Transcription Marie-Valentine Martin
Relecture C. de Trogoff

Henri l'Insigne.

ÉCRITURES DANS LA PEINTURE VILLA ARSON NICE
Centre National des Arts Plastiques
Catalogue, vol.2
1984

BIBLIOTHÈQUE

ALIBI : l'Archéologie du signe

Trois signes sont utilisés : l'x, le 0, le +, réalisés en toile dans sept « matières-couleurs » différentes : blanche, noire, rouge, métal, écrue, jean, camouflée, insérés par « œilletage » et laçage dans leur toile de support

blanche, tendue sur châssis.

Vingt et une œuvres de 92 x 13 cm, indissociables, s'accrochant par

matière sur sept niveaux et dans l'ordre : le x, le 0, le + (1976-1978)

(MB/ MS, PAC, 169).

Parler des mots dans la peinture est trop difficile, il faut laisser ces mots nous peindre comme le monde même dans notre corps, lente ruine en nous (dit Lucrèce). Trop difficile d'être original, et trop facile d'aller chercher ce que l'on trouve dans la communion espagnole des langages. Je laisserais plutôt l'admiration trahir jusqu'à cet éblouissement dû à l'usure du monotone. Ma démarche est arbitraire, presque triviale, je voulais voir comment une œuvre forte et impeccable arrive à affecter la langue dans son pouvoir d'expression. La dédicace ne va pas au malin génie, ni aux atomes rieurs, mais au ramage facile des oiseaux.

LUI-MÊME

C'est le support lui-même qui devient signe (MB, PAC, 69)

signe (...) quelque chose qui arrive au fond lui-même (id. 92)

le monde lui-même, fût-il simplement comme le mur (id. 92)

MATIÈRES

Matières-signes, matières-toiles, matières-couleurs, c'est vrai, c'est ça, on n'a pas la matière elle-même. Mais est-il possible d'obtenir la couleur elle-même ? le signe lui-même, la toile elle-même ? Côté matière les physiciens, les chimistes répondront. Côté culture tous les hommes peuvent en débattre. En peinture tout le monde comprend lorsque Michel Butor évoque la vraie toile, qui passe du Monde à la Peinture : il en parle d'ailleurs entre ces deux « mondes », dans son passage de l'un à l'autre la vraie toile de jean, toile elle-même, perd un peu de sa mêmeté pour gagner un peu de peinture, dans la Peinture elle-même.

VOIR VRAI

l'important est que ce ne soit pas la représentation de toile de jean (...) mais que ce soit — on doit pouvoir le vérifier tout de suite : ça se voit — de la vraie toile de jean (MB, PAC, 69)

La vraie toile, dérobée aux corps comme à l'imitation, élément bipolaire qui semble rendre tangible la limite elle-même entre un monde et une peinture ancienne ou contemporaine sachant le représenter (projection, stylisation, indication, etc.), bouleverse le champ anthropologique par sa puissance métonymique maximum, ouvre dans la sensibilité et la pensée un vide fondamental.

PEINTURES

l'idéal serait d'arriver à travailler avec des objets réels, dans lesquels la Peinture mettrait son utopie (MB, PAC, 69)

l'important est que ce ne soit pas la représentation de toile de jean, toile à peinture sur laquelle on aurait ajouté (MB, PAC, 69)
la toile blanche se présente comme de la toile à peindre (MB, PAC, 69-70)

Dans l'Archéologie du signe, ce vide de la peinture fait apparaître comme fond non pas de la peinture, mais le monde lui-même

Geste factuel de peindre, acte de peindre avec de la peinture dans le domaine de la Peinture où l'on fait de la peinture, la peinture en tant qu'elle s'oppose au monde, la place symbolique de la peinture, mais encore, de façon évidente et énigmatique

un terme à l'intérieur d'un vocabulaire désigné par ces autres matières-toiles (MB, PAC, 69-70)

APPROCHE DU VIDE

ce ne sont pas seulement deux matières que la juxtaposition souligne, mais cette juxtaposition est elle-même marquée par un vide, un trou (MB, PAC, 91-92)

le signe est tout à fait au même niveau que le fond : le signe est, si l'on peut dire, quelque chose qui arrive au fond lui-même et va provoquer un vide autour de lui (id.)

Dans /'Archéologie du signe, ce vide de la peinture fait apparaître comme fond non pas de la peinture, mais le monde lui-même, fût-il simplement le mur (MB, PAC, 92)

en laissant grâce au laçage un intervalle qui permet de voir le vide qu'il y a derrière (MB, PAC, 122)

LE VIDE DU MONDE

ce vide la peinture fait apparaître comme fond non pas de la peinture mais, le monde lui-même

cette toile se détache sur de l'atmosphère, de l'air, du vide... (MB, PAC, 122)

Mais pour que la prière fût vraiment efficace, il était nécessaire que le saint fût appelé par son vrai nom, et donc il fallait réserver dans l'image une place pour ce nom, une place où même ceux qui ne savaient pas lire pussent reconnaître au moins qu'il y avait de l'écriture.

Ou du moins qu'il aurait pu, qu'il aurait dû y en avoir (MB, MDP, 62)

dans les sérigraphies (...) on voit un jeu d'ambiguïtés entre le papier et le noir graphite du vide, exprimant qu'à travers lui on devrait pouvoir voir autre chose.

Quelle différence, en effet, entre le ciel de la Bretagne et celui de l'Égypte où s'infléchit l'axe du monde ! (L)

ÉCRITURES

dès qu'on travaille avec de la toile écrue ou blanche, on représente la représentation (MB, PAC, 93)

comme la peinture absente représente la Peinture parce que nous y sommes déjà, l'écriture absente représente l'écriture dans le monde de l'Écriture.

Seule l'Indifférence, ici comme là, convoie au néant le lisible et le visible, voire avec eux le dicible. Le savoir est lié à l'intérêt qu'il explore et exprime.

comme dans toutes les œuvres un peu intéressantes (MB, PAC, 90)

il suffit alors de réserver une place. Et cette place devient ou reste indéchiffrable pour ceux qui perdent la clé, ignorent l'histoire, utilisent Cézanne comme porte de poulailler ou ne prient pas.

// n'y a que des gens connaissant beaucoup l'histoire de la peinture pour savoir que (MB, PAC, 82)

et pour ceux-là le plaisir augmente avec la compréhension.

 


Henri Maccheroni, Matrice de la série Archéologie du signe 1976-1978, 21 toiles, 92x73cm.

 

SIGNES & CONTRE-SIGNE (redéfinition)

Je nomme contre-signe la toile d'entour du signe afin d'éliminer la notion de support. Signe & contre-signe sont séparés par un vide et reliés par un lacet circulant dans des œillets en métal. (Descriptif)

Tandis que chez Maccheroni, le signe est tout à fait au même niveau que le fond : le signe est, si l'on peut dire, quelque chose qui arrive au fond lui-même et va provoquer un vide autour de lui. (MB, PAC, 92)

C'est le support lui-même qui devient signe : et c'est pourquoi il n'y a même plus de peinture. (MB, PAC, 69)

Il n'y a même plus de peinture mais il y a encore peinture, sinon on ne verrait rien, sinon le contre-signe ne pourrait osciller comme fond et comme entour, nous aurions une expérience surtout spatiale au lieu d'une « expérience limite dans le domaine de la peinture » (MB) L'Archéologie du signe serait un objet gestaltiste et non pas cet objet d'art qui nous défie pour peu qu'on commette l'imprudence de s'y intéresser.

