ma part, ça ne me pose aucun problème. Que la vérité
puisse emprunter des voix complètement différentes pour se donner
à nous et que ces formes puisse cohabiter sans se ruiner est chose assez
banale : un Bambara sait bien que Tiy-Wara est une gazelle, mais quand il a
faim il n'essaie pas de manger un bout de bois sculpté, il va chasser
une gazelle. D'aucuns savent qu'ils sont anarchistes et sont pourtant fonctionnaires
de l'état. Paul Veynes, spécialiste brillantissime de l'histoire
antique écrit dans son "Les grecs ont-ils cru à leur mythe?":
«Les auditeurs d'Homère croyaient à la vérité
globale, et ne boudaient pas le plaisir du conte de Mars et de Venus».
Reste la question des autres formes qu'a pu prendre cette intuition du Principe
Divin en d'autres manifestations. Mais si on entend cette notion de l'adresse
associée à celle de l'inteprétation infinie on approche...
insigne d'être né dans la petite région et la courte époque où "on" ne se trompe pas à son sujet.
Courte époque? Petite région? (La petite région du monothéisme
biblique, c'est une plaisanterie?). Le Temps de Dieu fait des Sept Jours sept
millénaires ou sept battements de paupière, ça n'a aucune
espèce d'importance. La courte époque ne te parait courte (je
ne parle ici que du moment d'écriture qui, je le répète
n'est lui-même qu'un moment du livre) que dans la mesure ou se mêlent
dans l'éloignement autant de textes qui étaient déjà
très éloignés les uns des autres: pour Boticelli, tout
ce qui l'opposait désormais au vieux maître Ghirlandaio devait
paraître assez important, et marquer cet écart être assez
urgent, pour qu'il ressente la nécessité de peindre son Saint
Augustin exactement en face du Saint Jérôme de Ghirlandaio pour
le lui opposer dans l'Eglise d'Ognissanti. Mais quiconque aujourd'hui regarde
les deux fresques face-à face n'y voit qu'un dialogue harmonieux entre
deux peintres de la Renaissance presque contemporains l'un de l'autre. Un texte
n'a même pas besoin d'être propulsé aussi loin que l'Ancien
Testament pour trouver sa zone d'immémorialité confuse, il suffit
qu'il soit ailleurs : les innombrables récits de Martyres (qui
finirent par être compilés par Voragine pour son extraordinaire
Légende Dorée) étaient des récits crus non
pas à l'identique de la réalité quotidienne, mais bien
au contraire en tant qu'ils n'en faisaient pas partie, ce qui reléguait
leur vérité propre (le mode de leur vérité) dans
une sphère "hors d'âge", ce qu'on donnait pour "le
temps des païens (voir Van Gennep: "Religions, moeurs et légendes")
pourtant à peine éloigné de trois ou quatre siècle
des moments les plus exhaltés de leur relation.
L'unité qui embrasse désormais les textes sacrés, est l'unité
exégétique.
Vous vous rendez compte un peu, j'aurais pu naître dans ces contrées ou époques barbares où on m'aurait parlé de Bouddah et de réincarnation, de Brahma, de Seth, de Bélénos, de Zeus, d'Odin, de divers cultes animistes shintoïstes, syncrétistes, que sais-je ? Et non, je nais juste là et quand on me parle du vrai seul dieu fondateur, et j'ai encore l'audace de me plaindre : trop d'ingratitude, vraiment.
Ce que je peux te dire par rapport à ça est assez simple: si
tu fouinasses chez Vernant («les origines de la pensée grecque»)
ou toujours chez Veynes dans «Les Grecs ont-ils [...]», tu
verras que la tripartition de Varron entre les Dieux de la cité (auxquels
les hommes rendent un culte), les dieux des poètes (ceux de la mythologie)
et les dieux des philosophes (qui frôlent sans cesse la figure principielle
des monothéistes) est toujours le mode selon lequel on approche le rapport
antique au divin. Est-il utile que j'analyse?
Heureusement que la foi en ce vrai Dieu, certes sous des
aspects parfois concurrentiels, a pu faire pièce radicale d'un certain
nombre d'hérésies européennes, africaines ou américaines,
ça prouve qu'on est les meilleurs et ça simplifie la donne, mais
pas assez à mon goût.
La permanence du judaïsme ne participe pas à cette conception gentiment linéaire du monothéisme (un témoin chasse l'autre...); le christianisme lui-même vit dans d'innombrables modes exégétiques et religieux contemporains quoique très différents (je ne crois pas qu'il y ait beaucoup plus de points communs entre le monachisme franciscain et le missionarisme jésuite qu'entre un rabbin et un analyste lacanien)
> certaine réticence intellectuelle, voire morale, à accepter que le, donc, vrai seul dieu m'a fait la grâce de naître quand et là où on le reconnaît pour ce qu'il est .
c'est pourtant sans aucune réticence que tu épouses le modèle
rationnaliste plus récent, plus localisé, et tellement moins polysémique.
Il ne te viendrait même pas à l'esprit qu'il s'agisse d'une créance.
Pourtant, la place que le rationalisme scientifique accorde, par exemple, à
la souveraineté des faits et à la puissance indiscutable du réel
y ressemble beaucoup... Pour mon compte, la raison et la foi ne sont pas du
tout inconciliable.
Mais à part ça, Dieu qui t'a fait "la grace de naître",
je ne vois pas de quoi tu parles... A moins que, sans que tu en saches rien,
tu sois chrétien?
Et tant que j'y suis, à propos du "pays monothéiste" (c'est beau comme du Raffarin ; on ne t'a jamais dit que ce pays ne reconnaît aucun culte ?
touchant, vraiment. Et tellement sincère. Avec les mêmes airs
candides de tenir pour les faits le code qui prétend les organiser: nous
sommes en démocratie. Nous ne parlons qu'une seule langue sur ce territoire.
etc. etc.
Tu peux tortiller ton petit derrière d'indignation tant que tu veux,
nous sommes ici en terre chrétienne à fond les balluches (ton
courrier le trahit sans cesse), il n'y a pas un caillou qui ne me le rappelle
quand je me promène ici, et ceci jusqu'au salaire d'hommes d'église
filés par l'état en Alsace. Et pis la subvention du jubilée
du Papounet, etc.
Que tu sois contre est une chose (je suis moi-même complètement
opposé à toute superposition de l'Eglise - quelle qu'elle soit
- et de l'état), que tu nies la banale trame qui tisse la réalité
historique et quotidienne autour en est une autre, et plutôt bizarre pour
qui semble si soucieux de contexte quand il s'agit d'autre chose...
> dans ce pays, comme dans les pays voisins où les divers avatars du vrai Dieu ont passé quelques millénaires à se foutre sur la gueule, et ça ne semble pas fini,
Le seul pays ou des avatars divins se soient battus entre eux à ma connaissance,
c'est l'Inde (si je me souviens bien du Mahabarata). A moins que tu ne considères
l'homme comme un avatar du vrai Dieu? Tu es croyant?
La permanence de ta subsomption des croyants, des religions, de Dieu lui-même
à la même espèce de pâte brouillonne en dit assez
long sur tes intentions comme sur ton approche de ce sujet: confusion.
Pour ma part il ne me viendrait pas à l''esprit de comparer les idéaux
de gauche qui sont les miens à leur sinistre histoire: la Terreur, les
S.A., Staline, etc. À aucune moment ça n'a infléchi ma
conviction (une forme inébralanble, elle aussi, de la foi) en ces idéaux.
Tes manières rationalistes sont touchantes, mais la raison n'est qu'une toute petite partie de ce qui motive les hommes à agir. Faire de la musique, essayer de parler de Dieu à des gens qui n'y croient pas sans aucun désir de les convertir à quoi que ce soit (je méprise le prosélytisme), penser que tous les hommes ont exactement le même droit que moi devant la vie, et même penser que tuer son prochain est mal, rien de tout ça n'est motivé par la raison. Elle pourrait conduire à l'autre bout du choix.
> François (prochaine épisode : et encore, si un dieu nous foutait au moins la paix...)
ah, il t'embête?
Mais comment fait-Il?
L.
Objet: Re: [terrier]DIEU: principe, conscience
Le 01 Mar 2004 à 20:10:46
Message #3894 / 4467 Envoyé par L.L. de Mars
-Il n'existe vraiment pas d'athée pensant la nature de l'homme autre qu'hasardeuse?
Motivée?, et par une conscience?. A priori, je réponds: non.
> -Que signifie "donner une conscience à un principe"?
donner une conscience à un principe
La suite des questions (« Qu' appelez vous exactement la nature de l'homme et en quoi là distinguez vous de celle des animaux ou des cailloux, si toutefois vous là distinguez?»).n'est pas sur le même registre (nunuche) mais infiniment plus guerrière:
> Merci de me répondre,
je n'ai aucune raison de te répondre. Je te répondrai quand tu
cesseras de jouer au con. Si tu questionnais un philosophe du sujet avec ton
air de gland et une question aussi fine que "C'est quoi le sujet?"
je suppose qu'il ouvrirait la bouche, qu'un sifflet d'air en sortirait, et qu'il
s'arrêterait là, net, devant l'ampleur de la question.
Tu veux des réponses à une question comme celle-ci?:
« Qu' appelez vous exactement la nature de l'homme et en quoi là
distinguez vous de celle des animaux ou des cailloux, si toutefois vous là
distinguez?».
Je me suis rappelé, rêveur, que tu avais quelques années
de plus que moi: qu'as-tu fait de ces années, dormi?
C'est simple: soit tu es un crétin, (ce dont je doute, sois-en certain),
et tu veux une réponse en dix lignes. Intéressant. Quelqu'un a
une réponse en dix lignes pour monsieur?
Soit tu veux une réponse attentive : tu veux enliser l'interlocuteur
avec la bonne vieille méthode de la chronophagie.
Un bon truc, Éric: si tu veux causer avec qui que ce soit d'autre chose que du temps qu'il fait (et encore, vaudra mieux pas trop pousser sous peine de devoir assez rapidement en venir à Gleick ou à Stewart), va falloir quelques prémisses, des bases d'entendement commun qui ne nécessiteront pas sans cesse de revenir à l'origine du discours...
---------------------------- suite -------------------
> -Est-ce que vous pourriez nous donner cette définition s'il vous plaît, ça faciliterai ma prise de note et de conscience.
voir ci-dessus, et, surtout, celui de mes courriers qui avait motivé
ce questionnement de mes fesses.
En gros? Va chier si ça ne te suffit pas. Ton vouvoiement à lui
seul me gonfle. Faut pas trop non plus te foutre de la gueule du monde, je ne
supporte pas les zozos qui prennent un air malin quand ils n'ont pas compris
quelque chose: le malin, Éric, a priori, c'est celui qui comprend, pas
l'autre. Je n'ai aucun devoir d'être absolument limpide comme un présentateur
télé, contrairement à toi, je n'ai pas choisi d'être
pédagogue; à partir du moment où je fais des efforts pour
être clair (jongler avec des notions aussi rebattues que l'immanence et
la transcendance pour évoquer le principe divin, putain, c'est pas vraiment
ce qui s'appelle de l'occultisme!) si tu n'arrives pas à me lire, lis
autre chose. Ne crois surtout pas qu'il doive en être différemment
sous le prétexte qu'il s'agit ici d'une liste de diffusion: je dirais
la même chose en conversation: «va causer à ton voisin Toto».
Peu de choses m'échauffent plus les oreilles que la vanité tiré
de la feigasserie intellectuelle.
À moins que réellement tu n'attendes une réponse, et dans
ce cas-là, effectivement, c'est la méthode chronophage (celle
qui finira nécessairement par: j'abandonne, tout ça dépasse
de loin le cadre de mon temps épistolaire) : le dernier article de vulgarisation
scientifique que j'aie lu relatif à la nuit, prenait pas moins de quatre
pages bien tassées pour expliquer pourquoi la nuit ne s'embrasait pas
de la lumière de toutes les étoiles. Ces quatre pages collationnaient
du mieux qu'elles le pouvaient ce qui devait représenter plus de deux
siècles d'hypothèses scientifiques sur le sujet. Ces quatre pages
me semblaient insuffisantes, vraiment, je me sens à peine instruit, je
regrette qu'ils n'aient pas pris plus de temps.
Je sais pertinement que sur le forum Arts plastiques (f.r.a.p) quand un type
débarque avec un air finaud et la question la plus stupide qui soit "mais
au fond, c'est quoi l'art?" il ne vise pas autre chose que de la liquider
(en général pour y trouver sa petite place après avoir
ôté toute spécificité à l'art sans avoir fourni
le moindre effort).
Je crois qu'il y a grandement maldonne sur le sens de ce fil: une conversation vaine et inventive sur un motif théologique, voilà qui m'excitait. Le va-t-en guerre de type Don Camillo contre Pepone m'a toujours fait baîller.
L.L.d.M.
Objet: Re: [terrier] fil à retordre ?
Le 01 Mar 2004 à 20:43:13
Message #3895 / 4467 Envoyé par L.L. de Mars
À quoi sert Dieu ?
