L.L. De MARS
COURBES

(suite)


Fragment 1-----corps 1.64.42 assassinat par noyade
 
 e barrage du fleuve, c'est simultanément l'apprivoisement apparent de sa force que l'on objective, et le désintérêt de ce qui la constitue. Rencontrer Flaubert par hasard enfreindrait à ce point la règle de l'hégémonie, l'ipséité collective, qu'il est plus rapide de l'inscrire à l'ordre des choses conductibles dans l'Homme, que de tenter de l'effacer... Rendre assommant (non pas dans le coeur de l'oeuvre, mais en omptant sur l'électricité juvénile du refus qui misera ses pièces sur la contradiction du pensum, ce qui résumera le plus souvent le noyau de son autonomie; elle se persuadera naïvement que ce mouvement dialectique n'aura pas été calculé avant elle) est plus rapide que rendre immoral, ce qui nécessiterait avant tout un bon enseignement de la morale (à l'origine de toutes les confusions).
C'est le même parti qui inventa pour moi l'éducation sexuelle et qui parla pendant quatre années de corps jaune et de mitose sans évoquer la jouissance: avoir compris ce qu'est une endomorphine sans avoir compris mon propre désir, c'était être parvenu à un degré de culpabilité tel, que j'étais forcément coupable de ne pas avoir su tirer parti de l'émancipation qu'on m'accordait. 


Fragment 2-----corps 2.58.70 assassinat par strangulation
 
'écriture de ce carnet m'indispose parfois, je la subis comme un mal honteux, mais quelqu'un peut-il comprendre dans quel espace trouble je travaille, je veux dire parmi les vivants? Ma parole... ma parole... me reste dans la gorge, comme une grossièreté dont on s'aperçoit à la dernière minute qu'il est de bon ton de ne pas la prononcer.
Je n'ignore rien des étapes qui font d'un plaidoyer souterrain et revanchard un livre achevé; aller de l'illisible à la dispersion, en gros; et qui ignore aujourd'hui que tous ceux qui savent leur alphabet écrivent? Tout a été décrit comme si évident, qu'il serait presque exagéré et douteusement élitaire de chercher encore de la profondeur, de ne pas se satisfaire de l'économie immédiate.
Il n'est pas improbable que mes lectures de Flaubert aient fait beaucoup pour que je me sois mis à écrire des fragments qui empruntaient leurs formes, si souvent, à l'expression de ses idées... Un ciel d'automne ne serait-il pas parvenu au même résultat? Y suis-je moins seul? Au bout du compte une abstraction accumulant les perles abstraites que seul le manque d'exactitude fait accepter calibrées... L'accumulation des tranches dans ma bibliothèque est moins représentative de la foule des individus qui me sont proposés, que de la solitude qui me les a fait choisir. S'il ne m'est pas difficile de cerner dans la forme, dans le choix des mots, du premier coup, un lieu commun inadmissible, il m'est beaucoup plus difficile de concevoir qu'une idée, vraiment qu'une idée ait pu devenir un lieu tout-à
fait commun...

l peut sembler inconvenant à un lecteur de trouver une idée réexprimée au cours de livres différents? Comme s'il se livrait une bataille d'idées et de préceptions au travers d'une bibliothèque? Comme si le lecteur avait été trahi dans le jeu de ses recherches parce qu'il retrouve dessinée l'empreinte de ses pas? Soit. C'est oublier combien seul le hasard en général peut amener à ce type de constat, de comparaison, combien les généalogies comparées du lecteur et des textes qu'il découvre sont contradictoires et, finalement, ne présentent aucun intérêt véritable; oublier que ni la ligne droite ni le cercle ne sont prééminents dans la direction des idées, combien les chances sont maigres, déjà, qu'un livre exprimant une idée inconnue jusqu'alors de vous, échoue dans votre bibliothèque. La reconduction ne sera que le fruit des promenades, ou celle de la connivence ou de la citation entre les auteurs eux-mêmes. Peu importe. Dans cet éclatement, personne ne doit être supposé redevable de quoi que ce soit à qui que ce soit. C'est oublier surtout que l'évidence rend amnésique, quand elle ne rend pas aveugle.
        Si l'intransigeance était le maître-mot de ce refus de réitération, le lecteur bannirait jusqu'à son langage.
        Refermer le Gai-savoir en soupirant "Ceci, je le sais déjà", conduit à oublier la nécessité d'expression, de réexpression, d'être sans cesse réexprimées des idées, puisque l'on n'apprend rien d'un livre pour sa propre morale, son désir, son équité, sa conduite; juste de l'archivage, de la somme, de l'Histoire comparée. Ajuster. à ce rythme, il en faudrait peu pour trouver toute expression d'une idée effroyablement banale, lisse, définitivement posée.