REPRÉSENTATION

ce vide (...) le monde lui-même (...) Par contre, il est seulement représenté dans les sérigraphies des deux livres : on voit un jeu d'ambiguïtés entre le papier et le noir graphite du vide, exprimant qu'à travers lui on devrait pouvoir voir autre chose. (MB, PAC, 92)

Dans ce passage de la toile au papier, la question représentative est double. Qu'est-ce qui est représenté, l'objet ou bien la vision bio et psychophysique qu'on en a ? Dans le premier cas on produit une sorte de modèle simplifié, le dérivé papier d'une toile, une transformation topologique où une caractéristique majeure spécifique est perdue. Dans le second cas on reproduit sur papier, tous les paramètres de l'original tels qu'ils étaient perçus sont logés à la même enseigne : pourquoi le vide serait-il formé par un vide puisqu'à la toile ne correspond aucune toile ? Qu'ici les couleurs sont ajoutées alors que là une certaine peinture disparaissait pour laisser opérer des matières-couleurs constituant sans dessus ni envers du support lui-même ?

Parce que le vide du monde devenait dans la toile le vide de la peinture, l'idée elle-même de représentation comme report sur papier se trouble un peu, le jeu des équivalences se dérègle. Le rouge correspond au rouge mais le rivet et le contre-signe sont du même blanc : le papier boit la différence entre toile & métal. En gris (choix sérigraphique) le vide du papier prend une tonalité philosophique où peut-être spirale le lacet d'une pensée noire.

LE FOND DE L'AIR

le signe est, si l'on peut dire, quelque chose qui arrive au fond lui-même et va provoquer un vide autour de lui  (MB, PAC, 92)

cette toile se détache sur de l'atmosphère, de l'air, du vide...  (MB, PAC, 122)

en laissant grâce au laçage un intervalle qui permet de voir le vide (id., 122)

horizon d'une nouvelle liberté qui cherche un passage entre la toile et le reste (id., 123)

Le terme air provoque la catalyse métonymique entre le vide et le monde, le terme toile entre le vide et le reste, cette double catalyse une troisième entre le monde et le reste. Il nous reste à aborder la réalité du processus pour l'entraîner à son tour dans cette ronde mélangée ou substitutive relativement diabolique.

Dans la série Archéologie du signe, les signes de toile écrue (par exemple) sont tendus à l'intérieur de la toile blanche : on ne peut pas dire que la toile écrue a été faite avant le creux de la toile blanche : nous avons dans ce cas une expérience limite (...) Donc, depuis le fond jusqu'à nous, il y a non seulement de l'espace, mais du temps : l'espace de la peinture reproduit son histoire. (MB, PAC, 124)

Je demande donc au support étendu de tout ce qui existe si le fond de tout est l'homogène ou le divers. (VS)

ARTEFACT I (Un champ pour des œillets)

Soit l'une quelconque des pièces de l'Archéologie du signe. On a ôté le lacet (il n'était plus utile), une force électromagnétique agit sur le métal des œillets et maintient dans un même plan signe et contre-signe.

Remarque : la force électromagnétique est invisible comme l'air mais plus dangereuse. Le monde lui-même est un lacet.

CHIASME

Dans cette œuvre, Archéologie du signe, comme dans toutes les œuvres un peu intéressantes, on voit un double mouvement : un mouvement d'exploration, de déchiffrement de la réalité ; et un mouvement de retraite, introduisant une distance par rapport à la réalité pour pouvoir mieux la comprendre et agir sur elle : l'artiste conçoit que ces signes sont une image du monde et de notre société, mais aussi une proposition d'un autre monde et d'une autre société. (MB, PAC, 90)

Michel Butor commence par opposer les signes à la réalité extérieure, laquelle devient ensuite réalité tout court, il termine par des signes en opposition-relation avec le monde et la société par le biais du terme image. La généralisation presque insensible du terme réalité élargit la notion qu'elle porte vers l'immense complexité et concrétude du réel.

Cette façon dont le signe se détache sur le fond est un peu la même chose que la façon dont le signe se détache par rapport aux autres signes et la façon dont il détache quelque chose de la réalité par rapport au reste. (MB, PAC, 92)

Façons de peindre, façons de dire. C'est un peu la même chose ou un peu autre chose, on pourrait faire la typologie de ces mouvements doubles, triples, on finirait par gâter les chiffres. Le signe est une image du monde, il détache quelque chose de la réalité, double mouvement et même mouvement, mouvements contradictoires qui se recouvrent, en phase, à contre-phase (en opposition de phase), déphasés.

Dans le gris des termes, dans le noir graphite de mon cerveau, le vide permet à ceux qui sauront lire de reconnaître la trace du réel dans les blancs de ma pensée, du moins qu'il aurait pu, qu'il aurait dû y en avoir. On devrait pouvoir voir autre chose qu'un avoir dû.

FORME

La forme elle-même n'est rien : le signe ne naîtrait vraiment que comme résidu, sorte d'énigme, à trouver au contact de deux matières, deux mondes (MS, PAC, 91)

Ainsi, celui qui commence par le signe aboutit très vite à une impasse. Moi, je suis allé des objets au signe. (HM, EPA, 243)

Cependant, il reste métaphysiquement indiscutable qu'une seule attitude est possible, le subjectivisme absolu. L'apparente transformation ne porte donc que sur le mode dont on fait choix... sur la forme, donc sur cet élément factice et miraculeux qui fait la raison d'être de l'art. Donc, justification esthétique complète. (VS)

Le signe lui-même obstrue le passage, on ne rencontre jamais la forme elle-même.

GENRE

L'interdiction de reproduire, nécessairement levée peu à peu dans la pratique (...), accentue donc considérablement la caractérisation de l'objet comme moment dans un processus, dépassant d'ailleurs très largement son auteur, son signataire, donc comme un « même ».

Mais si l'on prend ce terme comme désignant un « genre artistique », le statut d'un objet dans une certaine « vie des arts », peut-on dire que la Mariée (...) et qu'Étant donnés (...) (MB, RI)

Un pas de plus et la « Stèle » se dépouillerait entièrement pour moi de son origine chinoise pour représenter strictement, précisément : un genre littéraire nouveau (VS)

Pour Niels Bohr « il existe toujours une relation d'exclusion mutuelle entre l'usage pratique d'un mot, quel qu'il soit, et l'essai de définition précise ». Einstein se demande « dans quelle mesure le même langage signifierait (...) la même mentalité ». En inventant Ménard, Borges donne une allégorie extensive de ces questions.

TERMES

Chiasme ne traduit les trahisons irréversibles de l'espace-temps, irréversible décoche sa flèche fatale trop orientée pour deviner l'enjouement du divers, comme la forme les termes ne sont pas donnés, ils ne seront pas définis pour toujours.

