L'art de couvrir

Texte publié dans la revue Po&sie 16, premier trimestre 1981.
Transcription : Marie-Valentine.

Le symbole (), dans le texte, renvoie presque toujours à un mot du glossaire.

Il faut fabriquer soi-même le coupon () destiné à couvrir () le livre (). Sans machine l'oeil repère et la main évalue machinalement, connexion d'organes qui apprécient, mesurent un volume, une rigidité, une souplesse, la limite et la possibilité d'une limite, la catastrophe tentante, l'hypocrisie objective du matériau. Avec quel instrument découper la future protection ()? Chacun selon ses moyens.

Dégager une protection () suffisante exige un coupon () suffisant de surface à peu près rectangulaire bien qu'un quadrilatère assez vague fasse parfois l'affaire, éventuellement la meilleure affaire dans la mesure où une marge () trop juste du coupon () va diminuer l'épaisseur d'un coin de la protection () et rendre peut-être plus aisée la formation d'un rabat (), plus malaisée la naissance d'un faux pli (), ce qui alors ne se retourne pas nécessairement en avantage, nous le verrons. Mais il est fort prétentieux de spéculer a priori sur un enchaînement de causes fortuites, pour ainsi dire, un déroulement normal n'étant déjà presque jamais acquis. Normes elles-mêmes hasardeuses, niaiserie de factoriser des hasards, il n'est puissance que du sort, reste à savoir qui à quoi s'expose.

La couverture () trop mince d'un livre très épais lance un défi à l'art de couvrir. Si la protection () appropriée semble la plus fine, la sagesse invite aux grands rabats (), donc à un coupon () proportionnellement plus grand que de coutume. Cependant, nulle loi. Quels que soient les dimensions d'un livre et le paradoxe de sa fabrication, il arrive que la protection () adhère avec force à la couverture () par un phénomène atmosphérique et électrique, ce qui rend superflus de grands rabats ().

En fait, le coupon () s'engendre dans une demi-conscience qui est une hyper-conscience où le vague même délimite, pertinence familière de l'a peu près, éclosion et coup.

Le couvreur s'identifie plus ou moins à la foule des lecteurs, dans un imaginaire social moyen où l'usure et l'usage se répondent sans généralement s'interroger. Le couvreur ne rêve ni ne réforme, il sait que la détermination pratique des limites inclut des erreurs qui ne seront pas les siennes et à peine veut-il les nommer erreurs. Au fond relativement social, l'art de couvrir n'est pas lié à la société. Que l'art de couvrir enveloppe matériellement l'art matériel de lire, ce n'est qu'une ten­dance, ou une vue théorique.

Parmi les définitions usuelles on a placé celle du double livre (), d'ailleurs un peu fausse. Une description est-elle autre chose qu'un mythe scientifique, une solution provisoire dont l'intérêt se calcule d'après les services rendus provisoire­ment? C'est pourquoi on fait durer le provisoire, lequel aime parfois durer, où irait-on de vouloir sans cesse approfondir? Vu d'un autre bout on note des abus, des déprédations, etc., l'usage implique le mésusage. On est souvent entre des résultats, une description artistique nous dirait cet entre, restituant ce qui résulte à ce qui exulte, à l'arbitraire, au temps qui passe.

J'ai vu fondre le brouillon d'un art de couvrir en terminologie. Maintenant que je re-dactylographie une copie nette je me perds en digression. Une descrip­tion se range, meurt (vit) pour que vivent (meurent) des termes, un mot relance la puissance intacte d'une histoire brûlante d'anciens bords, tout simplement dédaigneuse.

On appelle double livre () à la fois le développement sommaire de la couver­ture () sur le coupon () et le geste rapide qui permet d'évaluer la protection (). Il s'agit de « centrer » sur le coupon ce qui sera plus tard la partie visible de la pro­tection () du livre () fermé. La première séquence indubitable de l'art de couvrir consiste à confectionner un rabat () vertical dessus, le premier rabat pratiqué. Il est bon que ce rabat soit plus grand que le rabat opposé dessous, car il fatigue () davantage. Durant la lecture normale du livre, la couverture () tend en effet à se dégager du rabat correspondant, à cause de torsions diverses.

Une experte nonchalance s'arrête ou passe, on laisse, on rattrape, on lisse, on plie. Tout geste ruisselle de frontières (). Du faire au dire, du dire au faire, on n'aboute et ne mélange que des façons. Les mesures limitrophes sont dures aux écoliers, on n'invoquera guère leur expérience, ils ne couvrent pas mais se débar­rassent d'une tâche. D'ailleurs, avec ladite crise du pétrole, les rouleaux de plas­tique deviennent chers, les feuilles de plus en plus fines. Ne pas contraindre les écoliers à couvrir.

Le livre un instant à l'écart, on va marquer dans le coupon () à plat sur le support () un premier pli qui est celui du premier rabat () vertical () : le double livre () a indiqué où plier. Un pli est long, par rapport à l'extrémité des doigts. Il peut être désastreux de faire la moitié d'un pli puis l'autre, ou d'attaquer le pli depuis un point pour progresser résolument ou tant bien que mal vers un autre point (hypothétique au départ). Je suggère que les doigts des deux mains s'empa­rent d'emblée de toute la ligne du pli prévu pour la travailler toute, en même temps, tout en travaillant en quelque sorte le travail, le pli en train de se faire. Le coupon-protection () n'est pas une surface pure mais une feuille, dans cette matière lâche qu'est le plastique () n'importe quelle ligne dévie immanquablement. Par conséquent, tracer un pli implique un pétrissage. Relation du tracé au pétri? Là encore, on juge d'une performance.