Drôle de question; mais je vois à la suite qu'elle n'en est pas
une vraie. Car ta réponse n'en est pas une, du moins elle ne répond
pas à cette question. C'est plutôt un truc du genre «à
quoi sert le dogmatisme religieux? A l'expression du dogmatisme religieux»...
Ces rangements hâtifs du religieux comme du reste des actions irrationnelles
humaines font la part un peu trop belle aux motivations d'ordre sociologique
(un peu comme cette obsession touchante et fonctionnaliste de réintégrer
systématiquement la pratique de l'art dans le "contexte" etc.)
>À simplifier le monde en plaquant un sens dessus.
Non: pour moi, c'est le fait qu'il me rendre le monde beaucoup plus compliqué qui m'excite ; le sens, ça complique, c'est l'absence de sens qui rend les choses simples... Ou alors il y a un truc qui m'a échappé...
> fonder, donc, une vérité transcendante qui autorise toutes les intolérances « c'est pas moi qui l'ai dit, c'est Lui -- version supposément gonflée de « si tu continues à m'emmerder, j'appelle mon grand frère !
un peu léger: il n'y a pas d'échelle humaine qui ne soit régie
par des conceptions transcendantales (morale, philosophie eudémoniste).
Le transcendantalisme me parait déborder très largement le cadre
religieux, dès lors qu'il postule, par exemple, une unité quelconque
entre tous les humains qui puisse produire entre eux du devoir, de la redevabilité
etc.
Les conceptions généalogiques ou territoriales de ces notions
sont aussi des transcendances... L'essentialisme se loge partout ou pointe la
sociologie, l'histoire,
Ce qu'autorise une vérité ou un énoncé, après,
c'est une toute autre affaire (selon Hitler, le Nietzschéisme est la
"cause" de l'Hitlérisme...). Ce n'est pas la foi qui rend les
hommes brutaux, c'est la brutalité qui fait feu de tout bois (les tyrans,
par exemple, n'aiment généralement pas du tout l'idée de
Dieu qui fait de l'ombre à leur idée de la puissance).
> Mouais, en s'appuyant sur le postulat de son existence, le questionnement va sûrement aller très loin !
Bien entendu: ce postulat intègre le principe de repoussement infini hors des catégories du langage (et, contrairement à ce que dit Bataille, hors des catégories de l'entendement) à peu près aussi certainement que le régressus infini de la connaissance de soi pour Schopenhauer ; là encore, cette condition est une "propriété" (l'impossibilité de réification)
> que doit-on à cette conscience? Un grand confort intellectuel. Cataplasmant les inquiétudes.
Balourd, va. On trouve le confort exactement à l'endroit où on l'a placé. Le vide stellaire, une paire de Nike, Dieu ou son absence : la bourgeoisie pour certains, et pour d'autres la légion. Peu importe.
> Peut-on pénétrer la nature de cette conscience? trop immatérielle ! Et pis ya pas de fille dans la Trinité !
ah, comme François, tu es chrétien, je vois...
> J'allais dire que c'était un dieu bien lacanien que le tien, mais bon, à supposer que cette question soit sérieuse, l'hypothèse de dieu corrompt le discours et le sens du langage en introduisant un absolu dans des énoncés qui ne peuvent être que relatifs.
ça, ça mérite un peu plus de temps. Verrai dans les jours qui viennent, promis (putain, je prends un retard sur tout!)
L.L.d.M.
Objet: Re: [terrier]DIEU: principe, conscience et foutage de gueule
Le 01 Mar 2004 à 23:34:00
Message #3896 / 4467 Envoyé par Eric
le 1/03/04 21:14, L.L. de Mars - le Terrier à lldm@wanadoo.fr a écrit
:
>> -Il n'existe vraiment pas d'athée pensant la nature de l'homme
autre
> qu'hasardeuse? Motivée?, et par une conscience?. A priori, je réponds:
non.
Je ne peux pas te contredire car je suis persuadé que je n'entend rien comme tu entends en ce qui concerne "la nature de l'homme".
>> -Que signifie "donner une conscience à un principe"?
donner une conscience à un principe
Ah...
>> Merci de me répondre, je n'ai aucune raison de te répondre. Je te répondrai quand tu cesseras de jouer au con.
OK, je cesse immédiatement.
Je vais te dire tout de suite, par exemple, pourquoi je pose ces questions:
je te tiens pour un type d'une intelligence et d'une clairvoyance hors-norme
et je n'arrive pas à faire coexister, dans la représentation que
j'ai de toi, cet état de fait avec ta foi. Jouer au con au passage n'est
que decorum ou expression déguisée de mon angoisse face à
cette béance de mon pauvre esprit.
> Je me suis rappelé, rêveur, que tu avais quelques années de plus que moi:
Ah? Tu dis ça parce-que je mange trop gras?
> C'est simple: soit tu es un crétin, (ce dont je doute, sois-en certain), et tu veux une réponse en dix lignes. Intéressant. Quelqu'un a une réponse en dix lignes pour monsieur? Soit tu veux une réponse attentive : tu veux enliser l'interlocuteur avec la bonne vieille méthode de la chronophagie.
Il me semble surtout avoir eu connaissance de plusieures réponses (à propos de la nature de l'homme, donc), parfois assez différentes entre elles, et j'aurai souhaité que tu me précises la ou lesquelles tu faisais tiennes afin de pouvoir eventuellement poursuivre la conversation sur des bases plus fermes...
> Un bon truc, Éric: si tu veux causer avec qui que ce soit d'autre chose que du temps qu'il fait (et encore, vaudra mieux pas trop pousser sous peine de devoir assez rapidement en venir à Gleick ou à Stewart), va falloir quelques prémisses, des bases d'entendement commun qui ne nécessiteront pas sans cesse de revenir à l'origine du discours...
Précisément je n'ai pas beaucoup de bases d'entendement commun
dans le domaine de tout ce qui touche à la foi, et ce d'autant plus qu'il
me semble y avoir différentes approches, religieuses donc, de cette question
de la nature humaine.
Une référence à un auteur serait bienvenue, non? Je ne
te demande pas de t'enliser sous mes yeux à tenter d'y répondre
seul et ex-nihilo.
J'allais te sortir un super exemple de considération sur la nature humaine extraite de croyances pré-colombiennes, que j'aurai volontiers comparé avec les "croyances" (on peut le dire), sur le même sujet, de certains éthologistes américains par exemple, mais tous mes bouquins sont dans des cartons et je n'ai aucune mémoire du peu que je lis c'est effrayant. Les ravages de l'alcool je suppose.
> à partir du moment où je fais des efforts pour être clair (jongler avec des notions aussi rebattues que l'immanence et la transcendance pour évoquer le principe divin, putain, c'est pas vraiment ce qui s'appelle de l'occultisme!)
Tu t'es surement déjà demandé ce qu'il pouvait rester
de la représentation du "principe divin" pour quelqu'un qui
n'a pas la foi... Alors, que reste t-il?
(...)
J'ai à peu près autant de brouillard dans la tête quand
j'entend ces mots, "principe divin", que lorsque j'essaye de comprendre
où se trouve, dans la conversation d'un croyant, la limite entre ce qui
se laisse discuter et ce qui ne se laisse plus discuter (en vertu du principe
(fort indigeste) qu'on ne discute pas de la foi: on l'a ou pas).
Je crois qu'il y a grandement maldonne sur le sens de ce fil: une conversation vaine et inventive sur un motif théologique, voilà qui m'excitait. Le va-t-en guerre de type Don Camillo contre Pepone m'a toujours fait bailler.
Ce fil va dans le(s) sens où ceux qui le filent le tirent.
Le mode conversation vaine et inventive sur un motif théologique satisfait
pleinement mon sens esthétique et je prends réel plaisir à
écouter ceux qui ont capacité à le tisser.
Si l'autre mode devait virer à ce que tu dis, ma curiosité et
ma satisfaction intellectuelle en serait frustrées. J'essaye juste, une
fois de plus à grand peine, de m'exercer à avancer dans ma représentation
de ce que peut-être la foi, moi qui ne l'ai pas.
> En gros? Va chier si ça ne te suffit pas. Ton vouvoiement à lui seul me gonfle. Faut pas trop non plus te foutre de la gueule du monde, je ne supporte pas les zozos qui prennent un air malin quand ils n'ont pas compris quelque chose:
Oui. J'ai jamais été très doué pour donner les formes qui vont bien pour la perennité des relations humaines. Ca s'est un peu arrangé à l'oral, mais en conversation écrite ç'est terrible. Désolé.
en vrac
Quelques autres angoissantes questions pêchées de ci de là: (sans arrogance ou mauvais esprit, je t'aaasssuure):
> Le Livre (et non le Dieu) daté et régional n'existe que dans ton esprit.
Mais François a dit le Dieu. Pourquoi ne pourrait-il pas dire "le Dieu daté et régional"?
>que si on tient le livre pour Livre de Dieu (sinon,
il n'y a même pas de problème, n'est-ce pas: c'est un vieux livre
parmi l'ensemble des autres)
Mais précisément, celui à qui tu t'adresses, si j'ai bien suivi, ne le tient pas pour livre de Dieu. Alors le problème est: pourquoi ne serait-ce pas un vieux livre parmi l'ensemble des autres?
Pour mon compte, la raison et la foi ne sont pas du tout inconciliable.
Si tel n'était pas le cas nombreux seraient ceux qui ne seraient plus ici à t'écouter, étrange animal.
Non: pour moi, c'est le fait qu'il me rendre le monde beaucoup plus compliqué qui m'excite ; le sens, ça complique, c'est l'absence
de sens qui rend les choses simples... Ou alors il y a un truc qui m'a échappé...
L'absence de sens donné ne peut-elle générer la recherche
de sens?
Ou même l'absence de recherche de sens, ce qui n'est pas forcément
la plus simple des choses à faire...?
Eric L.
Objet: Re: [terrier] fil à retordre ?
Le 02 Mar 2004 à 09:04:53
Message #3898 / 4467 Envoyé par thierry.bouche
Le lundi 1 mars 2004 à 21:46:33, L.L. Terrier écrivit :
>> À quoi sert Dieu ?
LLdM> Drôle de question;
après vingt ans à tourner autour de la question, c'est la seule qui me semble pertinente : à quoi te sert de postuler l'existence d'un chose en lequel projeter une foi ?
Dieu n'est pas une donnée de la nature ni de l'humanité, c'est sociologique dans le sens où c'est produit par des petits groupes humains, un homme seul n'en a pas besoin.
LLdM> mais je vois à la suite qu'elle n'en est pas une vraie.
Que si !
LLdM> Car ta réponse n'en est pas une, du moins elle ne répond pas à cette question. C'est plutôt un truc du genre «à quoi sert le dogmatisme religieux? A l'expression du dogmatisme religieux»...
Que non !
Le problème est bien là : Que le monde soit avec ou sans dieu n'a qu'une seule incidence : il y a une vérité transcendante ou il n'y en a pas. À quoi ça sert de se donner un élément intangible absent de la nature ? À consoler, tout d'abord, mais ça fonde surtout l'intolérance. C'est un fait qu'il est facile de cantonner au religieux mais il est ontologique.
À quoi te sert ton dieu ? Qu'est-ce qui fait défaut dans ton petit appareillage ménager si tu ne l'allumes pas ?
Thierry Bouche
Objet: Re: [terrier] fil à retordre ?
Le 02 Mar 2004 à 10:22:07
Message #3899 / 4467 Envoyé par caroline
Je me décide à intervenir, pour ne pas laisser Laurent tout seul
se débattre dans le grand malentendu de cette discussion. Athée
moi-même, les athées de cette liste me sidèrent de leur
naïveté.
>> À quoi sert Dieu ?
LLdM> Drôle de question; après vingt ans à tourner autour
de la question, c'est la seule qui me semble pertinente : à quoi te sert
de postuler l'existence d'un chose en lequel projeter une foi ?
Dieu Benthamien. Des limites de l'utilitarisme pour appréhender certains phénomènes. A quoi sert une oeuvre d'art ?
Dieu n'est pas une donnée de la nature ni de l'humanité, c'est sociologique dans le sens où c'est produit par des petits groupes humains, un homme seul n'en a pas besoin.
Dieu sociologique (on rêve, d'ailleurs toute la sociologie est un doux
rêve).
D'où connais-tu un homme tout seul ? Elevé sur Mars en biosphère
?
Qu'est-ce qu'un besoin concernant l'homme ?
Les premières traces de l'humain sont justement religieuses (et artistiques,
de manière connexe d'ailleurs)
> Le problème est bien là : Que le monde soit avec ou sans dieu n'a qu'une seule incidence : il y a une vérité transcendante ou il n'y en a pas.
Pourquoi entendre Dieu comme un déterminisme, d'une part ? Comme détenteur d'une vérité d'autre part ? Pourquoi ne pas penser un Dieu hors-sens, qui vienne réaliser, incarner ce qui n'a pas de sens. Qu'il y ait de la transcendance, c'est une donnée de la pensée comme telle, c'est une fonction. Bataille disait que Dieu était une catégorie de l'entendement.