La mort, l'état de cadavre, est une pièce essentielle du vocabulaire de la vie. (MB, PAC, 40)

C'est parce qu'on regarde ce terme mort en face qu'on peut prendre avec lui une nouvelle liberté et l'utiliser autrement, de même que d'autres termes, en particulier la sexualité, pourront subir un sort analogue. La liaison entre la sexualité et la mort, la conscience de la sexualité et la conscience de la mort, est un thème classique de la psychanalyse. (id., 41)

de la vraie toile de jean. De même la tenue-léopard, c'est de la tenue-léopard. La toile blanche se présente comme de la toile à peindre, et la peinture se met à être un terme à l'intérieur d'un vocabulaire désigné par ces autres matières-toiles. (id., 69)

La mort atteint sa plénitude, son efficacité réelle, dès lors qu'on la considère dans ses pouvoirs conceptuels : lorsqu'on s'est nettoyé de la sensibilité révulsive qui nous rend aveugles, on peut alors trouver dans la mort de nouvelles beautés. (MS, PAC, 40)

La mort et le sexe ne sauraient être des termes parmi d'autres. Ils sont les deux grands pôles du devenir, du paradigme de la reproduction, de la guerre sans fin du vrai et du réel, d'un jeu tragi-comique où biologique et mental s'empruntent hypocritement leurs termes, ils constituent en même temps tout le dicible et l'inanalysable, le principe d'incertitude ontologique qui est l'arbitraire même de l'existence. Marquant la limite anthropologique, ils polarisent socialement, historiquement, leurs sous-modèles d'impensable ou d'impossible qui les signifient ou les contre-signent : inceste, sodomie, Holocauste... toute la face sombre du politique. Lire les auteurs, penseurs et écrivains.

Quelle tendresse maintenant...

O comme je suis aveugle ! (GB, LP, 47)

Mon point de vue diffère, il relie en silence l'arrêt au principe, la violence à la beauté dans un calme intense. Un plat de pommes n'est pas moins grave ou dérisoire qu'un crime, le vol d'un oiseau est aussi indescriptible que l'orgasme ou la torture. L'horreur n'est pas indicible, elle peut seulement n'être pas entendue. Il existe des définitions plus ou moins pertinentes, non des termes exacts. Nous ne manquons pas de mots et ils ne manquent pas à la pensée, les accuser de la trahir est banal ou sot. Car c'est le malentendu même qui fonde la parole.

L'homo loquens est l'animal qui sait qu'il doit mourir, l'homo faber ne sait rien faire sans ses termes, les thèmes culturels décodent et recodent les termes de la culture.

On doit s'intéresser aux pouvoirs conceptuels de la mort, mais le rapport de la mort à la beauté doit rester problématique, inchoatif et vertigineux, discontinu, sans renverser ascétiquement en optimisme la vision rilkéenne du beau. Sans doute, la mort ouvre à la beauté en ouvrant les portes de l'Intelligence, et son efficacité réelle peut se ressentir alors comme plénitude. Mais la beauté, est-ce bien le beau, ce « commencement du terrible » ? Entre la sensibilité révulsive et l'effroi cosmique passe la ligne symbolique, sensible et insaisissable, entre tous les termes, dans la beauté du beau.

Et si la mort était en train de mourir ? En même temps par ses pouvoirs conceptuels, par science et banalisation du crime, par refoulement, par audace, par jeu, par aberration et par culture ? De quoi faire pour un mois la couverture d'Actuel.

la peinture se met à être un terme à l'intérieur d'un vocabulaire désigné par ces autres matières-toiles (MB, PAC, 69)

Habituellement, c'est plutôt le vocabulaire qui désigne, Michel Butor semble donc renverser totalement la signification du réel, le réel lui-même, ce non-même d'un réel qui rassure ou force l'identique.

SOLITUDE, POPULATION

L'illisibilité de l'inscription ou son absence dans le lieu qui lui était pourtant réservé n'est autre que le malentendu, l'illisibilité progressive l'une à l'autre qui sépare les couches de la population. (MB, MDP, 62)

Et je m'aperçois maintenant, dans cette Solitude, qu'elle est vaste plus que je ne le croyais d'abord ; et qu'elle englobe, — qu'ils le veuillent ou non — LES HOMMES, MES FRÈRES, — QUE JE LE VEUILLE OU NON. (VS)

tous ceux sans qui il n'y aurait rien sur l'image (Télérama)

CROIRE, VOULOIR

L'art est le seul domaine spirituel où l'homme puisse dire : je croirai si je veux, et si je ne veux pas, je ne croirai pas (Baudelaire)

LA PESTE, LA DIFFÉRENCE

Une soif inextinguible qui dévorait leur corps brûlé ne leur permettait pas de faire une différence entre quelques gouttes d'eau et des flots abondants. (L)

Un chien dévorant l'estomac d'une oie, une femme ivre qui vomit, un comptable qui sanglote, un pot à moutarde représentant la confusion qui sert à l'amour de véhicule. (GB, AS, 82)

RÉEL

l'idéal serait d'arriver à travailler avec des objets réels, dans lesquels la Peinture mettrait son utopie. (MB, PAC, 69)

Non seulement /'objet peut devenir réel, mais aussi les supports et matières réels, je veux dire appartenant comme tels à la machinerie sociale (MS, PAC, 69)

La Peinture ayant mis son utopie dans des objets réels, l'utopie picturale appelle l'utopie sociale, l'idéal engendre des idéalités artistiques. À l'horizon d'une nouvelle liberté, un nouveau rituel se vide de son vide. Un terme a perdu la mort, la mort un terme. Je ne fais que suivre un mouvement, indiquer le risque qui court, je vous regarde en face.

En art la vérité, le réel commence quand on ne comprend plus rien à ce qu'on fait, à ce qu'on sait. (HM, EPA, 238)

Juger, c'est de toute évidence ne pas comprendre, car si on comprenait on ne pourrait pas juger. (Malraux, L'Espoir)

Départ d'un bon réel, celui qui est, celui que l'on est.

(...)

On peut croire que des différences fondamentales n'aboutiront jamais àun tissu réel sans couture et sans rapiècements (VS)

Le réel est plus fort, il a une vie moins pure mais plus dure que la mort, tant qu'il y aura des autres.

SORT

d'autres termes, en particulier la sexualité, pourront subir un sort analogue (MB, PAC, 41)

Oui, interrogeons la matière. Toutefois, avec la confiance et le scepticisme mélangés en parts égales de celui qui jette un sou, parie face, le voit tomber pile et recommence. Si la matière répond non, nous la forcerons bien quand même à répondre « oui ». (VS)

Chaque terme, terme-limite & moyen-terme, devient pour tout autre terme comme son signe & contre-signe.
Terme condensateur, terme disjoncteur, terme allumeur, terme vecteur, terme polarisant ou moteur, terme percolateur, terme tourbillon, terme oscillation.

SORTE

le signe ne naîtrait vraiment que comme résidu, sorte d'énigme, à trouver au contact de deux matières, deux mondes (MS, PAC, 91)

L'apparente transformation ne porte donc que sur le mode dont on fait choix... sur la forme, donc sur cet élément factice et miraculeux qui fait la raison d'être de l'art. Donc, justification esthétique complète. (VS)

Si je crois en Dieu ?

Oui, quand je travaille. Quand je suis soumis et modeste, je me sens tellement aidé par quelqu'un qui me fait faire des choses qui me surpassent. Pourtant je ne me sens envers lui aucune reconnaissance car c'est comme si je me trouvais devant un prestidigitateur dont je ne puis percer les tours.

