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épisode 9
Les deux femmes entrent, lumière progressive. On découvre que le public a été remplacé par des mannequins. Certaines perruques sont mal ajustées. Une panthère empaillée est posée sur le pupitre. La juge caresse l’animal. Sandrine porte une peluche mais on ne reconnaît pas l’animal.
la juge (posant délicatement le félin au sol) : vous disiez ne pas avoir le permis sandrine : loupé deux fois juge (dans un dictaphone) : loupé deux fois sandrine : deux fois juge : je vous crois mais notez bien que c’est une chance pour vous sandrine : je suis capricorne gémeaux
sandrine : hier soir, je suis allée écouter une chanteuse juge : tiens donc, où ça sandrine : péniche sur le canal, cadre chaleureux mais on était deux, la chanteuse et moi juge : genre sandrine : piano juge : devait être doux sandrine : après, je suis rentrée à la maison pénitentiaire
Pas de réaction.
sandrine : je fais ce qu’on me dit la juge : comme jenni, donne souvent des ordres sandrine : vous ne faites pas ce qu’on vous dit juge : idem fernand sandrine : père de sandrine juge : oh non
sandrine : c’est joli fernand juge : messages énamourés, « j’adore ton travail » sandrine : que diriez-vous de partir en bretagne, l’été prochain juge : je ne peux pas sandrine : tribunal sous la menace juge : on veut me muter
sandrine : j’ai lancé un avis de recherche sur internet pour votre fille juge interloquée sandrine : « juge sylvie - sansan reviens - signé maman »
Depuis le 11 novembre, forêt de M. Un félin se promènerait dans la forêt de M. « Bien que le danger ne soit pas avéré », la Préfecture a tout de même lancé immédiatement un appel à la vigilance. Depuis, les témoignages contraires se succèdent. Un coup, c’est un chat sauvage, un autre un puma ou encore une panthère. Dernièrement, c’est un habitant de V qui aurait vu un chat sauvage au pelage noir et gris. Mais aucune trace, déjection ou empreinte, n’a encore été relevée en forêt de M.
sandrine : plaide non-coupable juge : soyez raisonnable sandrine : je vais être condamnée
Sandrine perd ses moyens et fait n’importe quoi : enfiler la moumoute d’un mannequin, dépiauter sa peluche, dire des obscénités dans le dictaphone…
la juge : pour des raisons x ou y, la jeune sandrine charmante comme une fleur… entraîne le jouvenceau dans sa folle équipée
On entend une sonnerie de portable. Un air pop à la mode.
sandrine : passe-moi ton bandana juge : souvenons-nous que, durant toute cette période, un kangourou se cache dans les maïs sandrine : si tu mettais le recyclable à part, tu verrais que le tri n’est pas un loisir juge : marelle répète loisir, loisir sandrine : guillaume, très impliqué dans le développement durable, perd contrôle juge : elle attrape le jerrican sandrine : m’arrose juge : essence tondeuse ? sandrine : grrr juge : oui ? sandrine : j’imite le félin
juge : allumette ? sandrine : la boîte est vide juge (très impliquée) : la garce sandrine : foulard guillaume défoncé et couic juge : guillaume conduit le cyclo sous l’emprise sandrine : souvent juge : retour chambre
sandrine : je prends une douche juge : guillaume vous rejoint sandrine : va-t-en yeux rouges, je lui dis juge absorbée sandrine : les revenants ont souvent des yeux rouges qui clignotent juge évanouie sandrine : cocotte !
la juge (respirant l’alcool de menthe) : vous avez dû en voir passer des poubelles sandrine : rendez-moi la raquette juge : jenni l’a autour du cou sandrine : mon cordage juge : après la douche ? sandrine : je descends les stores juge : danse érotique en peignoir sandrine : robe de chambre entrouverte
Durant la suite de la scène, le juge fait des smacks à l’animal empaillé.
sandrine : convenons de nous débarrasser du corps juge : ah sandrine : on aurait pu l’enterrer mais sans pelle juge : et le canal, vous avez pensé au canal sandrine : problème lester
Sonnerie de portable.
juge : on ne s’entend plus penser sandrine : je ne sais plus ce que je dis la juge : je vais interroger les témoins
Les visages des deux protagonistes sont floutés, leurs voix déformées.
