Transcription : Marie-Valentine Martin
Relecture : C, de Trogoff & L.L. de Mars

Texte sous copyleft. Tous les textes inédits transcrits par nos soins et avec l'accord de Monique Vachey sont sous Copyleft. Comme tels, ils sont soumis à la Licence Art Libre et reproductibles à votre guise pour peu que vous en respectiez les règles.

Dossier poésie Encres Vives (et correspondance) / Collection Génération / Phantomas
Ensemble de documents trouvés dans une pochette nommée « AFFAIRE Encres Vives »

 

1) le texte suivant est annoté, en fin de tapuscrit :

Ce texte constituait les réponses à un questionnaire de la revue Encres Vives(1970). Repris (1972) pour L'Art Vivant comme présentation de la Collection Génération. Jamais paru.

La poésie existe de ne pouvoir définir son rôle, pour la raison qu'elle (ne) se constitue (pas) en un lieu où les rôles sont mis à l'épreuve. Non pas, et bien qu'elle procède d'utopie (non-lieu), pour cause d'atopie (comme les sociologues disent plaisamment atypie ou anomie) mais de polytopie. Car si la poésie n'a d'autre but qu'elle-même (Baudelaire) c'est parce qu'elle filtre et modifie tous les autres, navigue sous tous les horizons changeants qui la changent, que, plus rarement, elle change. À moins qu'elle ne recouvre, pour s'en repaître, les moires idéologiques.

Le réglage d'une écriture n'est qu'un filage (comme on dit filer une métaphore) conduisant à une forme particulière de pompiérisme si la machinerie n'est pas déréglée, moins par le fameux grain de sable que par le désir en prise sur le hasard (et non en dehors des structures résistantes, d'une manière ou d'une autre).

Si le quotidien n'est pas une idéologie, il y a une idéologie du quotidien. C'est pourquoi on peut être aussi méfiant à l'égard d'une poésie percluse de spontanéité codée (ex: les ondes de Rochefort sous les retombées de San-Francisco) que d'une poésie métaphysique-effusive qui voudrait sa rêverie (de l') élémentaire en prise sur une douteuse totalité.

Poètes de l'hostie aux moiteurs psychagogues. Les caleçonnades mystiques de poètes en clair-obscur trouvent leur achèvement ontophagique dans la gaufrette ornée d'une maxime grivoise style français.

Quant à la pratique textuelle, on assiste souvent, en fait, à l'aventure pénible d'un savoir illusoirement risqué parmi les épaves généreuses du néosymbolisme contemporain. Par un fâcheux retour de flamme et comme par nostalgie violente de la poésie perdue, l'instrument de pensée et la pensée en proie à l'impressionnisme rhétoriqueur pseudo-dialectisé, naufrage par contamination lyrique. Comme quoi le Champ de Bataille vire facile au Roman de la Rose.

Poésie s'engendrant d'une contradiction générale, infinie, entre savoir/insu, matière/code, concepts/non-concepts, etc. Poésie chaque fois qu'à travers elle les systèmes s'exposent : cette manière qu'ils ont de s'exposer. Mais ici encore, si on ne se méfie pas, on glisse de la collision à la collusion. Le Carnaval(esque) finit à Nice.

La poésie moderne-traditionnelle finissante, réactivation perverse ou liquidatoire, déconstruction hystérique ou méthodique, s'aggrave dans ses impossibilités et ses impasses. Elle se révulse, sa cohérence devient externe.

Penser réellement l'articulation des contradictions principales et spécifiques ailleurs que dans leurs reflets les plus éléphantesques. La poésie, contraire du slogan, n'est pas l'envers (encore moins le complément ! ) de la politique: mais peut-être ce qui la rend (au niveau du vécu et aussi à l'autre bout symbolique: tout ce qui fait événement se marquant dans l'entre-deux) possible.

Chassés-croisés de l'institution et du désir qui s'empruntent l'un l'autre leur matière et parfois invisiblement leur forme. Lieux mythiques ET réels des corps propres et sociaux
(dé)constitués où sens et puissance, soma et polis échangent silencieusement (mais non illusoirement) leurs jeux dans le mirage matériel d'un Poème qui figurerait aussi la Charte.

Illusionnisme du réAlisme. Il en est cependant un autre, plus insidieux, celui du réElisme qui naturalise sous des formes diverses, à des fins diverses, pour nourrir son fantasme du réel, la science toujours se dépassant.

Le repérage des signifiants réinstitue des signifiés. Et à nouveau Margot pleure. Elle quitte sa mansarde pour l'entresol.
Toute proposition invitant à subvertir l'échange... s'échange, ainsi que la pratique concomitante qui vire au rituel, quelle que puisse être sa caution philosophique ou politique.