(HM, EPA 238)

Cet élément factice et miraculeux qui fait la raison d'être de l'art, qui fait faire des choses à l'artiste, est-ce Dieu ou les hommes, mes semblables, mes frères ? Qu'importe le terme pourvu que reste la forme ? Le miracle et le factice inaugureraient dans l'art un usage cynique, le seul admis par Ségalen quant aux citations.

ARTEFACT 2 & 3

Posons l'un des tableaux de l'Archéologie du signe contre un Fragonnard.

Regardons l'un des tableaux de l'Archéologie du signe à travers un autre tableau de la même série.

Le monde est peinture, la peinture est du monde. C'est tantôt un paradoxe, tantôt une expérience-limite, tantôt une implication et un mélange inextricable, tantôt une banalité. Le monde lui-même n'en finit pas de s'abîmer dans la peinture-même, la peinture d'émerger du monde pour réinventer les mots-mêmes.

Le monde est une archéologie du signe, le signe une archéologie du monde.

POINTS DE SUSPENSION, RIEN

cette toile se détache sur de l'atmosphère, de l'air, du vide... (MB, PAC)

sur le mode dont on fait choix... sur la forme

Catalyse. Catastrophe. Vertige du choix, moment du factice et du sort, coup joué de l'arbitraire. Invention. Forme.

La forme elle-même n'est rien (MS, PAC)

c'est-à-dire qu'elle reste à saisir, il fallait quand même la faire

comme le roman, jadis, issu ou non d'une certaine Princesse de Clèves, en est venu à Salammbô, puis à tout, puis à rien du tout. (VS)

Tout et rien pour le solitaire ou pour la population ?

Arrivée = Prison, et l'artiste ne doit jamais être prisonnier (...) de lui-même (...) d'une manière (...) d'une réputation (...) d'un succès, etc.. (HM, EPA 239)

De tous-ceux-sans-qui et de rien.

MONDE COUTURÉ D'ABSENCE (Henri Michaux)

...d'absences, peut-être. Je cite de mémoire

avec la couture aussi visible que possible (MB, PAC, 69)

On peut croire que des différences fondamentales n'aboutiront jamais à un tissu réel sans couture et sans rapiècements ; et que la fusion croissante, la chute des barrières, les grands raccourcis d'espace, doivent d'eux-mêmes se compenser quelque part au moyen de cloisons nouvelles, de lacunes imprévues, un réseau d'un filigrane très ténu striant des champs qu'on avait cru tout d'abord d'un seul tenant. (VS)

CROIX JEAN

Le jean, la deuxième peau des jeunes (publicité Wrangler) et des moins jeunes, anti-vêtement, subversion intérieure passive de la mode, transbiologique, transsexique, transsocial, transracial, entre liberté et conformisme, entre la nudité et la loi... La toile de jean dérobée aux corps les fait passer dévêtus dans la Peinture et, regardant \Archéologie du signe, nous voyons contre ses signes en toile l'ombre de notre peau. Peut-être un peu d'usure de nos vies mêlées au bleu nuageux du ciel, la douceur isotherme du coton et l'offre totale. Cette peinture nous expose.

Le complet en jean n'a tenu que le temps d'une mode. Si par oubli ou catastrophe, par hasard, on ne se vêtait plus de cette toile, seule une archéologie archéologique retrouverait l'énigme d'un plaisir. Elle devrait beaucoup connaître l'histoire de la peinture et l'histoire des hommes.

JEAN DE LA CROIX, SIGNE DE LA TOILE

Comment voir le vide de la, prononcer l'œilletage et le laçage, la référence et la distance entre la peinture et le monde, le monde et la sémiotique, la volonté de savoir et l'arbitraire singulier ?

PARTITION, FONCTION, VOCALISE, DE LA OU LACET

ALLÉGORIQUE : signe des signes, mouvement de la pensée du mouvement de la pensée de, spirale qui spirale

ÉROTIQUE : v. INDUSTRIE

EMPHATIQUE : v. EXPLÉTIF

EXPLÉTIF : v. EMPHATIQUE

INDUSTRIE : ready-made revisited ? génie génétique ?
LIGATIF : déterminé-déterminant, embrayage invisible incorporé
MÉTAPHYSIQUE : v. ÉROTIQUE
PARTITIF : du signe du fond, du fond de signe
PONTIF : où il y a du vide il y a du passage
PHATIQUE : v. tous les autres termes
RELATIF : v. TAUTOLOGIE
TAUTOLOGIE : v. MÉTAPHYSIQUE
VIBRATOIRE : v. VIBRANT

Vous ne pouvez pas vous figurer à quel point, en cette période de papiers découpés, la sensation du vol qui se dégage en moi m'aide à mieux ajuster ma main quand elle conduit le trajet de mes ciseaux. C'est assez difficilement explicable. Il y a aussi la question de l'espace vibrant. (HM, EPA 251)

ARTEFACT 4 (œillets doubles)

Des œillets spéciaux d'assez grandes dimensions permettent de relier le signe au contre-signe en pinçant la toile de chaque matière-toile, tout en laissant subsister entre les deux matières-toiles un vide, intervalle de largeur égale au diamètre intérieur de chaque oeillet, égale aussi à l'espacement des œillets entre eux, bord externe à bord externe. Les œillets disposent donc entre eux des intervalles approximativement égaux à l'intervalle qui sépare les deux toiles.

Utilité : Le vide entre les toiles n'est pas plus important désormais qu'un trou d'œillet.

// est clair que le monde est purement parodique, c'est-à-dire que chaque chose qu'on regarde est la parodie d'une autre, ou encore la même chose sous une forme décevante. (GB, AS, 81)

TROUS

Comment voir un trou ?

D'abord on voit un trou, ensuite on voit à travers le trou, finalement on voit peut-être ce que laisse voir ce trou. J'omets encore ce micro-instant d'une micro-posture où il serait éventuellement possible de voir qu'on peut voir par le trou.

Parce qu'on peut voir le vide entre le signe et le contre-signe, le regardeur le plus averti néglige le vide des œillets immédiatement polarisés dans plusieurs champs : industriel, instrumental (dans le monde et dans cette peinture), symbolique, linguistique et quotidien (on sait comment est fait un œillet et à quoi il sert, on peut voir des trous sans œillet mais pas des œillets sans trou, ou ce ne serait plus des œillets). Pas de lacet sans œillets ni d'œillets sans lacet, c'est-à-dire qu'on voit moins un lacet et des œillets que simplement un laçage, et moins un laçage que du laçage. On oublie alors cette évidence des évidences et sous-évidences : il y a des œillets sur les deux bords du vide, signe et contre-signes tiennent l'un à l'autre par ce bouquet commun, une mêmeté plus froide, plus troublante et plus triviale que la passerelle-spirale du lacet.

La maniaquerie affine l'analyse jusqu'à anéantir l'œuvre. C'est la rencontre des maniaqueries constitutives, les choses enfin elles-mêmes ne susciteront plus cette contemporanéité oscillante que recherche et qui conditionne tout plaisir. Le signe, le contre-signe et l'entre-signe vide dessinent des figures homothétiques renvoient aux problèmes les plus divers d'emboîtement, de moulage, de patrons et de modèles qui ont cours et usage ici et là, donc accessoirement dans la peinture. Retour au formalisme par la sensation d'un pur jeu entre la forme et l'informe, à la phénoménologie et au chaos.