Fragment 3----- Corps 2.58.72, suicide par balle. 

urant une quinzaine de siècles après Galien, et Dieu sait ce qu'il en était avant, de nombreuses femmes ont accouché dans les meilleures conditions physiologiques du monde avec un utérus divisé en sept lobules. Pendant le même laps de temps, le sang humain s'est diffusé à travers l'ensemble des corps grâce aux efforts d'un coeur divisé en deux concavités et qui contenait un os. Au cour de cette période, des millions d'hommes ont mâché leur nourriture avec un maxillaire inférieur divisé en deux parties sans en rencontrer la moindre gêne. Il n'est pas improbable, pour l'ensemble de ses constatations, que Galien se soit contenté dit-on d'ouvrir des carcasses de chiens ou de singes, mais le langage suffisait pour toute anatomie comparée. Il éTAIT la comparaison.
        Semmelweiss a été bercé de l'illusion que l'expérience seule suffisait à éclairer les hommes de son fort... il s'est trompé pour avoir oublié que les événements ne se produisent que lorsqu'ils ont été jugés nécessaires par l'entente générale; et par le langage que cet accord tacite aura choisi pour parler de principes vitaux ou de fluides animaux, d'humeurs, ou de microbes. Seule la circonstance produisant des certificats.
        Ce sont bien les mêmes organes de la vue, qui ont constaté la ductilité et les caractères morphologiquement changeants de la lune et ont décrit son émollience, que ceux pour qui creva un jour l'évidence de sa rotondité; insistons sur le VOIR, duquel s'acclimate la connaissance pour peu qu'elle ait tenu les rênes de la lucidité et de la vision. Mais voir, n'est pas un renseignement, juste une corroboration. Puisque l'on n'apprend rien, et que tout doit avoir une finalité, il est impossible de concevoir même l'esquisse de notre cécité contractuelle, immédiate: notre clairvoyance ne servant qu'à déterminer et rabrouer les autres seuils d'aveuglements, les déraisons précédentes ou allogènes.
        Légitimer les démonstrations de notre empirisme. Nous pourrions en constater sous mille formes les effets, sans jamais en tirer la conclusion que nous y soyons soumis. Au même titre que la formation de mille mots soit nécessaire aux esquimaux pour parler du blanc qui indiffère globalement notre weltanschauung, au même titre que quatre couleurs constituent une grammaire suffisante pour l'arc-en-ciel des dogons qui nous est incomplet, nous avons imaginé le langage et la pensée comme deux miroirs face à face, se prouvant l'un à l'autre.
        Lorsque l'un manquait, l'autre faisait renfort pour toute validation; il n'y a pas de raison pour que ce qui ait été, en cette matière, parce qu'elle est poussive et encourage la fainéantise, ait cessé d'être, dirais-je. Inamovible confortation. Mais parce que l'on a décidé le changement, on le constate.
 



Fragment 4 (suite des notes prises hier)-----Corps 2.5873 suicide par balle
 
ous produisons de l'histoire avec l'argument de sa pédagogie et de la mémoire, en en ayant extrait ces deux notions, en lui interdisant de les produire elle-même. En gros, enseigner l'histoire sans lui laisser rien enseigner. Parce que nous croyons en cette pierre philosophale qui autorise la transmutation des événements en langage et celle du langage en événements, alors le langage s'illumine de son évidence et tous
les événements se valent; une mort en vaut une autre, un charnier tous les charniers.
 
 n a considéré Schopenhauer trop vieux, non pas en tant que ses arguments prêtaient véritablement au rire, et à la confusion, mais en tant qu'ils étaient une barrière à l'illuminisme du progrès et de l'humanisme économique. Hegel, en revanche, écarte toutes les impasses indésirables du pourrissement et de l'incertitude. Il résout. Il innocente le fabricant, en tant qu'il lui rend cernable et argumentable ce qu'il
avait fabriqué en toute inconséquence, il lui propose l'intention sur un plateau doré. Son école est encore aujourd'hui la plus fructueuse, avec celle du bouddhisme pour lequel les notions de péché, d'interdit, de pulsion, de désastre, de Shoah, ne sont que des étapes qui amènent à la réussite, celle qui traverse même les morts et les individuations sans effort ni dommage, sans rencontrer la résistance des corps, en bref, la fabrication de la plénitude, que les occidentaux supportent mieux sous le nom d'évolution.
 


Chapitre VIII
 

avele utilisait cet enregistreur magnétique non pas simplement comme un outil de travail destiné à accueillir les étapes de ses nécropsies, mais plus généralement comme un carnet de notes orales, qu'il recopiait pour enrichir certains de ses carnets personnels; il avait pris l'habitude de les griffonner sur place. Ainsi, ceux qui écoutaient ces bandes, étaient obligé de subir en creux dans l'analyse froide des pièces à conviction, la présence parasitaire de celui qui, par ses retranchements et, donc, sa présence, niait la forme algébrique requise pour toute identification d'un crime. S'il avait pu le faire, il y aurait fait participer les morts eux-mêmes.
        Ainsi elle aura été tuée; voilà une chose droite, une forme d'ordre. Ce qui sera certifié par l'autopsie; l'ordre du corps et des actions humaines, proposé par la science et la supposée inéluctabilité de son élan, n'est pas sans danger; lorsque l'on ne trouve plus de mystères dans le corps, la tentation fâcheuse d'en produire partout et en toute chose autour de vous est grande; et c'est ainsi qu'en écartant le mystère du corps on participe à la disparition des religions dans les bouffées superstitives. Il faudrait croire que cette plaisanterie qui fait affirmer que l'homme a délégué à la science les questions de pneumatologie, a été prise bien trop au sérieux. Je crois d'une manière plus générale, que l'engagement derrière la bannière d'un parti (médical, par exemple), n'est rien d'autre qu'une forme généralisée d'abandon. C'est cette fainéantise morale et intellectuelle qui génère une doucereuse irresponsabilité, reçue comme un don, libérant toute tentation éthique individuelle: l'extrême fragilité du doute ne peut pas faire le poids devant ce colosse maternel grâce auquel le cautionnaire n'aura plus à craindre pour la responsabilité de ses actes ni de son engagement, pour peu qu'il délègue la distribution hiérarchique des droits et des devoirs. Le vote est la contradiction du libre-arbitre.
 
