Transcription :
Joachim Clémence
Relecture :
C. de Trogoff, L.L. de Mars
Armoires
décembre 1966 Phantomas n° Apparatus (63-67)
Une idée d'escalier
devient inutilisable dans les feuilles
Le miroir le plus limpide
Se hérisse en chaos de crevasses froides
Narcisse sa tête saigne
contre un Niagara pris
A travers la loupe compte-fils
la plus grande blessure disparaît
lui ― tombe en son œil contre le vaste
la plaie l'eau s'entr'avalent
On passe dans ce qui passe
mais les vitesses diffèrent
deux courants se remontent
tandis qu'ils se descendent
Dans les hauts-lieux stridents
fins nœuds d'interférence
une femme meurt où l'arbre se saisit
on peut dire suave : comme l'acier
Une idée de feuille
fait tomber l'escalier
Quand la vieille moud son café
tous les proverbes
sont vrais à la fois
Mais les escargots même
ont le sens du galop
― Alors ?
― Qu'importe
croyez toujours ce qu'on vous dit
je crois toujours ce que je dis
(un jour ou l'autre)
ainsi
la main de bronze
sur certaines portes
linge dans l'armoire terrain vague
vitrine de coutelier où l'on compose un meurtre
imaginaire
panneau
SENS
interdit arraché
qu'on retrouve en plein champ
cancer étoilé
du pare-brise
possible image de la fatigue
le percolateur chromé
où est écrit un nom
lunette de
soleil verres brisés
sur certaines portes
une main (en cuivre)
ampoule pharmaceutique près de l'assiette
clous
dans un verre
sur l'ETABLI
gens dans les salles d' a t t e n t e leur visage
pièce de monnaie
X
trouée
sur le mur
bombé
D.S. 19
la forme des
nèfles
posologie raccords
des tuyaux
lecture machinale
objet oublié par l'ancien des étiquettes
locataire
objet inepte auquel
on TIENT
ou dont on ignore l'usage
la bille
du stylo
à bille
clé qui n'ouvre rien
pupille du réparateur de cycles
qui règle la r o u e
VOILEE
songeries
dans le FLACON
― l'ardillon
des boucles
armoire à glace
sans glace
l'aiguille hypodermique
qui
annule
la flèche
en fonte
des cathédrales
et si j'aime habiter
la boutique
de Benjamin Vautrier
je regarde un arbre
le bois
du bois
et la lueur du bouton d'or
sur la gorge des enfants
comme réponse
à leur question
rognures d'ongles près du buffet
dans la maison déserte
(une fenêtre qui n'a pas été fermée) photomaton
lunules
gants sur la table
CIGALE géante
en céramique
yeux des femmes à seize heures
dans les grands magasins
air
des CHAMBRES A
air
tringles
dans le
béton
dragées oranges
image pieuse
fenêtres peintes
des façades
four
éteint
plaine basse recouverte
par les eaux
LA DENT
enveloppée
par un enfant pâle
la guerre
l'installation sanitaire
dans la vitrine
transparente
le HEURTOIR des voies
ferrées non nos perplexités
devant l'écumoire
UN VERRE D'EAU
DANS LA CUISINE
près d'un oiseau vivant
le sigle
des étains
le tronc
d'un arbre commun
penderie vide
sphère d'eau
où il neige
où l'on voit
le paquebot Normandie
peigne
brûlé
le joueur d'un loto
quand résonne
dans la tête la phrase :
bouge
une crête de coq
sur le marbre du dentiste
Les murailles sont une étoffe
poreuse
le corps
dénudé
encore plus nu
à travers le visage
défait
dans le regard
les yeux voient
vers d'autres yeux
un arbre blanc
D A N S L
E miroir
caillé
Entre l'eau mobile si silencieuse
et le vide polychrome
Entre l'inondation
et le tic-tac inouï de la pierre ponce
Entre famine et oracle :
une crispation splendide
Armé d'être désarmé
j'avance dans la Mer Rouge
I m m i s c é entendre
la musique
des c o n f l u e n c e s
fiancée du soleil
dans les catacombes
Le reflet de la peau
l'œil
Quelque chose se complique
puis s'ouvre dans les pierres crues
La peau du reflet
Cathédrale somnambule
rosace
tympan d'eau
une bête se multiplie
le Graal
est
dans les chiffons
un autre dialogue
outre
s'entend seul