Transcription : Marie-Valentine Martin
Relecture : C. de Trogoff & L.L. de Mars
©Marie Léonore Vachey
BOULE À PHRASES - inédit, 1984
AXIOME
II: La neutralisation arbitraire « au service » de la
société existante (et alors le seul fait de vivre dans
cette société, qu'on la conteste ou non) constitue une
découpe juridico-politique de soi, une homogénéisation
forcée, un topos dont l'arbitraire peut, sciemment ou/et
inconsciemment, être retourné contre le grand topos
éco-po, où ça fait brèche, rejeu.
Pas
de temps libre opposable à un mauvais temps libéré.
Le présent de tout système fait inégalement
retour en un point quelconque : il y a toujours l'arbitraire.
Il y a, une fois le Travail fini, du Non-Travail qui sera libre ou
libéré selon la capacité de chacun de
s'abstraire, en devenant subjectivité concrète et non
plus effet social, la société envisagée
serait-elle future.
Le
temps « libre » a partie liée au Travail et au
Non-travail mais il s'agit avant tout d'un double lâchage.
Passion quelconque qui d'être vraiment passion et quelconque
est immédiatement politique. En tout point quelconque
(individu, organe, geste, mot, syllabe, livre, rencontre, couleur,
rythme, etc. ) la politique naît, engendre, dégénère.
Dans le code, il y a toujours de l'ETC qui erre, distord, fait
boomerang pour marquer à côté. Et le code n'est
rien que la suite inégale, hétérochrone,
hétérotope, de l'ETC qui le supporte
fantastiquement.
Les
« glandeurs » (et non pas les bricoleurs),
laissés-pour-compte du dilettantisme distingué, sont de
formidables producteurs anonymes de socialité.
Le
mépris aristocratique des politiques pour l'écologie
(par ex. ), c'est le mépris du quelconque dans ce qu'il a de
plus indéniable. (Écofascisme, disait le
fascisme-léninisme) .
La
politique, « dimension » nécessaire, la plus vide.
L'État, nom neutre du jeu à jouer, nom de
rien.
Remplacez
le nom d'Allah par celui de la société et celui du
groupe professionnel ou additionnez les trois noms, si vous êtes
religieux ; remplacez le concept d'aumône par celui de
coopération, d'un travail, d'une prestation faite en vue
d'autrui : vous aurez une assez bonne idée de l'art économique
qui est en voie d'enfantement laborieux. (MMED)
«
il ne faut jamais mentionner le nom de Conan Doyle ( ... ) Si vous
devez faire allusion à lui ou le citer, vous ne pouvez jamais
faire autrement qu'en l'appelant « l'agent littéraire du
Docteur Watson » . (MJB)
Ce
qui reste pour moi égale — inégalement — ce
que je dois
faire, afin de rester — autrement — , en défaisant,
en refaisant, en ne faisant pas cet
ordre.
Tragédies
dogmatiques... On a des concepts à sauver. On prend des
risques morts. On en souffre et fait souffrir pas moins. Parler de
mort plutôt que de retard. Il y a toujours, su ou insu, à
prendre de toute façon, des risques.
Théorie-Politique
à gauche, Kitsch à droite ? On ne se rencontre
jamais.
Le
nom signe l'infamie comme la gloire, la puissance, le stigmate.
Naïveté coupable, et dangereuse, que de vouloir supprimer
le nom. Il faut que ce beau et petit monde moral bascule dans
l'empirie sans prescription ni proscription, sans terme. Inégale
est l'aventure, hors des agences de voyage.
Inégale,
androgyne, l'impossibilité de tenir dans un rôle,
masculin, théorique, politique, professionnel, esthétique,
etc. L'androgynie est ce par quoi on est toujours trahi, débordé,
confluent de tous les « rapports » . Ineffable fabulant
du vécu.
Dans
les fêtes masquées du Cumberland Sound ( ... ) l'un des
masques représentant la déesse Sedna accouple les
hommes et les femmes sans tenir compte de leur parenté,
uniquement d'après
leur nom.
(MMED)
Qui
songe à nier la lutte des classes, la division des sexes ?