Créer des dispositifs stroboscopiques, microscopiques et astronomiques, disons indirects, permettant de faire souffler le vent du signifiant, le biais vif des processus réels. Et pour cause. Rien n'est jamais fini.

Admirable Guyotat, qu'on ne peut désormais qu'imiter platement. Mais de lui à son antipode le plus distendu et vidé (où les craquelures du vide deviennent comme des yeux non imaginaires), quel labyrinthe encore à parcourir !.. Mais la poésie peut être encore autre chose que la pointe la plus vivante d'une sorte d'anthropologie expérimentale ?

En dehors des ressassements exigus prétextés d'être, à côté de la naturalisation réactionnaire et régressive des pensées les plus tranchantes à des fins littéraires, en marge de la sciensibilité, on peut envisager un ESPACE INDÉCIDABLE où l'axiomatique même, sur un mode non gluant, serait déséquilibrée, où scintillerait le lieu vivant des métaphores et des formules...

Apparemment (: faussement puisqu'il s'agit d'un processus matériel) la mathématique serait ce labyrinthe d'hygiène disponible pour la folie légale, ce scandale d'un jeu terrible d'où (apparemment) eros s'est retiré, pour mieux jouer, laissant béantes et hagardes les mailles de trajectoires inéluctables et comme soudain gratuites d'un jeu attentif, vorace, œil absent au fond d'un trou. Si la poésie est (sans platonisme) anamnèse, la poétique (dont il est banal de dire qu'elle formalise) refuse de se souvenir. Elle ne peut plus signifier que science de la poésie. Toute poétique au sens d'art poétique est une imposture.

Saisie d'agoraphobie, minée par son origine, la mathématique (qui informe la poétique) risque de trouver sa motivation dans son objet, de telle sorte que par un renversement imprévu, le poème rendrait le théorème psychologiquement viable... Il existe des moments-lieux où probablement l'équation se saisit comme métaphore, lieu et formule, formule rêvant son lieu informulable. (Situant Dieu au point de tangence de zéro et de l'infini, Jarry n'inventait qu'une allégorie astucieuse applicable à toute chose où la ponctuation d'une totalité entre en jeu. Où commence la pataphysique ? )

On serait tenté de dire que la mathématique est le contraire de la poésie, la première construisant les machines à penser les plus abstraites, la seconde des machines à jouir. On opposerait structure et pulsion, pensée et dépense — si c'était aussi simple. Car c'est peut-être dans la mathématique que le désir joue avec la plus imperceptible, incoercible violence. Quant au poème, il est pensée du corps, rythme, algorithme.,

L'avenir (rêve de l'asymptote) serait à une bio-logie où poésie et politique se dédoubleraient, rythmant ludiquement l'ordre et l'énergie. Lire, écrire, serait alors mesurer la mort à certains gradients, sur le terrain.

Lire... au second degré. Ce qui permet, au troisième degré, de jouir des aliénations du premier. On aborderait Althusser comme du Bradbury et Chomsky comme du Borgès, et inversement. La science n'est jamais lascive, mais elle est souvent libertine.




2) Le questionnaire Encres Vives

à me retourner (note manuscrite de l'éditeur d'Encres Vives, Michel Cosem. La suite est tapuscrite)


1) quel est pour vous aujourd'hui le rôle de la poésie
2) comment envisagez-vous les rapports d'une théorie et d'une pratique poétique
3) dans quelles perspectives (par rapport à l'histoire littéraire) inscrivez-vous votre propre
activité
4) envisagez-vous l'articulation de votre pratique poétique avec une pratique politique
5) pour vous que peut signifier la notion de mythe
6) envisagez-vous un rapport entre poétique et mathématique
7) comment concevez-vous la lecture


3) Réponses au questionnaire proposé par la revue ENCRES VIVES.

1ère version juillet 71 (note manuscrite. La suite est tapuscrite)

0 - Premier objectif : en finir avec l'image, le petit jeu/mythico-imagiste.
S'intitule encore poète ce qu'il y a aujourd'hui de plus aliéné et, sur le plan intellectuel, de plus répressif-béat.

1- La poésie existe de ne pouvoir définir son rôle pour la raison qu'elle (ne) se constitue (pas) dans une zone où les rôles sont mis à l'épreuve, défaits, — non pas pour cause d'ineffable (sous ses formes diverses), d'atopie (comme on dit atypie ou anomie...), mais de multitopique. Car si la poésie n'a d'autre but qu'elle-même (Baudelaire), elle n'a que ce but-là et à condition qu'elle ait pour lieux et horizons tous les autres. Sinon elle recouvre assez bien l'impensé idéologique. Si le quotidien ne saurait être une idéologie, il y a une idéologie du quotidien. C'est pourquoi je suis aussi réservé à l'égard d'une poésie percluse de spontanéité codée ébahie de ses propres glissades et flashes sentimentaux, que d'une poésie métaphysique-effusive qui prend ses rêveries élémentaires pour la totalité. Une poésie basée sur l'effet doit être productrice d'effets producteurs. Il y a poésie chaque fois qu'à travers elle le système s'expose : poésie, cette manière qu'il a de s'exposer.