En réalité, dans le pliage, la personne un peu versée dans l'art de couvrir récu­père sans discontinuer d'infimes erreurs, allées et venues furtives des doigts du toucher à la vue comme du toucher au toucher et du visible à l'invisible, contrôle invérifiable d'abandons aux choses jusqu'à ce qu'elles vous repoussent (voire sans attendre jusque-là), fractions d'espace et de temps collaborant sans partage, collaborés, collés, mêlés, perdus, ce et perdu, définitivement ou revenu, syncope, silence où l'un passe dans l'autre, où un brouillage dessine, où de quasi-choses s'anéantissent presque sans qu'on puisse nommer un tout, une partie, une contra­diction, une chose, un presque. L'art de couvrir est une ineptie, les généalogies des couvertures.

La couverture () dessus une fois insérée dans le premier rabat (), on enroule logiquement le livre en vue de situer le second pli destiné au second rabat vertical (). Qu'on se réfère à l'expérience ordinaire des écoliers de naguère, en cas d'ambiguïté. On replie donc sous la couverture () dessous la marge-rabat () correspondante.

Le livre () repose sens dessus dessous, couverture () dessous face au ciel et emprisonnée dans une marge-rabat () seulement ébauchée, c'est-à-dire dans une pliure que les doigts travaillent encore, car, malgré la symétrie dessus-dessous des deux plis verticaux (), cette deuxième opération n'est pas symétrique de la pre­mière. D'abord, pas d'opération isolable sur le support (). La pliure a été légère­ment marquée comme si on allait la pratiquer hic et nunc, réaliser un acte-segment définitif, alors qu'il s'agissait d'un repérage sur l'objet, avec l'objet, comme par­fois on parle (ce n'est qu'une image) de travail sur le tas. Donc on marque légère­ment, ensuite on termine, cette seconde page de couverture () soulevée, tenue entre les doigts, qui parfois se courbe. Si elle se courbe, cela signifie que la pro­tection () tend à devenir le plan sécant d'un demi-cylindre, la corde d'un arc. Alors les doigts redressent la couverture, compensent mollement puis sûrement. Puis? Heureux chroniqueurs... La pliure faite pli, la tendresse aura eu pour devenir l'implacable.

En fait on pouvait quand même procéder un peu autrement. Le pli de la pliure ébauchée, on avait toute latitude de le ménager sur le support (). L'ongle est un instrument efficace de finition — le plat de l'ongle —, ne pas l'oublier.

Il est aussi préférable que la ligne de ce deuxième pli ne coïncide pas avec le bord vertical de la couverture qu'il enserre, mais plutôt que le pli excède ce bord d'environ 1 mm. Sans cette marge de sécurité, la protection trop étroite ou vétuste va tirer n'importe comment sur la couverture. Rien de plus désespérant que cette déformation quelconque. L'art de couvrir respecte sans doute moins les livres qu'il n'entretient une bizarre vigilance à l'encontre de cette déformation-là. Encore hait-il moins un tel résultat que sa laideur : car la laideur ne parle que résultat.

Le livre est partiellement couvert par le coupon-protection (). S'il est question d'obtenir une jaquette () l'opération du double livre () aura été simplifiée, mais on décide de ne pas rester à mi-chemin. On ne coupe pas les marges-rabat () supérieures et inférieures, on les « rentre », pour cela on vérifie de nouveau très vite qu'elles s'équivalent. Désormais il faut couper, les quatre traits de coupe () exigent de bons ciseaux et ne vont pas de soi. (Pour tailler la jaquette, un cutter et une règle de cartonnier auraient été indispensables, mais laissons-la tomber.)

Quand on décrit une opération concrète, la première impulsion est peut-être de projeter terme à terme une pratique dans un lexique, quel que soit le degré de réalité des objets. Pourtant, difficile déjà de décrire une nature morte ou un pan de mur immobile non déjà-traduit par l'art (traduit signifiant à peine repris dans un autre système ou à travers une autre technique, réalité, etc. pris) ce qui suppose encore à la limite que le regard ignore la peinture ou ne s'en sou­vienne plus, ou que l'œil naïf n'ait jamais découvert qu'un mur dans un tableau, ce à quoi l'œil averti parviendrait après maints détours... Dès que, monde ou machine, quelque chose bouge, la description littéraire ordinaire colore ses noms d'adjectifs, accélérant ses verbes d'adverbes, sauf choix d'école ou puritanisme.

Dans une description littéraire ou ordinaire on va d'un mot à l'autre, et l'homme ordinaire tout comme le littérateur se persuade qu'entre les objets se déploie un espace plus ou moins intéressant, plus ou moins pauvre ou inoffensif, connu ou prévisible, vide, neutre, disparate. L'incident se produit, et parfois la pensée avec, quand un objet ou un être se met à faire quelque chose, et qu'alors peut-être entre deux objets ou êtres, entre un objet et un être, etc., un lien s'établit, que l'insigni­fiant signifie soudain. Il est souvent possible de raconter ce qui arrive de manière plus ou moins pittoresque et savante, qui n'a pas été témoin d'une collision entre véhicules? De l'état de la chaussée à l'alcootest, de l'Aménagement du Territoire aux Maladies, du jean du chauffeur à la délinquance, etc., Ventre des choses, des faits et gestes se remplit mettons d'un pullulement. Où commence la relation, où commence le terme, même s'ils s'achèvent ensemble dans le constat à l'amiable ou à la morgue pour parer au plus pressé?

