Transcription Marie-valentine Martin
Relecture C. de trogoff
1983-1984 V-H-M. (1)

 

À PIRANÈSE

Post-Scriptum dans l'ombre-nouvelle

 

Il faudrait de nouveau le couperet critique pour assigner en Jugement une fine lame artistique trop frêle pour refléter des lourdeurs catégorielles. Pinceaux, crayons, cutters, subtils roseaux ne se ramènent pas au seul trait du coupe-coupe universel. L'épée se distingue encore du garrot (et là le cuir de la ficelle), le poison du fer, l'eau du feu et le nuage de l'enterrement. C'est dans le nuage que s'élabore ma précision, si ma lame tranche elle opère, un trait enferme un potentiel : il ouvre. Le papier n'est pas une corde, la surface qu'on incise n'est pas seulement le lien qu'on cisaille ou l'emballage qu'on crève. Elle est ENTRE AUTRE CHOSES, dans une restriction et profusion
exemplaires, l'emplâtre sexuel, l'analogon politique (aussi improbable que probable) et leur commun bifteck chirurgical. Mais PLUS, & MOINS.

Lame affûtée, futée, à l'affût des surfaces dans l'épaisseur de la surface. Le trait de l'incision, disparaît avec la pellicule qu'il marque dès qu'elle se retire. On ne sait rien du sort des traits au départ, de leur action, de leur découverte.

Le rapport entre l'art et la torture(2) n'est pas d'analogie dans le dessin-substance d'homologie critique. Il existe une sorte d'identité gestuelle et onirique, érotique et mentale qui parcourt diverses zones et leurs divers instruments. Il existe des occasions et des tentations, des inductions kinesthésiques, des révélations terribles. Par son inUTILITÉ économique, l'efficace vanité de ses calculs, l'art rencontre le crime avec et dans la beauté, la beauté comme crime individuel et collectif. L'art n'en finit pas de déconnecter et de remodeler les ET de tous les antagonismes. Figurer ce ET, telle est sa torture et son plaisir, sa monnaie de solitude et d'échange.

Parfois le trait de lame n'est qu'un trait, parfois il est plus qu'un trait. Aucun trait ne se récuse d'un seul trait, aucun flottement d'une seule vague, le trait est aussi une ombre. C'est-à-dire que le trait compose, sa cartographie lève un paysage, ses solutions un sol, il isole des îles. Ce n'est pas une lame qui tranche de son fil mais la pariétalité finale d'une œuvre à laquelle on ne touche plus parce qu'enfin elle comble l'ouvrier de toutes ses inquiétudes matérielles. Cette pariétalité-là est évidemment pluri-directionnelle, c'est-à-dire indéfiniment tactile. (Ceci n'est pas le manifeste d'une école mais le constat d'un dessin.)

Tout à son art, la jalousie critique se dépite qu'une lame puisse se tordre (de rire d'aventure) et sache les longues caresses muettes plus pénétrantes qu'une plume sur un clavier. Seul un Occidental réussit à ignorer ça, éternel médiateur au-dessus de tout soupçon.

(16 06 83) (3)

 


(1) avait été inclus dans des documents à paraître — et qui ne paraîtrons pas — à la Villa Arson (note manuscrite)
(2) dans un des exemplaire le mot torture est souligné 2 fois en rouge
(3) note manuscrite