osme dispose lui-aussi de ce type de magnétophone bien que ses fonctions n'en rendent pas l'usage nécessaire, il y enregistre le compte-rendu assidu de son parcours, de l'état des lieux aux laboratoires d'analyse, la phase ludique comme il le dit lui-même, nécessite un appareillage ludique. Réentendre ma voix, ailleurs, plus tard, un simulacre d'interrogatoire impossible.
Au laboratoire de fixer l'état des lieux. Meurtre etc... au moment de la découverte, la photographie, sur place, servira à illustrer une plus claire démonstration; elle peut illustrer une reconstitution, par la même occasion. Théâtre que l'on appellera reconstitution. Tout cela est logique. Membres du tribunal à la vision plus claire... Parfois, des diapositives à l'audience. Mais ce n'est pas encore courant... Hmmm; peut-être depuis, ça fait si longtemps que
         Lors d'une audience qui se déroule plusieurs mois après les faits; le criminel n'est plus dans le crime; par ailleurs, sa victime a changé de corps, est devenue un article du code; sa défense aussi, un ensemble de noticules du code; enchâssé dans le texte, il n'a pas tué. Qui sait s'il a jamais été seul? Les objets à reproduire, les lieux etc... Doivent être dans l'état exact après leur saisie, immédiatement après l'acte, l'état où ils se trouvaient au moment de l'intervention policière... Ici une dénivellation de l'hémarthrose post-létale, un trois fois rien,
mais...
        Imaginez les erreurs, quelque chose de déplacé ne serait-ce que de quelques millimètres, un trou plus tout-à fait en face d'un trou, les conclusions qui s'en tirent: le photographe dit renoncer à tout effet, se mettre absolument de côté... il doit penser aux perspectives, à la difformité et aux exagérations qu'elle peut évoquer selon l'objectif choisi, les, les éviter; le repiquage des taches est toléré: plusieurs vues, avec des orientations différentes, pour être sûr. Toutes les données opératoires enregistrées, appareil, objectifs, tirage, diaphragme, filtre, éclairage, clock! situation des lieux, date, heure d'intervention, orientation, axe optique, gros plan, repère centimétrique, macrophotographie pour les documents, réplique de la teneur du texte, certes, mais surtout fidèle aux particularités manuscrites ou imprimées, nature de la surface du papier, plis, taches, déchirures, description sommaire voilà tout... (la lumière du jour serait préférable, mais... en somme plusieurs morts possibles selon les disponibilités de mise en scène). Bon.
        Projecteurs, flash électronique (le plus amusant est que la photographie couleur, étant donné son caractère horrifiant, affirme-t'on, sans proportionnalité avec le degré d'atrocité du crime, ne peut être utilisée que comme renseignement facultatif... Ceci est laissé à la discrétion du tribunal. Ce qui veut dire quoi? Que l'on est dans un espace de représentation qui ne souffre pas l'exactitude, le foutoir auquel risquerait de prédisposer la présentation: noir & blanc, aujourd'hui encore, pour bien avoir à faire à un document. Je ne dis pas que la couleur soit un degré de plus vers le réel... ou si peu; c'est de certaines précautions, disons, dont je parle. Si un chirurgien ne veut pas entendre parler du véritable patronyme de son opéré, c'est bien parce que celui-ci a encore un nombre invraisemblable d'organes à proposer... circonscrire; une forme d'amnésie volontaire et salutaire. Voilà en tous cas la preuve judiciaire que personne n'est dupe des rapports qu'entretiennent photographie et réalité.) & donc l'emballage des microtraces, matériel pratique: transparent, incassable, bon marché; flacons, poudriers, cristallisoirs, sacs, sachets de matière plastique, & étiquettes identificatrices: précisions utiles, lieu nature date & heure du prélèvement hop! Voilà tout.
        Ensuite, conditions primordiales: éviter que l'objet ne se brise! ne perde ses microtraces, n'en acquière d'autres! ne le nettoyer ni le souiller! interdit de friction! bonbonbon... examiné dans les meilleures conditions opératoires, tables recouvertes de catelles, éclairées par un puissant scialytique de chirurgie, sous une loupe éclairante, l'opérateur peut travailler les deux mains libres... stéréomicroscope sur l'objet, convertisseur d'images infrarouge... indispensable de poursuivre cette opération de tri et séparation, comparaison et identification, pouvoir morceler, séparer, différences, élémentarité, ou réunir ce qui est semblable. Je me demande, en ces termes de fouilles arborescentes qui segmentent aussi profondément un corps, si aucun de ceux-là, qui se brûlent les yeux à comparer quelques réactifs se soulever, se décolorer, s'effilocher dans des pipettes passées par la centrifugeuse, a déjà considéré l'ensemble des articulations enfouissant le micro-rouage sur lequel il se penchent? Combien seraient effrayés de voir un jugement de tribunal, dont leurs patientes recherches sont la source lointaine, confus, n'y voyant rien!
        Distinguer les particules de poussière, rouge de brique, noir de charbon, transparent de verre, soit une méthode de tri optique: différences de densités, masse granulométriques, par tamisages successifs, calibres. Etc. L'ensemble du monde sous sa forme poussiéreuse.
        La dactyloscopie, a-t'on dit, est la mise en évidence de l'individualité absolue... Les recherches de Galton ont prouvé que même l'hérédité de celle-ci n'existe pas... Forgeot... Senet... parvenus à la même conclusion après avoir examiné jusqu'à la cinquième génération. Mais après eux, Helweg, Harster, Sommer, soumis à une certaine perplexité... entérinent finalement. Individualité absolue: voici un concept qui, présenté en métaphysique ou en éthologie soulève controverses et dénégations affligées, là où il serait peut-être salutaire, et auquel adhèrent tous les suffrages en matière juridique, là où il est confus et inadmissible. "Des anthropologistes peuvent s'être contentés des dessins concluant que l'hérédité ..."; les criminologistes ont recherché,  n'en ont jamais trouvé de traces.
        Empreintes immuables... In foetus... Trois mois: des doigts absolument lisses... Puis les crêtes commencent à se former sur les phalangettes, s'étendre au doigt tout entier... Des crêtes papillaires, arrêts de lignes, îlots, bifurcations; tous les bureaux confirment ce dessin achevé (sauf par la lèpre/paralysie infantile/rachitisme/acromégalie/distances changées), si la peau des phalangettes est brûlée il réapparaîtra  quand la blessure sera guérie (Locard & Witkowsky ont brûlé le bout de leurs propres doigts: eau bouillante, huile bouillante, métal chauffé au rouge, la blessure est profonde) les cicatrices ne constituent pas un obstacle, les cicatrices dans les empreintes font même une impression plus profonde sur les juges que les empreintes elles-mêmes, les crêtes papillaires disparaissent après la mort à la suite de
        caoutchouc & une plaque/ tout papier blanc peut être employé/ glacé/ uni/ derrière lequel un texte est imprimé/ L'encre est celle pour les duplicateurs/ L'empreinte ROULéE, à montrer le dessin d'un côté /à l'autre/ des deltas/ d'une grande importance/ découvert une partie du dessin /sillons évoquant curieusement les sinuosités, à l'omoplate d'un tatouage/ l'encre étalée en couche mince sur la plaque/ les doigts propres/ la transpiration nettoyée, la moiteur de la morte/ éther/ Benzine/ non crispée/ aucune pression/ l'ordre du pouce droit à l'auriculaire droit/ du pouce gauche à l'auriculaire gauche/ avec le tranchant droit de l'ongle en contact avec la feuille puis roulé jusqu'à ce que le tranchant gauche tourne à son tour/ doigt ensuite roulé sur le papier de droite à gauche/ doigt tordu/ il est encré; un piège spécial donne les meilleurs résultats: deux plaques de verre de 15X25cms/ par des vis/ l'ensemble tenu par une chaînette/ une photographie insérée entre les deux: "il reconnaît la photographie..." Et voilà/ l'ensemble tendu négligemment/  les empreintes poudrées...