Anthropomorphique, égotique, heureux encombré d'une langue baveuse, j'en refais pour faire l'intéressant, avec hypocrisie, puisque me fascinent également ces variables qui font bip-bip, inéquation sans mucus où s'abîment acteurs et cir­constances, noms, verbes, adjectifs, adverbes et quelques autres vétilles (). Du borborygme enfantin aux sublimes schémas imprononçables, du corps à la machine. Une machine pourra couvrir que ce ne sera pas un art, c'est-à-dire qu'il y aura du ratage, des produits défectueux, des loups. L'artiste connaît bien des difficultés et des obstacles, il peut rater non seulement une toile (et aussi repeindre dessus) mais d'une certaine façon sa vie, il ne fabrique pas de loup, sauf mécani­sation du travail. L'artiste efface, déplace, rattrape un pli, il emploie défaut et erreur sans les enrôler, il inutilise l'outil, jusqu'à ce que tout vienne à terme. Une machine est toujours un terminal, même si au long du parcours tout est prévu pour rectifier, alerter. C'est le grand arrangement, on ne peut pas s'arranger avec. D'où inévitablement les sabotages. L'art, lui, peut simplement disparaître. Beau­coup plus facilement que la pensée chez un idiot.

Le projet d'une machine est enfermé intégralement dans une structure arrêtée, la rétroaction est tout ce qu'on veut sauf une action. Qu'on lubrifie une machine, la munisse d'un régulateur de lubrification, il subsiste une question du genre : va-t-on lubrifier le lubrificateur? etc. Une relation peut bien éclater, des termes se modifier ou s'évanouir, d'autres schémas s'établir, d'autres machines, totale­ment différentes, par le biais de mathématiques inouïes, il a fallu en passer par la langue baveuse, il faudra reposer le pied au sol. Il n'est pas improbable que chez certains spécialistes ou mutants la langue courante soit devenue non pas rési­duelle mais comme hors problème et hors vie (« vie courante »). Ainsi, sauf cruciverbisme obsessionnel, on ne songe pas constamment aux lettres des mots pro­noncés lors d'un échange de vues avec le facteur. Dans le domaine des sciences exactes, la traduction automatique deviendrait à la limite un champ intégré.

On dira qu'entre collision de véhicules et collision de particules, il y a un monde que je m'empresse d'embrouiller afin qu'on ne m'y retrouve plus. Peut-être, et ce n'est pas hasard qu'un vulgarisateur de la physique moderne écrive Le roman de la matière. Pourtant je ne doute pas un instant que la science la plus en l'air ne rencontre sur ses voies l'art de couvrir, et ainsi la machine, indépendamment des pannes. Je m'apprêtais à inciser... Parlons un peu du dos (), car les traits de coupe () en dépendent.

Toutes sortes de paramètres entrent dans le collage industriel du dos (), de l'efficacité des machines à la pingrerie de l'éditeur, de la perspicacité de ses conseil­lers à leur malchance. Je ne tais pas que le dos de certains livres dits de poche — cela vaut pour des livres plus coûteux — se brise à la moindre manipulation. On souhaiterait que des associations de consommateurs inscrivent cette escro­querie à leur ordre du jour. (Dans l'Industrie, au départ, la colle résoud un pro­blème en s'en débarrassant; en retour, les collages réalisés suscitent d'autres pro­blèmes qui, de manière autonome, engendrent d'autres techniques; nouveaux problèmes, etc.) Remarquer, sans plus, qu'un dos signifie une certaine épaisseur de papier (celle de la couverture-dos) et une certaine épaisseur de colle. En addi­tionnant ces deux épaisseurs, on a l'épaisseur critique () dont il n'est guère pos­sible de fournir la mesure simple, a fortiori précise. En raison de la même diffi­culté, on peut définir une largeur () du livre mais pas une largeur des pages.

En théorie, l'épaisseur critique () ajoutée à la largeur des pages donne une lar­geur du livre () qu'il est bien plus sensé de mesurer directement. Qu'on essaie, pour voir, de mesurer avec la règle graduée la plus plate et la plus divisée, concrète­ment, la largeur des pages... D'ailleurs à quel niveau d'épaisseur () du livre? Bien qu'en principe le collage du dos soit homogène. Si l'on s'entête absurdement à des mensurations distinctes, qu'on regarde en bord d'angle () sur la tranche inférieure ou supérieure : on voit nettement les matériaux, en particulier la colle sèche que parfois alors «on voit trop, qui a trop bavé.

En raison d'une logique technique impeccable ou par malfaçon quasi-délictueuse, on trouvera une épaisseur critique paradoxalement disproportionnée à l'épaisseur du livre. Dans une fabrication honnête, bien tempérée, l'épaisseur critique dépendrait plutôt d'abord du nombre des pages que de l'épaisseur de chacune d'elles. Une colle fatiguerait () moins avec des feuillets fins qui auto­risent la bonne flexibilité du dos. Qu'on imagine en revanche des pages en car­ton!... Imaginer ne suffit pas, il y a carton et carton comme il y a colle et colle, comme on peut faire du collage sans être collagiste. Il est évident que certaines qualités s'imbriquent selon des logiques singulières. Quant au dos, à la couverture-dos qui supporte la colle et le livre presque tout entier, il est non moins évi­dent que ses caractéristiques physiques sont déterminantes. Ce dos est un véri­table nexus. Pourtant, ou c'est pourquoi, j'en délaisse une description plus minu­tieuse, moins à cause d'une difficulté fondamentale que par personnel manque de temps ().

L'épaisseur critique constitue encore naturellement un comportement éventuel moyen malaisé à prédire. Évaluer l'usure probable en feuilletant très vite le livre relève de la prophétie ridicule. Plutôt que d' « appréhender », on va réduire cette notion mélangée et sournoise, la localiser platement dans une conséquence un peu louche mais visible.