ARTEFACT 5 (Le monde de la Pluie)

Les œuvres sont là dans des salles ou des chambres tempérées, hygrométrées, protégées et ralenties, presque immuables, à l'abri au moins provisoire de l'eau et du feu que des peintres surent utiliser pour leur invention. Un lieu non seulement institutionnel mais cosmique, une réserve du cosmos, soustrait l'Archéologie du signe aux pluies pures, aux pluies chimiques qui les abîmeraient, mais non à la pluie théorique qui fait rétrécir la toile et le lacet jusqu'à joindre bord à bord signe et contre-signe.

Sur le rivage où brisent les vagues, suspends des vêtements, ils deviennent humides, étends-les au soleil, ils sèchent ; or l'on ne voit ni de quelle manière l'eau y pénètre, ni de quelle manière sous l'action de la chaleur elle s'en retire. (L)

ARTEFACT 6 (Haine ou amour de l'Art)

La lettre d'amour de Vermeer, volée dans la nuit de jeudi à vendredi au Musée des beaux-arts de Bruxelles, ne sera plus ce qu'elle a été : son ravisseur a taillé dans la toile pour la sortir de son cadre. (Le Monde, 26-21 sept. 1971)

Voler cette lettre volée pour y découper une croix, ajouter une nouvelle pièce à l'Archéologie du signe, par amour.

ARTEFACT 7 (Contre-façon)

Lacer une croix dans le vide réservé au cercle, en adaptant éventuellement les dimensions. Expliquer pourquoi l'Archéologie du signe cesse de fonctionner normalement. Comprendre comment l'objet formel obtenu cesse d'être cet objet esthétique.

La théorie de la forme, pièce maîtresse et œuvre vive de l'impérialisme visuel que le nouveau roman renforça par certains sophismes, n'est pas révocable comme telle. Il faut même la laisser opérer comme moment et pour tel aspect, c'est le meilleur moyen de saper la tyrannie du visible.

ARTEFACT 8

Comment boucher les trous des œillets ? Avec de la peinture.

Domaine des idées sociologiques et des gags insolents.

FACE (L'INAVOUABLE)

Je n'accepte pas de débat avec quiconque prétend marcher la tête en bas. (L)

Arbitraire (au sens de pronunciamento) des expérimentations. Il ne s'agit pas de s'ingénier à rendre permutatoire le haut et le bas, la gauche et la droite, mais de faire voir comment opère la pesanteur de l'asymétrie de manière spécifique dans la peinture. Avec toute la grâce académique des théories-pilon, des rideaux ont voulu nous démontrer qu'ils savaient peindre parce qu'ils pouvaient pendre. La question n'est pas puérilement physique et géomètre, même s'il est intéressant que l'eau traverse le sable. Le but réel de l'art comme de la science, leurs intérêts et leurs façons incommensurables, c'est la métamorphose de l'invisible en visible, une production d'observables. En art, observation désigne aussi une contemplation fondamentale. On pourra objecter que la science remue d'une même attention et d'un même plaisir, oui, mais observation et contemplation diffèrent, elles n'inventent pas les mêmes qualités.

La cohérence sociologique passe à côté des arrangements duplices de l'art. Son esprit de sérieux, sa fonction solidariste, son style lourd producteur d'ennui est le plus souvent inapte à envisager la gratuité singulière d'un objet autant suspect que dangereux. Comme si au contact de l'illusion maîtrisée et d'une prouesse inutile sa machine conceptuelle risquait de s'évanouir en château de cartes, reconnaissant soudain par contagion dans le vide de l'art son vide théorique, le noyau dur de son propre vertige. L'art n'est vraiment fiable, son objet voyage sur place à travers d'autres objets, l'objet d'art existe parce que la réalité artistique n'existe pas. (Ce que nous dit la bouche d'art.)

Chez Henri Maccheroni les toiles ont une face parce que par choix sa peinture en a une, peut-être parce que pour lui les femmes ont un sexe (et non pas un cul comme chez Georges Bataille), comme lui-même est de l'autre sexe, du moins d'un seul sexe avoué. Ici, plutôt que la psychanalyse, encore Matisse, convaincu, humoriste ou aberrant (contredisant peut-être son propos ailleurs) :

Le dessin est tout de même la femelle et la peinture le mâle (HM, EPA, 201)

une corbeille (ou un panier) d'osier (j'aime mieux panier parce qu'il représente une surface plus grande à l'esprit (HM, EPA, 201)

Et Bataille :

mon visage est un scandale (GB, AS, 85)

Je survis à l'état de voix douce (...) Ne pas scandaliser, donner à la terre — au moins dans la nuit — la « liberté » des mourants. (GB, LP, 49)

 

Que le tableau soit ou non contre un mur, il se trouve toujours devant quelque chose, la lumière ou un mur d'ombre. Même si l'envers équivaut en principe à l'endroit, le regardeur ne peut se trouver devant et derrière en même temps, du moins tant qu'une certaine intégrité du plan est respectée. La liberté construite ou prescrite de circuler autour du tableau ne saurait interdire l'arrêt subjectif qui désignera en secret le choix d'une face, même si quelque condamnation plane par principe autour d'une attitude semblable. Aucun décret n'interdira qu'un tableau puisse avoir une seule face, ni de lier la question de la seule face à la question rigoureusement anthropologique, anthropomorphe-critique, du visage et du dos. Ces divers aspects : pictural, architectural, postural, sexuel, culturel et individuel (= singulier), ne sont pas légitimement isolables en l'occurrence.

ARTEFACT 9 & 10

L'Archéologie du signe telle quelle mais avec deux faces identiques (on peut retourner chaque tableau, ce qui présente un intérêt dans deux cas : lorsqu'une face est devenue sale et quand on réussit à mémoriser les coutures).

Signe différent sur chaque face. À vouloir trop prouver, trop trouver... Dans les deux cas on fabrique une sorte de valise vidé vaguement en quête de symbole. Peut-être renferme-t-elle un peu du monde qu'on voit aussi au travers, un peu d'air, un nuage de pensée

cette terre que nous apercevons au-dessous de nous, à travers les trous de la plaine de nuages que nous dominons (...) un milieu enchanteur dans lequel nous sommes (...) car nous nous souviendrons que derrière ce mur facile àtraverser, il existe la splendeur du soleil (HM, EPA 236)

Qu'y a-t-il d'abord, l'enveloppe ou l'enveloppé ? L'enveloppe ou le trou ? (ELL)

62. Henri Maccheroni, Archéologie du signe, (Éléments toile léopard.)


Le nuage érotique devient parfois orage et retombe vers la terre sous forme de pluie pendant que la foudre défonce les couches de l'atmosphère. (GB, AS, 84)

FIN ÉCRIVAIN

on ne peut pas dire que la toile écrue soit devant la toile blanche, il n'y a même plus de peinture, ce ne sont pas seulement deux matières, cette façon dont le signe se détache sur le fond est un peu la même chose que la façon dont, le signe est, si l'on peut dire, quelque chose qui arrive au fond lui-même, en même temps c'est plus subtil, sorte d'énigme.