Mais la femme est aussi introuvable que le prolétariat. Il est
juste que les femmes détruisent le langage, et la langue,
phallocratique. Il est difficile de croire à un langage-femme
qui ne soit en même temps le langage futur d'un homme futur,
éventuellement déjà là chez certains qui
échappent au stéréotype, au pouvoir mâle.
(Ou alors on a affaire à du militantisme libidinal féminin,
encore de la littérature engagée) .
L'arbitraire,
c'est le factice que je n'ai pas fait.
On
n'a jamais vu duction
sans repro.
Le moyen
est mouvement de la spirale qui se déplace, se défait,
se refait et se replace. Interrègnes du pseudo.
Une
alternative domine toute la conscience sans milieu. (MMED)
l'état
sordide est centralisé d'une façon tout-à-fait
aiguë ; la dépression nerveuse est grande ; il y a perte
d'énergie physique ( ... ) et finalement se produit une
complète « enargeia » ou la mort.
(MMED)
L'obligation
n'explique rien, l'échange symbolique ne signifie rien. Au
début, le désir et la dette. Le moi tout au bord de
l'espèce. Peut-être le surmoi comme forme transitoire,
générique du moi.
Le
temps-espace de l'échange symbolique est celui de la terreur
archaïque totalitaire. Que l'État, entre les mains d'une
classe ou d'une maffia, soit un instrument d'oppression ne prouve
rien contre « l'État » .
LE
PUBLIC, LE QUELCONQUE
«
Oh ! monsieur Bond ! J'ai tellement aimé votre Dr No ! »
(MJB)
On
croit que c'est aux dieux qu'il faut acheter et que les dieux savent
rendre le prix des choses. (MMED)
Être
soi-même l'État pour que Dieu ne soit pas ? Le moi c'est
l'État. Ce qui n'est pas diviniser la Capital. Le don est une
face de la Némésis dont l'envers est la vengeance. Le
sacrifice est devenu laïque, ni plus ni moins logique.
Partir
du fantasme comme pseudo-neutre.
Celui
qui n'invite que des amis au Cradha
ne va pas au ciel. Il ne faut inviter ni amis ni ennemis, mais des
neutres. (MMED)
La
pensée du neutre est autrement puissante que la logique
sacrificielle. Autrement différente, autrement variée.
(L'étude systématique du neutre est-elle frappée
de tabou en France par la corporation politiste ? )
On
peut, jusqu'à un certain point, juste avant que les choses se
gâtent, nier l'institution, « faire quelque-chose »
. Si au départ on fait fonctionner à tout coup le
paradigme oppositif révolution/entrisme, il ne reste plus,
dans le mépris de l'ici et maintenant en situation moyenne,
qu'à attendre le nouveau Code. Que son règne arrive
!
les
dieux savent rendre le prix des choses (MMED)
Reproduction
dans un hymne, de syllabes appartenant au nom sacré qui est
l'objet de l'hymne. (FSA)
Temps-intense
du prestige et de la peur, de la danse, de la mort, du défi
démesuré : rythme magnifique des culpabilités
terribles et sans limites. Sociétés sans État où
l'État est partout, ombre hybride des imagos redoutables.
Le
papamaman en quête de responsabilité méconnaît
l'État parce qu'il en attend tout. C'est la matière de
sa critique.
L'ambivalence
est l'effet logique du neutre.
La
pensée révolutionnaire fixée au code est une
idéologie métaœdipienne.
À
partir du moment où, pour désigner une politique, on
suffixe un nom propre (marxisme, gaullisme, etc. ) on est déjà
dans la religion. Avec la suffixation de quelques noms abstraits
(socialisme, anarchisme, etc. ), ça ne va guère mieux.
L'autogestion, dès qu'on ne se réfère plus à
des pratiques sociales concrètes, devient vite un grand objet
mystérieux, une châsse.
L'écrivain
joue son nom pour être anonyme, mais il n'y a pas, au départ,
un désir d' « anonymat » . Proust, Kafka, engagent
leur nom. « Proustien » , « kafkaïen » ,
qualificatifs journalistiques aveugles, pour réduire, pour
nier Proust, Kafka.