Souvent, pas toujours, le lecteur qui ouvre un livre produit sur la première page de couverture une pliure idéalement assimilable à une ligne droite. C'est la verticale d'ouverture (). Elle détermine les traits de coupe (), donc leurs points-limite () au bord de la couverture. En ce qui concerne la couverture dessus (on passe le dessous sous silence), on situe les points-limite aux extrémités de la ver­ticale d'ouverture. J'évite de me demander s'il est préférable de les placer à droite ou à gauche de la verticale, je risquerais de ne pas m'en sortir ().

On nomme distance critique () la distance la plus courte entre la verticale de dos () et la verticale d'ouverture () parallèle, sans tenir compte d'une relation possible entre épaisseur critique () et distance critique. Une singularité du collage difficile à saisir, une manipulation inévitablement aléatoire produiront en fait une verticale d'ouverture () peu régulière, par conséquent très grossièrement paral­lèle à la verticale de dos (). De plus en plus on achète des livres dont les deux ver­ticales en question coïncident, distance critique () égale à zéro. Dans le cas des livres de poche, il n'est pas rare que les premières pages s'offrent aux doigts du lecteur avec la même fragilité engageante qu'un calendrier éphéméride. En général un livre de grand format ne présente pas cet inconvénient précis (ou bien, si les premières pages se détachent, toutes se détachent, le dos cassant n'importe où), soit à cause d'une bonne qualité de colle, soit à cause du brochage (les premières pages du livre sont celles d'un premier cahier solidaire d'autres cahiers : solidarité par le fil qui laisse au second plan la solidité d'une colle).

Quand la distance critique () disparaît, que les deux verticales se recouvrent, il est évident que les points-limite () se situent à droite de la verticale de dos et d'ouverture, pour le dessus, et à gauche pour le dessous (livre () considéré sens dessus dessous), à moins... à moins qu'on veuille qu'ils tombent juste sur les sommets des angles des bords d'angle (), respectivement, ce à quoi je ne saurais redire, bien que je ne fasse pas comme ça, soupçonneux de tant de coïncidences, ou transportant sans réfléchir une habitude liée aux distances critiques (), elles-mêmes peut-être déjà plus ou moins naturalisées par l'existence ancienne de livres reliés ou « cartonnés ». Cependant, un point de coïncidences cumule aussi des fatigues (). Ce qui légitimerait mon soupçon... Quoi qu'il en soit, coïncidence n'est point rencontre. Une chose devient possible, déjà elle ne m'intéresse plus.

Ouvrons normalement un livre. Même quand la protection () adhère à peu près parfaitement (?) à la couverture () un petit accident a lieu d'un point-limite () à l'autre, dessus. On cherchera en vain sur la protection une pliure homologue à la verticale d'ouverture () : au lieu de cela, aux abords de celle-ci, on constate un léger soulèvement, une perte d'adhérence. Seule la dimension raisonnable du rabat vertical () dessus empêche que la couverture ne s'en dégage complète­ment. Prévoir ce phénomène, s'en prémunir, c'est de couvrir l'art même.

À s'en tenir au geste optimal risqué-définitoire-ustensilaire-virtuose, il s'en passe. Fractions d'infimes mouvements avortés, savoirs insus, adroites maladresses, événements rapportés ni plus ni moins critiques que d'autres, mesures-usures, le plus proche se nomme loin tandis que des lointains gagnent le cœur, poids d'un livre dans la main incomparable. Mille forêts bougent.

Une solution radicale, ou expéditive, consiste à couper les trapèzes () au ras des bords d'angle () au lieu de les muer en pseudo-rabats () comme la morale l'ordonne, sinon la logique. On est libre de ne pas couvrir (), on n'abandonne pas les choses ainsi à mi-chemin, ou plutôt on ne gâche pas la besogne. Car on ne doit pas évoquer inconsidérément les choses et les chemins sous prétexte de généralités vagues impliquant l'entente préalable. On ne batifole pas non plus avec les tiers et les moitiés.

Car vous ne suivrez jamais ma route, je ne passerai jamais votre chemin. On improvise des raccourcis, on s'attarde, on juge de la relative cohérence d'une entreprise, du genre d'intérêt à lui accorder, autant de ses limites que de sa force de contagion, on admire la qualité d'un suicide ou les circonstances d'un enlise­ment, il faut mépriser l'occupation bienheureuse et systématique du Pfuscher ().

Parce que le travail est odieux, l'aventure illusoire, on veut réduire le malheur du temps, rien de plus naturel. Parce qu'il échoue, redouble le mal en esquivant la souffrance, le Pfuscher inscrit dans les choses une déprédation : individuelle, elle signe une dépravation; sociale, elle s'efface dans l'économie. Être des confins politiques, mercenaire sans romanesque, le Pfuscher vous inflige sa marque un jour ou l'autre. Ce qu'au fond il recherche par n'importe quels moyens, voire par l'intelligence la plus acérée, une immense tendresse, c'est proprement vous estropier. Le monde résonne si mal du bruit de ses pas! À l'origine de l'aventure, le vice, et ce que rencontre d'abord l'aventurier sont les vicissitudes : travaux arbitraires, méfaits. L'aventurier va jusqu'au bout afin qu'au bout plus rien n'arrive, c'est toujours un homme couvert, couvert par des fusils comme le Pfuscher l'est par son assurance. L'un part, l'autre ne part pas. Afriques, Afriques, vieille Europe, toutes les villes n'ont pas eu la chance d'être rasées. J'aime Lorient car c'est nulle part.