EN DIRECT DU PALAIS DE JUSTICE NOTRE ENVOYE SPECIAL
la juge : consultez psychiatre en cachette sandrine : des années juge : guérissez pas sandrine : heureusement non
ENVOYEE SPECIALE
la juge : vous avez des problèmes
Pendant l’absence de Sandrine, le spectacle continue. Le juge rembobine et écoute son dictaphone. Peu à peu, un nouveau public prend la place des mannequins.
la juge (pour elle-même) : on progresse
Elle siffle, prend un chewing-gum. Relis ses notes, biffe, surligne. Sort son kit mains libres.
juge : ouais c’est moi ça va ?… non, à son rendez-vous… bah j’attends… oui moi aussi… disons que ça avance… une soupe, parfait… à toute, bisous
Musique de salle d’attente.
juge : et ce fauve, va-t-on finir par le retrouver
Bruits du public : des talons, toussotements, chaises…
juge (bas) : laure + eddy, guy + montmirail = guillaume, les watson, marelle 1 mètre 49, jeannette marino, guy + marelle = montmirail ferté sandrine, benoni, ah
Note quelque chose quelque part.
juge (bas) : carlo + ferté = bruno, montmirail + X = manu, winnie mo caribou, frida, nioukhine, suis-je une bonne mère, loulou, moïse, l’abbé P, les inuits, non
Arrache la page. Sandrine revient, retire son manteau.
la juge : les deux questions qu’il ne faut jamais poser à une femme sandrine : pas de réponse juge : son âge et son poids
juge : benoni est-il le père de ben
juge : nous reparlerons du psychiatre sandrine : appelé à comparaître juge : probable sandrine : attention car c’est un ours juge : j’ai l’habitude avec fernand
Elle sort un papier.
sandrine : vous aimez les papiers la juge (lisant) : « oui je pense qu’elle a ce prénom… tu sais les choses sont loin… et un artiste qui se laisse au charme… j’aime sa personne et sa folie… oui je pense que vivre à l’artiste est… après ce temps… aime se partager… love » sandrine : il vous aime encore juge : croyez sandrine : saute aux yeux
Lui arrache la feuille des mains et déclame.
sandrine : « oui je pense que vivre à l’artiste est… » juge : comprends pas sandrine : « après ce temps… aime se partager… love » juge : qui « aime se partager » ? sandrine : l’artiste est juge : l’artiste ? sandrine : fernand juge : complètement saoul oui sandrine : « tu sais les choses sont loin » juge : trop loin sandrine : l’artiste se les remémore douloureusement juge : ah sandrine : « ce prénom » doit être le vôtre juge : j’ai fini de l’aimer sandrine : « et un artiste qui se laisse au charme » juge : rendez-moi cette feuille sandrine : « love », il cherche à vous reconquérir, c’est net
Tend le papier et retourne s’asseoir.
la juge : love rien du tout
Déchire en petits morceaux, s’énervant, larme à l’œil.
sandrine : vous pleurez juge : non sandrine : souvent nos sentiments nous dépassent
Le juge se retourne pour se moucher. Et glisse son mouchoir dans la manche de son gilet.
sandrine : love at first sight juge : hein sandrine : quand j’ai vu frida juge : mais ça n’était pas réciproque
Silence. On suit un diaporama où l’on voit Fernand et Frida dans diverses postures. Pas de bande-son.
la juge : on n’oublie pas guillaume sandrine : libérez-le juge : j’ignore où il se trouve
Première réaction du nouveau public. Sandrine regarde le juge. Le juge regarde Sandrine.
la juge : serait une déjection humaine
Stupéfaction générale.
la juge : procédons par élimination sandrine : qui défèque dans les bois juge : marelle la défunte sandrine : est-ce bien elle juge : comment rendre un verdict si on ignore l’identité de la victime
On apprécie la manière dont le juge a cloué le bec de l’impertinente.
la juge : je raye d’emblée fernand sandrine : moi aussi juge : frida sandrine : … juge : maître carlo même pas capable de trouver la cour d’assises sandrine : je le retiens juge : je barre ?
Le juge prend plaisir à rayer.
juge : les watson sandrine : on ne verrait pas des sourds découper leur voisine juge : femme de ménage laure + édouard eddy sandrine : sous le coude juge : ouiche, nioukhine, tant pis pour lui
juge (contente) : puisqu’on a bien avancé, je propause
Fondu.
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frontispices de Albane Moll |