Transcription : Marie-valentine Martin
Relecture : C. de trogoff
Ccorrection et montage : L.L. de Mars

 

Pourtraitures, dossier

a) Pourtraitures, inventaire

POURTRAITURE - Une peinture nulle. 3 séries de 6 toiles : série 1973 (92x73), série 1974 (116x73), série 1975 (130x97).

MARINES (ENTRAINEMENT) - Hésitation sur la fenêtre. 1 série de 6 panneaux, 1975 (91 x 85) (novopan, filet plastique, peinture glycérophtalique).

COLLAGES - Coupe transverse pseudo du dispositif K (actualisations in-dé-finies). Série et latéralisation, à partir de 40 cartes tirées de La Langue Slave (1973). Depuis 1973 (65 x 50).

LIVRES - Suite logique aux Caviardages. Depuis 1972 (différents livres ou plusieurs exemplaires d'un même livre découpés différem­ment). Si, dans les collages, il y a un aspect permutationnel fort net, les livres n'existent que de fixer une lecture qui viserait à en exclure d'autres. En fait, c'est ce pseudo-fantasme fixé qui interroge le livre comme produit fini et multiple. Chaque livre est donc unique, ou plutôt non reproductible. (Ce qui a peut-être à voir avec le copyright.)

SEIZE DISCOURS DE L'AMÉTHODE SUR TROIS BLOCS DE PAPIER A LETTRE. Au pied de la lettre

6 TABLETTES (terre cuite), ayant pour origine des traces de caviardage (sur papier journal). Identiques. 1972 (format colonne de L'Express).

9 PLANCHES (bois), forme similaire au dessin marqué sur les tablettes (terre cuite). Découpes différentes.
Ce sont les traces de caviardage (leur effet esthétique) qui, remémorant une forme manipulée quelques années avant puis oubliée, ont réinvestie cette forme dans la peinture (proprement dit), via ce que j'appelai textruction. Citation inconscient d'un simulacre formel.
Sur ce cheminement contradictoire, spiralé ou déplacé, je renvoie à mon livre non découpé TOIL (pages 136, 149-50, 161, 172, 176, 243, 249, 289-90-91, si tant est qu'elles puissent constituer un catalogue restreint), ce sera ma seule mention
bibliographique (Christian Bourgois, 1975).

PAPIERS PLUS OU MOINS COLLÉS — Allégresse pour rien (en oubliant). 1975 (65 x 50) (papiers blancs, acrylique, lettres, crayon de couleur, crayon à mine de plomb).