Le
capitalisme est l'actualisation et l'historisation à l'échelle
mondiale d'un dispositif pulsionnel dont la bourgeoisie financière
et industrielle s'est faite l'exploitante. L'État bourgeois
est un compromis d'exploitation et de concurrence. Mais le
prolétariat n'est pas le dehors du Capital. Le capitalisme
n'est pas le fait de la classe bourgeoise, il est le produit des
luttes sociales les plus contradictoires, la résultante active
d'une incohérence fondamentale. Même si la bourgeoisie a
le rôle dominant, le capitalisme est aussi celui du
prolétariat.
Contre
le complexe militaro-industriel-financier qu'est l'actuel capitalisme
impérial, les vieux manichéismes disciplinaires nous
promettent l'échange d'une barbarie.
Le
capitalisme a toujours été un néo-capitalisme
(Deleuze et Guattari). De même néo-positivisme,
néo-fonctionnalisme, néo-naturisme,
néo-contractualisme, etc. Néo et pseudo.
Jouer
le reste en
plus
qui déplace le moi. Non le reste manquant
de l'idéal du moi. Ça ne peut pas rester.
En
France, un certain communisme a pu produire un certain fascisme.
Dialectique de la peur. On n'a jamais raison d'être fasciste,
mais les évènements ont prouvé qu'on a parfois
raison d'avoir peur.
Ma
liberté est impossible à prouver. La conscience n'est
pas la liberté. L'action lucide ne l'est sans doute pas. La
liberté surmonte la peur, défait la répétition.
Elle procède de conditions objectives mais en fin de compte
elle relève du sentiment.
Heureux
celui qui défraie réellement chronique et topique !
Hommes aventureux, réinscription permanente.
Combat
de l'art et du pouvoir, labyrinthe de haute lutte. Il y a hors de
toute valeur, des forces et des faiblesses, des chemins plus ou moins
longs, des travaux. Ce sentiment: tu es non pas l'instrument d'une
puissance supérieure (État, humanité, art,
science, cosmos, espèce, etc. ), grand X fondateur et à
fonder, mais tu
es cette puissance même
qui n'a pas à hésiter entre un « support »
et une conscience greffée. En cette seconde de rêverie
innocente, tu te surprends, corps arbitraire, à sourire sans
code. Tu sais (rêveusement) que tu peux modifier un univers qui
te modifie. (Ceci loin des petits délires hitlériens,
avec une tendresse toute pragmatique)
Joie
— qui envahit la tristesse de l'être « enreste »
.
Se
vouer à l'État ? Se donner aux autres ? Être le
Capital. L'effectuer dans le neutre du fantasme. Peu importe de
perdre la face, en ne se réservant rien tout revient.
On
dit de l'un des grands chefs mythiques qui ne donnait pas de potlatch
qu'il avait la « face pourrie » (MMED)
«
le nom est mauvais » alors, disent les Haïda (MMED)
«
Nous sommes déjà pourris par le dollar. Un vieux dans
un village me disait récemment: « Nous mourrons...
riches » . (Jacques Decornoy, La Micronésie, 2000 îles
pour l'Oncle Sam, Le Monde, 21.8.76. )
ils
(les taonga)
sont priés de détruire l'individu qui les a acceptés.
C'est donc qu'ils contiennent en eux cette force, au cas où le
droit, surtout l'obligation de rendre, ne seraient pas observés.
(MMED)
Si
toute existence peut être figurée par une ligne
constituée de segments polychromes dont certains indiquent le
changement, la stagnation, etc. aucune ligne ne ressemble à
aucune autre. Si on compare différentes lignes individuelles:
un segment de ma ligne ou d'une autre peut correspondre pour moi
à quelque chose de mort, pour toi
à quelque chose de vivant. Ce qui maintenant te fait vivre me
fit vivre autrefois mais ne correspond plus à rien pour moi:
ce n'est pas nécessairement mort, ou incompréhensible
pour moi, mais mon réseau se dispose autrement.
Où
est le retard ? Où est l'avance ? En vertu de quel évènement,
de quel bonheur, de quelle vérité, de quelle théorie
unitaire ?
Ceux
qui se croient et sont peut-être « en avance » le
deviennent peut-être s'ils pensent réellement le «
retard » des autres au lieu de vouloir le mater, théoriquement
cela est légitime, mais aussi physiquement en écrasant
une distance, une durée entre deux points idéaux.