Chapitre IX

 

a fonte du jour s'accompagnait de la multiplication croissante des cellules lumineuses à la façade des immeubles; cellules abritant d'innombrables vies parallèles que Cosme considérait, disons, avec un certain sentiment d'étrangeté effrayante comme si la prolifération de ces vies intouchables, indésirables, remettait brutalement en cause la fondamentalité de la sienne.
Plus brutalement, nous pourrions dire que son orgueil précaire se serait mieux satisfait d'un désert pour supporter le sentiment de solitude.
        Cou arqué, battement flou et saccadé de ses chaussures, puisqu'il fixe son regard sous elles, sur le couloir granitique défilant à l'arête du trottoir, Cosme perce les mailles de crins pluvieux tissées par les réverbères: sources de cercles sans contours, fils tendus, mobiles, éclats blancs en échos de toutes tailles sur le goudron bleu: la certitude d'avoir un chemin trop long à parcourir le lui fait diviser comme un enfant qui compte les pas ou les panneaux de signalisation, en se rendant attentif excessivement aux détails mouvants qui l'accidentent.
        Un chiffre d'émail est la seule chose qui puisse désigner timidement cette façade crépissée redoublée à l'infini dans une rue d'une symétrie sans accident... La maison basse est fade au point que l'on ne puisse imaginer qu'elle ait été choisie. Cosme en pousse la porte, élargissant le rectangle de lumière qui ponctuait la nuit. Maison de jeune femme seule qui s'autorise des négligences de garçonnière, mais respire une liberté qui se range du côté de l'ordre et de la classification. Les bruits décrits par les voisins, qui laissaient estimer des mouvements de grandes violences, ne trouvent aucune réponse dans la rigueur de l'agencement. Même un endroit inconnu, par l'homogénéité des éléments qui le constituent -plutôt: les fils hasardeux et intimes qu'il tisse entre des éléments hétérogènes, ses règles- trahit immédiatement la présence d'un quelconque désordre dans son ordonnancement initial: sans connaître précisément la place attribuée à une chose, percevoir qu'elle a bougé.
        Cosme jouit du pouvoir qui lui est octroyé de pénétrer l'ensemble des secrets et de leur interprétation qui régissent la constitution d'un environnement humain; il estime, apprécie, mesure, à chaque regard, la qualité logistique des dispositions, la confrontation d'aménagements plus ou moins cartésiens, utilitaires, avec la foule des babioles ou des incongruités qui accompagnent une vie; il palpe les tissus, déplace avec le sentiment d'enfreindre des règles les objets qui attisent sa curiosité. Son attention se mobilise autour d'un granule noir qui ombre et accidente la moquette maïs: se penche, sort de sa poche un objet métallique articulé que composent une pince à ongles, une spatulette et une lime pointue dont il use pour décoller méticuleusement l'insecte de la moquette, avec laquelle un coup violent l'avait solidarisé.
        Rompu à ce genre d'exercices descriptifs par la lecture de Chenu, de Lacordaire ou de Fabre, il se livre à l'inventaire des particularités de l'animal:
        Tête et corselet tuberculés... palpes labiaux ayant les deux premiers articles dilatés... antennes de neuf articles... pas d'écusson: hanches antérieures coniques, saillantes intérieurement... jambes du mésothorax et du métathorax robustes et dilatées à leurs extrémités, à tarses diminuant graduellement de la base au sommet: antérieurs n'existant pas ici...
        Cette taxinomie descriptive prononce en fait la seconde mort de ce Copris, ce bousier si cher à Fabre, perdu ici. La sienne, ainsi que celle de tout autre animalcule ou animal: un élan archiviste irréparable aura permis à l'homme le débarras désinvolte et orgueilleux des idiosyncrasies animales, si m'exprimer ainsi n'est pas déjà une exagération anthropomorphiste... Idiosyncrasies que le vacarme de sa langue aura couvertes pour, finalement, les réfuter, s'abasourdissant lui-même. Oh, je ne parle pas de cette romantique et invraisemblable animalité supposée tapie chez lui, non, mais bien de cette altérité agitée et protéiforme, à laquelle il avait voué autrefois d'innombrables cultes ignorants, celle qu'il s'est paradoxalement rendue incompréhensible et inoffensive en la repoussant hors de son corps parlant. Il y aurait bien un combat égal dans la tauromachie s'il y avait, disons, une égalité des statuts... Mais où est passé le taureau?  Ce n'est pas contre un taureau qu'il se bat, mais contre cette absurde animalité toute entière rassemblée...
 