b) Pourtraitures, exposition

Ce qui tient le coup de cette exposition, ce sont les livres (72) et les collages (73). Ce que du moins je prétendais. Car ma peinture s'expose en même temps, trop, je n'en sais rien.
Un paradoxe saugrenu veut qu'en 68 je pratiquai sans le savoir un pseudo­minimal jamais montré en un lieu public (toutes les traces d'huile sur canson gris recueillies par A.B*., mon musée le plus vorace, ma banque la plus désin­téressée, ma corbeille la plus vicieuse, ou la plus experte, mon gorille le plus amène, mon ambassadeur le plus redoutable) et que j'exhibe en 75 quelques pièces de pseudo... maximal, qui n'est donc pas exactement cette peinture de l'oubli que rêva un texte (1) impulsé pourtant par ma peinture ici visible.
Cette peinture de l'oubli ne fut-elle que le creux déporté d'un texte, son creusement, dont ma peinture n'est que déjà la retombée ? Après mon pseudo­minimal (et après ledit minimal art et le post-minimal) mon pseudo-maximal pourrait être l'actuel compromis d'une toile en attente de toile politique : la Politique devenue quelque chose comme l'éthique minimal.» Non. Et ce n'est pas non plus le contraire, la Politique venant mourir dans ma toile et bavarder. Car ma peinture bavarde : ELLE N'ARRÊTE PAS.
Comme le soleil (de briller, etc.), l'eau (de couler, etc.), le cadavre (de pourrir).
Pas pulsion de mort (puissance de vie exponentielle) mais goût de mourir : CE que je n'ai pas pu ne pas supporter. Et dont j'ai pris goût contre moi-même, avec moi-même. Mnémolalie. El cependant peut-être bord d'oubli capté, dans une incertaine mesure, débord qui serait la frange consentie de l'excès, on dira : intensités fonctionnaires.
Le maximal art serait en fait l'hyperréalisme, et ma peinture n'est pas entre minimal et maximal... comme un optimal art...qui existe. Le kitsch.
Néanmoins ma peinture a quelque chose à voir avec le kitsch. Parce qu'elle désigne ce qui dans l'affirmation adhère inévitablement au MOYEN. Fatigue du support, errant hors de l'objet et du concept, renonçant à une guerre non déclarable, je — qui — hais le mouvement qui déplace les lignes, tandis que cependant les lignes dessinent, le repos formidable du despote. Insignifiance.
Minimal (minimal art), faire tout avec rien, ne rien dire par tous les moyens (quel que soit le moyen, Le Moyen). Si le minimal s'oppose symboliquement (et anecdotiquement) à l'art pauvre comme l'hygiène à l'ordure, le propre au sale, il utilise la plus légère impropriété du propre, il joue l'impropriété fonda­mentale du moyen. (Minimal, art pauvre, fecal art, sont des aspects d'une même pratique scrupuleuse ou scandaleuse du non-outil.)
Il y a dans le minimal un faire-code comme on dit faire-corps (dans l'échange de l'actif et du passif) qui vise non médiatement au moyen, matière discrète qui signe l'indescriptible, animalement, à perte de mémoire.
La matière voudrait s'engendrer pour elle-même mais n'y arrive pas. Le moyen voudrait se désigner lui-même mais y parviendrait trop. D'où le minimal (mais - la matière ou le moyen ?). Une indiscernable cohérence, la contradiction historique dans sa féroce subtilité, l'IN-UTILE implacable, et la tentative presque insane de reproduire ça, sans symboliser.
C'est pourquoi cette peinture de la rétention et du calcul, de la plus grande dépense au moindre coût, est la plus sexuelle qu'ait produit l'Occident Capital.
Peinture de la réserve (thermodynamique), du reste (non hegelien), de l'autre saisi au plus impraticable de ses praticables, qui porte atteinte au code et Y atteint encore (l'ordre revient) à côté. Le minimal pense au-dessus de son moyen : il a matière à ça.
... Comme le code voulant se saisir sans déchet (et maintenir le déchet dans l'étrange-ici, les déplacements parlant, d'eux-mêmes, d'autre chose puis encore d'eux-mêmes) et produisant « du » code comme déjà-déchet. Et ce déjà-déchet un instant reste, avance de l'art sur l'Aménagement, errance forte du sans-code, du déchet qui veut faire code comme ça, irreligieusement, sans assigner.