L'Histoire en devient une physique: une physique morale.
Le
leurre serait de parler de deux points. Ces vieux débats sur
l'idéologie et la violence sont d'ailleurs incontournables.
Et, dans la vie quotidienne, on désigne bien les «
dégueulasses » — ce qui, au niveau théorique,
est le signe révélateur d'un non-vu.
Tout
ça est difficile. C'est pourquoi la masse préfère
la chanson. Mais là encore, le Programme ne s'entend guère
aux Variètés. Sardou est à la France de
Poniatowski ce que Ferrat est au PC.
La
gaieté, la fatigue, le récit, commencer là. La
compulsion montrée, sa défaite. L'arbitraire du et des
codes, la non-cohérence de l'ensemble où trace le fil
retors du désir. Le récit est le seul lieu possible de
l'humour généralisé, quand l'espèce et
l'histoire se disjoignent dans la plus minuscule histoire. Et tout
être, dès qu'il raconte, dès qu'on l'écoute,
est porteur d'évènement.
L'humour,
dès qu'il est pratiqué, est vite un genre
réactionnaire. Sainte famille qui s'éclate... À
moins que ça aille à la manière du gag. Car dans
l'humour le plus subtil c'est encore un mot, un concept, avec ce que
ça implique de posture, qui manque une marche sans
obligatoirement se casser la figure.
Le
gag, la danse, la prestidigitation, les techniques intellectuelles et
psychosomatiques, très grands arts. Quand seront-ils au
programme des universités ? Tous les Crétois ne sont
pas seulement menteurs mais idiots, maladroits, crédules,
vicieux, laids, injustes.
OUGHT-OUGHT-SEVEN
Une
proposition telle que /entre A & B/ pose des stabilités A
& B, postule la possibilité de connaître leur
relation, considère comme connu la signification de /entre/,
/et/.
Proposition
compacte qui connote et qui dénote — tautologie
merveilleuse — un « problème » déjà
résolu et un état de fait. Tout est donné et
défini en même temps. /entre/, /et/ n'indiquent aucun
dehors phénoménologique, au contraire ils procurent
l'illusion empirique.
Cependant
A & B sont déjà des objets (au moins implicitement)
théorisés.
Théoriquement
& pratiquement, il y a théorie et pratique aussi bien au
niveau de la théorie que de ses points d'application.
On
est dans le mixte, l'hétérogène, le neutre, la
pseudo-cohérence. Ce n'est pas faire l'apologie de
l'ignorance. Il ne s'agit pas de refuser démagogiquement la
théorie, mais de dénoncer l'utilisation instrumentale
qui en est faite. L'impérialisme théorique ne peut au
demeurant bâtir qu'un empire kitsch. La rigueur kitsch.
Les
principes de droit qui président au marché, à
l'achat et à la vente, qui sont la condition indispensable de
la formation du capital, doivent et peuvent subsister à côté
des principes nouveaux et des principes plus anciens.
(MMED)
Esthétique
du patchwork, éthique de la latéralité.
Radicalisme, selon les mauvais plaisants. Nous fera-t-on le
tout-autogéré, comme le tout-électrique et le
tout-à-l'égoût ?
D'autre
part, ces institutions ont un côté esthétique
important dont nous avons fait délibérément abstraction
dans cette étude: mais les danses ( ... ) tout est cause
d'émotion esthétique et non pas seulement d'émotions
de l'ordre moral ou de l'intérêt. (MMED)
on
fraternise et cependant on reste étranger (MMED)
Dans
le film socio-fictif Soleil
vert,
la destruction de l'environnement, la disparition des aliments «
naturels » , l'entropie urbaine, ont produit un État
policier en état d'urgence, gynéphobe. Pour se nourrir,
plus que des aliments synthétiques dont la distribution
occasionne des émeutes. Le héros du film, opposant au
régime la terreur capitalo-technique, découvre que le
Soleil vert, aliment synthétique très prisé de
la population, est fabriqué avec des cadavres humains
directement fournis par le mouroir (où n'importe qui peut
venir mettre un terme à sa vie dans des conditions d'hygiène
et de confort ad hoc).