> À quoi ça sert de se donner un élément intangible absent de la nature ?
La théorie des ensembles prévoit Dieu, ou du moins une place où souvent on a mis Dieu, à savoir, l'exception qui permet de fermer un ensemble en sériant ses éléments. Mais là c'est vrai il ne s'agit pas d'une extériorité de la nature (dont j'aimerais ici une définition), mais du langage.
> À consoler, tout d'abord, mais ça fonde surtout l'intolérance. C'est un fait qu'il est facile de cantonner au religieux mais il est ontologique.
La colère contre Dieu est un autre nom de la croyance en Dieu. Tu es mélancolique au sens des théologiens du Moyen-Age, tu souffres de "tristitia", un désespéré de Dieu. Quand on met tant d'espoir dans quelque chose, ça vous revient dans la figure. C'est toi qui parles de tolérance, mais tu parles comme un censeur.
> À quoi te sert ton dieu ? Qu'est-ce qui fait défaut dans ton petit appareillage ménager si tu ne l'allumes pas ?
Comment te lèves-tu le matin en réussissant à oublier que tu peux mourir ? Que le hasard peut faire tomber une tuile sur ta tête dans la seconde qui suit ? On oublie au sens actif, on croit que... La croyance est la chose du monde la mieux partagée, athée ou pas. Le méconnaître c'est encore croire que la toute-puissance est possible.
Caroline
Objet: Fil à nourrir
Le 02 Mar 2004 à 16:26:09
Message #3902 / 4467 Envoyé par Julien
Bonjour à tous,
Je profite du message de Caroline, d'accord avec elle sur une naïveté un brin exaspérante (à moins qu'il ne s'agisse d'une précipitation faisant feu de tout raccourci offert), pour adresser une requête aux athées qui ont lancé la discussion. J'aimerais en effet apprendre ce qui leur permet cette agressivité à peine feutrée, comme ce qui les intronise juges & vengeurs des martyrs de l'incroyance. Soit : de quel athéisme parlez-vous ? Quelle est votre tradition ou votre bricolage philosophique personnel ?
Ça dégagerait peut-être un peu d'espace propice à autre chose qu'à l'annexion des victimes de toutes obédiences (ça doit lui faire une belle jambe aujourd'hui à Etienne Dolet d'être un martyr de la libre-pensée) ; annexion qui ne mène qu'au désolant «j'ai plus de morts que toi, nananère», petit jeu qui me les brise tout autant de la part des chrétiens («nos millions de martyrs de l'athéisme communiste») que des rationalistes. Je pense avec Laurent que la brute humaine trouvera toujours de quoi exciter son appétit pour le sang, même à en passer par des querelles de couleur de chaussettes, et que si des massacres invitent à relire l'histoire et le développement de telle ou telle idée, ils sont un prétexte trop commun - juste d'avoir été saisis comme excuse par des soudards - pour invalider à eux seuls des idéaux et des croyances. Si ça vous touche un neurone sans évoquer l'autre, repensez à Las Casas : seul homme à défendre les Indiens lors de la conquête et de la mise en coupe réglée du Nouveau Monde par l'Espagne, le futur évêque du Chiapas le fit bien au nom de sa foi qui lui faisait reconnaître une communauté d'humanité entre lui et les Indiens (exact sujet de la controverse de Valladolid), tandis que cette même foi n'était chez les conquistadors qu'un évident paravent à l'avidité et à la cruauté qui leur ont inspiré le système esclavagiste de l'encomienda. Alors Dieu ? A jeter avec la réprobation qu'on doit au génocide indien ? A conserver comme moteur d'un humanisme combattant ? Ce serait quand même bien simple.
Donc j'aimerais en savoir plus sur ce que vous entendez lorsque vous vous dites
athées. A vous lire, le rejet d'une croyance appuyée sur la dogmatique
des grandes religions traditionnelles semble largement partagé. Mais
après ? Allez-vous jusqu'au matérialisme intégral d'un
Démocrite ou en restez-vous au déisme ? Alors, sceptiques, incrédules,
libres-penseurs, déistes, matérialistes, agnostiques, panthéistes
?
Taoistes, bouddhistes ? Et ne me dites pas que ce sont des synonymes, on peut
être croyant et agnostique comme il arrive d'être athée et
de sombrer dans l'idéalisme spirituel...
La question ne me semble pas qu'un problème lexical : dans l'étendue qui va de l'incroyance irrationnelle (occultisme, athéisme pratique, ésotérisme) à l'incroyance rationnelle (matérialisme, athéisme théorique) se trouve bien comprise la croyance en Dieu. Et je vois plus d'affinité entre un athée spéculatif et un croyant religieux qu'entre ce même athée et un superstitieux ou un indifférent... Ainsi, je ne vois vraiment pas la foi du côté de l'irrationnel, et même si elle m'est presque incompréhensible, à moi l'athée de raison, elle me reste infiniment plus saisisable, plus proche que l'irrationnalisme incroyant des superstitieux. Parler de Dieu, oui, c'est même captivant, mais aller me faire tirer les cartes ou trouver quelque chose à répondre au millième embrumé qui cherche à m'assurer de l'aspect prémonitoire de son rêve, en jouant finement celui qui n'y croit pas du premier coup («mais tant de coïncidences, c'est troublant, quand même»), quel lourd ennui...
Pour finir je vais me plier à l'exercice que je vous réclame, donc vous parler de moi, ce qui vous fera la même jambe qu'à Etienne Dolet pour ceux qui suivent. Le bricolage dont je soutiens mon athéisme (et mon matérialisme) passe par les lectures désordonnées de Lucrèce, Spinoza, Nietzsche, Bataille et Deleuze, essentiellement. Soit quelque chose comme un patchwork où il est finalement souvent question de Dieu... Si je m'amuse à en faire ce qu'un professeur de philosophie appellerait une tradition, ça tient quand même ensemble dans un rejet du dualisme métaphysique platonicien, et de toute tentation d'arrière-monde, d'idéalisme et de transcendance. Mais ça m'éloigne aussi de certaines formes d'athéisme : le positiviste de Comte, le scientisme «athéorique» des rationalistes, le pessimisme de Schopenhauer, les anti-théodicées (soit l'athéisme de révolte contre l'existence du mal)... Toutes formes qui me semblent verser dans l'idéalisme aussi sûrement que les indifférents vont à la facilité.
Tout ça vous semble peut-être bien long, mais la fainéantise
des indifférents m'agace et l'évidence qu'ils voient à
l'athéisme n'est que la preuve d'une économie du questionnement
qui satisfait cette paresse.
Comme si la mort de Dieu dite par Nietzsche les dispensait à jamais du
questionnement d'où elle surgit. Mais dans le continuum que j'évoquais,
de l'incroyance irrationnelle à l'incroyance rationnelle (ce qui doit
faire bondir Laurent, non ?), il y a bien un mouvement impossible : un superstitieux
ou un indifférent n'iront jamais vers l'athéisme théorique
en faisant l'économie de la question de Dieu. Qu'on y réponde
par son absence ne devrait pas prendre ces allures de confort moral et permettre
ce ton de celui qui n'aurait pas d'effort à faire, puisqu'il possède
la certitude d'être dans le vrai. Je ne sais donc encore d'où vous
tirez votre athéisme, mais si c'est de Nietzsche (au hasard ?), il faudrait
encore vous souvenir qu'il pose la mort de Dieu comme le défi de penser
l'absence de Dieu (au risque sinon d'y voir s'installer pire que le cadavre
pourrissant de Dieu).
Julien P.
Objet: Re: [terrier] Fil à nourrir
Le 02 Mar 2004 à 17:10:20
Message #3903 / 4467 Envoyé par thierry.bouche
Le mardi 2 mars 2004 à 17:24:52, Julien Pauthe écrivit :
JP> Bonjour à tous, une requête aux athées qui ont lancé la discussion.
je n'en suis pas, je l'ai incidemment déportée et, si j'accepte la critique de la concision, pas celle de la naïveté. J'étais sûr qu'on nous ferait le coup des références, c'est pour ça que j'ai exprimé dans un langage simple un point de vue qui ne s'autorise que de moi.
Il est tout aussi peu nécessaire de s'inscrire dans une tradition de pensée que de croire en quoi que ce soit pour mener une vie d'honnête homme (ahah, terme méchamment connoté, pan sur le bec !).
Comme je constate qu'on m'a lu par le plus petit bout possible de la lorgnette, je n'ai pas du tout envie de faire d'efforts pour continuer le dialogue de sourds.
Disons que, pour moi, dieu et d'autres formes de transcendance existent, que
ce sont des produits des esprits, et plus particulièrement des discours,
qui les ont créés. Que j'envisage ça comme une sorte de
pus de l'esprit flottant autour de ceux qui l'ont créé et qui
cherche à m'engluer. L'athéisme est alors seulement une forme
de santé et d'hygiène. Dieu est un bouchon qui sert à colmater
des interrogations béantes d'effroi, un médicament de l'âme
incomplète. La conviction que les ceusses qui n'en veulent pas sont superficiels
ou idiots est aisée, c'est précisément l'un des aspects
de l'intolérance inhérente au concept dont je ne cesse de parler
: dieu est un package, il y a tout dedans :
le prêt-à-porter métaphysique des bonnes questions plus
profondes que les autres, le confort douillet de l'interrogation sur Sa Nature
et Mon Amour pour Lui sachant qu'il me fournit en douce les réponses,
la certitude sur la nature de l'homme, ses affolements et ses manques, etc.
Déjà, Bouddha « quand on me pique avec une flèche
je ne demande pas d'où elle vient ni qui l'a lancée mais comment
m'en sortir », « le monde est souffrance donc... ». Tu parles,
le monde est jouissance, dieu ne me sert de rien.
Thierry Bouche
Objet: Re: [terrier] fil à retordre ?
Le 02 Mar 2004 à 19:36:44
Message #3904 / 4467 Envoyé par L.L. de Mars
J'allais dire que c'était un dieu bien lacanien que le tien, mais bon, à supposer que cette question soit sérieuse, l'hypothèse de dieu corrompt le discours et le sens du langage en introduisant un absolu dans des énoncés qui ne peuvent être que relatifs.
Bon, j'en étais là, avant de laisser reposer (j'ai peu de temps
ces jours-ci, ça risque d'être assez décousu), et cette
réflexion m'a arrêté, parce qu'elle me confrontait à
un mode de pensée étonnant, celui que Genette appelle mimologique
(voir l'ouvrage du mêrme nom publié au Seuil), que je croyais depuis
bien longtemps abandonné, sauf par les détours pataphysiques (la
superficie de Dieu calculée par Faustroll) ou la dérive propre
à la folie littéraire d'un Brisset, parti à la poursuite
des VRAIS NOMS des choses.
Mais dans ton interrogation, pourtant, je retrouve intact le Cratyle que Platon
fait dialoguer avec Socrate, le Cratyle qui affirmait (désirait!) une
motivation morphologique au discours. Cherche l'écho d'une absoluité
structurelle ou morphologique à l'énoncé de l'absoluité
est aussi curieux que chercher des mots bleus pour causer du ciel: mais l'absoluité
de Dieu est un concept, dont les croyants sont bien persuadés que s'il
n'existe aucun mot pour en donner la juste valeur, ça ne l'éloigne
pas tellement au fond de tous les autres mots du monde qui sont si peu ajustés
A TOUT CE QUE L'ON VOUDRAIT DIRE.
Comme je l'écrivais il y a peu à un de nos listiers qui préfère
(à mon grand dam) poursuivre ce fil en privé: acclimatés
à l'idée de l'extrême ouverture de notre langage, nous lui
supposons toujours un degré d'inconnu au-dessus du connu : Dieu est donc
irratrapable par la connaissance et, de fait, nous confronte fatalement à
l'extension de l'étendue de sa définition à mesure que
nous approchons; c'est ce recul infini qui pourrait être sa définiton
même.
L.L.d.M.
Objet: Re: [terrier] fil à retordre ?
Le 02 Mar 2004 à 19:42:42
Message #3905 / 4467 Envoyé par L.L. de Mars
quoi je vous le demande - ne me satisfait pas) se trouve confronté à ce "pourquoi y-a-t'il de l'être et non pas plutôt rien", le croyant aurait lui déjà une réponse, ou déjà du moins au travers de sa croyance quelque chose (qu'on aura bien du mal à nommer) qui lui interdit l'accès à cette question
C'est parfaitement simplet comme conception de la Foi: autant prétendre que celui qui peint n'a plus rien à dire sur le désir, le sien étant comblé. Que je croie en l'existence de Dieu ne m'éclaire ni sur ses Desseins ni sur le sens de cette étrange aventure. Les modalités selon lesquelles, par exemple, certains rabbins essaient d'imaginer le mouvement par lequel Dieu se retranche de Lui-Même (tsim-tsum), en disent assez long sur ce qui fait question dans les sphères les moins entachées d'impiété : pourquoi Dieu a-t-il fait cela? Là, les réponses importent bien moins que le délicieux vertige intellectuel et métaphysique auquel on peut se donner grâce aux questions. S'il y a une réponse, c'est celle-ci: le continu de la question.