L'art peu grandiose de couvrir ne franchit pas de frontières () inconnues. Que son commerce soit néanmoins mortel nul ne le saura, comme on connaît mal le Pfuscher au-delà des coupes sommaires. Si l'aventure a ses disparus dont on parle, pas plus que l'accidenté, le Pfuscher n'est une figure sociale émergente. Sociologiquement parlant, le Pfuscher appelle le contremaître, mais personne ne vit sociologiquement. Question politique mêlée encore de lourds secrets personnels. Société de négligence, société de surveillance. Même chose. Et tout ce qu'on pourra, insipide fantasme et rhétorique, règne moderne de la dénégation, sophisme scolaire porté péniblement à sa dernière fluorescence poétique, etc. Je pense à un livre commençant : Je ne me suis jamais intéressé aux étoiles... On peut écrire que la médiocrité est toujours de droite, mais c'est renverser une pro­position qui plaçait à gauche l'intelligence. D'ailleurs la médiocrité n'est pas l'inintelligence, elle n'existe pas, ou au contraire elle serait la matière, le poids du monde.

L'artiste couvreur parle du Pfuscher avec un brin d'arrogance. Le Pfuscher n'est pas médiocre, il abîme. En gâtant, il produit des fermentations ambiguës, quoique peu originales, plutôt sur la pente, il est le mouvement du monde, sa grisaille proliférante néanmoins vivante. L'art de couvrir est stérile, la Pfuscherei l'intéresse, elle le constitue à la limite en héros antonyme. Pour l'instant, il tâte le fond de l'air.

Pour retirer un livre du rayon, on incline le volume sur le bord d'angle () infé­rieur. Comment ne pas voir l'utilité du pseudo-rabat () correspondant, son rôle de charnière et de patin? Il supporte la fatigue () de cette séquence manipulatoire. Le pseudo-rabat () supérieur a-t-il été ménagé par symétrie? Non. Oter un livre du rayon, c'est d'abord poser au moins un doigt sur la tranche supérieure. Ne considérons que l'index () de la main droite, posons-le de telle sorte que le milieu de la seconde phalange s'appuie sur le bord d'angle ou sur le pli du pseudo-rabat. Au fur et à mesure que le livre s'incline, l'index se pose sur la tranche, exerçant sur elle une pression modérée. Le pseudo-rabat () évite la détérioration du bord d'angle (), surtout quand le livre sort fréquemment. Toutefois il ne garantit pas contre le dérapage de l'index et le raccroc de l'ongle : à la longue on détériore le bord d'angle au point d'arracher localement la couverture.

Nous n'avons rien dit de la forme des trapèzes (). La variante pulsionnelle la plus convocable et la moins justifiable se réfugierait-elle ici, dans une latitude d'autant plus réelle que sa mesure importerait moins? Situer les pseudo-points () sur quelque oblique à 45°, c'est à la fois simplifier et réglementer. On se contente de noter que des traits de coupe () tendant à se rapprocher des verticales de dos () produisent des trapèzes, donc des pseudo-rabats (), qui tendent à se recroque­viller le long du dos (), entre protection () et dos. Cet aspect nous incline nette­ment en faveur de points-limite un peu à droite de la verticale d'ouverture () quand elle coïncide avec la verticale de dos dessus.

On a omis une opération facultative. Les rabats () verticaux obtenus, faut-il en retourner les « coins » avant de rentrer les marges-rabat () supérieures et infé­rieures? (Les « coins » par conséquent doublement retournés). Tout dépend de la qualité des opérations qui précèdent. Le livre couvert, il se peut que les rabats supérieurs et inférieurs excèdent d'environ un millimètre le format du livre quand on n'a pas rabattu les « coins ». Aux maladroits qu'ennuie cette singularité plus inesthétique que gênante, on conseille de retourner les « coins ». Le maladroit se souciant peu d'adresse ne se préoccupera généralement pas de cette vétille (). En est-ce une? Elle relève de l'art de couvrir (), elle le signale futilement et de la manière la plus retorse, seule une description va la perdre, et la loi avec.

On réussit, on échoue, les couvertures sont bonnes ou mauvaises, on touche du doigt plus facilement l'erreur que les principes. Au demeurant, un art () de couvrir parfait engendre logiquement et physiquement la vétille (). Le grand art de cou­vrir () est un art imparfait, le vrai couvreur triche, ni au" bout ni à l'arrivée, cer­tainement pas à mi-chemin (couvreur n'est pas Pfuscher! et la folie du couvrir viserait la Pfuscherei pour l'inclure : la couverture mange l'art), il triche pendant, incessamment, alors il ne trompe personne. Comme toute feuille, le plastique pos­sède une épaisseur, pliez-le et vous la pliez, il y a des suites, intuition topologique et matérielle élémentaire. Pliez n'importe quoi, vos torchons et vos serviettes, pour vous en convaincre, regardez le vilain alignement des divers bords entassés.

Une feuille est un volume dont la hauteur tend imaginairement vers zéro, qui a néanmoins une épaisseur. Un pli modifie non seulement la topologie d'une figure mathématique mais la physique d'un matériau. Ne nous égarons pas dans les avaries moléculaires, restons-en au constat d'apparence. La jeune personne inculte qui emballe des cadeaux exhibe un savoir-faire que pourrait envier le faire-savoir du topologue. Les deux choses ne sont pas commensurables, elles ne sont qu'impliquées, c'est bien pire, les sciences ne sont pas inutiles pour autant. His­toires, on ne sépare pas l'art et le couvert, le clos et l'ouvert, la pluie le vert, on n'arrache pas les masques, entre nous le Pirée n'est jamais sûr.

