l
y a un poème de chaque être humain. Il y a une mise en échec
du signe en chacun, dans la dispersion de sa langue dans l'infini, là
où le monde se poétise dans l'inconscient, dans le continu du
sujet du poème et de son invention. Un dire qui n'en est pas un. C'est
ce que nous voudrions croire, à ce sacré, maintenu dans l'écart,
engendrant le pouvoir et les suppliciés dans le culte païen de l'art,
dans un continu théologique qui serait le lieu de la lumière du
poème.
Tout cela semble bien topologisé
dans le passage d'un dedans au dehors qui exprimerait ce lieu commun. Le passage,
une intermittence sans but ; être-là, manifester sa présence,
faire sortir à tout prix, expurger le poème du corps, exprimer
sa voix interne, fouiller son rythme dans le corps. Le lieu, comme celui d'une
hontologie ou d'un assujettissement, d'une esthétique du sujet dont le
fond n'est pas le poème non plus, qu'un être indéterminé
calculant dramatiquement sur sa disparition l'essence de sa mort. C'est le lit
de son poème. Le lieu de sa passivité au lieu de l'historicité
de son sujet. Le faire de son être défait à ce point de
l'aventure de la langue. Quand le poème c'est faire. Quand le poème
défait le sommeil. Le dépouiller au-delà de ses effets
d'être, le garder dans la langue, dans l'oralité qui l'habite et
qui est déjà son rythme ; c'est déjà du faire dans
l'autre, dans sa lecture. C'est aussi le poème du discours
La lecture publique ferait-elle double
emploi au poème ? En ignorant ou en passant sous silence son oralité
de faire du sujet qui est aussi la tension entre sujet et langage et qui échappe
au signe ; car toute écriture fait sa preuve dans l'oralité. C'est
le rythme1. Le sujet
du poème... Chassez l'universel il revient au galop. Le rythme est cosmique,
mais pas celui d'une poésie orale.
Le sujet serait en dehors de l'homme,
son entité mythologique, son inconscience, l'absence de responsabilité
: " excusez-moi d'écrire un poème, je ne voulais pas. Il y a quelque
force divine à se laisser aller au sublime, à sortir de chez soi,
je m'exprime, vous ne pouvez pas comprendre car ça ne demande qu'à
sortir , car il y a un dedans qui commande cette force du moi incompréhensible
que nous partageons dans le silence et qui devient l'énigme du poème
dans le moi, dans une ontologie du langage ou comme un signe de vérité
".
'universel
est historique, toujours dans la réinvention du discours. C'est l'expérience
du sujet dans l'invention du poème. Les dualismes pensent dans l'universel
et l'orientent vers cette absence de signe, qui est le règne du signe
dans la temporalité imaginaire du poème. Formalismes, structuralismes,
phénoménologies, tout ce qui finalement s'annonce dans la mort
de l'homme, dans la mort de l'art, dans la mort du poème, ne donne pas
signe de vie mais la confondent dans le culte de l'origine. C'est le manque
et la substitution, l'essoufflement de structures antérieures.
Comme la poésie par exemple,
perçue d'un point de vue structurel, de comment on y décèle
le poème, de sa forme et de son apparition... joues creuses, allure fantomatique,
à reléguer au musée des lyrismes. La mort de la poésie
est à refaire. Mais pas seulement en s'improvisant son ventriloque.
La mort c'est sans doute d'abord
nulle part. Peut-être qu'il y a de l'être dans la mort, peut-être
pas. C'est le poème de Heidegger, qui ne mène nulle part, en dehors
d'une phénoménologie dans le boudoir Hölderlin, bricolé,
limé, toute mesurée pour l'Etre dans le mythe allemand, comme
le montage d'une ambition pour le poème, une itération - " là
où ça sent la merde ça sent l'être " aime t-on
à le rappeler comme le jugement d'Artaud - et ainsi finit le corps dans
l'œil de la phénoménologie qui fait du poème le point aveugle
de son être.
" Vous êtes fou monsieur
Artaud ", il y a un fond ouvert qui vous dit..., vous êtes fou monsieur
Hölderlin, il y a un fond ouvert que je vous dis. Différentiel entre
le poème critique du sujet Artaud, dans le poème de son altérité
ou l'altération de son sujet dans le poème, avec ce qui pour Heidegger
l'amène à penser à partir de Hölderlin que la poésie
" exprime l'être-là de l'homme ". Il est l'expression d'un moi,
l'analyste d'une antériorité, une vicariance, et non de
l'invention du sujet du poème.
Hölderlin est l'expression de la folie Heidegger. Ici, pas de poème,
que du mythe et de l'origine symptomatique. Mais il y a aussi du poème
chez Hölderlin, ce qu'il n'y a pas chez Heidegger, puisque ce qu'il y a,
c'est de la philosophie installée dans une sereine culotte de peau cartésienne,
dans le dualisme ontologique du rationalisme et de l'irrationalité, dans
l'écart sociologique entre une norme du sujet poétique, et la
déviance significative que serait une folie du poème.
Je ne peux m'empêcher de faire
ce qui paraîtra pour certains un détour un peu long pour parvenir
au sujet de la lecture publique, mais il me semblait important de me situer
dans le poème considérant que le poème devient le cadre,
le lieu, l'autre de la lecture publique, laquelle dans sa pratique laisse aussi
entrevoir, peut-être une théorie de la poésie. Mais comment
si elle ne se fait pas dans le langage ?