l'heure qu'il est, Savele doit être penché sur le corps de cette femme, et peut-être a-t'il déjà entamé le jeu de ses incisions... "Multiples contusions, hématomes, sans hémorragies externes à leur surface, corps déjà mort depuis plus de trois heures avant d'avoir été, probablement, jeté sur le trottoir d'une voiture... Ce qui expliquerait sa nudité". Cosme consulte son carnet bleu: Jacques Brosse ouvre "L'ordre des choses" avec ceci: "Sans doute, on aura pourvu de noms presque tous les objets, et une part assez considérable des êtres vivants. Après quoi, fatigué de cet interminable dénombrement et convaincu que, puisqu'il appelait les choses par leur nom, il les tenait en son pouvoir, l'homme a estimé qu'il avait rempli sa mission. Il a cru l'Univers devenu assez humain pour ne plus avoir à s'occuper que de lui-même et des autres hommes."
        Jusqu'où se dépossède-t'il? Comment sa manière d'abattage sourd a-t'elle fini par lui faire apparaître comme dans l'ordre des choses l'absorption de la chair de l'animal -comme simplement légitime et de toute évidence- sans l'y déceler? Ceci au point d'observer désormais comme incongru ou inutilement barbare l'égorgement rural du porc? Mais nul ne doutera cependant, qu'au sein même de ce rituel raréfié, la millénaire distanciation de la pratique aura enfoui le peu d'entente qui eût pu nous ramener à ce Monde, qui a des droits sur nous et les fera valoir un jour. Il faudrait congédier cet étalon prospectif qui ne se penche sur l'animal que lorsqu'il croit y déceler le reflet d'une humanité encore à venir, par le jeu des analogies rapides, des anthropocentrismes: royauté des abeilles, prolétariat des fourmis et des termites, eldorados des oiseaux migrateurs, sociabilité des dauphins, urbanisme des castors; cette odieuse inconséquence qui veut voir s'ériger la tutelle d'un organisme définitif, pour lequel tout autre mouvement de participation au monde ne serait que le dérisoire reflet d'une tentative avortée dans sa direction, condamne à elle seule l'humain à n'être que l'unique exemplaire vivant à côté d'un monde où tout, hormis lui, semble avoir une place définitive et nécessaire. Lorsque j'observe ce petit coléoptère, et la foule hétérogène de ces vies caparaçonnées, chitineuses, j'en conclue que, pourtant, par leur quasi immuabilité évolutive, par la représentation, -du moins, qu'ils en suggèrent- ils proposent à notre pensée l'éradication de nos fantasmes évolutionnistes présomptueux et enthousiastes qui ne veulent qu'une seule chose, à toutes les étapes de notre vie civile, que nous continuions à fabriquer de l'évolution en faisant croire que c'est elle qui nous y conduit... L'insecte, immémorial guerrier, immémorial affamé, n'autorise pas le jeu de notre prétendu accomplissement métamorphique, à moins de le considérer comme une erreur. Il faudrait alors dire: quelques millions d'erreurs, n'est-ce pas... Pour une réussite.
        Plus que tout autre, par sa stabilité et son échelle, sa ténacité à vivre, il devrait faire s'effondrer le lyrisme humaniste qui croit voir devant LUI le jour se lever ou la nuit tomber, celui-là pour qui l'horizon n'est que la courbe parfaite que son érection laborieuse a offert à l'étalon de son regard.
        Pensant et se posant contre Le Monde, et non parmi lui, l'homme peut bien s'évanouir sans, autour de lui, que ne s'élève le moindre murmure de protestation ou de crainte, sans qu'aucune feuille ne frémisse.
        Cosme fait glisser l'insecte de sa paume dans un sachet de plastique transparent. Il jette un dernier oeil à cette reproduction d'Utamaro, probablement extraite du livre des maisons vertes. La jeune courtisane essuie une verge encore gonflée du coït achevé, avec un nuiguishi déjà trempé de foutre.
        Cosme glisse le sachet dans sa poche et fait demi-tour.
 



Chapitre X
 
 