Film
moral, voire réactionnaire, si on se place dans une pensée
du code. Film mythologique (non critique), si on se place dans une
logique (ici, c'est vrai, unilatérale) du fantasme, si on
admet que Soleil
vert
met en scène un possible socio-politique. Film aussi légitime,
tant l'idéologie productiviste est vivace, que tels montages
brechtiens mis au carreau politiste.
Production
mythologique parce que le réalisme est en même temps au
service d'une métaphore aveugle (non seulement le capitalisme
se nourrit de cadavres, il dévore les hommes vivants, on le
sait). Tout a donc lieu au lieu même du fascisme, où ça
effraie — où la parole politiste pose également
ses filets.
Savoir
atteindre les autres, les divers autres, sans les manipuler, sans les
généraliser,
voici la science, voici l'art. (Art et Science du changement de ce
qui doit
et peut
changer. Car pourquoi changer ? Qu'est-ce que changer ? Pas
uniquement pour maximiser).
À
la TV, le film La
septième chaîne,
où le drame réunit l'axiome réac selon quoi les
médias rendent passifs et la conscience crépusculaire
pré-électronique faisant de ces médias une
puissance maléfique. En effet, on voit Pierre Brasseur en
odieux astucieux pervers, meurtrier sans meurtre, provoquer une
tragédie sanglante par auto-suggestion à l'aide d'un
circuit fermé dissimulé. Film inframythologique, selon
le mode réaliste. (Ça fait passer le temps et on n'a
pas mieux à faire).
Deux
tentations absolues, deux fascinations: celle du code (théorie),
celle de l'effet (mythologie). Quand le code fonctionne sans
parasite, quand tous les effets sont réglés, quand
théorie et mythologie s'entretiennent, on a affaire au
totalitarisme. L'État (capitaliste ou pas) dirige le Capital.
Ou l'État n'est plus que l'alibi du capitalisme (le Capital
sert une maffia).
Dans
les paragrammes Saussure cherchait le nom du Capital.
«
La raison peut
avoir été
dans l'idée religieuse qu'une invocation, une prière,
un hymne, n'avait d'effet qu'à condition de mêler les
syllabes de nom divin au texte » .
«
La raison
peut avoir été
non religieuse, et purement poétique: du même ordre que
celle qui préside ailleurs aux rimes, aux assonances, etc.
»
Ce
qui « sépare » le mot-thème de ses relais
phoniques est la distance même de l'État à
l'Espèce. La dissémination langagière n'est que
le bruit du langage roulant sans fin sur lui-même
(Starobinski). Bruit d'os et de galets du Capital. L'hypogramme
métaphorise le va-et-vient décalé entre le mythe
et le code, collusion et subversion réciproques, «
préoccupation hors de laquelle il ne se croit peut-être
pas (l'écrivain) le droit d'écrire une seule ligne »
.
Imaginer
les objets comme des ruissellements hétérogènes
de la pensée et celle-ci comme une forme ruisselante qui vit
de son écroulement ininterrompu. Ainsi le neutre de l'État.
«
Tout se touche, et on ne sait où s'arrêter »
(FSA)
«
les vaches sont doubles au bord de l'eau » , écrivait
A.B. , 1970. Réclamer le droit de décevoir.
Dans
sa préface à l'Essai
sur le don,
Lévi-Strauss évoque l'émotion de Malebranche
lisant Descartes. Je m'en émeus fortement. (Courant chez le
libraire pour retrouver ces lignes dangereuses).
En
temps de guerre, de révolution, il arrive que des savants, des
artistes émigrent. Certes ils sont mieux informés,
parfois plus riches que la masse. Pas plus lâches. D'ailleurs,
il y en a d'autres, « quelconques » , qui partent avec
eux. On peut rester, trouver son neutre dans la lutte armée.
Simple constat, ne prouvant rien.
«
Chacun se donnant à tous ne se donne à personne »
. (JJRCS)
Plutôt,
chacun ne se donnant à personne, se donne à tous —
à tout hasard.
«
Avez-vous lu le conte 007 de Kipling ?
-
Kipling ? !