Si l'on déteste les vétilles (), comment faire? Trop visible vétille qui dissimule­rait que la vétille surgit à tout instant en tout point, réalité fugitive, fugueuse, irréalité bizarrement communicative. Le faux pli () volontaire chasse la vétille non pour la saisir, la réduire même, mais pour l'écraser là où ça se trouve, pour ne plus parler d'elle.

Faux pli (), éternel ennemi des tailleurs et des couturières, car en effet chemin faisant (et non pas à mi-chemin), nous rencontrons l'Ennemi, ici et là, pas ailleurs. Confection et haute couture quittent une époque où il n'existait « pas de mauvais outils mais des mauvais ouvriers ». D'une profession à sa pathologie, du chef-d'œuvre à la « guigne », tout un champ désormais sociopsychanalytique avec ses agents, ses savants, ses marchands, ses prestidigitateurs, ses escrocs. Collaborer, peut-être, alors à mort. Le diable est une trinité ordinaire, un tiers humainement veut dormir, le second tiers devient déjà machine, le troisième tiers innommable et profane entre plus ou moins en prière. La part manquante de dieu, dont on n'a que faire, amène le quatrième tiers qui pose un pied où la frontière se dérobe. À moins que ce soit le pied... Telle se définirait la main. J'écris sous l'ombre d'une main.

Je sais comment évincer le faux pli (). Je vois, j'éprouve le bombement d'une pellicule, la torsion d'une couverture entre les doigts et la paume, le pincement glissant que subit la marge devenant rabat entre les doigts, je compense (je com­pense) l'infime inexactitude d'une ligne, le faux pli roule devant, sous un doigt, devant plusieurs phalanges, comme l'onde d'une chenille poursuivie par la mort, jusqu'à ce que le faux pli s'évanouisse en franchissant (?) au moins en partie (?) la limite d'un bord, d'un autre pli, qu'il s'écrase totalement ou partiellement dans le système complexe d'une pliure grosse de plis mort-nés. Le cerveau fomente le pli, la main ne connaît que le pliage. Ou plutôt, ce qui est différent, une théorie est toujours théorie du pli, tout faux pli posé et résorbé, comme espèce de pli, qu'on peut bien appeler pli faux si ça chante. Si l'art de couvrir découvre un traité manqué, on a finalement un livre de morale.

La nature du problème, mon défaut de maîtrise camouflé en pressant tous les termes de leur vraisemblance, l'inattention du lecteur auront rendu obscur l'ultime épisode. L'analyse a distingué le faux pli () volontaire qui diminue la vétille (et tout faux pli), normalise toute surface (on pourrait dire tout simplement qui surface), puis le phénomène général de faux pli () involontaire par définition. Il eût été plus logique d'inverser l'ordre de présentation. En réalité, les deux notions, les deux aspects sont connexes, pratiquement indissociables. C'est par un seul et même geste que le volontaire négocie l'involontaire, le faux faux pli le faux pli ordinaire. Les mauvaises langues nous verront la plume heureuse. Mathématiquement et merveilleusement, comme par hasard, le faux annule le faux. Que le diable même se diabolise, est-ce un mystère? Son nom est légion, ce qui dispense d'en faire trop.

Négocier me plaît, pour tout ce que le mot implique de trocs invraisemblables, d'opérations monétaires dont la fluidité passe toute raison et cependant reste asymptote des réalités les plus réelles, celles dont les réalistes voudraient nier le prix, prix relatif, naturellement. Un véhicule négocie une courbe, une particule arrive tout au plus à sauter et ce n'est pas un vrai saut, on doit placer le pilotage « au niveau » du physicien nucléaire en l'occurrence, je ne m'égarerai pas dans les détails. Rattraper un faux pli semble d'un négoce moins ardu que maintenir son équilibre en vélo, sans conteste les dangers ne sont pas les mêmes, en tout cas pour les protagonistes. On laisse un en-tout-cas menaçant. Le faux pli s'inscrit dans l'espace quand le déséquilibre momentané du cycliste s'efface dans le temps. D'un faux pli à l'autre, l'engagement physique et intellectuel est total, l'espace n'est qu'en instance. Quant au cycliste continûment lié au temps, le danger l'avan­tage, il ne s'embarrasse pas d'arrêts, sa course est un long pli, un même geste. Même, grognant de noms et verbes confondus, vrai et faux négoce, vieux bang. L'important serait l'allure.

J'ai mis entre parenthèses la présence tenace de la poussière dans l'environ­nement, elle se fixe aux plastiques () souples et rigides au désespoir des femmes d'intérieur et des informaticiens. Électrostatisme, je répète. Emprisonner entre protection () et couverture () de minuscules fragments d'on ne sait trop quoi ni vraiment visible ni vraiment invisible, cela ne ressemble pas du tout à l'art de couvrir, art peu laxiste qui déteste les airs de saleté, et sans doute moins la saleté que les airs qu'elle se donne. Le problème est loin d'être négligeable, on hésite à le déclarer spécifique. Quoi qu'il en soit, la poussière est une calamité. (Raison supplémentaire pour préférer au plastique le papier cristal, celui des fleuristes.)

L'étymologie rencontre l'espace dans le temps, le temps dans l'espace, la logique sémantique fouille l'histoire concrète, les horloges synoptiques tombent en ruines, le regard errant sur les chemins indique seulement l'intrication pharamineuse.