ette atmosphère: j'ai parlé tout-à l'heure de tension Dionysiaque. Mais il faudrait éclairer... Ce qui a compté ici, c'est la rupture; quelle importance, finalement, je veux dire: qui se souciera du désordre ou au contraire du rangement que représente sa mort? Peu importe que le dénouement soit heureux ou malheureux. Cette fille n'avait aucune raison d'être grandie parmi les hommes par autre chose que l'attention que je portais à son pied... Les personnages grands ou petits de Ce Monde, quelle échelle? Puisque je ne peux rien savoir, que je ne peux pas agir en dehors, vraiment en dehors. Les événements mis en action? Considérables... futiles. Rien n'a d'importance que la liberté ou la contrainte proposée à mes mouvements: tout est évident; les règles n'ont été établies que par expérience des réactions testimoniales... Ainsi se perpétue une certaine figure du crime. Mais on n'a vu que les règles, on a oublié que le meurtre n'était qu'une surface réfléchissante : son succès dépendant de la manière dont le témoin se reconnaît dans cette surface abolissante (qui nie celui qui s'y contemple)... TOUT HOMME DANGEREUX EST EN DANGER. préciserais-je?: enfin en danger.
        Pour mesurer les conséquences de mes actes, il a bien fallu que j'agisse, c'est tout simple! Mais qui pourrait m'entendre là-dessus? Je sais, moi, que je n'étais pas mortel devant Dieu, s'il n'y avait eu ce crime; je m'y suis rendu mortel, à moi-même, que l'on m'entende.. Pourquoi un acte, pour en arriver là? Peut-être suis-je tout-à fait idiot, peut-être parce que je me sens moins vivant assis que debout, l'acte, vous voyez, alors, alors pour concevoir que moi-aussi j'étais habité... enfin.
        Malgré les enfouissements, le respect accordé aux sépultures, malgré l'ensemble des liturgies et la mémoire, on plonge la mort dans l'impossible... On l'exproprie de son corps: on change la mort en les morts et on se rend pérenne, j'ai dû faire ça aussi, c'est l'exercice de l'art qui m'a abruti; j'ai cru améliorer cet état en gravant des peaux humaines, faire que mes spectateurs meurent avec mes oeuvres, mais quelle erreur! Morts, ils ne pouvaient plus témoigner que mes oeuvres étaient mortes. Comment aurais-je pu concevoir mon Salut tant que je ne m'étais pas rendu mortel? Voilà qui est fait. Tuant, je me rend tuable, c'est aussi stupide que ça. Pour pouvoir expier la somme de mes péchés, pour pouvoir les concevoir dans leur expiation, il m'a fallu commettre le péché inexpiable de tuer. En me rendant mon Salut perceptible, je me le suis interdit. Je n'aurais probablement pas eu à supplier... Pas eu à me morfondre... Mais je n'ai pourtant jamais aussi bien compris que la prière n'était pas une requête mais un don. Seul Dieu est demandeur dans la prière, puisque me L'étant rendu envisageable, je Lui dois tout. Mais si l'unicité de l'expérience qui me lie à Lui me rend enfin tous les hommes compréhensibles, elle m'interdit alors d'être compris par un seul d'entre eux. Les églises établissent le commerce entre l'idée de Dieu et l'absence d'idée que sa présence parmi les hommes permet d'administrer. J'ai dû, moi-aussi fonder, dans la fulgurance d'un crime, mon église.
        C'est dans la solitude devant Dieu, que l'on s'émancipe du bavardage qui le transforme en gouverneur. Quand on met un être au Monde, on se soumet à Ses lois. Quand on tue un être, on se soumet à Son sens. J'appelle tension Dionysiaque cet état où je me sens lié à ma perte, si intimement, que mon bonheur est irréductiblement lié à sa fin, qu'il contient. Perdre conscience que ce destin n'est pas... pas le mien; conscience rarement aussi claire que lorsqu'il s'agit de mort (l'idée d'un mort contenu dans notre architecture vivante.)