-
Oui, Kipling. Il l'avait intitulé Ought-Ought-Seven »
(MJB)
Du
« biologique » , du « social » , etc. on n'a
plus la même idée qu'Engels ou Freud (qu'en bonne
herméneutique le matérialisme ait à s'en
arranger, que d'aucuns citent Freud parce qu'Adler pourrait être
toujours gênant, rien de plus normal, normalisant). Sur
l'autonomie individuelle, il n'y a pas d'accord total entre les
contemporains même sur une définition complexe. Mais on
peut supposer que cet accord viendra. Il restera une chose: le
rapport d'un moi à un (et des) savoir(s), à une découpe
instituée (et aux instituants concrets qui font un découpage),
aux limites.
Dans un groupe hypothétique disposant d'un même savoir,
en outre (on ne lui refuse rien) d'une même épistémologie,
les limites théoriques explicites ne coïncideraient pas
avec des limites libidinales (d'un dehors qui en deviendrait un
dedans et vice-versa). À moins d'avoir affaire à de
redoutables fanatiques, à une maffia, des robots ou des
morts.
Traversant
non seulement les fantasmes mais toute
la vie de celui qui ne viendra jamais à bout de rien, qui vit
sans pouvoir se reposer, sans support (du moins unique ou stable),
l'axiomatique
implicite
qui échappa à une critique grossière de
l'idéologie dominante. Axiomes même de la mort, auxquels
seule la mort biologique donnera finalement un nom, façon pour
l'espèce de s'en tirer.
Sion
nomme vécu
le sentiment (pratique) d'un dedans et d'un dehors (la « vie »
n'est que le at
multivoque de leurs recouvrements & va-et-vient) et forme
la pensée que déploient des axiomes en prise sur le
réel (pseudo-réel), on s'aperçoit qu'il n'y a ni
une ni deux barres, ni une barre double, mais le mascaret
de la forme et du vécu, lesquels ne sont d'un côté
de la barre du mélange que pour qu'ils soient et parce qu'ils
sont déjà & encore de l'autre. Barre qui est aussi
le contraire d'une barre, marqueur (au sens bio-chimique et ludique)
plutôt que marque, sauvagerie de l'axiomatique implicite où
ne vaut plus aucun principe (y compris celui de Gödel), où,
en tout point quelconque,
vécu et forme, moi et non-moi, axiomes et pseudo-réel,
nommant et nommé, nommable et innommé, s'échangent,
se renversent SANS AUCUNE SYMÉTRIE et c'est pourquoi on ne
peut même pas parler de mode paradoxal (le connu
et inconnu des sciences — l'élément jamais
connaissable en tant que tel — devenu ou devenant
alternativement l'inconnu
du sujet qui se vit connu et inconnu de lui-même et des autres,
etc. , principe d'incertitude ontologique peut-on dire, lequel n'est
pas un principe mais l'énigme de mon propre moi errant et
limité où errent des limites, et RIEN).
La
barre est l'index mixte d'une mixité dont l'absolu est le
relationnel le plus relatif, le prototype du philosophème
nommant rien jouant à quelque chose, la pulsion narrative
saisie en plein vol (pleine nage), fantôme de l'énigme
fondamentale (l'épithète est en trop).
Essence
sans essence du romanesque...
Il
ne s'agit pas de repérer des effets. (Plutôt ce qui
aurait lieu « entre » les règles et les effets —
chers entres ! — , mais aussi bien dire que ça se passe
dans
les règles. Pourtant l'excès n'est guère plus
intéressant que libido ou élan vital).
L'axiomatique
implicite ne s'explique jamais, par définition, c'est-à-dire
qu'elle passe son temps à ça. On proposerait l'idée
d'un texte où la compulsion est prise en écharpe par
l'axiomatique implicite, où ce qui sort invente des figures.
Il y a un formalisme pulsionnel où le micro-libidinal aveugle
la dimension mythique (laquelle ne peut être proposée:
le fasciste, lui, pense qu'il faut inventer des mythes, parce que le
peuple en a besoin, plus exactement: les mythes dont le peuple a
besoin). D'où les commentaires d'une pédagogie
obsessionnelle, terne, où le politique marque le temps fort.
Retour du refoulé sans doute.