L.L.d.M.
Objet: Re: [terrier]DIEU: principe, conscience et foutage
de gueule
Le 02 Mar 2004 à 20:05:10
Message #3906 / 4467 Envoyé par L.L. de Mars
>Je vais te dire tout de suite, par exemple, pourquoi je pose ces questions: je te tiens pour un type d'une intelligence et d'une clairvoyance hors-norme et je n'arrive pas à faire coexister, dans la représentation que j'ai de toi, cet état de fait avec ta foi.
ça, c'est vraiment d'une incroyable cécité ; tout semble dans cette conversation, depuis le début, relever d'une certitude : celle que seule la foi en Dieu relèverait de la croyance. C'est assez nigaud, tout de même. Un nombre incalculable de nos choix, de nos actions, des moyens par lesquels nous modélisons le monde, est guidé par des croyances sans fondement rationnel, au service de celles-ci, avec ou sans Dieu. Je croyais qu'il n'y avais que les économistes pour être aussi fonctionnalistes et aveugles sur ce qu'est un homme (lire à ce sujet le précieux «Antimanuel d'économie» de Bernard Maris - éditions Bréal -, qui vaut ne serait-ce que pour les nombreux dépistages historiques qu'il offre de la superstition économiste) ou les fossoyeurs du langage que sont les communiquants.
> Précisément je n'ai pas beaucoup de bases d'entendement commun dans le domaine de tout ce qui touche à la foi, et ce d'autant plus qu'il me semble y avoir différentes approches, religieuses donc, de cette question de la nature humaine. Une référence à un auteur serait bienvenue, non?
«La bible de l'humour Juif» de Marc Alain Ouknin.
«La Recherche du temps Perdu» de Marcel Proust
«Molloy» de Beckett
«Le gai-savoir» de Nietzsche
«La vie est belle» de Stephen-Jay Gould
Dois-je continuer?
> Tu t'es surement déjà demandé ce qu'il pouvait rester de la représentation du "principe divin" pour quelqu'un qui n'a pas la foi...
«Il est inutile d'avoir la foi pour être un bon théologien»
J.-L. Borges
> qui ne se laisse plus discuter (en vertu du principe (fort indigeste) qu'on ne discute pas de la foi: on l'a ou pas).
Je ne vois toujours pas ce que ce principe a d'indigeste, alors je vais le
dire autrement: t'apparait-il, Éric, de blâmer l'assassinat? Hé
bien demandes-toi très sérieusement quelle raison t'empêche
de tuer un autre homme. Si tu trouves une réponse rationnelle, tu auras
damé le pion à quelques millénaires de philosophie.
En gros, pour considérer qu'un homme est le prochain d'un autre, il faut
y croire. Il faut se donner un fondement transcendantal à l'appartenance
à quelque chose qui dépasse la simple sphère de la biologie,
de nature divine ou pas, là n'est pas le problème. Je suis près
à parier qu'il y a un nombre considérable de tes actes qui se
fondent sur la simple créance que tu accordes en leur nécessité.
Et je ne vois rien à redire à ça, tu es un homme. Je ne
vois rien d'indigeste là-dedans. Mais peut-être que ce que tu trouves
indigeste, c'est de ne pas pouvoir ranger la foi là ou tu aimerais la
trouver rangée, sinon dans les mécanismes de la raison pour qu'elle
lui rende des comptes, ou au moins dans les fanfreluches de la superstition
pour qu'elle ne fasse pas question du tout?
> Oui. J'ai jamais été très doué pour donner les formes qui vont bien pour la perennité des relations humaines.
Si la sympathie a pu aller jusque là, qu'est-ce qui pourrait l'arrêter?
L.L.d.M.
Objet: Re: [terrier] Fil à nourrir
Le 02 Mar 2004 à 20:48:35
Message #3907 / 4467 Envoyé par F. Coquet
Julien :
>Je profite du message de Caroline, d'accord avec elle sur une naïveté un brin exaspérante (à moins qu'il ne s'agisse d'une précipitation faisant feu de tout raccourci offert), pour adresser une requête aux athées qui ont lancé la discussion.
Que l'athée qui a lancé la discussion se dénonce ! Il me semblait jusqu'à présent que c'était un croyant revendiqué qui l'avait lancée -dans le but avoué en privé de mettre un peu d'ambiance sur la liste. Après, que je ne me satisfasse pas d'un flot de références à défaut de réponse claire à des questions simples, candides et naïves -mais jamais agressives ni exaspérées en ce qui me concerne-, c'est un choix que je revendique.
Je fais rarement chier les gens avec mon athéisme, mais si on me demande de le justifier, je réponds sans détour, et de préférence avec des mots simples, désolé, qui se résument ainsi : je ne vois pas de raison convaincante de croire en une (ou plusieurs) divinité(s), et je vois beaucoup d'arguments simples, naïfs, candides, voire au ras des pâquerettes, mais qu'on ne m'a jamais réfutés proprement, de douter des histoires de divinités qu'on me raconte. La pluralité et la diversité des propositions divines est un de ces arguments ; le peu de crédit j'accorde à des livres d'inspiration prétendûment divine, mais bourrés d'histoires à dormir debout en est une autre ; je peux en sortir encore une dizaine du même tonneau, en m'excusant platement d'être si terre-à-terre devant vos exégèses savantes, mais c'est comme ça.
Ensuite (seulement ensuite), l'expérience m'ayant prouvé qu'une divinité est rarement introduite sans être suivie de près de son chapelet de prescriptions et d'interdits, d'autant moins contestables qu'ils sont d'essence divine, j'accueille les fables qui me parlent de dieux avec plus de méfiance que les contes de fées.
Et puisque Laurence a lancé le parallèle avec les oeuvres d'arts (qui elles, ont le mérite d'exister de manière difficilement contestable....), envelopper une supercherie d'un discours prétentieux supposé la rendre artistiquement géniale ne m'incite pas à chercher des mots compliqués pour la qualifier de supercherie. Disons même que plus le texte d'accompagnement est pédant, moins je suis tenté d'argumenter finement en face. Tout en assumant, par ailleurs, la subjectivité de mon jugement de fond.
Autrement dit : il m'arrive d'aimer enculer les mouches, mais parfois ça me gave.
François
Objet: Re: [terrier] fil à retordre ?
Le 02 Mar 2004 à 20:58:19
Message #3908 / 4467 Envoyé par L.L. de Mars
après vingt ans à tourner autour de la question, c'est la seule qui me semble pertinente : à quoi te sert de postuler l'existence d'un chose en lequel projeter une foi ?
Pourquoi est-ce que ça devrait me servir à quelque chose? Je
serais bien incapable de dénombrer les actions que j'aie pu faire, et
que je continue à faire, qui servent à quelques chose... Mieux
encore, les rares foi où je m'interroge sur la fin de mes actions, je
finis par m'abstenir.
La question m'intéresse autant, comme je l'ai déjà dit
dans un courrier précédent que «A quoi sert l'art?».
Qu'est-ce que tu veux que ça me foute?
Sinon, essayons de donner à ça une réponse un peu plus
théologienne pour sortir de ces enfantillages:
si Dieu existe, sa permanence doit être ce qui fait silence sur notre
Vérité à trouver, ce qui marque notre langage même
du sceau d'un silence à la fois originel et consubstantiel, afin que
nous le questionnons infiniment (par cet apparent paradoxe, il y a toujours
un silence que toutes les langues et la parole humaine continues ne couvrent
pourtant pas, puisque chaque parole y renvoie en sa propre substance inachevée):
un retranchement de Dieu ne ferait pas que briser la continuité qui est
en quelque sorte garante de ses propriétés infinies, mais une
absence complète ruinerait la possibilité même que nous
orientions notre désir vers sa plénitude. Ainsi, si on peut imaginer
des fonctions à la permanence de Dieu:
structurelle: Dieu est pour être Dieu (autodéictique)
dialectique : Dieu est pour que nous repoussions infiniment les limites du poème
qui est au coeur du langage humain
déictique : Dieu est pour que la connaissance ne puisse être satisfaite
par un objet
herméneutique : dans la subsomption du monde à Sa substance mais
aussi en tant qu'il renvoie à de l'infini dans la langue.
Il va sans dire que ce sont là de purs plaisirs casusitiques pour répondre
à ce que je continue à considérer comme la question la
plus nouille de l'année (mais elle commence seulement, j'en verrai d'autres,
je suis sûr)
> Dieu n'est pas une donnée de la nature
Une quoi? Une donnée de la nature? T'as été pécher ce truc-là où, dans 30 millions d'amis? Je vais te dire un truc Thierry: avec mon pote Robert Musil on pense que la nature est un mauvais roman mal illustré du XIXème siècle et rien d'autre.
>ni de l'humanité, c'est sociologique dans le sens où c'est produit par des petits groupes humains,
tu veux dire social alors?; parce que «produit par des petits groupes humains», je vois pas le rapport avec la sociologie. Je sais bien qu'il est devenu assez coutumier de supposer qu'il ne saurait y avoir de fait humain qui ne soit sociologique (ce qui fait qu'on assiste à d'extraordinaires développements sur des modèles fonctionnels dont on a oublié en cours de route toute source d'énergie et toute fonction), mais on va laisser ça gentiment plomber la fin du XXème siècle et oublier cette mignonette superstition. Je croirais encore plus volontier au «tout libido» de Freud, parce qu'au moins on tiendra là l'occasion de causer un peu bite et cul.
> un homme seul n'en a pas besoin.
Un homme seul... Putain, ça fait froid dans le dos. C'est quoi un homme seul? Dans quel abîme l'as-tu croisé? (a bin merde, non, si tu l'as croisé ça vaut pas).
> Le problème est bien là : Que le monde soit avec ou sans dieu n'a qu'une seule incidence
Pour l'instant, que le monde soit avec ou sans Dieu, ça semble avoir des millions d'incidences (et je crois pas que ce soit fini). Je m'en rend bien compte devant la coupole de San Prassede. Et je peux t'assurer que pour le christianisme, l'image est loin d'être un épiphénomène...
> quoi ça sert de se donner un élément intangible absent de la nature ?
Qu'est-ce qui est PRÉSENT dans la nature?
> À consoler, tout d'abord,
c'est très gentil, mais c'est une image d'épinal à deux balles. On n'entre pas en Yeshiva pour se consoler. Je ne lis pas Rachi pour me consoler. Fra Angelico ne peint pas pour se consoler.
>mais ça fonde surtout l'intolérance.
C'est vraiment un fait religieux, ça. Hmm, délicieux, j'en reprendrais bien un petit bout de celle-là. L'intolérance est très gourmande de costumes, sa garde-robe ne se satisfait pas de la bure ou de la kippa, sois-en certain.
> C'est un fait qu'il est facile de cantonner au religieux mais il est ontologique.
Tu veux dire que Dieu est intolérant ou tu dis à loisir n'importe quoi?
> À quoi te sert ton dieu ? Qu'est-ce qui fait défaut dans ton petit appareillage ménager si tu ne l'allumes pas ?
Comme cette condescendance soudaine est incompréhensible pour qui essaierait de croire ton appel à la tolérance un peu plus haut... Mais s'il y a bien un truc qui ne m'étonne pas plus que les paradoxes, ce sont les paradoxes.
L.L.d.M.
Objet: Re: [terrier] Re: [terrier] fil à retordre
?
Le 02 Mar 2004 à 21:17:25
Message #3909 / 4467 Envoyé par L.L. de Mars
Dieu Benthamien. Des limites de l'utilitarisme pour appréhender certains phénomènes. A quoi sert une oeuvre d'art ?
Quand on parle du loup...
D'ailleurs, à quoi sert cette liste? Cette conversation? Comme beaucoup
d'actions humaines, elle est performative dans le meilleur des cas, suicidaire
dans l'autre; en effet, n'aurais-je pas gagné pour l'éternité
mon aura d'intellectuel calibré sans cette grosse tache sur mon tablier?
Croyant, Laurent, bon sang! Pas toi! Ça me coûterait pourtant si
peu cher de faire semblant: regardez rien que sur cette liste : pas la queue
d'un croyant.
Et parmi mes potes, bon Dieu, le désert!
Alors?
Je crois que pour continuer à ne pas répondre, je dirai que je
fais plus volontiers tout ce qui ne sert à rien. Mieux encore, ce qui
me dessert me convient plutôt bien: dans une assemblée de croyants,
de quelque obédience que ce soit, je crois que je montrerais mes couilles.
On ne se refait pas.
> Pourquoi entendre Dieu comme un déterminisme, d'une part?
Le libre arbitre offet à la sortie de Gan Eden infléchit largement cette conception clôturée. Normal: a priori, la question de Dieu, ça sert ouvrir, pas à fermer le discours.
> détenteur d'une vérité d'autre part ?