        Il y a entre l'intention & l'inspiration la distance qui sépare l'éthique de l'esthétique... J'ai voulu engraisser l'esthétique d'un code faisant appel à la rigoureuse exclusion de l'éthique; j'ai cru pouvoir donner à mon éthique le prestige d'une formation esthétique, et je suis devenu un faiseur immoral; jouissant d'une vie supplétive, gonflant l'autre. L'éthique tout-à l'inverse nous dit qu'il y a quelque chose de brillant là où il est envisageable de mourir à son tour... qu'elle n'a du sens qu'en tant qu'elle forme le Salut  dans l'instance de notre propre vie: pas dans l'élévation posthume d'un monolithe à sa propre gloire, mais bien dans la certitude que ce monolithe doit être la vie elle-même, sans appel ni rédemption. Sans nous dire... quoi ni comment... maudite alternative qui nous barre de l'esthétique, qui nous autorise l'irresponsabilité... La disponibilité, aussi: être, croire être, sous l'emprise du Don, c'est être irresponsable. Finalement, le génie est moins nuisible que l'intellectuel. Au moins, il est innocent,
lui. Ceci nous rend inaccessible le bien, la justice... un savoir explicite... Condamné à rester notionnel... Une exhortation impérative... nécessairement vague & aveugle... Demi-savoir... De sa propre mort... La mort certaine & indéterminée... ? ... Le mortel connaît la certitude incertaine... L'action est commandée... L'action... Irrationnelle... événement & passage du possible... L'alternative radicale & l'ultimatum élémentaire... Utrum... Annon... Exclure le détail... Il n'y a plus que la voie de droite... La morale... est bifurcation, option simpliste... Une morale juste devrait, si elle était possible, conjuguer toutes nos aspirations éthiques pour leur donner un terreau d'épanouissement; elle est généralement l'interdiction faite à cette autonomie, au profit d'une règle sans nul rapport avec notre véritable désir de droiture... Elle en est même le plus souvent la contradiction. D'Héraclès à la croisée... La continuation de l'être guide notre choix... La science pose le commencement de ce choix... Il dépend de notre Créateur... Notre liberté de décider que la chose existe, que l'arbitraire soit avec le bien... Dieu... Avec les vérités éternelles... "Origine radicale"... "Positive" de Dieu, qui est, la source primordiale de toute effectivité... Conneries qui nous conduisent à toutes les arrogances. L'existence est comme allant de soi... Il faudra quelqu'effort pour interroger l'Acte pur grâce auquel quelquechose existe plutôt que rien... Le Bien reste à faire... A notre volonté de ne le faire point...
        Bien, à condition d'être voulu... Le Bien est littéralement n'importe quoi... A deux droits, si Dieu l'avait voulu... nous savons que la bienveillance sanctifie toute malfaisance, transfigure le méfait... Une volonté qui renonce à soi... espère... Volonté indifférente au regard de cet ordre... La limite est la perfection du sacrifice... Une certaine illégalité sera normative pour les autres... Justifiant toute oeuvre accomplie: sera géniale, la violence fondatrice d'un Ordre... Sans rapport avec ces improvisations de la charité...

l y a entre l'intention & l'inspiration la distance qui sépare l'éthique de l'esthétique...

'enthousiasme habité par Dieu... Attendre que la grâce descende...  Comme somnambule composant sous sa dictée... Innocent?... Voyant parce que sans clairvoyance... Ils sont, savent-ils qu'ils sont?... Des mages... L'intention n'est pas un don... Aucun secours ne nous est accordé... La volonté doit s'aider elle-même... Vous me direz: Il n'y a pas de créateur à-priori: il se révèle après coup dans la création... La résistance de la dure matière... Projet larvaire FAIT homme... La rêverie qui est l'industrie... Je ne crois pas que l'on mesure assez ce que signifie "et Dieu fit l'homme à son image": La Midrash elle-même est pourtant claire là-dessus: à sa propre image, l'homme, en définitive, n'est fondé en tant qu'homme, A SA
PROPRE IMAGE, que du jour où il prend en considération l'idée de Dieu. Il n'obtient sa formation décisive, non pas du jour où il commence à parler, mais du jour où son langage le conduit à l'expression de sa nécessité de Dieu.
 
our le reste, je ne veux pas entendre parler de la Mane pas plus que du shamir des temples de Salomon. Laborieux génie d'un Suprême savoir-faire... Qui imprime le simple propos de faire, remplace l'exécution... De mérite, il n'est pas question!
On ne fait pas une oeuvre avec des intentions méritoires... Cette musique qui apparaît... L'acte immanent à l'agent, la vision à la vue, contemplation à l'esprit... La Ronde de Nuit pour l'éternité...
 