Comment dire une latitude exacte, la dire autrement? Elle désigne valeur et évaluation, le geste et la mesure, la connivence du but et du moyen. Le goût des apories décourage l'action, dresse ironiquement procès-verbal à la pensée, peut-être, apprivoisant le pire comme il le provoque, jouant, souhaitant quelle défaite? Il reste qu'un noir brillant est un noir brillant, même si ça dit des tas d'autres choses. Un blanc noir sera notamment un blanc non lumineux, voire un blanc légèrement sale. Nulle aporie d'une pitié impitoyable, il arrive que le menteur ne mente pas, qu'il mente pour ne pas mentir. Dissymétrie des apparentes symé­tries, obscure clarté de l'oxymore, le gris n'est pas un mélange de blanc et noir, ni même un mélange d'autres choses, le gris est gris, ce genre de chose et de terme que l'oxymore évite et envie, car nulle aporie ne s'y loge. Le gris comme une variation absolue incomparable, sans terme défini, la coalescence du lexique et de la syntaxe comme dans ces nuages où les formes se transforment non plus sous mais dans nos yeux, masse où vont les figures, où défaire égale faire. La platitude du constat dit l'indicible, la triste gaieté d'un ciel qui s'effiloche, on ne se tait pas, on jouit du silence.

Dans cette bibliothèque les enfants ne faisaient pas vingt pas que le livre leur tombait des mains. Ils ne savaient pas le tenir, c'est-à-dire le transporter un peu longuement à l'aide de leurs mains. Des enfants tout à fait normaux. J'assistais à leur débilité, elle ne préjugeait pas d'un destin mais rendait pensif. Parfois, ils oubliaient de rapporter leur livre, ou ils oubliaient qu'ils l'avait emprunté, cer­tains niaient farouchement. Ils notaient eux-mêmes l'emprunt sur une fiche, leur écriture pouvait les confondre. Ils s'étonnaient sincèrement de s'identifier ainsi, il n'y avait pas matière à triomphe. Ils avaient entre dix et quinze ans. Leur auto-identification par fiche, j'en garde un souvenir d'épouvante.

Aux antipodes de l'art, mais qui sait, la postière à qui l'on remet un colis. Elle le fait tomber derrière elle. On ignore si c'est une chute ou un lancer, le chariot a beau être grand elle s'ingénie encore à rater son coup. En principe, le colis doit quand même aller choir dans le véhicule. J'imagine une machine construite pour placer dans une position déterminée un objet indéterminé qu'on lui jettera de manière aléatoire. Si la postière n'est pas avalée ou avalable dans l'opération rien n'est encore assuré. Les recherches autour de la main artificielle s'affrontent au départ à des données analogues. Jusqu'ici la postière se contente de sa propre main, son geste s'intègre dans une chaîne de transports plus brutaux, le rôle de l'emballage étant de prévenir toute exaction possible.

L'emballage est une industrie typiquement moderne requise par la fragilité d'objets déplacés sur de longues distances et par le geste typique des postières. Ce geste appelle exemplairement la main artificielle qui les vouera au chômage. Qu'on ne se méprenne pas, on voit tout au plus quelle main commence, on remar­que une chronologie, il y a toujours des mains devant et derrière les artifices. La postière est une bonne roublarde, tout le monde n'est pas physicien nucléaire, et quand cela serait? Remplacer une main vivante par du métal ou du plastique reste grave, l'économie classique truque ses comptes là-dessus. La postière exécute une sorte de geste, elle se moque de la description. Les croyances les plus avancées disposent dans l'ombre la plus courte une dernière main, l'entonnoir, le cloaque et la bouche où glisser n'importe quoi n'importe comment n'importe quand n'importe où. Pourquoi pas? Cependant, l'énormité requiert une finesse, condi­tion de mon acquiescement. J'entends trop des pas qui ne s'entendent pas, je ne ménage ni relations ni termes, l'art ne m'occupe pas, je désire pouvoir taire ce qui m'importe. Une chose sans doute n'est pas à la portée du premier venu, précisé­ment c'est n'importe quoi.

Il n'est pas interdit de s'interroger sur les raisons mesquines ou fantastiques de l'art de couvrir. Je réprouve la raillerie cruelle, le sentiment approprié au public, l'erreur trop bien calculée, les silences faits pour en dire long. Le mépris pour le qualunquisme s'effraie du quelconque comme la critique du ressentiment cache sa haine. Je couvre avec art, de n'avoir pas appris à tuer, on reconnaît l'autodidacte et ses lacunes.

Venir après est difficile, même après moi. Qui rétribuerait ce stupéfiant savoir? Je ne vous aime pas.


GLOSSAIRE

Art de couvrir : le chou-fleur n'y rencontre jamais qu'un chou-fleur.

Bords : limites matérielles du livre (), de la couverture (), de la protection () ou du coupon ().

Bords d'angle : limites matérielles et idéales du dos () qui, en haut ou en bas, correspondent à l'épaisseur () du livre.

Coupon : la feuille en matière plastique () souple transparente utilisable pour couvrir (). En principe, rectangulaire.

Coupon-protection : l'état du coupon () quand les rabats () verticaux () et eux seuls ont été pratiqués. En haut et en bas, les marges () excèdent donc toujours le format du livre ().

Couverture : ici, exclusivement, ce qui tient lieu de reliure pour les livres collés non cousus.

Lorsqu'aucune ambiguïté n'est possible, il s'agira éventuellement des seules parties mobiles de la couverture.

Couverture-dos : partie fixe de la couverture (), au dos ().

Couvrir : ici, revêtir manuellement un livre non relié avec une protection () non adhésive, adhérant à la couverture () par simple contact.

Définitions : toutes élaborées par l'artiste-couvreur.

Distance critique : la distance entre la verticale de dos () et la verticale d'ouverture ().

Dos : côté collé du livre (), où les pages () sont fixées, par définition à gauche. Un livre possède un dos et trois tranches ().