 

2 - Dans une certaine mesure, je souscris à la notion d'un texte défini par l' « étalement » des opérations du géno-texte dans le phéno-texte. Ce qui n'a rien à voir avec un impressionnisme rhétorique pseudo-dialectisé — car on assiste parfois, en fait de pratique textuelle, à l'aventure pénible d'un savoir illusoirement risqué parmi les épaves disponibles du néo-symbolisme contemporain. Par un fâcheux retour de flamme et comme par nostalgie violente de la poésie perdue, l'instrument de pensée naufrage par contamination lyrique... Si le champ de bataille vire facilement au Roman de la Rose dès qu'on n'y prend garde, c'est peut-être que le risque (mais ce n'est pas prouvé) appartient aux derniers mots-thrillers du capharnaüm philosophique réduit sur (à) ses franges les plus minces. Vidé de ses actants macroscopiques, le drame est descendu (monté) dans les concepts. Le texte s'engendre d'une contradiction généralisée entre les niveaux, les codes, les savoirs (les insus), les tentations bonnes et mauvaises de la langue — le carnaval. Mais ici encore, si on ne se méfie pas, on peut glisser de la collision à la collusion... La poésie est ce qui manque à la sémiotique pour que celle-ci n'ait plus rien à dire. Elle fait signifier l'insignifiant. Elle montre que l'insignifiant n'existe pas.

3 - J'aimerais situer ma poésie comme phénomène de réactivation perverse et liquidatoire. La poésie moderne-finissante se trouve aggravée chez moi dans ses impossibilités et ses impasses, elle se révulse, sa cohérence tend à devenir une cohérence externe — mes livres s'annulent les uns les autres. Depuis Hameaux Stratégiques (Quaternaire n°6, 1968 — repris dans Amulettes Maigres) j'ai saboté méthodiquement mon propre discours imagiste. Dans Scène d'Ob, à partir d'un certain nombre de mots (l'ironique répertoire, à la fin du livre) juteusement connotés, il s'agissait de saisir le sens à ras de page, au fragrant du lit, dans sa combinatoire visible et exemplaire d'attirances, de tentations faciles, effusionnistes, pornographiques, la meilleure censure d'éros étant la pornographie. Malheureusement (significativement) je crus bon d'ajouter une seconde partie où je tombai dans mes propres pièges. Comme quoi il est difficile de subvertir de l'intérieur.. L'intérêt principal de coulure/ligne est de montrer un texte comme sa propre possibilité de transformation et l'effet poétique comme effet de langue. Avec Portrait de la France, une certaine forme d1intertextualité est mise en œuvre, qui réclame une lecture épigraphique.

4 - Question très importante à laquelle je ne suis pas en mesure de répondre pour l'instant. Postuler l'articulation de la contradiction spécifique et de la contradiction principale est une chose, penser cette articulation en est une autre. Il est trop facile de se camoufler derrière une pétition de principe conduisant à refouler la contradiction spécifique. ( « secondaire » , ai-je entendu dire il n'y a pas longtemps...) Je crois néanmoins pouvoir dire qu'à la base de toute réflexion politique doit avoir lieu la prise de conscience élémentaire qu'on n'est pas propriétaire de son texte — d'aucun texte.

5 - J'appelle mythe l'idéologie en tant qu'elle n'est pas repérée comme telle.

6 - Apparemment (puisqu'il s'agit d'un processus matériel) la mathématique est ce labyrinthe d'hygiène infiniment disponible pour la folie infinie et vide, elle est ce scandale d'un jeu terrible d'où éros s'est retiré (apparemment) pour mieux jouer, laissant béantes et hagardes les mailles d'une trajectoire inéluctable, gratuite, à peine tremblante, attentive comme un œil (absent) au fond d'un trou. Alors que l'inconscient mathématique s'ancre au plus creux de la mémoire, elle est refus de se souvenir. La poétique suit un mouvement inverse, elle va chercher la mémoire, elle démythifie alors que la mathématique et ses avatars informatiques ont suscité le plus formidable des derniers mythes. Poétique ne peut plus signifier que science de la poésie (à ce titre il est banal de dire qu'elle peut formaliser... ce qu'elle peut). Toute poétique au sens traditionnel est une imposture, analogue antique du poème IBM.