Tous nous n'ouvrons pas notre pratique
du poème à sa théorie. Et en cela la poésie ne peut
pas être faite par tous comme le proposait Lautréamont. Pas dans
ce sens là en tout cas. Cette proposition a été une véritable
utopie du discours des avant-gardes, celles historiques et les autres, qui en
firent le slogan publicitaire de leur idéologie, de leur générosité
libertaire, de l'art pour tous et par tous, et partout, d'inflation décorative,
d'une esthétique du poème, de la confusion générale
des valeurs entre l'art cosa mentale du sujet dans la société,
et l'art de sa présentation comme telle.
vec
les lectures publique, l'historicité et les spécificités
du poème, semblent se faire dans le corps, et donc dans et surtout par
le signe : celui du malaise dans la civilisation dont le corps performe le poème
avec la volonté de, " faire éprouver un malaise, celui du corps
en proie aux signes, aux signes qu'il est chargé d'émettre ".
" Un exorcisme2 ", propose
Heidsieck à la suite de Prigent ? Le corps émet les signes
du poème et maintient le dualisme forme/contenu, signifiant/signifié,
corps/esprit.
La poésie est ainsi exécutée ; dans l'effet du signe, dans
le rapport manifestation intérieure/manifestation extérieure,
dans un rapport de pouvoir issu de ces dualismes, et dont la théorie
est l'écart entre une sociologie du poème et un Etre du poème.
Un déplacement s'opère, une pratique métaphorique du poème
qui devient la voix du corps, le cérémonial du poème, son
spectacle dans une société d'où il semble encore une fois
chassé pour ne pas s'inscrire dans les flux des échanges économiques
parce qu'il est au contraire le signe obsolète de la valeur.
Les plaquettes de poésie
ne rapportent pas aux maisons d'édition ou aux libraires. Encore moins
à leurs auteurs. Non parce que le poème n'est pas dans la cité
- car c'est le poète et la provocation politique de son sujet qui l'en
chasse, comme poussé, expulsé par son rapport critique à
la société dans laquelle il s'invente - mais parce qu'il n'est
pas inscrit dans la sociologie de cette cité, que le poème y est
sans sujet et dans une histoire qui s'éteint... à l'image de la
bourgeoisie devenue d'un matérialisme accablant dans son rapport aux
valeurs et à l'altérité ; et l'utopie, ou le poème
comme utopie de l'invention du sujet, semble ne plus avoir l'énergie
de son affaire, tant sa théorie appartient à un discours socio-économique,
en quête de son sujet, en quête d'une humanité et donc d'une
anthropologie.
Et pourtant le poème est critique.
Sans doute est-ce le fait qu'il soit verrouillé au sujet qui lui donne
sa capacité de subversion et qui l'appelle à la critique, d'autant
plus qu'il occupe, et Henri Meschonnic le réitère dans son œuvre
aussi bien théorique que pratique, un statut particulier par rapport
au langage. Parce qu'il se fait dans le langage : " On ne s'étonnera
pas que la critique, et la nécessité de la critique, viennent
du point le plus faible, le plus critique, le plus exposé, théoriquement
et socialement dans le langage, qu'est le poème. Non par un parti-pris
esthétique périmé, mais parce que le statut du poème
agit comme un révélateur du statut du langage, et du sujet, autant
dans les sociétés que dans la philosophie et les sciences de la
société3 ". Le
poème n'est donc pas dans la marge ou l'extériorité, mais
bien au centre des préoccupations du langage. Il est l'invention du sujet
et surtout l'enjeu de sa valeur.
Il n'est pas le signe de l'inconscient du langage ou la mise en scène
d'une métaphysique, mais l'énergie du sujet dans son individuation
à travers le langage ; l'oralisation du sujet. Il ne représente
pas, il ne témoigne pas comme dans le discours, au contraire, il fait
et il force la représentation, " il découvre une solidarité
entre l'oralité et le sujet4
". Question que pose, à priori, le phénomène de la lecture
publique dans sa pratique du poème, mais sans se donner les moyens de
sortir des cadres théoriques qui la maintiennent dans le dualisme du
signe.
La lecture publique s'inscrit donc,
quant à sa pratique du poème, dans l'oralisation du sujet, mais
dans une théorie par où semble s'évider le langage, et
même, par où s'évide peut-être aussi le poème
lorsqu'il tente de trouver dans le corps de son lecteur et dans la corporalité
de sa lecture, l'expression de son oralité intrinsèque. Sachant
que le corps qui vient remplacer le signe du poème, finit par en devenir
la parodie et l'extinction : l'extinction de la voix du poème. L'extinction
dans la vicariance de la voix du poème par celle du sujet, non pas du
poème, mais du spectacle, sociologiquement de la société
de spectacle.
Ainsi le poème n'est pas au
centre des préoccupations de la lecture publique comme elle peut parfois
le laisser à entendre. Car pour certains il est juste un prétexte
où ce qui se performe sur scène n'est pas le poème mais
bien le sujet qui le porte dans la voix, prétexte du dire de soi maintenu
dans la dualité de l'écrit et de l'orale. Pour d'autres il s'agit
de la difficulté d'exister dans le poème ce qui ramènerait
le poème à de l'ontologie. Pour d'autres encore il s'agit de l'absence
même du poème, de son oraison funèbre, de sa mort annoncée
dans la dictature du signe, issu d'un formalisme tenu à l'opposition
forme/sens où se confondent poétique et fonction poétique5
- dans l'hypothèse où il n'existe pas plusieurs langages mais
un seul..
Je pense, par exemple, à l'influence
de Roman Jakobson sur la poésie concrète, rapport que Jacques
Donguy souligne en ces termes : " La notion de concrétude renvoie à
la définition de fonction poétique par Jakobson, qui est, selon
lui, dirigée vers la matérialité, le côté
palpable du signifiant. Mais ce n'est pas un signifiant vide de sémantique,
ou une sémantique diffusée. Pour Jakobson, en poésie, tout
est contenu, parce que tout est forme 6".