Le déchet n'est pas l'effet parce que le reste n'est pas code. Il y a une certaine homologie relativement réglable de l'effet au code mais le rapport déchet/reste constitue le principe d'incertitude ontologique (et ergologique), l'engendrement impur, non reportable, où « support » et « outil » redeviennent problématiques, dans la cruauté.
Le minimal introduit aux énergies froides, livre aux INTENSITÉS CALMES. Il est sans leurre et c'est peut-être son secret politique.
Maximal (hyperréalisme), peu importe le code pourvu qu'on ait l'effet. Perdre le code... pour le retrouver encore comme effet. Parce qu'il ne fut jamais qu'effet? Le maximal le laisse entendre. Voir. Hétérogène donné dans sa continuité homogène, mais aussi le forçage de l'ordre, son passage au désordre, le filet maintenu dans les mailles filantes, dissoutes, lâcheuses et brillantes, hypergrises, folie du déchet. Face entropique du Capital, qui est aussi la face excrémentielle du désir, mais parce qu'il n'y a pas de bon orgasme, et parce que tout réel a affaire à l'apocryphe, et parce que tout investissement implique un plus et appelle une destruction Face animale de la haute culture.
En disant que le minimal est au maximal ce que le design est au kitsch, on fera l'économie d'au moins quatre définitions. Petits plaisirs du chiasme. Encore faut-il y passer.
Le maximal peint la mort, mélange contagieux, accélation du déchet.
On ne refait pas le minimal.
Quant à ma peinture, elle ne subodore que quelques limites, et quelques pentes : c'est une peinture facile. Le sourire fécal.
Pourtant, la seule chose qu'on ne peut parodier, c'est la merde.
Puisque je viens de l'écriture, ma peinture serait donc plutôt d'abord littéraire, etc., et cette exposition (je parle exclusivement de ma peinture) une erreur. C'est l'évidence, certaines de mes toiles sont nulles. Et le Révérend Théo K. me voyant avec effroi dans « la balance picturalo-littéraire », je préférerais qu'à propos de ma peinture il soit éventuellement question de peinture nulle. Ce qui n'est pas une manière hypocrite (et toute provocation vite éventée) de sous-entendre qu'on en aurait fini avec certaines choses (ma peinture, nulle, l'est d'ailleurs d'autant plus que — semblable aux puissances trompeuses de Pascal — elle ne l'est pas toujours). Outre mon absence de manière, qui témoigne de ma confusion quant au publiable et à l'impubliable (tout cela relatif à mes insanités sur le reste et le déchet), ma peinture dit « au contraire » et sans pouvoir bien l'affirmer qu'avec certaines choses, justement, on n'en a jamais fini.
(Ma peinture repose mon écrit. Figure débile d'un dispositif qui fait pièce de plusieurs côtés.) Ma peinture — ce que j'ignore de mes livres qui pourrait en savoir trop. Pseudo-oubli, pseudo-mémoire, elle existe de mal séparer. Il n'y a pas un déchet-du-reste s'opposant à un reste-excluant-son-déchet : ma peinture est l'échec de ma peinture et de ma textruction (2) (c'est d'ailleurs pourquoi il ne peut y avoir un manifeste de la peinture nulle — et je veux qu'on me traite de néo-intimiste si je l'écris), sans doute ce qui ayant supporté un texte l'a encore trop retenu, trop signifiant déchet.
Ma peinture est nulle et elle est faible, sa lascivité tenace avère la faiblesse des fondements. Une pourriture — qui prétendrait encore devenir précise — s'étale, dans l'agrément : décor.
Décor, i.e. dégueulasserie du PRINCIPE lequel ne coïncide avec ni ne traduit aucun MODE de production (plutôt de consommation) mais renvoie une modalité, modulation sans écho, sans reflet, qui se propage. Et se mêle à la puissance calme. Ligne pulvérulente de zones anastomosées qui se défont, ailleurs, contre la manducation.
Scandale inavouable du consentement. À L'ARBITRAIRE.