Saisie d'agoraphobie vertigineuse et peut-être subtilement minée par son origine, la mathématique risque inconsciemment de trouver une motivation dans son

objet, de telle sorte que par un renversement imprévu le poème rendrait le théorème psychologiquement viable... « Le théorème est railleur de sa nature » (Lautréamont). N'existe-t-il pas un endroit et un moment où l'équation se saisit comme métaphore, alternativement « le lieu et la formule » , formule rêvant son lieu rêvant d'être ailleurs, quand ET et OU tendent infiniment vers le mirage d'une antonymie, d'une synonymie impossibles ? Mais, situant Dieu au point de tangence de zéro et de l'infini, Jarry faisait de la pataphysique, inventant au fond une allégorie amusante et très générale qu'il serait facile d'appliquer à beaucoup de choses où la ponctuation d'une totalité entre en jeu.

Paradoxalement, la mathématique est peut-être ce qu'il y a de plus biologique. D'ordre spécifiquement structural, elle est par excellence un pouvoir négentropique. On serait tenté de dire qu'elle est le contraire de la poésie, celle-ci, aussi fondamentalement biologique, étant de l'ordre de la pulsion et de la dépense. Ce qui ne signifie pas qu'il n'existe pas une certaine rythmique du signifiant en prise directe sur le désir. Au niveau du vécu (mot tabou...), tout occultisme écarté, je me demande si certaines métaphores empruntées à la physique, à l'électronique, ne pourraient pas avoir une valeur heuristique. Certains modèles pourraient peut-être non pas rendre compte mais donner une idée du vécu (au niveau de la réception du message), là où la théorie des ensembles et la logique psychanalytique ont de bonnes raisons de ne pas s'aventurer. Il s'agirait, bien sûr, de procéder scientifiquement, en évitant les extrapolations lupascisantes...

7 - Je conçois la lecture au second degré, ce qui permet, à un troisième degré, de jouir de l'aliénation, du premier degré ! Je voudrais qu'on aborde Chomsky comme du Bradbury, Anatole France comme du Borgès, le code de la route comme du Balzac ou du Althusser... Laissons la boutade, on serait capable de la prendre au sérieux.
Lire, c'est aller au sens en allant aux codes. Les recherches des dernières années ont porté un coup mortel à l'imagisme, à tel point qu'on en vient à douter non pas de la légitimité provisoire mais de la spécificité même de la poésie. La poésie arrivée au seuil de l'errance énergétique, la lecture ramasse les morceaux du temple. Le journalisme oscille entre ses frayeurs anti-théoriques et sa salivation devant les plats tièdes de l'imagisme-spaghetti resservis par les éditeurs qui entretiennent une pénurie louche mais délicieuse. Il préfère les plaisirs anodins du petit feuilleton idiosyncrasique en images des innés-fabulistes, ou bien il faut lui expliquer. Logiquement, une certaine prolifération du prière d'insérer devrait lui venir en aide : ce qu'on dit autour du livre paraissant plus important que le livre lui-même, comme si le centre d'intérêt se déplaçait et se fixait sur les procès d'intentions. Rien d'étonnant à cela puisque notre société colmate la brèche de ses valeurs par une Éthique de l'Emballage. « Il ne faut pas perdre de vue, non plus, que la satisfaction du consommateur est aussi d'ordre psychologique et qu'elle est, pour une bonne part, provoquée par les qualités esthétiques et fonctionnelles du conditionnement et de l'emballage » . (Les Dossiers de l'Entreprise n°16, déc.1969, p.16).

Par exemple, La Snow était sans doute un roman « décadent » et parfois trop bien léché mais son écriture (effet ludique de perplexité, fadings au niveau actanciel, neige/vol d'insectes comme mimesis pulsionnelle, ambivalence sens/excrément) méritait mieux que le quasi-black-out opéré à son endroit.

L'avenir lointain est peut-être à une Bio-Logie qui (recevrait mais) donnerait des ordres au Politique. Le concept de biopolitique existe d'ailleurs depuis un certain temps. Déterminée, surdéterminée à l'origine par la biologie, la politique (prise en charge par la technologie) pourrait retrouver légitimement (non technocratiquement) la biologie après une longue période d'anarchie et de répression. Lire serait alors mesurer le désir et la mort à certains gradients, sur le terrain. Rêverie de l'asymptote, sans nulle doute, mais l'histoire est bien avant tout l'histoire des corps.


4) le tapuscrit suivant est barré d'une grande croix et annoté à la main : "pas publié V.P."

Vient de paraître Collection Manuscrits

PORTRAIT DE LA FRANCE

par Michel VACHEY

(encres vives 8 P)

Dans PORTRAIT DE LA FRANCE, on n'a pas affaire à des poèmes flottants ou immobiles sur des pages blanches, mais à des fragments (débris ou bris d'articles de presse) situés sur des pages déjà imprimées ils pourraient fort bien avoir été isolés puis déplacés.
Il en résulte:

1) dans un premier temps, un effet physique : le fragment (en caractères différents de ceux de la page de « fond » ) apparaissant comme légèrement grossi à la loupe et ainsi arbitrairement désigné — car on a

2) dans un deuxième temps, un effet intellectuel: le fragment résistant à l'analyse, offrant à une lecture déçue ou anxieuse des mots (parfois) brisés sans rapport les uns avec les autres, des adverbes, des articulations grammaticales qui n'articulent rien, données pour elles-mêmes dans leur gratuité et leur dureté. Le manque de « signification » immédiate touche très précisément (à) la signification dans son opacité.

