Jean-Henri Fabre lâche une abeille affolée, aveuglée et désorientée cruellement par un long voyage, à quelques kilomètres de sa ruche. Elle en retrouve le chemin, aussi souvent que l'expérience se répète. Ainsi de moi-même, borné comme un âne, inlassablement retrouvé par moi en l'état que j'espérais pourtant perdre dans un nouveau terrain vague ; je me reviens. Peu importent les dérèglements apportés au jeu, la place de plus en plus grande laissée au hasard.
Ici, la couleur avant la raison de la couleur (puisque j'en ai devant les yeux et du temps à tuer avec elle), les cadrages avant qu'il y ait quoi que ce soit à cadrer, les phylactères avant qu'il n'y ait le moindre mot à écrire etc. Et enfin, une lecture brouillonne de Entzensberger, saisi dans l'état parcellaire où il m'apparait entre les mains de Joachim à qui j'emprunte le livre (Feuilletage), sans but précis. Et quels que soient les arrangements faits avec ce que je veux croire hasardeusement disponible — un monde qui traîne — se dessine un récit qui non seulement éclate dans son abominable cohérence, mais qui ne contrarie même pas la cohérence des dernières séries de planches réalisées.
C'est avec Coeur Pourri que le travail de vingt ans se constitue en tout, également, abominablement homogène, dont ces neufs planches pourraient faire préface. C'est avec le désordre du suivant que Lazare retournera mourir et que se constituera etc. etc.
Mais de quel côté du miroir se développe exactement l'illusionisme? Dès que je me lave les yeux, je ne me reconnais plus aussi certainement et je distingue nettement, autour de la figure spéculaire, des traits de crayon grossiers qui en renforcent les contours.
|