Dans ma peinture où plus rien ne fait départ, ni périphérie ni centre, mais où aussi le bord fait défaut, le déchet glisse indéfiniment. Le mandala et l'arabesque affleurent dans la toile occident empâtée de psychédélique loukoum au moment où la lampe merveilleuse luit du pétrole orient. Plusieurs exotismes confluent, perte du sol et du visage.
Tous les canaux s'emplissent puis se dessèchent dans la croûte gris-blanc. Y circulent les intensités fonctionnaires, marquant beauté, marquant mort, presque dévoyable.
Il y a quelque chose de mort dans ma peinture. Quelque chose de mort dans La Peinture et dont se moque ma peinture.
Ma peinture va s'effacer définitivement vers ce point asymptote du déchet et du reste, ce point échangeur, point d'une utopie où chaque être n'est plus que point intensif et rapport intensif parmi d'autres points en phases diverses, et l'institution dessin de leurs mouvements.
« L'arabesque élimine de l'art l'idolâtrie, le trompe-l'œil, l'anecdote, la crédulité, la simulation de la nature et de la vie, tout ce qui n'est pas pur, qui n'est point l'acte générateur développant ses ressources intrinsèques, se découvrant sans limites propres, visant à édifier un système de formes unique­ment déduit de la nécessité et de la liberté réelle des fonctions qu'il met en œuvre. » (Valéry.)
Mais je peins l'immense mesquinerie accorte d'une menace nommée religion.
Arabesque impure du vieux corps qui N'EN REVIENT PLUS.
Je peins l'idolâtrie : de ne pouvoir peindre la perte.
Ce qu'on ne peut supporter longtemps : la conscience.
Ce qu'on craint par-dessus tout de perdre : la littérature.
En quoi on se trompe.
En particulier ici.
Il y a plusieurs sortes de décor. Le décor urbain, décor de justification et de contentement, d'ordre, de racolage, d'intimidation affectueuse, tautologie brillante qui se réassure. Le décor vernaculaire dans tout son authentique mauvais goût domestiqué par le tourisme moyen, qui en fait trivialement un décor. Le décor de tout ce qui mourant survit dans la mise à jour du bon goût, la platitude sophistiquée pour cadre, la nature à la carte, la glose sans fin. Le décor qui ne décore rien, décor indifféremment agréable ou dur, décor neutre, ni l'un ni l'autre, l'un et l'autre.
On arriverait à ma peinture.
Ici une seule forme, au sens le plus concret (préhensi(b)le - plutôt qu'optique), une forme prégnante et arbitraire, institue l'espace-temps (...pictural). Entre regarder et voir, elle pose l'œil comme pouvoir et dépense, le corps comme oubli et reprise, victime instigatrice du drame, proie despotique des métamorphoses. Ce qui est mis en scène : la mise en scène même : SÉDUCTION & DÉFAITE, sans fin.
Ma peinture aime l'œil, pas la rétine. Elle tombe de religion en religion, elle répugne au mysticisme. C'est pourquoi elle est, en un sens, facile, voire dégoûtante : elle ne lâche pas quelque chose qui ne la lâche pas. Y compris à côté de la peinture (et non pas hors de ma peinture).
Ma peinture ne recule devant rien, devant aucune bassesse, c'est son admirable parfum de théologie, son côtoiement.
La forme fait mémoire et se reproduit, mais toujours autrement. Dans le toujours-déjà pointe un déjà-encore, où ma peinture disparaîtra, où elle disparaît déjà, vers l'encore.
La forme organise la non-forme qui se déplace. L'investi fait aussi retour vers l'investissant, repro réellement duit mal. De duction (s) en duction (s) forme et non-forme échangent leur potentialité secrète, leur pouvoir discret.
Le neutre discrétionnaire se publie, inutilement. Se déploie le noyau gris qui est dans le noyau polychrome qui est dans le noyau gris. ORD(u)RES.
Moins énigmatiquement on dira que, dans ma peinture, un certain support passe dans une certaine surface, passage non pas déréférencié, non pas absolu­ment neutre, mais passage à l'oubli, déjà face d'oubli. Pour les fonctionnaires du logos, hommes de mémoire, ma peinture sera trop belle, encore trop, elle l'est. ENCORE.