3) dans un troisième temps, l'appel d'une théorie

Par rapport à lui-même, le fragment est découpé sous forme antiphrastique de pseudo-« épigramme » .

Par rapport à Ia page de fond, le fragment est moins une épigramme qu'un épigraphe relevant de l'épigraphie, et non d'un mystère où se plonger (même si on l'interprète).

PORTRAIT DE FRANCE n'est rien d'autre, que cette double lecture épigrammatique-épigraphique.


Sa valeur, être à lire.


Son originalité, ne pas en avoir. Puisqu'il est en position d'intertextualité généralisée.


5) Correspondance Encres Vives / M.V.

Michel COSEM
ENGOMER
09/CASTILLON EN COUSERANS
nouvelle adresse

le 10 janvier 72

Cher Vachey

Je suis très confus du silence dans lequel je t'ai tenu depuis si longtemps. Cela provenait en grande partie de tous les problèmes que nous avons eu à « encres vives » (au comité de rédaction et problèmes financiers). Nous avons eu bien du mal à faire le 70-71 que tu vas recevoir ces jours-ci. Nous n'avons pas pu passer ta réponse au questionnaire et l'avons remise à plus tard. J'avais prévu de mettre ton texte sur portrait de la france mais hélas il m'a fallu l'enlever sur le marbre, je n'ai pu faire autrement. J'espère que cela ne mettra pas en cause ta collaboration à Encres Vives mais je suis sûr que tu comprendras. Dans le 73 (le 72 étant consacré intégralement à l'avant-garde au Brésil) on mettra ta réponse et un texte si tu en as de libre mais cela reporte loin, bien sûr.

Sur le plan travail personnel mon premier roman sort chez Laffont en mars et je viens de retourner les épreuves aujourd'hui. J'ai pas mal de travaux dans divers domaines et ne chôme pas. Tiens moi au courant de ce que tu fais qui est important.

amicalement

michel cosem (sic)

nb : borer (sic) m'a dit que tu étais documentaliste, nous sommes doublement collègues donc ; je bataille beaucoup pour l'histoire du statut (je suis vice président de l'ass. des documentalistes) et ce n'est pas très brillant.

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Lorient, le 13 janvier 1972

Michel Vachey
19 A, rue Amiral Courbet 56 - Lorient

Cher ami.

J'avoue que jusque mettons en novembre je me demandais ce qu'il en était du n° pour lequel tu avais sollicité mes réponses à ton questionnaire, mais au 13 janvier 72,je suis presque ravi qu'il ne soit pas paru. En effet, après quelques mois, il demande relecture attentive, et comme il ne se profile que sur le n°73, ce qui est assez incertain, je considère que le texte m'appartient à nouveau pour en faire, éventuellement, l'usage approprié. Laissons également de côté le texte d'une page sur Portrait de la France.

Je comprends fort bien qu'il ait des problèmes à EV, le contraire me surprendrait plutôt. À partir du moment où il y a groupe, tout acquiert une urgence.

Je suis très curieux de ce qui se passe au Brésil dans l'avant-garde. On m'a dit que le groupe de Haroldo de Campos et Pignatarris avait fait quelque chose qui rappelait le portrait de la fr... Ça ne devait pas être tout à fait dans le même esprit.

Je suis prêt à te donner un texte pour le n° d'EV que tu désires, à condition que tu ne le mettes pas trop longtemps en conserve.

J'approfondis mes « caviardages » (débarrassé du côté provoquant de P de la F). Je crois qu'il y a là une expérience très subversive.

Des nouvelles (structuralo-policières...), bien que considérées comme remarquables par Todorov, ne trouvent pas d'éditeur... Ça vous dégoûte d'écrire (réellement, certaines expériences s'en trouvent « bloquées » ...)

Des projets, nombreux, mais je manque de temps réellement utilisable. Bien que mes 32h de bibliothécaire ne soient pas accablantes... Mais j'ai physiquement besoin de perdre les 2/3 de mon temps pour qu'il m'en reste 1/3 que je n'utiliserai qu'au 1/3... Bizarres calculs, sans doute, mais dont je dois tenir compte dans ma « quotidienneté. »

L'association des docum. est en capilotade. Le jour où elle décidera une action efficace je leur communiquerai mon adhésion. La moitié des vieux A.E. ont peur pour leur place.

Amicalement,

 

M.V.