Evidemment le sens n'est pas que
le contenu d'autant si l'on se place du point de vue de la poétique du
discours ; puisque le sens naît dans l'empirisme et l'historicité,
que son présent n'est pas présence mais subjectivation, que la
notion de valeur - qui n'est pas prise en compte ici - s'invente dans l'historicité
des discours. Il ne s'agit pas d'apporter des réponses, mais d'affirmer
la difficulté de penser le poème dans son articulation à
la poésie - d'imaginer comment, réciproquement, la théorie
et la pratique se nourrissent, voire font œuvre simultanément -
d'envisager les contradictions auxquelles aboutissent la confrontation d'une
théorie du langage à une théorie de la société.
orsqu'à
propos des expériences futuristes Donguy rajoute qu' " il est intéressant
de constater que ces expériences se déroulent parallèlement
à la naissance de la linguistique7",
il met en évidence dans le travail de Jakobson l'échange conceptuel
qui s'opère entre la linguistique et la poétique, et ainsi de
l'intérêt de l'écrivain pour le langage, de l'intérêt
du linguiste pour les œuvres littéraires. Il y a le texte de Jakobson
sur Khlebnikov, son intérêt pour l'œuvre de Mallarmé, Maïakovski,
Pasternak -ces deux derniers collaboraient avec les linguistes au cercle de
Moscou -, son amitié avec Haroldo de Campos... mais aussi " une poésie
'phonologique', voire 'phonétique', en ce qu'elle vise à faire
entendre les sons de la langue..., une 'poésie phonatoire' en ce qu'elle
s'applique à faire entendre les dessous de la langue8",
projet inscrit dans le balayage poétique depuis Hugo Ball, Raoul Hausmann,
et l'incessante Ur-sonate de Kurt Schwitters qui semble s'articuler depuis sa
création comme l'écho symbolique d'une modernité absolument
orale, de la même façon que le ready-made de Duchamp à été,
entre autre, l'avènement d'un art préoccupé de sa discursivité.
Ce croisement entre une linguistique
attachée à la matérialité de la langue, à
sa visualité, à sa sonorité, la multiplication des langages
poétiques conscients qu'ils sont la grammaire et l'invention de leur
langue, mais également ouverts à une critique de la société,
a mis en évidence la tentative de résoudre, voire de combler,
de dialectiser dans leurs positions la dichotomie corps/esprit et à sa
suite l'opposition langage/être. Ces premières tentatives d'articulation,
inspirées par le désire wagnérien d'art total, ayant bon
train également chez Fluxus sous l'emblème de la réconciliation
de l'art et de la vie, entretiennent cependant dans la dialectisation à
tout va du signifiant et du signifié, l'idée d'un pan-sémiotisme
où langage, peinture, musique... se retrouvent ordonnés
sur un même plan symbolique que tous les signes de la société,
au-delà de la spécificité de chacun des domaines. En effet,
le statut du langage occupe une place à part puisqu'il est selon l'anthropologie
du langage de Benveniste, " l'interprétant de la société
".
En outre, la question de la
'matérialité de la langue' pose le problème du langage
considéré de façon instrumentale, non seulement dans l'opposition
prose/poésie comme le souligne fort justement J-P. Bobillot9
mais dans le rapport du signe pour quelque chose ce qui induit un processus
de substitution. Le corps pour le poème et la mise en scène de
la poésie pour le poème dans le cas de la lecture publique,
l'absence de langage comme signe politique du poème, la résonances
encore aujourd'hui des bruits de Russolo visant à un hypothétique
infra-langage, les voix sub-vocales du cut-up apparaissant dans le rapport de
la coupure à la matérialité de la langue.
La conception d'une matérialité
de la langue met en évidence la dissociation du sujet par rapport au
langage, et plus particulièrement met en jeu une théorie du langage
qui s'avère au bout du compte, être une théorie de la communication.
L'opposition sujet/objet y est maintenue bien qu'elle soit déplacée
- le corps devient le sujet de la langue, et le langage l'instrument de sa poétisation,
que ce soit dans l'intensité glossolalique ou dans la signifiance du
souffle à l'image d'Artaud.
On passe d'une sémiotique
du discours dont le poème est l'échec, à une sémiotique
du corps dont le dit serait l'échec du poème. De l'effet d'une
poésie à une poésie de l'effet, comme le constate Meschonnic
par rapport à la voix : " Une toute autre figure, réduite à
des effets de voix, en ferait l'imposture naïve de la performance. La performance
est tombée dans le piège du signe, ce son et lumière du
langage. Elle oppose une poésie de papier à son spectacle, sans
voir que c'est sa propre confusion qu'elle donne en spectacle. L'effet de voix,
l'effet de corps ne peuvent pas tenir lieu d'une invention du sujet. Il
peut bien sûr y avoir les deux. Mais alors la performance n'est qu'une
théâtralisation. Si la performance est essentielle, c'est que tout
ce qui est donné pour de la poésie consiste en elle. Et la gesticulation
sonore ne fait plus que couvrir le silence de la voix 10".
Mais ce qui vient d'être dit jusque là n'est cependant pas le procès
de la lecture publique. Car outre la confusion qui l'entoure du point de vue
des théories qu'elle porte et qu'elle provoque dans sa pratique, elle
met en jeu une critique qui n'a que l'ignorance de se tromper de sujet. L'enfer
est pavé de bonnes intentions. C'est bien connu.