Un bon dessin doit être comme une corbeille (ou un panier) d'osier (j'aime mieux panier parce qu'il représente une surface plus grande à l'esprit) dont on ne peut enlever un brin sans faire un trou. Pourquoi aussi mettre : un bon, pourquoi pas simplement : un dessin doit. Qu'en pense le fin écrivain ? (HM,EPA, 201)

MUR FACILE

Le fond demeure le même. Chacune des techniques aide l'autre. (HM, EPA, 242)

Le papier découpé me permet de dessiner dans la couleur. (HM, EPA, 242)

Du tissu aux toiles, ne s'agit-il pas toujours de la même matière ?

Oui, dit Sonia Delaunay qui a franchi le pas ; car elle est peintre et modéliste. (...)

(...) La construction-coupe de la robe est conçue en même temps que sa décoration. Ou plutôt, c'est une seule et même chose. (ELL)

Ces même ne sont jamais les mêmes, sinon l'autre serait le même, chacun ferait de même. Pour passer du même à l'autre il arrive qu'un lacet circule du même au même. À lire Matisse on voit comment deux moyens distincts ne font plus qu'un, qu'ils subsistent cependant comme concepts ou réalités, tout variant avec le temps, avec la phrase. Henri Matisse subvertit le moyen comme à sa suite Henri Maccheroni subvertit la matière. Se couper la langue, non, la modifier.

Le lacet ne lace qu'un vide inarticulable, il signale la vie mentale des frontières, allégorie du fameux passage à la limite par passage de la limite : la ruse de l'art est une candeur.

Nul n'a jamais vu la pensée mais tout le monde la sent forcer le mur stupide, passer le fleuve de lumière, s'effrayer du courant, tendre un pont, deviner d'une rive à l'autre ou à travers la membrane comme un va-et-vient i(r)onique. D'un côté à l'autre, entre l'un et l'autre vont les photons et les missiles, les microbes et les messages, l'amour, la haine, la viande, le blé, le tissu, la honte, la musique, les émigrés, les touristes, les diplomates, les trafiquants, les nuages, les ondes.

Un nouvel objet d'art ruine un terme fallacieux, crée une relation inédite, un vertige en plus, son immobilité enveloppe un pulsar. Seule, une membrane meurt ou devient absurde, en attente de greffe.

tout serait visiblement lié si l'on découvrait d'un seul regard dans sa totalité le tracé laissé par un fil d'Ariane, conduisant la pensée dans son propre labyrinthe (GB, AS, 80)

CARTE DE VISITE

creuse la substance dans la transparence gâchée. Sur la surface à vif, de

Soit une feuille épaisse de bristol blanc, lisse, presque miroitante, hygiénique, cassable. Au premier arrachage la vitre s'abîme, l'extrême blancheur se plâtre, se peluche, l'œil va du rugueux au brillant qui reste, creuse la substance dans la transparence gâchée. Sur la surface à vif, de simples lignes rétablissent une distance, un plan parallèle au plan, une vitre qui va concurrencer la vitre du lisse subsistant. La matière découverte par arrachage fomente alors une profondeur qui interfère avec la transparence de la première vitre. Il suffit de perturber les lignes, d'inscrire de nouvelles lignes à des niveaux différents, de pratiquer autrement d'autres arrachures, etc., pour construire une sorte de matière anisotrope où pourront jouer musicalement des sortes de signes, de matérialités-éventualités de signes. Il est possible que la feuille de bristol se trouve trouée, cela dépend de ce qui lui arrive, cela prouve que la feuille n'est pas absolument un support, qu'elle serait plutôt potentiellement un nombre d'exfoliations incalculables. Trouée, elle intègre ce vide constitutif.

Souvent il me plaît de plaquer l'un de ces dessins contre une grande vitre, la lumière donne en contre-jour aux arrachures un relief hallucinant que viennent signer anonymement en miroir les références du verso (nom et date). Je pourrais — difficilement — travailler la feuille sur les deux faces mais je n'en vois pas l'intérêt. Je pense plutôt à l'exposer systématiquement contre une source lumineuse qu'elle fermerait de tout son format. Il n'y a qu'un pas à faire.

 

ÉLOGE D'ALOCCO

Marcel Alocco, Détérioration d'un signifiant (série K/n°11, 12, 13, 14, 14 bis, 15 et 15 bis) et Résidus signifiants (série K/n°2), 1971. Rubans sergés, 100x80cm/panneau.

 

Pour mémoire, de mémoire. Les trous trahissent, bons ou mauvais vides que rien ne pardonne, même la réinvention, l'invention. Je me souviens d'un travail méticuleux, d'une voix douce, d'une démarche posée dans l'air remuant d'époque, au fond tout semblait arriver en même temps. Au milieu de la profusion formelle, d'une jubilation nouvelle, citer Chirico restait un crime. Alocco ironisait-il sur la pseudo-planéité du plan, visiblement il n'ignorait pas la théorie de l'Information, il souscrivait à l'Œuvre ouverte, partageait certaines préoccupations de Supports/Surfaces mais probablement pas sa critique la représentation. Pire, dans ce contexte-configuration, il s'intéressait à la figure humaine.

Le peintre a conçu lui-même un signe stylisé, sorte d'emblème anthropomorphe qu'il peint sur une toile discontinue, bandes blanches ou colorées, peintes ou non, mais ce choix de couleur quant aux bandes est identique pour une même toile dans une série de six. Le signe est peint ou réservé en travers de plusieurs bandes, toutes les bandes — horizontales — ayant même largeur et même espacement, celui-ci égal à celle-là. Pouvaient varier la couleur, s'inverser la couleur peinte et la réserve, je ne sais plus exactement quels paramètres manipulait Alocco, sa légitimation et son comment, je garde en mémoire l'expérimentation.

Les vides du signe en perturbaient la lecture sans l'interdire, au contraire ils provoquaient la vigilance. Relation de quel ordre entre le vide et l'imagination ? Biologique & culturelle. Mais que devient cette question dans la peinture, après elle, entre l'émotionnel et la raison, la mémoire et rien du tout ? Comme une allégorie du spéculaire lui-même dans la tache aveugle de l'anthropologie. J'ajoute, hypothèse invérifiable cela va sans dire, que cette disposition discontinue des bandes et les possibilités d'inversion, au-delà ou en deçà de l'appareil gestaltiste, mime peut-être les structures connexes de la lumière et de la vision. Dans la fascination d'un blason ontologique fabriqué, Alocco expérimentait notre condition corpusculaire et ondulatoire, notre impasse mentale de bête dessinée-dessinante, une espèce d'occupation de l'espace par la masse-profil. À sa façon, il envisageait la peinture.

CELUI QUI REGARDE LE SOLEIL EN FACE DEVIENT AVEUGLE

garde-toi bien de croire que des atomes blancs composent les corps blancs dont l'éclat frappe tes yeux, ni que ceux que tu vois noirs proviennent d'une noire semence (L)

On peut faire de la photographie avec la première substance venue (...) pourvu que l'on prenne pour agent révélateur une substance capable d'entrer en combinaison avec la substance insolée. Niepce de Saint-Victor

Drôle d'idée, sacrée idée, de photographier nombreusement le sexe d'une femme jusqu'au dégoût parfaitement éprouvable d'y pénétrer, jusqu'à en perdre le désir. Il manque à ce sexe un peu de derrière pour qu'il soit vraiment érotique, il y manque l'œil de celle à qui il appartient (ce double trajet, cet angle constituant de l'esprit porno) ou cet autre œil énucléé qui se dérobe trop, qui trouble infiniment le partage duel des sexes, pierre d'achoppement symbolique, ojo del culo. La photo du vrai sexe anéantit la vision. Peut-être fallait-il le démontrer.