6) POÈTE, PRENDS TON, LUTTE (titré Poètes, crevez. dans la deuxième version, publiée ci-dessous)


Il n'est plus possible de s'installer dans la bonne mauvaise conscience de l'image. En 1972, la « poésie » est un code comme un autre assimilé par le bon élève de seconde. On n'en finit pas de rallonger la sauce. Premier objectif donc: en finir avec le petit jeu narcissique, mythicomaniaque-imagiste, qui se prend pour le sel de la terre dont il n'est plus que le FORMol ou la MOIsissure.

La poésie existe de ne pouvoir définir son rôle, pour la raison qu'elle (ne) se constitue (pas) en un lieu où les rôles sont mis à l'épreuve, se défont. Non pas — et bien qu'elle procède d'utopie (non-lieu) — pour cause d'utopie (comme les sociologues disent plaisamment atypie ou anornie) mais de polytopie. Car si la poésie n'a d'autre but qu'elle-même (Baudelaire), c'est parce qu'elle filtre tous les autres, navigue sous tous les horizons changeants qui la changent.
À moins qu'elle ne recouvre, pour s'en repaître, les moires idéologiques.

Le réglage (d'un procès, d'une écriture) n'est qu'un filage (comme on dit filer une métaphore) conduisant à une forme particulière de pompiérisme si la machinerie n'est pas déréglée, non pas par le fameux grain de sable,mais par le désir, autre nom possible du hasard.
Si le quotidien n'est pas une idéologie, il y a une idéologie du quotidien. C'est pourquoi on peut être aussi réservé à l'égard d'une poésie percluse de spontanéité codée (par exemple les ondes de

Rochefort sous les retombées de San-Francisco) que d'une poésie métaphysique-effusive qui voudrait sa rêverie (de l') élémentaire en prise sur une douteuse totalité.
Poètes de l'hostie. Toutes ces moiteurs psychagogues, ces finalement délectables caleçonnades mystiques en clair-obscur, trouvent leur achèvement ontophagique dans la gaufrette ornée d'une maxime grivoise style français (que faites-vous ce soir ? etc.)
Quant à la pratique textuelle, on assiste souvent, en fait, à l'aventure pénible d'un savoir illusoirement risqué parmi les épaves généreuses du symbolisme contemporain. Par un fâcheux retour de flamme et comme par nostalgie violente de la poésie perdue, l'instrument de pensée, la pensée en proie à l'impressionnisme rhétoriqueur pseudo-dialectalisé, naufrage par contamination lyrique.

Comme quoi le Champ de Bataille vire facile au Roman de la Rose. Poésie s'engendrant d'une contradiction générale et infinie entre savoirs/insus, matière/code, concepts/non-concepts, etc. Poésie chaque fois qu'à travers elle les systèmes s'exposent: cette manière qu'ils ont de s'exposer. Le carnavalesque. Mais ici encore, si on ne se méfie pas, on glisse de la collision à la collusion. Le Carnaval finit à Nice...

La poésie moderne-traditionnelle finissante, réactivation perverse ou liquidatoire, déconstruction hystérique ou méthodique, s'aggrave dans ses impossibilités et ses impasses. Elle se révulse, sa cohérence devient externe.

Penser réellement l'articulation de la « contradiction principale » et de la « contradiction spécifique » ailleurs ou autrement que dans ses reflets les plus éléphantesques. La poésie, contraire du slogan, n'est pas l'envers (encore moins le complément ! ) du politique: mais peut-être ce qui le rend (au niveau du vécu et aussi à l'autre bout — tout ce qui fait événement se marquant dans l'entre-deux) possible. Chassés-croisés de l'institution et du désir qui s'empruntent l'un l'autre leur matière, leur forme. Lieux mythiques ET réels des corps (propres et sociaux) (dé)constitués où sens et puissance, soma et polis échangent indivisiblement (mais non illusoirement) leurs jeux dans le mirage matériel d'un Poème qui en une fraction de seconde (sans aplatissement sur quelque point trop nodal pour être honnête) figurerait aussi la Charte.

Si on a pu définir la poésie comme une « ethnographie de l'individu », il s'agit maintenant plutôt de pratiquer, tâche poétique, l'anthropologie de cette ethnologie-là, mais à ras de terre. Illusionnisme du réAlisme. Il en est un autre, plus insidieux, celui du réElisme qui naturalise sous des formes diverses, à des fins diverses, pour nourrir son fantasme du réel, la science réelle toujours en dépassement.

Toute proposition invitant à subvertir l'échange... s'échange, ainsi que la pratique concomitante qui vire au rituel, quelle que puisse être sa caution philosophique. Ne pas s'arrêter... Le repérage des signifiants réinstitue des signifiés. Et à nouveau Margot pleure. On lui fait quitter son éternel entresol pour l'entretenir ailleurs, hôtels particuliers ou meublés.