Disons que s'Il l'est (hypothèse des croyants, tout de même), nous ne l'englobons pas, ne l'incorporons pas (si on se souvient de ce que j'ai pu écrire sur l'état séraphique) nous ne disposons pas même de l'intuition de cette Vérité (elle est supposée être, dans toute sa substance, divine) mais seulement de l'intuition qu'elle soit et ceci par le reflet déformé et ambigu de ses manifestations, la plus importante étant, pour les monothéistes bibliques bien entendu, le texte: le chemin de l'humanité viserait alors à dialectiser cette absence, c'est à dire à instancier la morale selon cette intuition - au lieu de la propulser dans une sphère du divin inexpugnable, impénétrable - de lui proposer son double terrestre. Le vrai croyant ne se soumet pas à la morale (il ne l'extériorise pas ce qui le déresponsabiliserait de la recherhce du sens), il s'invente au monde avec elle.
> c'est une fonction. Bataille disait que Dieu était une catégorie de l'entendement.
Le nom de Dieu est une catégorie de l'entendement. C'est d'ailleurs en ceci que je comprends assez mal l'étrange coquetterie lexicale qui pousse certains éditeurs Juifs francophones à vous foutre du D. pour Dieu, comme une sorte de permanence interlinguistique de ce qui n'est déterminé, pourtant, que dans la langue de l'origine.
L.L.d.M.
qui ferait mieux d'aller bosser, le con.
Objet: Re: [terrier] Fil à nourrir
Le 02 Mar 2004 à 21:31:33
Message #3910 / 4467 Envoyé par L.L. de Mars
permet cette agressivité à peine feutrée, comme ce qui les intronise juges & vengeurs des martyrs de l'incroyance. Soit : de quel athéisme parlez-vous ? Quelle est votre tradition ou votre bricolage philosophique personnel ?
On peut effectivement se poser la question: présenté comme il
l'est depuis le début, il semblerait qu'il puisse faire front à
toute forme de foi, de religion, comme indiscutablement unifié. Une sorte
de potion miracle du Docteur Perlin. Il y aurait l'athéisme. Un système
structurel excédant tous les systèmes. On imagine d'un coup que
Diogène devant Athena ou Diderot devant Jésus Christ, c'est pareil.
Bizarre. Et faux.
Historiquement, c'est assez pipeau, mais bon. Passons sur l'histoire, ça
nous changera. Intellectuellemnt, ça n'a pas tellement de sens. Je ne
connais pas de position philosophique qui, par exemple, se prêterait idéalement
à toutes les situations de controverses. Ceux qui s'y sont essayé
idéologiquement accouchent de monstres dévorants qui liment les
bords de tout ce qui dépasse la théorie: ainsi, on a pu voir des
marxistes réfuter la Shoah parce qu'elle ne cadrait pas avec la lutte
des classes. La plupart d'entre eux continuent à faire comme si le troisième
Reich était un capitalisme.
En fait, cet athéisme impensable ne peut survivre qu'à coups de
marteaux, faisant rentrer la religion dans le pantalon étriqué
d'une superstition étendue à toute la zone irrationnelle possible
marchant mou et mal, et en refusant d'entendre tout ce qui dans la foi fait
plus volontier question que réponse.
C'est comme ça: la foi ça colmate. Veux pas savoir. Ça
colmate.
Bien. Que répondre? Plus rien.
L.L.d.M.
Objet: Re: [terrier] Fil à nourrir
Le 02 Mar 2004 à 21:48:00
Message #3911 / 4467 Envoyé par L.L. de Mars
>J'étais sûr qu'on nous ferait le coup des références,
C'est quoi, le coup des références, Thierry?
Fait-moi plaisir, enlise-toi bien, fait moi l'éloge de l'ignorance...
> Comme je constate qu'on m'a lu par le plus petit bout possible de la lorgnette, je n'ai pas du tout envie de faire d'efforts pour continuer le dialogue de sourds.
il me semble t'avoir lu (et désormais répondu) en détails, et je ne vois pas du tout le courrier de Julien comme un survol des tiens... Mais le feindre te permettra sans doute de cantonner quelques observations légitimes (et longues) dans «Le coup des références».
> Disons que, pour moi, dieu et d'autres formes de transcendance existent, que ce sont des produits des esprits, et plus particulièrement des discours, qui les ont créés. Que j'envisage ça comme une sorte de pus de l'esprit flottant autour de ceux qui l'ont créé et qui cherche m'engluer. L'athéisme est alors seulement une forme de santé et d'hygiène.
Je ne suis pas sûr que ces métaphores cliniques soient du meilleur goût... Ni de la plus grande finesse...
>a conviction que les ceusses qui n'en veulent pas sont superficiels ou idiots est aisée, c'est précisément l'un des aspects de l'intolérance inhérente au concept dont je ne cesse de parler
Ah. Pour l'instant, il me semble qu'une seule voix croyante se soit élevée sur cette liste, la mienne et que celui qui jusqu'ici passe pour un cornichon, c'est plutôt bibi. Mais je m'en fous bien, je t'assure; et je met au défi qui que ce soit de trouver chez moi le moindre goût pour le prosélytisme (pouacre, touche pas à ma transcendance) ou le moindre mépris pour l'athéisme. Quand je gueule sur Eric, par exemple, c'est pas parce qu'il est athée, c'est certainement pas la nature éventuellement athée de son discours que je conspue, c'est son foutage de gueule (qu'il concède, d'ailleurs, ce salopard).
> Déjà, Bouddha « quand on me pique avec une flèche je ne demande pas d'où elle vient ni qui l'a lancée mais comment m'en sortir », « le monde est souffrance donc... ». Tu parles, le monde est jouissance, dieu ne me sert de rien.
Ah. C'était donc ça. Bouddha. Evidemment. Si tu entames le christianisme
par les témoins de Jehovah et le judaïsme par Loubavitch, je comprends
mieux certains trucs. M'enfin, une attaque en règle du roman pornographique
avec pour seul exemple Alina Reyes ou un brulôt sur la musique contemporaine
avec pour seule référence D.J. Crampon, ce serait pas tellement
plus crédible...
Quand à «le monde est jouissance, dieu ne me sert de rien»...
«Le monde est parapluie, cumulus ne me sert de rien»
«Le monde est vacance à la neige, Zodiac ne me sert de rien»
«Le monde est miam les bonnes fraises, j'enfile la boulangère»
«Le monde est pouet-pouet, yougoudou pom-pom»
Ah, ça fait du bien.
On se sent vraiment grandi, là...
L.L.d.M.
Objet: Re: [terrier]DIEU: principe, conscience et foutage
de gueule
Le 02 Mar 2004 à 21:56:08
Message #3912 / 4467 Envoyé par F. Coquet
Laurent :
ça, c'est vraiment d'une incroyable cécité: tout semble dans cette conversation, depuis le début, relever d'une certitude : celle que seule la foi en Dieu relèverait de la croyance. C'est assez nigaud, tout de même. Un nombre incalculable de nos choix, de nos actions, des moyens par lesquels nous modélisons le monde, est guidé par des croyances sans fondement rationnel, au service de celles-ci, avec ou sans Dieu.
Tiens, là on touche un sujet qui m'intéresse, je vais donc essayer de répondre, après avoir signalé tout de même que le nombre d'épithètes méprisantes dont tu gratifies tes contradicteurs finit par être un peu lassant.
Je n'ai vu, dans *aucune* contribution autre que la tienne, l'affirmation selon laquelle "seule la foi en Dieu relèverait de la croyance". Il faudrait peut-être s'entendre sur ce qu'on appelle "fondement rationnel", mais je suis près à contresigner ta dernière phrase. Ca fait quand même un bout de temps que les scientifiques (enfin, certains d'entre eux) se posent la question de la *réalité* des concepts à l'aide desquels nous essayons de modéliser notre monde ; qu'ils sont conscients que ce que nous appelons "racine carrée de 2", "pi", "matière", "hasard", "loi de l'attraction universelle", etc... sont essentiellement des objets manufacturés opérationnels pour décrire assez bien des phénomènes ou des quantités dont nous n'avons pas de connaissance directe ; qu'ils ont renoncé à leur donner un caractère universel et intangible ; et donc qu'ils sont (en théorie) près à les laisser tomber au profit d'autres objets plus opérationnels.
Illustration : dans un certain sens, je crois à la loi des grands nombres qui me dit que, en lançant suffisamment de fois une pièce non truquée en l'air, elle tombera sur "pile" dans une proportion qui se stabilisera vers 0,5. Je l'enseigne tous les ans à mes étudiants, et je connais les techniques permettant d'en démontrer la traduction mathématique. Je fais vérifier empiriquement à mes étudiants que ça marche en effet, et je suis intarissable à mes heures ouvrables sur les conséquences théoriques et pratiques de cette loi.
Je ne sais pas (sincèrement) si je peux dire que ma croyance a un fondement rationnel, mais je suis persuadé que la loi des grands nombres est un outil adapté à sa fonction, et cohérent tant avec la théorie mathématique dont il découle qu'avec les résultats expérimentaux susceptibles de la mettre en jeu. Ni immanence, ni transcendance : je n'exclus pas qu'un jour quelqu'un trouve mieux, et je serai preneur. Enfin, je ne sais pas s'il s'agit d'une création humaine ou l'expression d'un principe extérieur, mais dans ce dernier cas introduire un créateur du principe en question ne ferait pas avancer mon schmilblick, j'évite donc de m'encombrer avec ça.
Bref : oui, bien, sûr, comme tout le monde, j'ai des croyances. Pour beaucoup d'entre elles, je suis par ailleurs bien conscient que ce sont des béquilles imparfaites pour m'aider à théoriser et me représenter le monde dans lequel je vis. Imparfaites, mais dans une certaine mesure -que je peux préciser- appropriées quand même. Je conviens aussi être susceptible de véhiculer des croyances non encore identifiées comme les béquilles ci-dessus.
Mais j'ai cru comprendre que la croyance en des divinités ne se vivait pas vraiment comme un besoin de béquilles sur lesquelles on peut porter un jugement relatif.
François
Objet: Re: [terrier] Re: [terrier] Fil à nourrir
Le 02 Mar 2004 à 22:56:56
Message #3913 / 4467 Envoyé par L.L. de Mars
Ensuite (seulement ensuite), l'expérience m'ayant prouvé qu'une
divinité est rarement introduite sans être suivie de près
de son chapelet de prescriptions et d'interdits, d'autant moins contestables
qu'ils sont d'essence divine, j'accueille les fables qui me parlent de dieux
avec plus de méfiance que les contes de fées.
Comme c'est touchant tout ça, François qui nous revient avec
son petit air humble de pas y toucher dans le rôle du brave petit gars
qui lit pas des livres, lui, mais que le brave bon sens ramène discrètement
au point zéro de ce fil; bien tiens... On pourrait imaginer que c'est
malgré lui qu'il en est là. Comme ce serait crédible l'innocence
incarnée d'un seul coup s'il n'y avait cette matoiserie fatiguante de
l'imperturbable linéarité du monde limé par le même
tranchoir dichotomique, la créance d'un côté et la raison
de l'autre.
C'est tellement bouleversant qu'on a presque envie de ne pas te demander où
tu trouves tes rails anarchistes sans créance.
Quand aux contes de fées, il y a belle telheim qu'on ne les croit plus
sans conséquences. Quid de l'Histoire? Je devrais dire des Histoires?
Etc. Etc. Mais on ne va pas reprocher à l'innocence d'être l'innocence...
Doit-on quand même relever le pluriel de Dieu et son absense de majuscule
comme taquinerie méthodique ou est-ce encore un effet de la candeur?
Je vais essayer quand même un truc, rien que pour m'amuser (je suis très
joueur)
«l'expérience m'ayant prouvé qu'une démocratie est
rarement introduite sans être suivie de près de son chapelet de
prescriptions et d'interdits, d'autant moins contestables qu'ils sont d'essence
démocratique, j'accueille les fables qui me parlent de démocratie
avec plus de méfiance que les contes de tyrans éclairés».
Ça marche évidemment avec un nombre incalculable de choses, mais
ne nous hâtons pas d'en tirer des conclusions, on finirait par croire
que quand on cause simple on ne fait plus que de la démagogie. Or François
n'est pas un politique, n'est-ce pas?
Brrr. Ça fait quand même froid dans le dos. Mais rassurons-nous,
je crois en la démocratie, il y a peu de chances pour que faiblisse ma
foi.
> Et puisque Laurence a lancé le parallèle avec les oeuvres d'arts
Laurence?
>(qui elles, ont le mérite d'exister de manière difficilement contestable
Ah. Le fait qu'elles existent suffit à clairement à nous dire qu'elles servent à quelque chose? Très intéressant. J'aimerais en connaître le dessein, il parait que c'est important, et c'était en tout cas l'objet de la comparaison (de Laurence?)
> Autrement dit : il m'arrive d'aimer enculer les mouches, mais parfois ça me gave.
No comment: tu veux des histoires simples et des réponses simples?
Fallait le dire plus tôt; il doit bien y avoir une liste consacrée
Enid Blyton quelque part.
Amen.
L.L.d.M.
Objet: Re: [terrier]DIEU: principe, conscience et foutage
de gueule
Le 02 Mar 2004 à 23:10:52
Message #3915 / 4467 Envoyé par L.L. de Mars
>Je n'ai vu, dans *aucune* contribution autre que la
tienne, l'affirmation selon laquelle "seule la foi en Dieu relèverait
de la croyance".