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(1) TOIL, Christian Bourgois, 1975.
(2) J'ai fait partie du groupe TEXTRUCTION (que je quittai début 72) dont le projet affirmé était de subvertir la séparation culturelle et politique écriture/peinture, et l'idéologie qui la produisait (disions-nous à peu près alors).
Catalogue de l'exposition au Théâtre Oblique, 1975.

BIBLIOGRAPHIE

 

*Alain Borer, ndr


 

c) annexes

annexe I

né en 1939

Expositions collectives
1971 avec le groupe Textruction : Canada (Québec), Lorient.
1972 Nice (Théâtre Municipal), Paris (Ecole spéciale d'architecture, où l'exposition est vandalisée au nom de l'ART).
1973 Nice, La Rochelle (Rencontres internationales d'art contemporain - exposition mise à sac). Interventions personnelles

1973 Cerisy-la-Salle, Colloque Michel Butor : exposition sauvage de livres cutterisés.
1974 le 18 mai : 12 tableaux brûlés au centre de Lorient, ainsi qu'un exemplaire de chacun de mes livres (12 porTRAITS du Pouvoir, acrylique sur carton).

 

annexe II

annexe III


Paris, le 21 décembre 1975
CONCERNANT LE DESTIN MATERIEL ET MORAL DE MA PEINTURE, je Michel Vachey, passe avec Alain Borer, l'accord suivant (le Sacré Coeur de Montmartre ayant repoussé mon offre et ma soeur n'ayant pas répondu à ma proposition) :
le sort de ma peinture (18 toiles) sera joué aux dés comme suit, avec un seul dé :
si le dé tombe
1°) sur 1 ou 4 les 18 toiles seront détruites avec de l'acide sulfurique (ou par un moyen aussi radical découra­geant toute récupération) par Alain Borer lui-même qui pourra se faire accompagner et aider de Messire Gauvin. A cet effet, 5 décharges ont été indiquées par moi à mon ami Alain Borer;
2°) sur 2 ou 5 : les 18 toiles seront données à l'Hôtel Négresco qui a donné une réponse favorable ;
3°) sur 3 ou 6 : les 18 toiles appartiennent alors de droit à Alain Borer. NB - Je demande à Alain Borer de prendre à l'instant sur lui le sort réservé à ces toiles, dont désormais, je me désintéresse»

Je, soussigné, Alain Borer,
1°) J'accepte de prendre en charge la totalité de l'opération indi­quée ci-dessus, Michel Vachey se privant alors du droit d'inter­venir en aucun des points du déroulement du tirage au sort, et aussi d'intervenir après;
2°) Je m'engage à respecter le résultat du tirage au sort, quel qu'il soit.
NB — En cas de rupture du contrat d'une manière ou d'une autre, il est clair que je deviendrai alors un homme sans parole, cependant que Michel Vachey ne pourrait quand même pas reconsidérer le contrat pour décider de nouveau du sort matériel de ces 18 toiles provisoire­ment placées dans un no man's land juridique d'où seul un geste d'Alain Borer pourrait les faire sortir, dans une direction ou une autre.

Alain Borer
Lu et approuvé :
Signatures :
En présence de Ruzarija Spika-Borer (vérifier)
Je déclare que le dé est tombé sur le 2
M.V.
Je déplore que le dé soit tombé sur un 2
A.B
JE DIS: le 21.XII.75
A.B

annexe IV

annexe V

 

 

Préfecture de Paris
Direction générale de l'aménagement urbain
direction de la voirie
Services techniques du nettoiement
Paris, le 11 DEC.1975

Monsieur,
En réponse à votre lettre du 4 décembre dernier, j'ai l'honneur de vous faire connaître ci-après, les endroits où vous pourrez déposer vos déchets de bois et toile :
Décharge de Bercy
Tél. 628.75.96
Décharge de la Gare
Tél. 583.80.46
Décharge de la Petite Arche
Tél. 870.86.38
Décharge de Javel
Tél. 758.29.76
Décharge TIRU-IVRY
Tél. 672.49.20
672.32.05
Je vous prie d'agréer, Monsieur, l'assurance de ma considération distinguée.


L'Ingénieur Général des Services Techniques

Chef du Service Technique du Nettoiement


R. DELOUMEAU

 

annexe VI

Lorient, le 17 novembre 1975
Michel Vachey écrivain et peintre

au Sacré-Cœur
Monseigneur,
Après une assez importante exposition de mes oeuvres qui vient d'avoir lieu à Paris, j'envisage de donner à la Sainte Église de France 18 toiles (6 de format 92 x 73 cm, 6 de 116 x 73 cm, 6 de 130 x 97 cm) de caractère non figuratif.
Comme j'hésite encore (pour des raisons complexes qu'il m'est difficile d'exposer en quelques mots) à formuler une offre claire et franche quant à ce don, je vous demande simplement de me dire, au cas où je me déciderais pour un tel don à l'Église, si vous seriez prêt à accueillir ces toiles dans le lieu que vous jugeriez le plus opportun. Ma seule condition serait que «l'ensemble» de ces 18 toiles ne soit jamais dispersé et vous vous engagiez à les disposer de façon qu'elles se conservent dans le meilleur état possible.
J'ajoute qu'il n'y a dans ma peinture (de caractère bien sûr très moderne) aucun aspect choquant, et que, sans doute, un regard chrétien pourrait y lire une image de la déréliction, extase et déchéance, (Je ne dissimule pas qu'un tout autre décryptage peut être fait de cette peinture.) Puis-je espérer une réponse à cette lettre mal adressée?
Je vous prie d'accepter, Monseigneur, l'expression de mes sentiments les plus humbles,
Michel Vachey