Ce qu'il faut, c'est des dispositifs stroboscopiques, disons indirects (à moins de vouloir baiser tout tout de suite — et baiser le signifiant c'est toujours baiser) permettant de faire souffler le vent du signifiant, de faire apparaître de biais (et pour cause) les processus réels. Importance énorme de Guyotat. Mais de lui (qu'on ne peut désormais que platement reproduire) à ses antipodes, à son autre le plus distendu et vidé (où les craquelures deviennent comme des yeux non imaginaires) quel labyrinthe encore à parcourir ! À montrer.
En dehors des ressassements exigus prétexté d'Être, à côté de la naturalisation réactionnaire des pensées les plus tranchantes à des fins littéraires, en marge de la sciensibilité, de l'éclectisme, on peut envisager un ESPACE INDÉCIDABLE où l'axiomatique, sur un mode non gluant, serait déséquilibrée. Apparemment (: faussement, car il s'agit d'un processus matériel) la mathématique serait ce labyrinthe d'hygiène disponible pour la folie légale, ce scandale d'un jeu terrible d'où (apparemment) Eros s'est retiré pour mieux jouer, laissant béantes et hagardes les mailles d'une trajectoire inéluctable et soudain gratuite, d'un jeu ramassé, attentif, vorace, comme un œil (absent) au fond d'un trou. Toute poétique au sens d'art poétique est une imposture.

Saisie d'agoraphobie et minée par son origine, la mathématique (qui informe la poétique) risque de trouver une motivation dans son objet, de telle sorte que par une renversement imprévu le poème rendrait le théorème psychologiquement viable... Il existe des moments-lieux matériels où probablement l'équation se saisit comme métaphore, lieu et formule, formule rêvant son lieu rêvant informulable. Mais, situant Dieu au point de tangence de zéro et de l'infini, Jarry n'inventait qu'une allégorie astucieuse applicable à toute chose où la ponctuation d'une totalité entre en jeu. Où commence la pataphysique ?

On serait tentée de dire que la mathématique est le contraire de la poésie, la première construisant les machines à penser les plus « abstraites » , la seconde des machines à jouir. On opposerait structure et pulsion, pensée et dépense... si c'était aussi simple. Car c'est peut-être dans la mathématique que le désir joue avec la plus imperceptible, incoercible violence. Quant au poème il est pensée du corps. rythme, algorithme socio-biologique.

Rêve de l'asymptote. — L'avenir serait à une Bio-Logie où poésie et politique se redoubleraient, se dédoubleraient, réglant avec ludisme l'ordre de l'énergie. Lire, écrire, serait alors mesurer la mort à certains gradients, sur le terrain.

Lire au second degré. Ce qui permet, à un troisième, de jouir des aliénations du premier. On aborderait aussi Chomsky comme du Bradbury, Althusser comme du Borgès.. parfois Marx comme du Marx. Si la science n'est pas lascive, elle est toujours libertine. Quoi lire ? Tout ce qui tombe sous la main.


Michel VACHEY, 1972


En marge note manuscrite : envoi à Théodore K. pour Phantomas - chien fin mai 1974 retiré !.. (in extremis)


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POÈTES, CREVEZ.

note manuscrite : 2ème version mai 72.

Il n'est plus possible de s'installer dans la bonne mauvaise conscience de l'image. En 1972, la « poésie » est un code comme un autre assimilé par le bon élève de seconde. On n'en finit pas de rallonger la sauce. Premier objectif donc: en finir avec le petit jeu narcissique, mythicomaniaque-imagiste, qui se prend pour le sel de la terre dont il n'est plus que le FORMol ou la MOIsissure

La poésie existe de ne pouvoir définir son rôle, pour la raison qu'elle (ne) se constitue (pas) en un lieu où les rôles sont mis à l'épreuve, se défont. Non pas — et bien qu'elle procède d'utopie (non-lieu) — pour cause d'atopie (comme les sociologues disent plaisamment atypie ou anomie) mais de polytopie. Car si la poésie n'a d'autre but qu'elle-même (Baudelaire) c'est parce qu'elle filtre tous les autres, navigue sous tous les horizons changeants qui la change. À moins qu'elle ne recouvre, pour s'en repaître, les moires idéologiques.

Le réglage (d'un procès, d'une écriture) n'est qu'un filage (comme on dit filer une métaphore) conduisant à une forme particulière de pompiérisme si la machinerie n'est pas déréglée, non pas par le fameux grain de sable, mais par le désir, autre nom possible du hasard.