Et pourtant, sous l'angle de la pratique,
on ne peut douter que Heidsieck ou Prigent écrivent des poèmes
; ainsi que le sont sans doute de nombreux textes de lecture public. Chacun
à sa façon débordant le cadre de la prise de risque en
publique, pour s'appliquer au continu du poème, pour Heidsieck dans la
production d'œuvres plastiques ou d'œuvre purement sonores (enregistrées),
pour Prigent dans le tournoiement de son œuvre entre les différents genres.
ependant
vouloir se libérer de la contrainte du langage, c'est déjà
se méprendre sur son statut au sein de la société. Sur
le statut du poème. Comme le statut de l'art pose des enjeux différents
dans le sens qu'il donne à l'invention d'une société. Mais
c'est aussi s'en dissocier en tant que sujet. Etre en rupture avec la société.
Et là le vent tourne, mais encore une fois pas tout à fait dans
le bon sens puisque de cette solitude du sujet, c'est la solitude du poète
dans son environnement communicationnel, et non le poème lui-même
qui n'a que la solitude qu'on lui accorde qui doit retrouver les bonnes grâces
du public. Bernard Heidsieck témoigne de cet isolement, qui n'est pas
celui du poème mais celui de la poésie et de ceux qui la font
: "La poésie méritait mieux que de n'être lue que
par des copains ou d'autres poètes... de la "dire" et de la projeter
dans le quotidien sur la société et dans le monde..."
En l'occurrence il fait référence
au statut social de la poésie, à sa passivité dans une
réalisation social en désaccord avec son économie qui la
représente écrite et qui est le livre. Pour Heidsieck l'enjeu
est de taille, puisque dès le début il s'agit pour lui d' " arracher
le 'texte' à la page"11,
dans la mesure où "la Lecture/Performance... vise... de normalement couché
qu'il est sur le papier, à dresser le poème, debout face au public12",
que " la survie de la Poésie passait, peu ou prou, par son extraction
de sa position horizontale et passive dans le livre, à une position verticale
et 'active', sur scène13".
Ce rapport qu'il invoque entre passivité et action, entre texte couché
et texte debout, donne au poème une spatialisation qui n'est pas la sienne,
puisque son action n'est pas sociologique ou communicationnelle, mais inscrite
de manière anthropologique dans le langage. Cette opération du
passage d'un état de la poésie à une 'poésie action'
qui réintroduirait le poème dans le temps et dans l'actualité
du sujet, nie ce qui pourrait être l'espace/temps indissociable du poème,
à savoir son invention. L'action me semble déjà dans l'invention,
au-delà du texte, dans le poème qui se fait sujet, et dans le
sujet, et non dans le poème qui se fait corps, action prothétique
du poème. Ce qui virtualise la lecture du poème sur la scène,
lui donne effectivement une autre dimension qui est sa théâtralisation
et la confiscation de la lecture par sa mise en scène.
t
effectivement le livre ne contient plus la poésie. Mais pour des raisons
qui semble ignorer le poème, et ses enjeux dans le langage. La poésie
perd le poème, et non ce qu'il est ou ce qu'il dit, car le poème
fait. Il est l'investissement maximale du sujet dans le langage, action à
redéterminer dans sa tension avec la société, mais dans
le cadre du langage, et non dans celui de sa distribution.
Et lorsqu'il poursuit dans le cadre de la poésie performance, c'est
pour découvrir et mettre en jeu, par le tour de force du spectaculaire,
une relation de pouvoir entre poème et société où
le poème retrouverait une valeur symbolique qu'elle avait socialement
perdu. Ici le dualisme est fort, entre le faire d'une individuation et son invention
dans la société. Le poème comme signe d'une faiblesse d'expression
opposée à son aliénation dans une société
qui n'arrête pas de s'exprimer et de communiquer. " Le poème réintègre
la société, dit-il. La lecture publique comble son souci de communication.
L'y aide en lui fournissant une texture physique et un contact direct, immédiat
". Après avoir rendu compte de l'insignifiance du poème, il force
son économie, il le sociologise ; mais son sujet n'est pas là.
Il n'est pas dans une sémiotique puisque " le poème est le maillon
faible du signe ". Aussi a-t-il à reprendre un corps tant son corps est
dans son sujet ? Le jouer en interface, en corps-écriture, cela ne le
vide t-il pas de sa critique dans le langage, du lien qu'il fait comme sujet
de l'individuation dans la société ?
L'interface entre le poème
et l'auditeur se fait dans la lecture par le poète/lecteur. L'immédiateté
à laquelle il est fait référence se substitue à
une lecture considérée comme défaillante économiquement
; elle relance la médiatisation de la poésie. Peur d'une disparition
de la poésie dans la passivité de son support, dans sa matérialité
du sacré et du recueillement. C'est aussi le passage d'une ontologie
médiatisé dans la sacralisation du livre comme représentant
du sacré, à une " poésie comme ontologie directe 14".
L'illusion est dans l'image qu'elle donne à voir. Dans le rituel et la
célébration de son événement réinitialisé
dans le sacré. Telle est sa réintégration dans la société,
" Lire devient un rite ! " nous dit Prigent, " Un rite. Donc bien une PERFORMANCE.
" rajoute Heidsieck Car ce qui importe, c'est de faire, dit-il en rapportant
les propos de Prigent, " effleurer physiquement le nœud d'angoisse qui est au
fondement de l'opération d'écriture ". Retrouver la source en
quelque sorte, de cette énergie qui prend sens dans le poème,
mais qui se ferme au signifié comme le corps se referme sur la pensée
ou sur l'Etre. Le spectacle est au rendez-vous et questionne le poème
dans les traces de son rythme et dans son rythme quand il peut. Quand il peut
se sortir de cet état quasi théologique d'Etre, pour retrouver
ce qui le fait dans l'invention de son sujet. Et par le langage de ce qui l'historicise
dans la société.