Phrase de L.: « tout semble dans cette conversation, depuis le début,
relever d'une certitude : celle que seule la foi en Dieu relèverait de
la croyance».
Je la refais?
«tout _semble_ dans cette conversation, depuis le début, relever
d'une certitude»
«tout _semble_ dans cette conversation»
C'est un peu pénible à la longue.
D'où l'intérêt, évidement, de choisir la bonne vieille
option du simple, hein François: on est sûr d'être lu complètement.
Simple, court; slogan, quoi.
Pouf pouf.
« Dieu, c'est bien.»
« Mangez du Dieu.»
« On se lève tous pour Dieu »
> Bref : oui, bien, sûr, comme tout le monde, j'ai des croyances. Pour beaucoup d'entre elles, je suis par ailleurs bien conscient que ce sont des béquilles imparfaites pour m'aider à théoriser et me représenter le monde dans lequel je vis.
Bref, donc: la raison ramène tes propres croyances dans son giron, tout
va bien. Non seulement tu es honnête, mais d'une acuité inouïe
à l'égard de ce que tu considères comme tes propres faiblesses.
C'est formidable mais
>Mais j'ai cru comprendre que la croyance en des divinités ne se vivait pas vraiment comme un besoin de béquilles sur lesquelles on peut porter un jugement relatif.
Voilà le mais. Donc. Je pense effectivement avoir été
assez long à ce sujet. Mais apparemment pas assez clair.
Surtout trop long. Trop. Louche, non? Long, tordu, oula, c'est forcément
de l'escroquerie.
J'aurais entendu ça trente-six ans. Trente-six ans des mêmes fadaises.
Et après on a un François qui s'étonne que je m'agace tout
le temps, que je dise des gros mots, que nigaud ceci, que couillon cela; c'est
vrai, j'use. Incroyablement.
Bon, il est bientôt minuit, ça fait trois jours que je me suis
enlisé tout seul dans ma boîte aux lettres comme un gros conneaud,
c'est épouvantable.
Heureusement, il semblerait que d'autres (moins insultants François,
oui oui, ils ont l'air très bien, pas agressifs pour deux sous) aient
décidé de poursuivre. Je vais faire un peu le lecteur alors, à
mon tour, deux trois jours.
L.L.d.M.
Objet: Re: [terrier]DIEU: principe, conscience et foutage
de gueule
Le 03 Mar 2004 à 01:31:50
Message #3916 / 4467 Envoyé par thierry.bouche
Le mardi 2 mars 2004 à 00:35:21, Eric Loillieux écrivit :
EL> J'ai à peu près autant de brouillard dans la tête
quand j'entend ces mots,"principe divin", que lorsque j'essaye de
comprendre où se trouve, dans la conversation d'un croyant, la limite
entre ce qui se laisse discuter et ce qui ne se laisse plus discuter (en vertu
du principe (fort indigeste) qu'on ne discute pas de la foi: on l'a ou pas).
C'est précisément le problème : croire donne au croyant des atouts dans la discussion dont le non-croyant ne peut pas faire usage. D'un côté juste une capacité d'analyse d'un monde donné, de l'autre un monde créé avec un sens. Si encore un croyant était capable de concevoir que son monde s'arrête avec lui, que son dieu est un accessoire dont il se dote mais qui ne bave pas sur le monde des autres... Mais dans ce cas, à quoi bon croire, les convictions font l'affaire pour mener sa vie comme on l'entend en admettant que d'autres modalités coexistent, ou en ne les admettant pas et en les combattant, mais en sachant qu'on ne s'autorise que de soi-même.
Thierry Bouche
Objet: Re: [terrier] Re: [terrier] Fil à nourrir
Le 03 Mar 2004 à 10:30:08
Message #3917 / 4467 Envoyé par F. Coquet
Laurent :
> C'est tellement bouleversant qu'on a presque envie de ne pas te demander où tu trouves tes rails anarchistes sans créance.
Je pense y avoir répondu implicitement dans mon autre message d'hier: Pour emprunter à une copine une phrase que j'aime bien, disons que ce sont les rails qui m'ont le mieux convaincu jusqu'à présent, y compris dans leur présupposés (oui, il y a donc des créances). Je les garde donc jusqu'à ce qu'on trouve mieux à mon goût.
> Quand aux contes de fées, il y a belle telheim qu'on ne les croit plus sans conséquences.
Ah, mais nous sommes bien d'accord. Les contes de fées, comme les mythes, doivent leur succès universel au fait qu'ils nous racontent autre chose que leur simple interprétation littérale. Mais je ne pense pas avoir entendu personne dire que les contes de fées étaient d'inspiration divine, et un mythe est défini comme tel au moment où plus personne ne croit à son essence divine (en gros). Je n'ai jamais écrit que les textes présentés ici où là, à un moment où un autre, comme sacrés, ne nous disaient rien de pertinent -leur succès durable prouve le contraire-, et personnellement je n'ai aucun problème à m'y intéresser au même titre qu'aux textes mythiques et féériques.
Quid de l'Histoire? Je devrais dire des Histoires? Etc. Etc. Mais on ne va pas reprocher à l'innocence d'être l'innocence... Doit-on quand même relever le pluriel de Dieu et son absense de majuscule comme taquinerie méthodique ou est-ce encore un effet de la candeur?
On va dire que cela relève des deux. Sur le fond, je ne vois pas en quoi il est plus pertinent de s'intéresser à ton Dieu qu'à tous les autres qui pullulent ou ont pullulé. Sauf pour toi bien sûr, puisqu'il s'agit de ton Dieu.
> Je vais essayer quand même un truc, rien que pour m'amuser (je suis très joueur) «l'expérience m'ayant prouvé qu'une démocratie est rarement introduite sans être suivie de près de son chapelet de prescriptions et d'interdits, d'autant moins contestables qu'ils sont d'essence démocratique, j'accueille les fables qui me parlent de démocratie avec plus de méfiance que les contes de tyrans éclairés».
Précisément : je considère comme potentiellement très dangereux de déifier la démocratie. Les prescriptions et interdits qu'elle introduit doivent pouvoir être discutés, voire contestés et améliorés ; j'ai des exemples si tu veux. D'ailleurs, tu dois savoir que je me sens plus proche des prescriptions et interdits liés au fédéralisme, pour autant il est sain de pouvoir les regarder, eux aussi, comme discutables.
> > Et puisque Laurence a lancé le parallèle avec les oeuvres d'arts Laurence?
Tiens en effet , il s'agit de Caroline, mes excuses les plus plates !
>(qui elles, ont le mérite d'exister de manière difficilement contestable Ah. Le fait qu'elles existent suffit à clairement à nous dire qu'elles servent à quelque chose? Très intéressant. J'aimerais en connaître le dessein, il parait que c'est important, et c'était en tout cas l'objet de la comparaison (de Laurence?)
J'aime quand tu fais une question, une réponse (stupide) à ma place et ensuite une question pour que je justifie la réponse stupide que tu me supposes. Je te rappelle qu'on est dans un fil où il est question de croire où non en des, euh, un principe divin, ça te va ? Au moins, cette question ne se pose pas pour les oeuvres d'art, en tout cas pas dans ma tête. C'est tout.
François
Laurent (à Thierry, me semble-t-il) :
> Tu veux dire que Dieu est intolérant ou tu dis à loisir n'importe quoi?
"Tu n'auras pas d'autres dieux que moi.
Tu ne feras aucune image sculptée, rien qui ressemble à ce qui
est dans les cieux là-haut, ou sur la terre ici-bas, ou dans les eaux
au-dessous de la terre.
Tu ne te prosterneras pas devant ces images ni ne les serviras, car moi, Yahvé,
ton Dieu, je suis un Dieu jaloux, qui punis la faute des pères sur les
enfants, les petits-enfants et les arrière-petits-enfants pour ceux qui
me haïssent, mais qui fait grâce à des milliers, pour ceux
qui m'aiment et gardent mes commandements."
Ex 20 3-6, traduction de l'école biblique de Jérusalem, on a en gros le même texte dans le Deutéronome (Dt 5 7-10), et ça s'appelle le décalogue.
Tiens, outre le plaisir d'une nouvelle taquinerie méthodique, je viens de réaliser en tapant ça que lui, Yahvé, ton Dieu, ne nie pas à proprement parler l'existence de dieux concurrents.
François
Objet: Re: [terrier]DIEU: principe, conscience et foutage de gueule
Le 03 Mar 2004 à 11:31:50
Message #3919 / 4467 Envoyé par F. Coquet
>Je n'ai vu, dans *aucune* contribution autre que la tienne,
l'affirmation selon laquelle "seule la foi en Dieu relèverait de
la croyance".
Phrase de L.: « tout semble dans cette conversation, depuis le début,
relever d'une certitude : celle que seule la foi en Dieu relèverait de
la croyance». Je la refais?
Pas la peine, je me suis mal exprimé, je reprends donc : tu as introduit -pour la nier- une affirmation en faisant mine de la placer dans la bouche des autres. Personne auparavant n'a prétendu que "seule la foi en Dieu relèverait de la croyance" -ou alors j'ai zappé, auquel cas tu retrouveras les citations appropriées dans le fil.
Comme cette affirmation, inventée par toi, est stupide, tu n'as pas de mal à la démonter ensuite. C'est un procédé rhétorique éprouvé, à défaut d'être tout-à-fait convaincant sur le plan de la discussion...
François
Objet: Re: [terrier]DIEU: principe, conscience et foutage de gueule
Le 03 Mar 2004 à 15:45:24
Message #3920 / 4467 Envoyé par thierry.bouche
Le mardi 2 mars 2004 à 21:08:22, L.L. Terrier écrivit :
LLdM> «Il est inutile d'avoir la foi pour être
un bon théologien» J.-L. Borges
certes, et toute le glose qui semble te faire jouir comme une bête n'est pas un argument en faveur de la foi : c'est un pied que tout le monde peut prendre tranquillement. La nature du vertige dépend certainement un peu des frontières infranchissables que l'on se donne avant de commencer le jeu. c'est comme être anticlérical : ça amuse tant qu'il y a des curés offusqués, on peut passer à autre chose quand ils sont tous défroqués.
LLdM> Je ne vois toujours pas ce que ce principe a d'indigeste, alors je vais le dire autrement: t'apparait-il, Éric, de blâmer l'assassinat? Hé bien demandes-toi très sérieusement quelle raison t'empêche de tuer un autre homme. Si tu trouves une réponse rationnelle, tu auras damé le pion à quelques millénaires de philosophie.
kant, impératif catégorique ? Ta réponse me fait froid dans le dos, tu n'imagines pas à quel point elle va dans le sens que j'indique depuis le début. S'il faut un dieu pour fonder une morale, c'est donc bien qu'il n'y a pas de morale qui tienne sur ses propres forces. On peut donc inverser toutes les valeurs (Nietzsche), pisser dans l'oeil de la morale de son temps (Sade), etc. À quoi sert la morale ?
Thierry Bouche
Objet: Re: [terrier] Fil à nourrir
Le 03 Mar 2004 à 16:42:19
Message #3921 / 4467 Envoyé par thierry.bouche
Le mardi 2 mars 2004 à 22:51:12, L.L. Terrier écrivit :
LLdM> C'est quoi, le coup des références, Thierry?
un effet de manches.
LLdM> Fait-moi plaisir, enlise-toi bien, fait moi l'éloge de l'ignorance...
ya pas de risques. Il y a une petite différence entre être sommé de s'inscrire dans une ligne de pensée et se prétendre comme le bébé dans un monde neuf spontanément god-free.
>> Comme je constate qu'on m'a lu par le plus petit bout
possible de la lorgnette, je n'ai pas du tout envie de faire d'efforts pour
continuer le dialogue de sourds.
LLdM> il me semble t'avoir lu (et désormais répondu) en détails,
renvoyer dos à dos « À quoi sert dieu » et « À quoi sert l'art » ou le goût pour la gratuité ne vaut pas. On a ce privilège à notre époque de devoir faire le choix de la foi. Ce choix est un acte positif, on adjoint un élément inutile à notre appréhension du monde. Ça n'a rien de gratuit puisque vient avec une notion de Vérité.
LLdM> Ah. C'était donc ça. Bouddha.
Non, c'était pas ça. C'est un exemple. Le discours religieux présuppose un certain nombre de défaillance chez l'homme et propose des remèdes. D'accord avec toi qu'on s'éloigne du sujet car la foi n'impose pas le religieux, quoique, les exemples de totale indépendance sont rares...
Mon franc malaise avec la foi, c'est qu'une fois que l'on s'est doté d'une cosmogonie portative polarisée, elle s'applique fatalement à tous les êtres qui la peuplent. On connaît la nature du prochain, on admet qu'il se trompe mais on sait cela : il se trompe.