 


Chapitre XI
 
 

/jeune fille a été agressée par un individu de sexe indéterminé; une lutte sauvage s'est engagée entre l'agresseur et la victime, mais qui est tombée d'une hauteur de plusie/ dans le lit d'un ruisseau en contrebas/ le suspect a ensuite été arrêté le même soir à son d/ il a commencé par nier & / on a sequestr/les vêtements/ cette soie portant des fibres du obi de la victime/ les chaussons portant des traces de pouss/tri & séparation près de
trois jours/ impressionnant de préparations microscopiques des fibr/ principe d'échange de Locard:/ convaincus du contact brutal entre victime & suspect/ &/ la preuve scientifique étaye la preuve du rapport des témoins dont on sait la fragilité/ Cette alternative nous ramène aux lignes écrites par Ceccaldi/
 
 
e temps à autre, à Ryôgoku on se palpait en connaisseur: chacun vantant ses propres dessins: JUNICHIRO LE TATOUEUR/ jeune expert aussi habile que Charibun Asakusa Yappei Matsushima/ Konkonjirô/ par dizaines soumettaient le déploiement de leur épiderme/ Le satin encore vierge/ Kin Daruma/ Gonta Karakusa/ au cinabre, au cinabre Junichiro/ la singularité de ses coloris: en disciple de Toyokuni Kunisada/ L'Estampe appliquée à la mouvance des peaux/ sans attrait votre const/ grain/ tout l'or du monde, peux pas vous tatouer; des scrupules, un choix de peau extrêmement précis/ et passer par toutes ses exigences/ fallait subir le supplice de ses aiguilles/ Au plus, la pointe/ pénétrait les tissus/ chairs gorgées/ tuméfiées/ traversées d'élancements/ à bout de force/ à geindre/ plus vive que la plainte/ plus déchirante/ il pratiquait avec délectation/ le
cinabre/ à nuance/ à dégradés/ une journée: on avait enduré de 5 à 600 aiguilles/ puis il fallait prendre un bain chaud/ terrible et dernière épreuve, finir aux pieds de Junichiro/ rester un bon moment/ d'un oeil glacé
La forme misérable/ Qui serrait les mâchoires/ tordait la bouche/ les aiguilles de Junichiro/ un regard sur les yeux embués/ poursuivait ses patientes perforations/ Riait en découvrant ses dents/
 
 



 
 Chapitre XII
 
 
'inadvertance (ou bien plutôt l'errance en quête de ...?) l'avait conduit à franchir une brêche au bas d'une cloison, ouverture laissée béante après l'extraction d'une partie de la tuyauterie lors d'aménagements décidés par les propriétaires...
 
 lissé donc, pour Mr Lacordaire: Dynaste, pour nous, depuis, de loin en loin, redivision des tribus, familles, genres, groupes etc voyez-vous...   ...plus même dynastydes, hiérarchiquement scarabéidés, grande famille secouée de querelles, toutes sans importance, bien entendu, broutilles,
famille disions-nous des imposants (donc peu adroits, peu lestes), lamellicornes, mais bon, scarabéiens désormais, correspondant tout particulièrement, et il y tient, Dieu sait, au genre scarabeus, scarabéidés/iens/eus & le tour est joué, ça facilite le triage: corpulent gaillard, inopportun sur les lieux du crime, certes, mais, nos pas, parfois, nous conduisent, enfin, vous comprenez, dans des endroits indécidés, inattendus,
amoureux palpes labiaux solidement plantés aux côtés d'un fort menton dont les femelles, que voulez-vous, vous imaginez bien! Outrepassant coquettement le bord antérieur du chaperon chitineux, le tout d'un irréprochable ébène, tout le corps de même, tête tuberculée, corselet et thorax moirés granulant délicatement, (virilement cornus cependant), et, bon, puisqu'on souligne les merveilles de cet Antinoüs avec précision: jambes
postérieures digitées aux extrémités, plus puissamment plantées que les délicats tarses allongés des antérieures, le tout, il faut bien le dire, mariant chez ce merveilleux mâle vernissé le prestige herculéen et l'éclat apollinien, ici introduit, il faut bien le dire, dans un havre de brutalité et d'exagération, dont il ne saisissait absolument pas, (mais dont il tentait pourtant de saisir l'origine en dodelinant cette grosse tête cuite autour de son axe), l'agitation tournoyante, au moment précis où le coude gigantesque de la victime, ou peut-être de l'assassin, mais il n'avait pas eu la possibilité de juger, enfin, peu importe, le coude donc, réduisit à néant la merveilleuse coupole de ses élytres noirs.