Sans s'arrêter dans le contenu
ou dans l'intériorité de la poésie comme rapport
sensible à l'Etre. Sans penser la résoudre dans une extériorité
qui n'est rien que le passage ou plutôt l'élargissement d'un contenu
psychologique du poème à un contenu sociologique.
De la disparition du sujet ontologique et même psychologique dans le poème
(le discours analytique qui aboutit au transfert n'atteint-il pas un point de
rupture qui serait son poème) à la disparition sociologique, le
point de rupture du poème n'est pas seulement économique, mais
aussi théorique au sens où le poème n'est ni investi sociologiquement
ni investi globalement par les sciences sociales, parce que son statut est relégué
au spectacle et à la décoration. Le spectacle du poème
sous la forme de la lecture publique serait aussi un point de rupture des discours
socio-économiques. ...
videmment
je ne me lasse pas d'assister à une lecture publique, surtout quand elles
ont l'inventivité le talent et le courage de ceux qui la font. J'ai essayé
en me confrontant à leurs discours de me prolonger du rôle d'auditeur
à celui de lecteur en continuant à les accompagner en questionnant
une historicité du poème et de la poésie qui n'est pas
donnée mais bien à inventer. Car la poésie nous aide à
penser ; et la pratique est indissociable de la théorie. Pour terminer,
" Je pense, et c'est une évidence, qu'il faut être modeste,
tout d'abord, sur le rôle actuel de la poésie. Ce n'est pas une
raison pour ne pas la pratiquer 15".
Bernard Heidsieck continue la poésie.
Le poème est avenir.
NOTES
La forme en poésie comme aboutissement
du sens. La forme comme " quelque chose qui passe à travers la sémantique
d'une façon si forte, que chaque élément phonique ou
chaque élément syntaxique est en même temps un élément
sémantique. " (Interview d'Haroldo de Campos, 1984) P.30
... devant cette fermeture et ce blocage qu'à produit le rapport
entre le parlé et le roman, je partirai de la poésie comme terrain
d'expérience... Aujourd'hui, après une lignée de poésie
écrite, trop écrite, sans doute de l'expérience de plusieurs
on peut percevoir que la modernité est l'oralité. Par là
je n'entends pas ces effets classiques du dualisme, qui divisent la poésie
entre une poésie toute visuelle, graphique, comme a été
le spatialisme, et une poésie sonore qui tourne au spectacle et, à
la limite, hors langage, ne fait plus qu'entretenir une confusion. P.261
Pour Meschonnic, " la poétique est critique parce que le poème est critique" (PRPS, p.17), ce qui suppose un continu entre poésie et poétique, entre pratique et théorie. P.27
Ce que l'aventureux auteur des " poèmes-partition
" reproche à la " poésie écrite ", telle qu'elle lui apparaît
alors - ce contre quoi, soudain il a décidé de réagir -
, ce n'est donc pas tant qu'elle soit " écrite " (...), c'est qu'elle
soit à ce point " passive " et se satisfasse, si aisément, du
petit frisson de l' " image " p.65 JP Bobillot
Quête de l'Etre " oublié ", émois et moires du " Moi " :
tels seraient, pour la poésie moderne, les deux termes de l'alternative.
p.65
Le poème avait à assumer, sur la scène sociale, laïque
et individualiste, une fonction active d'intervention, de " communication "
: à faire " sa rentrée dans le monde. Ou dans la foule. " p.66
Faire voler en éclat le " matériau verbal " et les " formes poétiques
en vigueur, qui ne pouvaient que faire obstacle à cette visée
émancipatrice.p.66
Il aboutit, par là, à une sorte d'implosion du discours... Ainsi
traité, ou maltraité, le " matériau verbal " n'obéit
plus, ni aux critères ou aux contraintes " ordinaires " de la sémantique,
ni même, à ces modes de la signifiance généralement
considérés comme spécifiques à la " langue poétique
"... renchérissant, donc, sur les " mots en liberté " chers à
Marinetti, il s'agirait, cette fois de signifiants en liberté. P.67
Ce qui y parle... c'est une subjectivité qui, court-circuitant ce dispositif
obligé - et aliénant - , en appelle à d'autres subjectivités,
dans la recherche éperdue et inquiète d'un " écho, d'un
contact, d'une réponse ".
Le poème du problème = la lecture
/ une esthétique de la réception
Le poème du poème
RBL = poésie phonétique, rapport de la poésie à
la linguistique, et à celle de Jackobson en particulier par rapport à
la fonction poétique
La rime et la vie / Henri Meschonnic
Le poème découvre une solidarité
entre l'oralité et le sujet, qui mène à poser autrement
le rapport reçu entre l'écrit et l'orale. P.245
Il devient donc non seulement possible, mais nécessaire, de concevoir
l'oralité non plus comme l'absence d'écriture et le seul passage
de la bouche à l'oreille, jadis infériorisé, aujourd'hui
valorisé-psychanalysé par certains comme la pulsion libératrice,
qui reste dans le dualisme comme le blasphème reste dans la religion.