Les yeux humains ne supportent ni le soleil, ni le coït, ni le cadavre, ni l'obscurité, mais avec des réactions différentes. (GB, AS, 85)

L'anneau solaire est l'anus intact de son corps à dix-huit ans auquel rien d'aussi aveuglant ne peut être comparé à l'exception du soleil, bien que /'anus soit la nuit.

N'arrange point ta vie au moyen de dessins faits avec les moitiés blanches. Car tu trouveras ensuite les dessins faits avec les moitiés noires ; (Marcel Schwob, Le Livre de Monelle)

MOMENT, L'IMPRONONÇABLE

Rien qui ne fasse penser à, c'est le soupçon et le transport en instance de forme. L'homologie elle-même deviendra analogue. D'abord peut-être la ressemblance au creux du saut invraisemblable. Déjà mêlés au début le savoir et la croyance, un faire sans savoir qu'il faudra faire savoir, sauf à préserver le nuage, le mur facile, le risque que la Solitude ne s'emmure difficilement. Au début l'invisible et le crédible, le Janus obnubilé, et Junius : la gloire... et rester inconnu. Junius franchit le mur de la Solitude. Et Marie Curie : ... inventé par moi.

La découverte bouleverse la mémoire, le mémoriel éveille l'indiciel et vice-versa, le vertige dessine dans le vide entre rien du tout et la marque. Cortex, Index, Vortex. Pas la critique scolaire du mimétisme, pas des emplacements dans l'ordinateur. Faire penser à, il ne suffit pas d'y avoir pensé, il faut faire l'œuvre qui produit cette discrépance initiée. L'œuvre un peu intéressante ne reproduit rien, elle ne se contente pas de simuler, elle se moque de l'origine et de l'enseignement, c'est son apparence visible qui module sa règle de visibilité, travaille sa trouvaille, en construit la science et l'étonnement.

Asymétrie du début et du but, des œuvres entre elles et des hommes entre eux, asymétrie émission-réception, même la copie est un art trop subtil pour être un copiage. Tant que le mur facile n'est pas une piste d'atterrissage ou une muraille d'acier, un nuage létal de neutrons laissant intactes les formes solides, il sera possible d'inventer sans contremaîtres de l'inventable, sans ridicule théorie de l'invention. L'homme de nuage ou l'homme de nerf ne reproduit rien, il transforme, caresse, corrompt ou abandonne.
Faire penser à. Sentir le lest et lâcher, prendre et laisser, matière à séduction, moment esthétique et technique de la substance et du terme, de l'influence et du flash, de la faculté du facile comme l'œil vous arrache un bras. Entre la tentative et la tentation, la chose elle-même éprouvée au décollage, qui fait la peau sans s'approprier l'aléa, qui ne fait rien d'autre.

CIEL DU CERVEAU

Notre civilisation, même pour ceux qui n'ont jamais fait d'avion, a amené une nouvelle compréhension du ciel, de l'étendue, de l'espace. On en vient aujourd'hui à exiger une possession totale de l'espace.

Suscités et soutenus par le Divin, tous les éléments se retrouvent dans la nature. (...) Le créateur n'est-il pas lui-même nature ? (HM, EPA, 201)

Un musicien a dit :

En art la vérité, le réel commence quand on ne comprend plus rien à ce qu'on fait, à ce qu'on sait, et qu'il reste en vous une énergie d'autant plus forte qu'elle est contrariée, compressée, comprimée. Il faut alors se présenter avec la plus grande humilité, tout blanc, tout pur, candide, le cerveau semblant vide, dans un état d'esprit analogue à celui du communiant approchant de la Sainte Table. Il faut évidemment avoir tout son acquis derrière soi et avoir su garder la fraîcheur de l'Instinct. (HM, EPA, 238)

Cette divine union, en effet, opère le vide dans l'imagination, qu'elle purifie de toutes les formes de connaissance pour l'élever à un état surnaturel. (...) Il arrive en effet quelquefois, quand Dieu accorde ces touches d'union à la mémoire, qu'il se produit tout à coup dans le cerveau, à cette partie où elle a son siège, un tressaiellement si sensible qi'il semble que l'on s'évanouit, que l'on perd absolument le jugement et l'usage des sens. (JDLC, 307)

lorsqu'on s'est nettoyé de la sensibilité révulsive (MS, PAC, 40)

toucher, être touché, les corps seuls en ont le pouvoir (L)

il oublie qu'il ne sait pas pourquoi il est lui au lieu d'être le corps qu'il touche (GB, AS, 82)

miraculeusement nue (...) Mais pourquoi la fente du derrière ouverte à mes yeux, mes mains... — parfois à d'autres yeux... (GB, LP, 31)

Le ciel érotique ouvert, coïncidence d'une musique de fête (frénésie perdue) et d'un silence de mort, (Id, 33)

Comme au bordel.

Dieu a le « choix » (Id.)
le mode dont on fait choix... (...) la forme (...) cet élément factice et miraculeux (VS)
on regarde ce terme mort en face (MB, PAC, 40)
Le temps le seul possible ? Il serait là comme l'éléphant qui selon d'autres porterait la terre ?... où la cervelle tombe comme un pot au lait sur le pavé et se brise. (GB, AS, 45)

MUSIQUES

toucher aux couleurs — pas aux couleurs en tant que moyen de description mais en tant que moyen d'expression intime (...) sans se mentir (HM, EPA 313)

Ce que j'aime dans la musique c'est qu'on ne peut pas vraiment dire des mensonges. Si avec les mots on peut dire des mensonges, avec la musique on ne peut pas. Elle est simplement faible ou forte, elle n'est jamais fausse. (Lucas Voss, Spirales n° 12, 1982.)

On peut tout dire avec un regard, et cependant on peut toujours nier un regard, car il ne peut pas être répété textuellement.

(...) manière originale de faire des récits, par des mots entrecoupés qui disent tout et rien. Il fait tout entendre, mais libre à qui que ce soit de répéter textuellement toutes ses paroles, impossible de le compromettre. Le cardinal Lante lui disait qu'il avait volé ce talent aux femmes (...) (Stendhal, De l'Amour, § XXVII ; Des regards, Garnier-Flammarion, 1965.)

On ne saurait trop louer le naturel. (...) Sans s'en douter, un homme vraiment touché dit des choses charmantes, il parle une langue qu'il ne sait pas. (id.,§ XXXII ; De l'Intimité.)

- La... la... la...

Désespéré, il quitta le clavecin, saisit la feuille écrite et la déchira. À cet instant, la jeune femme, les yeux dans les yeux de son mari, commença à fredonner au hasard, inconsciemment, un air qu'elle n'avait jamais chanté ni connu auparavant, dans lequel un certain la entraînait après lui une gracieuse phrase musicale, justement celle que Maître Romão avait cherchée des années durant sans jamais la trouver. Le maître l'écouta tristement, hocha la tête et, le soir même, expira. (J.M Machado de Assis, Chant Nuptial, trad. par Anne-Marie Quint. In Fleur, téléphone et jeune fille... et autres contes brésiliens, présentés par Mario Carelli. L'Alphée, 1980.)