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BASILIQUE DU SACRÉ-CŒUR 10/12/75
MONTMARTRE


Monsieur,
Bien tardivement — et il vous prie de l'en excuser — Mgr Charles me charge de vous remercier de votre lettre et de vous faire savoir que malheureusement, il ne lui est pas possible d'y répondre affirmativement.
Avec ses regrets, il vous prie d'agréer, Monsieur, l'expression de ses religieux sentiments.
J.BOISSART


Secrétaire

 

annexe VII

 

Lorient, le 17 novembre 1975
Michel Vachey
écrivain et peintre


à Monsieur le Directeur de l'HÔTEL NEGRESCO, à Nice.
Après une assez importante exposition de mes œuvres qui vient d'avoir lieu à Paris, j'envisage de donner à l'Hôtel Négresco 18 toiles (6 de format 92 x 73 cm, 6 de 116 x 73 cm, 6 de 130 x 97 cm) de « caractère informel ».
Si je me décide à vous faire don de mes toiles (j'hésite encore pour des raisons dont je ne peux faire état en quelques mots), seriez-vous prêt à les accueillir à l'intérieur même de l'HÔTEL NEGRESCO, dans le lieu que vous jugeriez le plus convenable?
Ma seule condition serait que l'ensemble de ces 18 toiles ne soit jamais dispersé et que, bien sûr, vous vous engagiez à les disposer de façon qu'elles se conservent dans le meilleur état possible.
Pourquoi un tel don, et à l'Hôtel Négresco?
J'ai vécu à Nice et Nice sert de « toile de fond » à plusieurs de mes livres. Le Négresco, en particulier, fait partie de ma mythologie intime. Lorsque qu'un moment circula la rumeur qu'on devait abattre le célèbre édifice construit par Edward Niermans vous n'imaginez pas quelles furent ma peine et ma colère. Et quand, récemment, il fut promu « monument histo­rique », j'exultais littéralement.
Bien que certaines de mes œuvres soient très appréciées, d'un public plutôt intellectuel, je ne suis pas quelqu'un qui cherche à vendre, et a fortiori qui aurait besoin d'une publicité quelconque. Ma proposition ne recèle donc aucune arrière-pensée, malgré sa bizarrerie — mais pourquoi serait-elle bizarre?
Je vous prie de croire, Monsieur le Directeur, en mes sen­timents les plus choisis.

Michel Vachey

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HOTEL NEGRESCO****
LUXE NICE (FRANCE)
Nice, le 15 Décembre 1975

 


Monsieur Michel VACHEY


Cher Monsieur,


Je vous prie de m'excuser de répondre si tardivement à votre lettre du 17 Novembre, dans laquelle vous me faisiez de très aimables propositions.
Ce retard est dû — et vous en serez certainement heureux — au fait que nous engageons actuellement une importante tranche de travaux de rénovation à l'intérieur du NEGRESCO, et notamment la climatisation de toutes ses chambres.
Ces travaux doivent être terminés avant la saison prochaine. Je suis donc particulièrement submergée actuel­lement pour cette raison.
Toutefois, je suis très touchée du don que vous envisagez de faire à l'hôtel.
Je pourrai, bien entendu, vous donner toutes les garanties que vous souhaitez.
Vous serait-il possible de m'adresser quelques photos de ces toiles afin que nous puissions étudier la meilleure façon de les mettre en valeur ?
Dans l'attente du plaisir de vous lire,
Veuillez croire, Cher Monsieur, à l'assurance de mes sentiments les meilleurs.


Jeanne AUGIER - MESNAGE

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