Non, mais comme une organisation du discours régie par le rythme. La
manifestation d'une gestuelle, d'une corporalité et d'une subjectivité
dans le langage. P.246
Je prends l'oralité comme rythmique linguistique, culturelle et forme-sujet,
ce qui solidarise, au lieu de les séparer, la littérature et le
parlé. P.268
C'est la poésie qui est libre, et l'a toujours été, chaque
fois qu'elle a conquis son historicité. Qui est à la fois son
éthique et son oralité. Elle n'est plus qu'une imitation quand
elle se prend pour son histoire. P.262
Le sujet-langage est donc double. Sujet linguistique de l'énonciation,
au sens de Benveniste... Et il y a le sujet poétique de l'énonciation,
tel que le discours est transformé par le sujet et le sujet advient au
statut de sujet par ce discours. Ce qui n'arrive que par le primat du
rythme et de la prosodie dans l'organisation du sens. Ce qui rend le sujet et
l'oralité essentiellement solidaires.
...Pas d'oralité sans sujet, pas de sujet sans oralité. Un continu
du sujet, depuis celui du discours au sens de Benveniste jusqu'à celui
du poème. L'orale est de l'ordre du continu - rythme, prosodie, énonciation.
Le parlé et l'écrit sont de l'ordre du discontinu, des unités
discrètes de la langue. P.269
Henri Meschonnic Pour une poétique du rythme / Lucie Bourassa
Le texte littéraire, et plus particulièrement
le poème, sont, par l'organisation de leur signifiance, " le maillon
faible du signe " : ils résistent à la conception dualiste qui
a régi la métaphysique occidentale et par là ouvrent sur
une critique des tendances universalisantes et dominatrices de cette dernière.
A une pensée de l'être, des essences, des identités, qui
mène à l'exclusion, la poétique meschonicienne oppose celle
de l'empirique et l'historique, qui permet de prendre en compte l'altérité,
la pluralité, de sortir des oppositions duelles engenddrant un pôle
dominant et un pôle dominé. P.10-11
Dans la poétique, l'importance accordée au faire du discours (faire=sens
premier de poème) permet de dépasser l'alternative entre essence
et effet sociologique... P.11
Benveniste, Sémiologie de la langue, PLB II, p.43-66 / il attribue à
la langue, qui est l' " interprétant de tout système signifiant
" une double signifiance : " La première est appelée sémiotique,
la seconde, sémantique. Le plan sémiotique est celui du signe
saussurien, de l'unité pourvue de sens, ... le plan sémantique,
" c'est le 'sens' résultant de l'enchaînement, de l'appropriation
à la circonstance et de l'adaptation des différents signes entre
eux ", c'est " l'ouverture vers le monde ", qui est " absolument imprévisible
".P.15
Les formalistes ont eu en commun d'introduire la linguistique dans la poétique...
comprendre la " littérarité " en abordant le texte par son " matériau
" propre, le langage. Ils se sont ainsi intéressés au signifiant
phonique, au mètre, au rythme et à tout ce qu'on a coutume de
ranger sous la rubrique " forme "... P.18
Jackobson et sa vision autotélique de la poésie P.18...dualisme
de la forme et du sens, et ne pas réduire des discours à des contenus...
P.24
Meschonnic / statut qu'il accorde au poème, vu comme révélateur
de certains fonctionnements langagiers dans la relation qui s 'y établit
entre le sujet et le social. P.24
" Traversière, [la poétique] prend le poème comme le
point le plus faible de la théorie du signe, qui constitue ainsi un révélateur
théorique et politique ". Le poème est " le maillon faible
" de la théorie du signe parce qu'on ne peut aisément en escamoter
le signifiant pour le réduire à un signe, à un représentant
d'autre chose, d'un " contenu ", telle que le serait par exemple l'histoire
", dans un récit. P.25 (voire aussi les Etats de la poétique p.42)
Pour la poétique, si le discours est une pratique du sujet dans une histoire,
le poème est pris comme l'inscription maximale du sujet (avec sa situation
et son histoire) dans le langage, alors que les autres pratiques du discours
se réalisent comme l'inscription du langage dans l'histoire et sa situation.
Le sens n'est plus alors à concevoir comme un sémantisme, un lexicalisme,
mais comme une production généralisée par l'ensemble du
discours. P26 (ibid. p.42)
Meschonnic refuse, au double plan épistémologique et éthique,
d'opposer poésie et langage ordinaire. Il croit à une " force
", à un pouvoir critique de la poésie, qui " n'invente pas
un autre monde ", mais " transforme le rapport qu'on a avec celui-ci.
(La rime et la vie p.108) On ne peut penser cette force si on isole le
poème des autres pratiques du langage, car alors on l'esthétise
et on le neutralise, alors qu'il est " cet état naissant des modes
de signifier, cette invention de l'historicité radicale des manière
de dire, de sentir, de s'entendre soi et les autres (Pol. du r. pol. du s.,
p.17).p .27
" [La poésie] ne peut être traitée qu'à
partir d'elle-même, non à l'intérieur d'elle-même
: si le lien entre poésie et poétique les confond dans une identité,
cette identité me semble métaphysique, et non leur épistémologie
spécifique " (PPV, p.74)
Puisque la poésie est une aventure vers l'inconnu, un mouvement vers
le savoir et non un savoir déjà constitué, qui renouvelle
les modes de signifié et de comprendre, la poétique ne peut être
achevée, elle est aussi un mouvement, et, comme la poésie, " passion
de la pensée " (RV, p.109). P.28
La pensée d'un " sujet du poème " est " la démocratie du
poème " (PRPS,p.9), car " à travers le sujet de l'écriture,
c'est le statut de tout sujet qui est exposé et qui se joue "(EP,
P.42). Pour être " la démocratie du poème ", ce sujet
ne doit être ni un individu isolé qui s'oppose à la société,
ni quelqu'un d'entièrement déterminé par celle-ci. P.48
Christian Prigent et sa voix-de-l'écrit
Christian Prigent et la lecture public / Bernard Heidsieck
Faire part n-°14/15
Différence entre les lectures traditionnelles
et les Lectures/Performances. Entre anciennes et nouvelles :
Le terrain, il faut le reconnaître, avait été ardemment
préparé, déblayé, dès les années soixantes,
et avant même, par tous ceux qui pensaient que la survie de la Poésie
passait, peu ou prou, par son extraction de sa position horizontale et passive
dans le livre, à une position verticale et " active ", sur scène.