LA FARCE & L'HORREUR

Voilà un tableau qui a duré un an — ceux qui ne verront que la façon dont j'ai représenté la chevelure et la broderie de l'épaule croiront que je suis un farceur — mais toi... tu sais. (HM, EPA, 185)

tu sais si j'ai horreur de toucher de la dentelle de coton (Colette, citant une lettre de sa mère dans La Naissance du jour)

L'ARBITRAIRE

J'appelle arbitraire ce choix qui désormais ne sera plus choisi, cette forme désormais faite et non plus factice, qui va perdre son élément miraculeux, ce choix devenu piège qu'on s'en détourne ou non, qui aura dévoré du tissu vivant : le temps mange la vie, sans remords. Le Grand Jeu est impliqué dans ses parties locales, dans les petits jeux. Perdants magnifiques (Léonard Cohen), Roi sans divertissement (Pascal, revu par Giono), honte de perdre (Céline), il vaut mieux gagner, parfois il est encore préférable de perdre. Question de forme, mais tout dépend où l'on place la forme : art, morale, vanité, — tout dépend de la relation historique entre le visible et l'invisible. La forme est quelque chose comme la limite de l'Histoire et de l'histoire intime, évidemment on ne juge que sur pièce, on voit le résultat (pour Baudelaire le tableau est un résultat).

J'appelle arbitraire, alors, tout ce qui échappe au formalisme comme à l'historicisme, à tout ce qui énonce, dénonce, annonce, au parcours des régressions et des fonctionnements. Arbitraire s'oppose à qui pense tout sans jamais penser à, à qui veut montrer en dissimulant son vouloir, la nonciature du devoir-penser. L'arbitraire est une notion trop floue et trop intense, trop réelle, frivole et mortelle, pour être laissée à des arbitres. Elle signale le moment et le caprice, le mouvement même de la forme, le pragmatisme malicieux et l'irrésolution ad hoc, une légèreté guerrière, un défi gratuit, l'intenable FIGURE du DANGER et le DANGER de la FIGURE.

Ici peut-être se lève l'énigme de ces deux mots imprimés par Henri Maccheroni, comme si lui-même en ignorait exactement le sens. Tout danger cherche sa figure ou défigure, le mot danger est sans danger, quand la figure fonctionne elle gagne en masse ce qu'elle perd en incommensurable. Entre la prescription et l'énigme, entre menace et merveille, le dipôle DANGER/FIGURE métabolise l'arbitraire, notre sentiment formel.

VOIX DE LA TECHNIQUE

Glenn Gould s'est retiré complètement du monde il y a trois ou quatre ans. Le présentateur de l'émission disait de lui des choses très passionnantes : il expliquait que, pour s'exprimer, Glenn Gould avait besoin d'une technique ou d'un instrument. Qu'à la rigueur, il parlait mieux au téléphone que de vive voix. (Isabelle Huppert. Entretien avec Mireille Amiel, Cinéma n°278, février 1982.)

Ce laçage & œilletage au milieu du tableau est un scandale puis rien du tout. Ou ce qu'on veut.

Une machine, totale contemporaine d'elle-même, fonctionne de part en part et outille. Ce qui n'empêche pas, extérieure à elle, l'histoire de cette machine dans une histoire des techniques.

Un corps animal est mécanique (os, dents...) et par exemple bio-chimique, hormonal, etc., tout ce qu'on sait. Il existe ainsi une relation fantastique, source de douleur et de rire, entre la borne osseuse et l'influx. Cette liaison insécable semble instiller au cœur même du pensable la distorsion du visible, puisque cette relation première est également et inégalement celle du biologique au noétique. Mais, en même temps, c'est encore « plus subtil », subtil et cependant énorme.

Ce corps qui est un tube, une respiration, où circulent le vent et l'odeur, ce pet (Bataille) qui sent la poudre. Vérité mentale, la seule.

L'hétérogénéité d'une œuvre d'art rassemble ces distorsions et cohérences dans son utopie métisse, mais en elle le temps fait bilame, sa « différence de potentiel » dépend du dehors. Sous cet aspect on pourrait voir des œuvres révulsantes ou maléfiques tout comme il existe des corps malades et des intelligences mauvaises. Dans l'Archéologie du signe, l'austère allégresse de son vide, se croisent les vides de la science et des religions. Quand toute position est ruinée il reste encore à instabiliser nos prépositions, pour une nouvelle grammaire du visible : éventuelle. Faire jouer une utopie dans une autre, contre une autre, avec une autre, sans vouloir loger l'une dans l'autre. Il y a des animateurs pour ça, des pédagogues sincères à courroie, des artistes responsables préparant aux Varuna terrestres leurs lacets. On vise, évidemment, les magiciens du vrai, les hideux occupants, non les amateurs, les experts, les professions et les personnes.

BEAU COMME

la rencontre du mur et du vide, du coton et du métal dans la faille sexuelle de la pensée ;

l'évitement de l'informatique et de la cantate dans une machine à carder l'haleine.

En rupture avec la mythologie sylvestre et textile du support et de la surface, Henri Maccheroni replace du métal au cœur de la toile, réintègre du même coup dans le plan l'épingle de Picasso, plus proche de la peau.

On imagine une théocratie interdisant la toile de jean, un régime militaire le port de toile-léopard, l'Archéologie du signe devenant de fait blasphématoire et subversive. Aucune matière qui ne soit potentiellement stratégique et délectable, politique et mentale. La réalité est le nom historique du réel, ou ce qu'on veut. La science ne va pas sans l'art, la politique sans la fiction, la concrétude n'est rien d'autre qu'un état mental ET objectal, un vide entre un signe et contre-signe, un lacet inane, utile et mirifique.

Les Rolling Stones en uniforme SS reçoivent dans la meilleure tradition anglaise (un demi-travesti entre parenthèses), croix gammée sur cup of tea, des petites filles nues charmantes. Les punks descendent la rue, arborant la croix gammée et l'épingle (de nourrice), association combien réelle (à leur insu généralement). Des paras interdisent dans une salle publique La Marseillaise en reggae, c'est-à-dire l'unique moyen de la rendre vraiment populaire dans la France des années 80/fin70. L'Archéologie du signe est encore contemporaine des films de Raul Ruiz et de Wim Wenders, mais elle est — comme une grande part de la peinture — radicalement antividéo. Contemporaine des camps et des abat-jour en peau humaine, d'une anti-guérilla qui fait payer au frère, au fils ou au père, la balle qui tua la victime.

On raconte que Tinguely fut pressenti pour installer sur une frontière dangereuse une machine capable de faire peur à l'ennemi, et qu'il déclina l'offre. Intéressante utilisation d'un vide de l'art... Mais souhaitons au monde, dans son arrogance confuse, qu'il sache préserver au centre la réalité moelleuse des licornes plutôt que l'instrument de torture.

OBJET = LATITUDE (x, 0, +)

entre

entre
0 de x & 0 de +

PRIÈRE D'INSÉRER (artefact 11)

de la vraie peau d'homme comme matière-signe. Elle ne serait bientôt que la peau du vrai, l'homme devenant alors un terme à l'horizon du meurtre de toute espèce d'invention.

Ce ne serait pas d'ailleurs la première fois que l'art chercherait à intégrer la cruauté. Quant aux dernières fois, nul ne sait à l'avance, parfois elles ont déjà eu lieu sans qu'on s'en aperçoive.