Double livre : le livre () est posé sur le coupon () qui le déborde de toutes parts. Le dos () considéré imaginairement comme une unique verticale () coïncide grossièrement avec la médiane verticale () du coupon () dont les marges () supérieures et inférieures sont autant dire égales.

Sur le coupon on fait pivoter le livre autour de son dos pour déterminer la quantité de plastique ( > qui correspondra à la surface visible de la protection () du livre couvert. C'est d'ailleurs aussi bien ce geste qui permet de situer la médiane, et comme il s'agit davantage d'une manipulation que d'un calcul, on ne garantit pas l'antériorité de telle opération. D'un point de vue de géométrie écolière, le double livre est un rectangle dont la première dimension est la hauteur des pages la seconde symbolisée par l'addition : largeur du livre () + épaisseur du livre () + largeur du livre (). Il faut maintenant modifier ainsi la définition du double livre : (...) Le dos (...) coïncide grossièrement avec la médiane (...) et plus précisément se place plus ou moins à droite de celle-ci (...). Ce qui produit un rabat () vertical () dessus plus grand que le rabat vertical dessous. Une phase plus louche qu'élémentaire, apparentée au coup de main ().

Écrire : Je me suis aperçu que quelques-uns de ces gens croyaient à ce qu'ils écrivaient (Baudelaire).

Epaisseur : épaisseur du livre (). Plus les pages sont nombreuses, plus le livre est épais. Mesure simple de l'épaisseur.

Épaisseur critique : voir le texte.

Fatigue : voir le texte.

Faux pli : voir le texte.

Frontière : Maintenant, on dit que c'est une frontière morte on oublie qu'une frontière est tou­jours une frontière et qu'on ne sait jamais... (Dino Buzzati).

Hauteur des pages : distance entre la tranche () supérieure et la tranche inférieure, sur une page quelconque.

Index : même famille : indexation, indic, indice, etc.

Jaquette : Il me paraît à la fois drôle et très difficile de parler de tout cela. C'est comme si un écrivain du siècle passé, du xxe siècle si vous voulez, avait été obligé d'expliquer dans ses romans ce qu'est une « jaquette », un « appartement », une « femme » (E. Zamiatine).

Largeur du livre : distance entre le dos () et la tranche () opposée.

Livre : l'objet de référence. Le livre occidental moderne. Ici, le livre collé à couverture souple (reliure industrielle sans reliure ni couture). Un exemplaire quelconque destiné à un lecteur quelconque réputé normal, pour une lecture normale d'où découlent toutes les indications positionnelles (haut, bas, gauche, droite, etc). Le dos (), référence positionnelle principale, est dit vertical ().

Main : voir le texte.

Marges : les marges du coupon () qui deviendront rabats (). D'abord évaluée par le double livre ().

Marges-rabat : marges () utilisables comme rabats () une fois pratiqués les traits de coupe ().

Ouvrir : ouvrir un livre pour le lire. On commence normalement par le commencement. En fait, ouvrir est toujours aléatoire. On normalise alors doublement afin d'obtenir la définition restric­tive suivante : ouvrir consiste à soulever la première page de couverture ().

Page : dire la page d'un livre déchirée (ou qu'une page sera bientôt tournée), c'est élargir la dénomination au « feuillet », lequel comprend deux pages, le recto et le verso. Conformément à l'abus, on mentionne la première et la dernière page de couverture () pour désigner les parties mobiles de celle-ci.

Pfuscher : mot allemand qui signifie bâcleur, bousilleur, gâcheur. Pfuscherei : le travail du Pfuscher. Conséquence probable de l'absence d'art dans la production en tant qu'exécution.

Plastique : L'art plastique n'est jamais fondé sur une atmosphère romantique ni sur une idée quelconque, mais sur la construction d'une ou de plusieurs figures, sur l'accord de quelques couleurs et de quelques valeurs (Klee).

Points-limite : points-limite des traits de coupe () du coupon-protection () aux bords () de la couverture ().

Protection : l'enveloppe protectrice qui sert à couvrir ().

Pseudo-points : points déterminés par les traits de coupe () dans le coupon-protection () sur ses bords extérieurs. Un trait de coupe () correspond à un segment idéal dont une extrémité est un point-limite et l'autre extrémité un pseudo-point.

Pseudo-rabat : trapèze () replié sous la protection (), entre celle-ci et la couverture (), le long du dos (), le pli ainsi obtenu théoriquement en contact avec le bord d'angle (pratiquement une telle coïncidence est impossible).

Quelque chose : dans le texte.

Rabat : marge () du coupon () rabattue sous la couverture ().

Sortir : au cours du texte.

Support : plan horizontal propre, non encombré, où l'on s'appuie. C'est un préalable.

Temps : lire le texte. Temps de lire, temps d'écrire (), inégaux.

Traits de coupe : les quatre incisions obliques qui dégagent les rabats () et décident de leurs dimensions.

Tranche : côté non collé du livre.

Trapèze : marges () restantes du coupon () quand seuls les rabats () verticaux () ainsi que les rabats supérieur et inférieur sont réalisés. Replié, le trapèze forme un pseudo-rabat ().

Vertical : se dit de toute ligne parallèle au dos ().

Verticale de dos : l'arête verticale () du dos () dessus.

Verticale d'ouverture : marque de l'ouverture (voir ouvrir) idéalement assimilée à une ligne droite parallèle à la verticale de dos (). Elle n'existe pas toujours. On dirait qu'on la rencontre de moins en moins, la verticale de dos () faisant tout de suite office de charnière. Progrès techni­que. Toute machine est machine d'Ockam, la main () n'est qu'un fil.

Vétille : voir le texte.