P.118
Fluxus, des poètes " sonores "... C. Prigent... ont contribué
à cette révolution, à cette remonté à la
surface, au plein jour, de la poésie, ce qui de façon notoire,
constitue pour elle, sa marque essentielle de sociabilité de ces dernières
années. P.118
Définir ce qu'est la Poésie Sonore, s'est toujours avéré
une opération impossible. P.118
L'oralité ne sort pas le poème de son silence
Je ne me suis, moi, par contre, jamais écarté de la sémantique
et me suis, de ce fait retrouvé confronté au x problème
entre l'écrit et l'oralité, au passage de la page écrite
à son enregistrement ou à sa transmission publique... utilisons
le terme " Lecture/performance ". il a le mérite (//Poésie/Action)
d'englober bien des choses et d'avoir cependant une connotation précise,
notamment face au style des classiques " Lectures-de-poésie ". P.119
Lecture Publique... moment d'arrachement du Texte au papier, au livre pour le
faire basculer dans l'oralité. P.119
Le mot par rapport à l'oralité : pour quelle phrase ? c'est le
poème qui fait le mot et non le mot qui fait le poème, car dans
ce cas le langage serait un instrument, ce qu'il n'est pas puisqu'il est indissociable
du sujet.
Il ne s'agit plus de cantonner ses mots dans l'espace étroit qui sépare
les lèvres du micro, mais d'occuper la moindre parcelle du lieu, quelqu'il
soit. On ne lit pas pour soi mais pour un public... pour parvenir à cette
occupation de l'espace il faut insuffler aux mots... une tension, un souffle
qui les catapultent vers l'auditoire gorgés de cette énergie...
on donne aussi [du texte], face au public, une image, celle de soi-même
en train de lire. P. 120
La tension, le souffle et l'énergie sont, nous l'avons vu, à la
base même de ses lectures. Ce sont les fondements qui permettent la mise
en espace , dans l'oralité, de ses textes écrits. P.121
Il doit y avoir, [Prigent] l'écrit... cohérence entre la voix
et l'écrit. " Le corps doit être visible (porteur de la voix) et
non-visible (effacé, dissout par elle), rendu discret, dés-identifié,
et cependant absolument présent ". Et en effet, le corps est là,
centré sur lui-même, machine-tremplin pour évacuer du texte,
lui fournir le maximum d'impulsion et de clarté.
Car enfin c'est bien de cela dont il s'agit : transmettre du TEXTE. Du texte
écrit. Le mieux possible. C'est à dire, sans le trahir. C'est
lui, le texte, bien entendu, qui prime. Et la " voix-de-l'écrit ", qui
l'arrache au papier, n'est pas, tel que l'écrit Prigent, le véhicule
d'un hypothétique langage du corps, peut-être même ne dit-elle
pas forcément la vérité du langage, celui du texte sur
lequel elle s'appuie, , qu'elle est chargée, dans l'instant, de transmettre,
mais elle joue, par contre, l'action de leur affrontement. " Elle concrétise
un moment de mobilisation d'énergie. " P.121 cf la communication
Lire devient un rite ! (Prigent)/ célébration dont parle Meschonnic
" Un rite. Donc bien une PERFORMANCE. Car ce qui importe, c'est de faire " effleurer
physiquement le nœud d'angoisse qui est au fondement de l'opération d'écriture...
un malaise, celui du corps en proie au signes, aux signes qu'il est chargé
d'émettre ". Un exorcisme ? P.122 Prigent : un artiste de la voix ou
un artiste du poème ?
Revue La licorne n° 41 Penser la voix
Le théâtre dans la voix / Henri Meschonnic
La voix ne dit pas. Ce qu'on dit, on le dit,
en parlant, par la voix. Mais ce n'est pas la voix qui dit, c'est vous qui dites,
ou c'est moi. La voix, elle , fait. Elle fait le climat, l'humeur. Elle fait
une prosodie, qui n'est pas celle du discours, mais celle du corps, et de la
relation entre les corps.
C'est parce qu'elle agit que la voix a une affinité avec le poème.
Le poème non plus ne dit pas, en tant qu'il est poème, mais il
fait. Ce que seul un poème fait. La voix est une forme d'action, par
elle-même, indépendamment de toute mimique, ou gestuelle. Elle
est une forme subjective autant de l'espace que du temps. Quand elle est un
art, elle est un art de l'espace et un art du temps. P.27
Valéry et Heidegger ensemble font de
la poésie comme célébration une auto-célébration
: " La célébration est l'acte poétique par excellence :
le poème en premier lieu, s'émerveille de lui-même, comme
s'il ne parvenait pas à croire en ses propres pouvoirs et s'appliquait
à les vérifier toujours "(p.197, J-M Maulpoix, La voix d'Orphée...).