À
toutes les pratiques aristocratiques jouxtées de leurs gloses,
il faut opposer une anthropologie erratique du quelconque
tirant toutes les « dimensions » , une espèce
indéfiniment bâtarde de littérature picaresque:
toute barre déplacée, le voyage du roman est un des
noms de la barre ultime, l'espèce SANS RÉPONDANT,
l'espèce faite histoire malgré l'Histoire, tracé
inouï de moments-lieux divers
où j'imagine, en asymptote, Refoulement et Forclusion échanger
leur signe, leur position respectable et leurs gradients.
Quand
Mère = Terre = Réalité = Monde = Langage, qu'en
est-il de la culpabilité ? Une peur d'être déchet
qui joue au reste. Les antiques imagos demeurent, se masquent en
modèles et en hasards, s'achèvent paradoxalement dans
un culte de l'impersonnalité. Réaction à
l'asymbolisme social, le responsabilisme politique introduit la
culpabilité moïque. Comme si ce monde-ci était
plus illusoire, plus aliénant, plus complexe qu'un autre, plus
dangereux. L' « ambivalence » peut se ramener à
cette platitude qu'une situation historique donnée de Mitleben
(vivre-avec) n'est ni plus ni moins justifiable qu'une autre, que
dans un certain état d'équilibre où les coûts
de la « liberté » sont socialement tolérables
les choses ne sont ni bonnes ni mauvaises, à la fois bonnes et
mauvaises. Entre l'attitude magnifique du (je cite de mémoire)
« nous ne voulons pas d'un monde où la garantie de ne
pas mourir de faim s'échange contre la liberté de
mourir d'ennui » et l'attitude de relativisme radical pour
laquelle, l'institution en soi n'existant pas, c'est le rapport
historique « à » l'institution qui est essentiel
(et donc que peu importe l'institution, à la limite), tous les
degrés du COMPROMIS. (Ce qui, en somme, a lieu entre les
masses & la
masse, et... des
individus. )
Pas
d'humanité-peuple-nation-système-etc-Référent
où rien ne serait refoulé. Ajouter, refoulé
identiquement. Nous sommes, « un point c'est tout » ,
arrivés ici (comme d'autres ailleurs... rendant possible ce
coma), et ce nous se balade quelque part entre les imagos mortes ou
défigurées, le moi, le désert sans bord où
politique, poésie & gangstérisme mélangent
leurs traînes de bruit. Douceur, cruauté, de tout temps
et de tout espace, dont seul le mode change. Dans ce monde
indiscernable de l'invention & du meurtre, l'État (se)
recentre d'autant plus qu'il est résiduaire, porteur des
limites,
le Grand Forclosier. Il devient in-utile si l'économisme et le
didactisme greffés sur l'instinct de conservation s'effacent
en conscience anthropologique (cosmique), moins en savoir qu'en VOIR,
quand le théorique (pulsion bien légitime, comme peut
l'être la pulsion politique, picturale, clownesque, et pourquoi
pas flic — on a ses bons flics) se subordonne au sens de
l'énigme, gravement, gaiement. La beauté est politique.
(On est aussi fleur bleue).
Rien
(à priori) n'empêche une région, une unité
de production, de se comporter en micro-État, avec son
oligarchie et ses serfs, ses aphasiques et ses logocrates, ses
bénéficiaires, ses sacrifiés (1). Plus un groupe
humain réduit s'autonomise, plus dans un conflit, la menace
d'intolérance est grande, moins sont possibles la fuite et le
recours latéral. Il n'y a que des solutions rigoureusement
historiques et géographiques. La politique, qui suit toujours,
est toujours à réinventer. Ne voir dans l'État
qu'un appareil coercitif central c'est faire implicitement l'apologie
de la terreur. Même s'il n'y avait plus d' « État
» , il y aurait encore de
l'État quelque part, une actualisation du pouvoir impliquant
du non-choix pour un certain
nombre.
La violence est sans origine ni fin, et sans raison. (Savoir &
non-savoir se rejoignent).
Les
nomades emportent une bien bonne terre à leurs semelles de
vent, tandis que la monade sédentaire se renouvelle
intégralement (sauf que tout le monde vieillit) dès
qu'en chaque point quelconque l'enthousiasme et la mort se reprennent
sans
arrêt.
Voyager ou pas, c'est selon.