TB
Objet: Re: [terrier]DIEU: principe, conscience et foutage de gueule
Le 03 Mar 2004 à 16:54:40
Message #3922 / 4467 Envoyé par thierry.bouche
Le mardi 2 mars 2004 à 22:53:45, Francois Coquet écrivit :
FC> Je n'ai vu, dans *aucune* contribution autre que la tienne, l'affirmation selon laquelle "seule la foi en Dieu relèverait de la croyance". Il faudrait peut-être s'entendre sur ce qu'on appelle "fondement rationnel", mais je suis près à contresigner ta dernière phrase. Ca fait quand même un bout de temps que les scientifiques (enfin, certains d'entre eux) se posent la question de la *réalité* des concepts à l'aide desquels nous essayons de modéliser notre monde ; qu'ils sont conscients que ce que nous appelons "racine carrée de 2", "pi", "matière", "hasard", "loi de l'attraction universelle", etc... sont essentiellement des objets manufacturés opérationnels pour décrire assez bien des phénomènes ou des quantités dont nous n'avons pas de connaissance directe ; qu'ils ont renoncé à leur donner un caractère universel et intangible ; et donc qu'ils sont (en théorie) près à les laisser tomber au profit d'autres objets plus opérationnels.
c'est la modernité : la perte de la foi en un modèle unifié
qui soit le monde plus vrai que le monde, au profit de modèles opératoires
prouvant leur efficacité. Plus personne ne voit un atome comme un gros
machin avec des trucs autour, personne ne sait ni ne cherche à savoir
si la lumière est corpusculaire ou ondulatoire. Russel et Wittgenstein
sont aussi passés par là, mais on a une discussion qui date du
XIXe siècle...
(la postmodernité c'est le renoncement suivant : jouer avec des modèles préexistant sans même leur demander d'être opératoires)
On dit qu'Einstein croyait en un dieu grand calculateur, et il a lui-même,
avec l'histoire de la lumière, donné des arguments contraires.
Le fait est que les théories bavent de la transcendance. L'inconscient,
une espèce de père Noël chez Freud, devient un objet matériel
bien défini chez Lacan, mais la jouissance sexuelle y reprend une place
comparable.
(j'aime bien faire ce genre de détour sur cette liste, car je suis sûr
de prendre une volée de bois vert & psycho-consacré dans le
quart d'heure qui suit.)
Je prétends, et j'en suis la preuve vivante, qu'on peut très bien vivre sans croire. Qu'on peut faire des choix motivés de façon immanente. Que ceux qui n'ont pas ma chance ne me disent pas le contraire : ce sont leurs croyances qu'ils projettent sur une vie à laquelle ils ne comprennent que pouic.
TB
Objet: Re: [terrier] Re: [terrier] fil à retordre ?
Le 03 Mar 2004 à 17:21:57
Message #3923 / 4467 Envoyé par thierry.bouche
Le mercredi 3 mars 2004 à 12:08:35, Francois Coquet écrivit :
FC> Laurent (à Thierry, me semble-t-il) :
>> Tu veux dire que Dieu est intolérant ou tu dis à loisir
n'importe quoi?
Au fait, je ne veux dire ni l'un ni l'autre, je dis : dieu ne sert qu'à
une chose, donner un fondement au monde tel qu'on se le représente. Et
ce fondement a pour principale voire unique conséquence l'intolérance.
Jusqu'à présent, tout ce que tu nous a raconté sur dieu
peut très bien se faire sans dieu (penser, discuter, douter, tsik-tsik,
etc.).
Thierry Bouche
Objet: Fil étonnant
Le 04 Mar 2004 à 16:30:39
Message #3924 / 4467 Envoyé par Julien
« Je donne trois exemples : [...], le Greco, [...]. Cette création,
il ne pouvait l'obtenir qu'à partir des figures du christianisme. Alors
c'est vrai que, à un certain niveau, c'était des contraintes s'exerçant
sur eux, et à un autre niveau l'artiste c'est celui qui - Bergson disait
cela du vivant, il disait que le vivant c'est ce qui tourne les obstacles en
moyens -, ce serait une bonne définition de l'artiste. C'est vrai qu'il
y a des contraintes de l'Église qui s'exercent sur le peintre, mais il
y a transformation des contraintes en moyens de création. Ils se servent
de Dieu pour obtenir une libération des formes, pour pousser les formes
jusqu'à un point où alors les formes n'ont plus rien à
voir avec une illustration. Les formes se déchaînent.
Elles se lancent dans une espèce de Sabbat, une danse très pure,
les lignes et les couleurs perdent toute nécessité d'être
vraisemblables, d'être exactes, de ressembler à quelque chose.
C'est le grand affranchissement des lignes et des couleurs qui se fait à
la faveur de cette apparence : la subordination de la peinture aux exigences
du christianisme.
Autre exemple... une création du monde... L'Ancien Testament leur sert
à une espèce de libération des mouvements, une libération
des formes, des lignes et des couleurs. Si bien que, en un sens, l'athéisme
n'a jamais été extérieur à la religion : l'athéisme
c'est la puissance artiste qui travaille la religion. Avec Dieu, tout est permis.
J'ai le vif sentiment que pour la philosophie ça a été
exactement la même chose, et que si les philosophes nous ont tellement
parlé de Dieu - et ils pouvaient bien être chrétiens ou
croyants -, ce n'était pas sans une intense rigolade. Ce n'était
pas une rigolage d'incrédulité, mais c'était une joie du
travail qu'ils étaient en train de faire.
De même que je disais que Dieu et le Christ ont été pour
la peinture une extraordinaire occasion de libérer les lignes, les couleurs
et les mouvements des contraintes de la ressemblance, de même pour la
philosophie Dieu et le thème de Dieu a été l'occasion irremplaçable
de libérer ce qui est l'objet de la création en philosophie, -
c'est à dire les concepts -, des contraintes que leur aurait imposé...
la simple représentation des choses. »
Gilles Deleuze (transcription des cours données à Paris 8 Vincennes)
EL> J'ai à peu près autant de brouillard dans la tête quand j'entend ces mots, "principe divin", que lorsque j'essaye de comprendre où se trouve, dans la conversation d'un croyant, la limite entre ce qui se laisse discuter et ce qui ne se laisse plus discuter (en vertu du principe (fort indigeste) qu'on ne discute pas de la foi: on l'a ou pas). C'est précisément le problème : croire donne au croyant des atouts dans la discussion dont le non-croyant ne peut pas faire usage.
Strictement, si je comprends ce que tu essaies de nous dire, si c'était
vrai, ça ne poserait aucun problème: après tout, que quelqu'un
dispose, dans un système de pensée, d'informations que l'autre
ignore, où est le problème? Si je parle de maths avec François
Coquet, il y a de fortes chances qu'il dispose d'atouts en la matière
qui relèveront à la fois de connaissances et de méthode,
et je serai ravi de voir où ça le conduit et où, à
mon tour, ça pourrait me conduire si j'en tire profit. La situation est
quotidienne, une conversation sert en général, après les
échanges de simples protocoles, à tenter de redistribuer ce genre
de richesses. Que d'aucun en tire le parti d'une domination aveugle n'a rien
à voir avec la foi ou les mathématiques, mais avec le goût
pour la domination (et celui au passage pour la servitude) qui est la chose
la mieux répandue du monde. Je ne me sens en aucun cas concerné.
Mais la croyance se situant d'emblée hors du champ du savoir même
si, au sens strict, elle se donne pour une forme intuitive de la connaissance
(dialectique pour les Juifs, charnelle pour les chrétiens, intellectuelle
pour Spinoza), on voit mal ce que tu racontes... A moins, comme le supposait
justement le courrier de Caroline, que tu ne fantasmes la foi et l'étendue
du pouvoir implicite qu'elle confèrerait.
Cette façon de l'impliquer dans le domaine de la querelle ou de la domination
(cette simple phrase «croire donne au croyant des atouts dans la discussion
dont le non-croyant ne peut pas faire usage» laisse assez perplexe; tu
le crois vraiment, ça?) et des métaphores clinique en dit assez
long...
> mais qui ne bave pas sur le monde des autres... Mais dans ce cas, à quoi bon croire, les convictions font l'affaire pour mener sa vie comme on l'entend en admettant que d'autres modalités coexistent, ou en ne les admettant pas et en les combattant, mais en sachant qu'on ne s'autorise que de soi-même.
Je ne sais pas ce que tu as avec Lacan, mais il semble qu'il y ait un petit
problème de «sphère»: qu'un psychanalyste ne s'autorise
que de lui-même pour définir le champ de sa clinique, c'est assez
sain, et on voit très bien ce que donne le contraire (fonder une autorité
extérieure et collective à la définition de ce champ) entre
les pattes d'un imbécile comme Accoyer (ou de n'importe quel autre fédérateur
de la même farine).
Mais sorti de là, cette sentence est insensée: Dutroux ou n'importe
quel assassin ne s'autorisent probablement que d'eux-mêmes. Et?
Et rien.
On en revient à ton fameux homme seul, je suppose (mais s'il est vai
que certains se réclament publiquement de choses dont ils se décrient
en privé, le contraire est encore plus fréquent, et ça
s'appelle «rêver éveillé»)... Aussi improbable
que Dieu à plusieurs, ça...
L.L.d.M.
kant, impératif catégorique ?
Sans Dieu? Tiens donc.
>Ta réponse me fait froid dans le dos, tu n'imagines pas à quel point elle va dans le sens que j'indique depuis le début. S'il faut un dieu pour fonder une morale,
j'ai dit qu'il fallait une transcendance. La pastorale de l'être peut en être une.
>c'est donc bien qu'il n'y a pas de morale qui tienne sur ses propres forces.
Bin non.
>On peut donc inverser toutes les valeurs (Nietzsche), pisser dans l'oeil de la morale de son temps (Sade), etc. À quoi sert la morale ?
Su tu ne peux pas répondre toi-même, tu es excessivement dangereux à fréquenter...
L.L.d.M.
Objet: Re: [terrier]DIEU: principe, conscience et foutage de gueule
Le 05 Mar 2004 à 16:54:43
Message #3927 / 4467 Envoyé par L.L. de Mars
> Je prétends, et j'en suis la preuve vivante,
qu'on peut très bien vivre sans croire.
Incroyable, voilà notre Thierry qui semble découvrir qu'on peut
très bien vivre sans croire en Dieu.
Bin oui. Et après?
On peut vivre sans des tas de trucs. On peut même choisir de ne pas manger
mais de se nourrir (farine+eau, ça doit suffire, non?) Ou encore, sous
un autre angle d'approche, voilà ce qu'on peut tirer d'une telle déclaration
: on peut penser, parler, agir, sans aucune forme d'intelligence, partant du
principe qu'on ne peut la localiser ni en donner une définition qui satisfasse
tout le monde. On peut? Oui, il suffit de se le dire. Et on se retrouve avec
un trou conceptuel parce qu'on a cru rationnaliser l'usage des concepts et de
la parole. Epatant.
C'est ça que tu cherches alors, la tranquillité d'esprit?
Passionnant.
>Qu'on peut faire des choix motivés de façon immanente.
?
Là, je sèche.
"motivés", "immanente"...
> Je pense y avoir répondu implicitement dans
mon autre message d'hier: Pour emprunter à une copine une phrase que
j'aime bien, disons que ce sont les rails qui m'ont le mieux convaincu jusqu'à
présent, y compris dans leur présupposés (oui, il y a donc
des créances). Je les garde donc jusqu'à ce qu'on trouve mieux
à mon goût.
Qu'ils soient en parfaite contradiction avec tes actes, voilà qui se
satisfait de cette espèce de mollesse "compositionnelle", de
cette médiane? Bien. Là-dessus, au fond, je n'ai pas grand-chose
à redire, on en a vu d'autres, je n'exige pas de ma propre vie que tout
ce qui la compose forme un ensemble de relations cohérentes et machiniques.
Mais si ça les plaçait en parfaite contradiction INTERNE?
Le problème de cohérence là-dedans n'est pas tant celui
de devoir, tous les jours, tenir en vie la bête hybride qui a une tête
d'anarchiste fédéraliste et un boulot de fonctionnaire de l'état,
non, ça, je le répète, on en a vu d'autres. Mais un anarchiste
qui compose avec cette espèce de bon sens mesuré, ça, ça
laisse un peu rêveur...
> Ah, mais nous sommes bien d'accord. Les contes de fées, comme les mythes, doivent leur succès universel au fait qu'ils nous racontent autre chose que > leur simple interprétation littérale.
Je note, c'est important pout la suite, que c'est un appel à la pluralité
interprétative.
C'est très intéressant à placer en regard de cette autre
déclaration de François:
«Le peu de crédit j'accorde à des livres d'inspiration prétendûment
divine, mais bourrés d'histoires à dormir debout en est une autre
; je peux en sortir encore une dizaine du même tonneau, en m'excusant
platement d'être si terre-à-terre devant vos exégèses
savantes, mais c'est comme ça.»
>Mais je ne pense pas avoir entendu personne dire que les contes de fées étaient d'inspiration divine, et un mythe est défini comme tel au moment où plus personne ne croit à son essence divine (en gros).