P.31
Ce que montre la mise en voix, c'est si il y a ou non une oralité de
l'écriture. La voix en fait l'épreuve. L'écrit se juge
à la voix. Un texte est littéraire s'il a sa voix, et comment
il est en voix. P.38
La voix n'est pas un spectacle. P.39
La voix est du continu seul, le langage est du continu et du discontinu... La
voix émet un théâtre imaginaire, le langage comporte une
théâtralisation qui est de l'ordre du rythme, de la prosodie, de
l'organisation du discours. P.39
La liberté de la voix nargue le signe. L'aventure de la voix est à
elle seule un théâtre. En quoi elle a partie liée avec le
poème sans être ni le langage ni le poème. C'est quand la
voix est une matrice du rythme qu'elle est vraiment une voix, pas seulement
l'organe de la parole. Et elle le sait, quand c'est ce rythme qu'elle donne
à entendre. P.42
La peinture est une poésie silencieuse
/ G. Dessons
La lecture d'un poème requiert une accommodation. Si on écoute
le signe, on entend pas le rythme, mais le sens ; si on écoute le rythme,
on entend plus le signe, mais le sujet... le poème n'est pas poème
par le sens... mais par la manièrre, qui est un rapport entre subjectivation
et signification , mettant en jeu, à chaque œuvre, histoire, sujet et
société. P.235
1960-1985 Une génération / Jacques
Donguy
Poésie sonore, poésie-action, performance poetry, poésie
direct. Mais cette terminologie est récente. Il faut distinguer dans
un premier temps un travail sur la matérialité de la langue, et
pour cela remonter aux futuristes italiens et aux cubo-futuristes russes...
Khlebnikov et Krucenych, tous deux signataires du manifeste " Slovo kak takovoe
", Le mot comme tel... Les principes du 'Zaum' 1. Le jeu dans ce qu'il a de
plus joyeux 2. Une technique phonétique approfondie (manipulation et
fabrication de mots) 3. La découverte et le déchiffrage des énigme
de la langue et de l'univers... P.22
Il est intéressant de constater que ces expérience se déroulent
parallèlement à la naissance de la linguistique... P.22
Quant au développement de la poésie sonore, il s'explique aussi
par l'apparition et l'utilisation du magnétophone à bande qui...
permet le montage. P.22
" Anthologie de la poésie phonétique " organisée en 1960
par Fr . Dufrêne . P.23
" Extended composition ", c'est aussi l'idée que développe R.
Kostelanetz dans son anthologie " Text-Sound Texts, parue en 1980. " Le terme
'Text-sound' caractérise le langage dont la cohérence se base
plus sur le son que sur la syntaxe ou la sémantique ". Les 'Four Horsemen
parlent d'une poétique matérialiste, d'une poétique du
signal et du flot libidinal. Peut-être le retour à une immédiateté
primaire, tribale, ou cette phrase de Einstein : 'La matière elle-même
est un événement'. P.25
Réflexion sur la langue, qui renvoie à Mc Luhan, La galaxie Gutemberg,
et à Pierce, dans sa théorie du Signe, qu'il tire de sa réflexion
sur les hiéroglyphes égyptiens. P.29
Dans... 'Quelques réflexions sur le contexte de Fluxus', Higgins souligne
un autre aspect [que l'attitude iconoclaste], " l'interpénétration
de l'art et de la vie, aussi bien que l'interpénétration des médias
entre eux ". Et faisant un parallèle entre ce qui se passait à
la fin des années 50 en linguistique (Jakobson), anthropologie (Lévi-Strauss),
psychanalyse (Lacan) et littérature (Barthes), autour des notions de
modèles, ou de structures, avec ce que faisient les artistes fluxus à
l'époque, il dit que " pour le mouvement Fluxus comme dans les mathématiques,
l'élégance consiste à ce que cela soit suffisant de montrer
l'essence d'un travail, ou une présentation absolument claire ". P.34
Il n'y a pas de lecteur de la poésie mais spectacle de ses effets //
à performance cf. D. Higgins : " J'invite le performer à hurler
aussi fort que possible, hors de tout contexte précis, jusqu'à
ce que le performer soit sur le point de s'écrouler ". L'expérience
joue autant sur le plan émotionnel que sur le plan intellectuel. Il faut
que le spectateur " tienne compte non pas de celui qui hurle, mais du hurlement
". P.35
Y a t-il volonté d'inclure le spectateur dans l'œuvre en rendant le texte
public ? n'est-il pas public à la publication ?
Lir en public, c'est " arracher le texte à la page... se l'incorporer
mentalement/physiquement " " Voix, texte et comportement ne font alors
plus qu'un " ce qui me donne l'impression que quelque chose m'est
enlevé à la lecture public, qu'elle devient une lecture privée,
une scène d'où je suis expulsée comme quantité négligeable
du poème canalisé dans la voix du lecteur . Je n'ai que l'écho
du poème.
Biopsie, textes en relation avec le quotidien, un peu comme des constats, biopsie
de la vie sociale
La poésie comme ontologie directe. P.89-90
Voir Marinetti, Jakobson, Mc Luhan
Doc(k)s série 3 numéro 4/5 printemps été 1993
Jean Pierre Bobillot propose quatre courants dont le premier est une tendance
qui se situe justement dans la séparation forme / sens, " en deçà
des unités sémantiquement 'pleines' de la langue, soit : en deçà
de toute articulation. Et il y distingue, " d'une part " Le second se caractérise
par l'utilisation active du magnétophone " il parle de traitement
du 'matériau verbale'... de 'potentialités esthétiques'...
" on se situerait, cette fois, résolument au niveau 'du mot, des mots',
dans une 'volonté signifiante' - autrement dit au niveau des unités
sémantiquement pleines de la langue, soit: des 'unités de première
articulation'. " p.59
p . 60 /à Heidsieck Là le poème se faisait
bruit ; ici les bruits se font poème.