Des
films tels ceux de Werner Herzog n'indiquent pas une nostalgie
classique mais qu'on se détourne de l'impressonnisme et des
démonstrations. Se fait sentir non pas le besoin de nouvelles
sciences et Weltanschauugen, mais le goût intransgressible,
sans âge, de voir.
Pas regarder, pas contempler, mais voir. La description, manière
impure, parfois bassement connotée parce que follement
hétérogène, vient trouver un dessin. Dessin
récupérateur, peut-être, mais en prise forte sur
la mémoire et sur l'oubli, finement grandiose. Dessin pour
qu'il n'y ait pas destin.
Il
n'y a pas d'inconscient. Il y aurait plutôt de l'invécu
que de l'impensé. Il y a d'abord, pendant, ensuite, le moi et
ses
glaçages du dedans et
du dehors, le glacis même de ce ET libidinal-problématique
où la conscience est aussi bien inconscience (parce que le
moi, comme stratégie vitale, ne peut « penser à
tout » , ni « tout faire
» , etc. , et qu'il y a des pseudos-totalités), où
la volonté de puissance est aussi puissance de l'involontaire.
Cela n'interdit en aucun cas (au « contraire » ! ) que le
moi épistémologique ne regarde le moi objet, le rapport
entre ces deux moi
est toujours impropre (aporie fondamentale, et non paradoxe), le lien
entre science et désir incommensurable. Heureusement ( ... )
il y a (sans invoquer une force des choses)
sagesse. Celle qui vient de toutes
les luttes. On constate. Sapience bestiale du non-rapport
reste/déchet où le moi fait barre jusqu'à perte
d'État. Point des conjonctions et disjonctions, point du et
& du ou (ah, la formidable puissance érotico-politique du
trop fameux et/ou — où ces pauvres journalistes bien
français n'ont voulu voir qu'un tic d'avant-garde... ce qu'il
fut aussi), trou de l'amoralité (rature de l'accent du où,
chez Butor, chier
le cerveau,
chez M.Roche) où savoir et voir, voir & vouloir, trinité
en asymptote dans le fascisme, sont un battement in-cohérable
et/ou indiscernable, oscillation irréductible d'un dehors qui
fonde/défonce actes & syllogismes, paradigmes &
paradoxes, possibilité & inanité de tout axe
(distributeur), événements, silences, vie.
:
les citoyens de l'Allemagne fédérale ne se sont pas
prononcés pour des idéologies, pour le socialisme ou l'
« humanisme chrétien » , mais pour un mode de
gestion de l'État.
Le
Monde, 5 oct. 1976, Éditorial.
Les
noms des divinités se trouvent enchevêtrés de
telle manière que certains sont réduits à n'être
plus que les épithètes des autres; ainsi à
l'apogée du « Nouvel Empire » ( ... )
Freud,
Moïse et le monothéisme (Idées-P)
-
Dans quel médaillon ?
-
Dans celui que vous m'avez donné.
-
Celui que je t'ai donné avec mes cheveux ! Et qu'as-tu fait de
mes cheveux ?
-
Ils y sont toujours; les voilà, répondit Pauline en
présentant le médaillon.
-
Mes cheveux mêlés avec les poils de l'âne !
s'écria la maman avec emportement. Ah ! C'est trop fort
!
Comtesse
de Ségur, Les Mémoires d'un Âne.
Elles
empruntaient des formes animales, comme si elles n'avaient pas encore
dépassé l'ancien stade des animaux totems.
(
... )
C'est
au contraste de principe qui existe entre un monothéisme
rigoureux et un polythéisme affréné qu'on peut
facilement attribuer quelques-unes de ces dissemblances.
Freud,
ibid.
(1): Sur
l'individu, la multitude, le tragique et le politique, voir l'étude
remarquable de Pierre Pachet: Le
premier venu, essai
sur la politique baudelairienne. Les Lettres Nouvelles, Denoël.
*
note du transcripteur : L'hommage lige (ou homme-lige) est une forme
d'hommage particulière. L'hommage lige oblige le vassal qui le
prête plus étroitement vis-à-vis du suzerain que
l'hommage ordinaire (dit par opposition « simple » ou «
plan »), notamment au regard du service d’ost