Qu'un conte de fée se place dans le registre du symbolique, par exemple
(qui rende par là possible une interprétation de certains pans
de réalité - qu'il nous y lie - ce que le silence couvrant du
réel rend souvent impossible), voilà qui d'un coup nous lance,
alors, dans une opération symbolique (obéissant à
la règle selon laquelle on ne cherche que là où il nous
est imaginable de chercher). Que la Bible se place dans le registre du questionnement
ontologique, et voilà qu'elle nous y ouvre.
Maintenant, ta question, est de savoir qu'est-ce qui l'y autorise? Est-ce que
n'importe quel autre texte ne pourrait pas, une fois déclaré ouvert
à cette question, remplir cet office?
Pour que ce mouvement soit possible, il faut déjà commencer par
y croire, c'est triste pour ceux qui n'y croient pas, mais il peut difficilement
en être autrement : tout «renseignement», pris dans n'importe
quelle sphère de la connaissance, rationnelle ou pas, n'est un renseignement
qu'à ce prix, le crédit qu'on accorde à son autorité.
Et là, seulement là, le travail d'exégèse commence.
Lui permettre de commencer... Que cette autorité soit accordée
à un principe divin, et il n'y a plus rien qui puisse «geler»
la question, son mouvement impliquera sa continuité, l'autorité
étant accordée à un principe qui se situe lui-même
dans un éternel hors-langage (je renvoie à mon courrier relatif
à la notion de poursuite infinie de la définition).
D'autre part, une autre condition, en dehors de cette créance, est évidemment
l'ampleur du pari herméneutique(ici, même les athées doivent
admettre qu'il n'a guère de concurrent), et la richesse de son ouverture.
Là, peu de textes satisfont à ces modes de questionnement. Peut-être
tout simplement parce que, justement, l'ambition herméneutique est immense,
inouïe. De ce point de vue, elle accompagne l'objet qu'elle est censée,
pas à pas, nous éclairer. Et enfin : si d'autres livres s'y ouvraient,
c'est par l'existence-même de celui-là qu'ils seraient ouverts
(il jouerait la focale pour tous)
> On va dire que cela relève des deux. Sur le fond, je ne vois pas en quoi il est plus pertinent de s'intéresser à ton Dieu qu'à tous les autres qui pullulent ou ont pullulé. Sauf pour toi bien sûr, puisqu'il s'agit de ton Dieu.
Le soi-disant candide pas agressif pour deux sous de service (c'est toujours
sous cette peau blanche et frisottée que se planquent les dents les plus
acérées) ne rate pas une occasion de reconduire Dieu dans la sphère
de ma plus stricte intimité: TON Dieu, me dit-il, le François.
Qu'est-ce que ça dit? Rien sur moi, rien sur le monothéisme, rien
sur le judaïsme ou le christianisme. Ça cause de la rhétorique
à deux balles de François Coquet. C'est la méthode par
laquelle on clôt une conversation par "c'est ton avis". Ouf,
soulagé, tout est fini. C'est plus qu'une question d'opinion personnelle.
Pas de problème. On peut retourner faire dodo. Ton Dieu ta morale ton
chien ton slip ta gueule.
Ce que je devrais plutôt faire, oui, dodo; qu'est-ce que j'ai encore raconter
à un type qui pourrait finir aussi bien ses phrases par «Chacun
ses goûts», je vous le demande?
>>Laurence? Tiens en effet , il s'agit de Caroline, mes excuses les plus plates !
On continue dans la lourdeur, oui, en effet: pourquoi «Laurence»? C'est marrant, non? Une approche de la consubstantialité des hypostases?
> J'aime quand tu fais une question, une réponse (stupide) à ma place et ensuite une question pour que je justifie la réponse stupide que tu me supposes.
Tu es excessivement malhonnête. Une comparaison est établie sur un type de relation extrêmement précis (la notion d'utilité assez fumeuse ramenée sans cesse par Thierry); elle l'est à deux reprises, visant la même relation. j'essaie de t'y reconduire quand tu feins de t'enmêler les pinceaux pour homogénéiser ta sauce. Tu comptes sur l'éloignement des courriers pour noyer le poisson, et je te soupçonne d'être assez emporté pour croire à tes propres conneries. Mais si un peu d'inattention suffit sans doute à te suivre, ne compte pas sur moi.
----------------
>Ex 20 3-6, traduction de l'école biblique de
Jérusalem, on a en gros le même texte dans le Deutéronome
(Dt 5 7-10), et ça s'appelle le décalogue.
Voilà. Ça c'était donc après une petite citation
de François, après une traduction (Jerusalem) des premiers des
commandements. La suite de ce qu'il appelle lui-même «le plaisir
d'une nouvelle taquinerie méthodique» (elle consiste à se
donner des airs de malin en me resituant le décalogue), est tout aussi
troublante: «je viens de réaliser en tapant ça que lui,
Yahvé, ton Dieu, ne nie pas à proprement parler l'existence de
dieux concurrents.», nous dit-il*.
Voilà. Personne ne trouve ça amusant? Hé bien moi je trouve
ça proprement ahurissant: un tel exercice de littéralité**,
d'une façon générale de la part d'un interprète
(je rappelle aux colistiers que François Coquet est un saxophoniste,
inteprète, donc), et de la part d'un type qui au début de ce courrier
était cité pour appeler à l'interprétation des contes
de fée, c'est assez paradoxal (il l'est de fait à peu près
autant en situant un texte sacré dans la lecture littérale qu'en
situant une recette de cuisine dans une inteprétation visant à
en démontrer la nullité stylistique): c'est ce que j'appelerais
des convictions à géométrie variable (ceci dit, il y a
un point de cohérence au moins, puisque François exige moins d'efforts
de lectures pour la Bible que pour «le petit chaperon rouge», on
en attendrait pas moins d'un athée de bistrot de sa trempe). Attendre
un paquetage qui vous livre la transparence de Dieu dans la surface de l'écriture,
ça s'appelle tout bonnement de la susperstition (est-ce la forme de l'athéisme
de François: une superstition pressée et déçue?);
mais je crois que si je rappelle ici que le chemin dont le texte est le point
de départ nous plonge dans l'étendue de son objet, François
va encore supposer l'enculage de mouches; non? J'ai faux?
Alors je ne vais pas me livrer à une exégèse de ces versets,
elles occupent quelques milliers de pages dans les textes rabinniques, milliers
de pages inachevées d'un livre en éternel devenir, en-dessous
desquelles - largement au-dessous - je situe mes propres efforts midrashiques.
Ces courriers à la liste exigent de moi déjà beaucoup de
temps (je ne me plains pas, j'essplique pourquoi y'a toujours des trous de temps
dans ma correspondance), alors je renverrai à une simple lecture abrégée,
une fois encore celle de Ouaknin, dans «Les dix commandements»
(Point Seuil si je me souviens tout bien). On pourrait croire à un simple
accident, une légère contradiction pasagère, mais c'est
bien plus systématique que ça; dans un courrier suivant, voilà
ce que nous pouvons lire:
«Pas la peine, je me suis mal exprimé, je reprends donc : tu as introduit -pour la nier- une affirmation en faisant mine de la placer dans la bouche des autres. Personne auparavant n'a prétendu que "seule la foi en Dieu relèverait de la croyance" -ou alors j'ai zappé, auquel cas tu retrouveras les citations appropriées dans le fil. Comme cette affirmation, inventée par toi, est stupide, tu n'as pas de mal à la démonter ensuite. C'est un procédé rhétorique éprouvé, à défaut d'être tout-à-fait convaincant sur le plan de la discussion...»
Bien. Puisqu'il est question de rhétorique, il va falloir une fois encore
enculer les mouches dont tu me tends le derrière, François, et
ce sera la dernière fois. Pourquoi la dernière? Parce que je prefère
très largement passer mon temps à autre chose que de parler à
un type pour qui la controverse n'est qu'un vague problème d'honneur
et de touche-pipi et jamais le lieu d'une invention; en effet, depuis le début,
à part un fort-en-gueule à moitié sourd, je ne lis rien
de bien intéressant ; il n'y a pas une ligne qui ait été
écrite par un garçon soucieux de m'éclairer (que mes hypothèses
sur le libre-arbitre et l'état séraphique éclairent quelqu'un
ici en quoi que ce soit n'est pas sûr, que ces lignes aient été
motivées par le désir de le faire, j'espère que ça
ne fait aucun doute pour personne), seulement par une sorte de caillou muni
de la parole soucieux de me clore le bec en tapant du poing sur la table. Fais
donc. Tape. Clôs-moi le bec. Quand on lui raconte des trucs, au caillou,
il nous fait le coup du gars qu'a pas besoin de références, qu'a
des questions simples et des réponses simples. Bien, bien. Tape du poing.
Clôs.
En attendant, je vais revenir à ta gentillette petite mouche, François:
quand on reconduit la question de Dieu, sans cesse, à la porte de la
sociologie (Thierry), de la fonctionnalité (Thierry) ou de la littéralité
(François), que fait-on? On..? On installe une dichotomie entre ce qui
relève de la foi et ce qui relève de la bonne vieille raison.
Quand un type me rajoute qu'il a des croyances mais, que, quand même,
il sait bien que c'est parce qu'il a été bien malade, et que tout
ça c'est des béquilles devant un trou conceptuel, que fait-il?
Il me raconte comment un type qui est dans la raison ne se donne jamais à
la croyance puisqu'il en connait le RECUL. IL croit mais il croit pas vraiment,
le type. Tu comprends ce que j'écris, là, est-ce assez un chat
un chat? C'est quoi, «le recul» de la croyance, François?
Moi je sais pas, mais ça a un petit fond d'oxymore (je te serai assez
reconnaissant de ne pas y placer le doute du croyant, à moins que tu
n'aies là-aussi un truc à me dire sur ce que je crois et de quoi
je doute? Une lecture littérale de la vie de Saint-Thomas serait bienvenue).
Bien. alors où on en était? Ah, oui: c'est pas écrit. Merde.
C'est vrai, ça, c'est écrit nulle part. C'est marrant, François,
mais c'est écrit nulle part dans tout ce courrier ce que je pense de
ton point de vue, par exemple, sur la génèse, mais je suis prête
à parier que tout le monde peut le lire.
Donc, tu fais le malin, exigeant de ci de là une stricte littéralité,
et quand ça t'arrange, fini, a pus, on interprète. Ici, quand
je réponds ce que l'intuition, l'inteprétation, les recoupements,
l'analyse, les hypothèses me suggèrent en vous lisant, toi Thierry
oy Éric, il te faut du littéral. Hein? C'est écrit où
exactement Laurent, ce contre quoi tu t'opposes?
Inversement pour le sursaut sur la comparaison avec l'art, une comparaison faite
sur une relation, que tu appliques à ses objets. Elle s'est
envolée où, l'exigence de François sur ce qui est vraiment
écrit?
Grimm, Coquet (première phrase citée de ce courrier "Je pense
y avoir répondu implicitement dans mon autre message d'hier"), on
interprète; la Thora, on littéralise.
Ce que tu réclames, il me sembles (tu ne l'as pas écrit) c'est
du rangement : que la foi corresponde bien à l'idée caricaturale
que tu t'en fais, voilà qui est la seule solution pour t'en débarrasser.
Amen.
L.L.d.M.
* Tu devrais te renseigner un peu avant d'écrire n'importe quoi: Yahvé
ne saurait en aucun cas être mon Dieu; je vais te laisser deviner tout
seul pourquoi.
**le rêve du zéro rhétorique, du chat qui n'est qu'un chat, vaut bien les analogies cratyliennes de Thierry...
> celui qui - Bergson disait cela du vivant, il disait
que le vivant c'est ce qui tourne les obstacles en moyens -, ce serait une bonne
définition de l'artiste. C'est vrai qu'il y a des contraintes de l'Église
qui s'exercent sur le peintre, mais il y a transformation des contraintes en
moyens de création.
dans le cadre de la peinture et du christianisme, ça excède même largement ce jeux de tensions dialectiques: il semble (je pense à la représentation de la fécondation dans les cinq moments de la visitation avant la Renaissance, surtout - voir pour ça la brillante lecture que Georges Didi-Huberman peut en proposer dans son «Fra Angelico») qu'il y ait entre les deux une véritable affinité de moyens (la métaphore charnelle), de discours (le discours de l'imitation) et de visée (toucher à la vérité de la Passion).
Autre exemple... une création du monde... L'Ancien Testament leur sert à une espèce de libération des mouvements, une libération des formes, des lignes et des couleurs. Si bien que, en un sens, l'athéisme n'a jamais été extérieur à la religion : l'athéisme c'est la puissance > artiste qui travaille la religion.
Alors ça, c'est franchement culotté, il a peur de rien Deleuze; un vrai bonheur! C'est pas de la philo pour mémère, ça, il faut vraiment avoir peur de personne pour balancer des trucs pareils: «l'athéisme c'est la puissance artiste qui travaille la religion.» En voilà un qui court pas après sa tranquillité, au moins!
> De même que je disais que Dieu et le Christ ont été pour la peinture une extraordinaire occasion de libérer les lignes, les couleurs et les mouvements des contraintes de la ressemblance,
à tel point que j'ai souvent le sentiment que le néo-platonisme de la Renaissance est plutôt régressif qu'autre chose...
L.L.d.M.