Si le quotidien n'est pas une idéologie, il y a une idéologie du quotidien. C'est pourquoi on peut être aussi réservé à l'égard d'une poésie percluse de spontanéité codée (par exemple les ondes de Rochefort sous les retombées de San-Francisco) que d'une poésie métaphysique-effusive qui voudrait sa rêverie (de l') élémentaire en prise sur une douteuse totalité.
Poètes de l'hostie. Toutes ces moiteurs psychagogues, ces finalement délectables caleçonnades mystiques en clair-obscur, trouvent leur achèvement ontophagique dans la gaufrette ornée d'une maxime grivoise style français (que faites-vous ce soir ? etc). Entre l'écolier buveur d'encre et la pipeuse de sperme (la page-femme), que d'uniques cas graphophages !

Quant à la pratique textuelle, on assiste souvent, en fait à l'aventure pénible d'un savoir illusoirement risqué parmi les épaves généreuses du symbolisme contemporain. Par un fâcheux retour de flamme et comme par nostalgie violente de la poésie perdue, l'instrument de pensée, la pensée en proie à l'impressionnisme rhétoriqueur pseudo-dialectisé, naufrage par contamination lyrique. Comme quoi le Champ de Bataille vire facile au Roman de la Rose.

Poésie s'engendrant d'une contradiction générale et infinie entre savoirs/insus, matière/code, concepts/non-concepts, etc. Poésie chaque fois qu'à travers elle les systèmes s'exposent: cette manière qu'ils ont de s'exposer. Le carnavalesque. Mais ici encore, si on ne se méfie pas, on glisse de la collision à la collusion. Le Carnaval finit à Nice...
La poésie moderne-traditionnelle finissante, réactivation perverse ou liquidatoire, déconstruction hystérique ou méthodique, s'aggrave dans ses impossibilités et ses impasses. Elle se révulse, sa cohérence devient externe.

Penser réellemment l'articulation de la contradiction principale et de la contradiction spécifique ailleurs ou autrement que dans ses reflets les plus éléphantesques. La poésie, contraire du slogan, n'est pas l'envers (encore moins le complément ! ) du politique: mais peut-être ce qui le rend (au niveau du vécu et aussi à l'autre bout — tout ce qui fait évènement se marquant dans l'entre-deux) possible.

Chassés-croisés de l'institution et du désir qui s'empruntent l'un l'autre leur matière, leur forme. Lieux mythiques ET réels des corps (propres et sociaux) (dé)constitués où sens et puissance, soma et polis échangent invisiblement (mais non illusoirement) leurs jeux dans le mirage matériel d'un Poème qui en une fraction de seconde (sans aplatissement sur quelque point trop nodal pour être honnête) figurerait aussi la Charte.

Si on a pu définir la poésie comme une « ethnographie de l'individu » , il s'agit maintenant plutôt de pratiquer, tâche poétique, l'anthropologie de cette ethnologie-là, mais à ras de terre.

Illusionnisme du réAlisme. Il en est un autre, plus insidieux, celui du réElisme qui naturalise sous des formes diverses, à des fins diverses, pour nourrir son fantasme du réel, la science réelle toujours en dépassement.

Toute proposition invitant à subvertir l'échange... s'échange, ainsi que la pratique concomitante qui vire au rituel, quelle que puisse être sa caution philosophique. Ne pas s'arrêter...

Le repérage des signifiants réinstitue des signifiés. Et à nouveau Margot pleure. On lui fait quitter son éternel entresol pour l'entretenir ailleurs, hôtels particuliers ou meublés.

Ce qu'il faut, c'est créer comme (lointaine métaphore) des dispositifs stroboscopiques, disons indirects (à moins de vouloir baiser tout tout de suite — et baiser le signifiant c'est toujours baiser) permettant de faire souffler le vent du signifiant, de faire apparaître de biais (et pour cause) les processus réels.

Importance énorme de Guyotat. Mais de lui (qu'on ne peut désormais que platement reproduire) à ses antipodes, à son autre le plus distendu et vidé (où les craquelures deviennent comme des yeux non imaginaires) quel labyrinthe encore à parcourir !

En dehors des ressassements exigus prétexté d'Être, à côté de la naturalisation réactionnaire des pensées les plus tranchantes à des fins littéraires, en marge de la sciensibilité, de l'éclectisme, on peut envisager un ESPACE INDÉCIDABLE où l'axiomatique même sur un mode non gluant, serait déséquilibré.

Apparemment (: faussement, car il s'agit d'un processus matériel) la mathémathique serait ce labyrinthe d'hygiène disponible pour la folie légale, ce scandale d'un jeu terrible d'où (apparemment) eros s'est retiré pour mieux jouer, laissant béantes et hagardes les mailles d'une trajectoire inéluctable et soudain gratuite, d'un jeu ramassé, attentif, vorace, comme un œil (absent) au fond d'un trou. Si la poésie est anamnèse, la poétique (dont il est banal de dire qu'elle formalise) refuse de se souvenir. Elle ne peut plus signifier que science de la poésie. Toute poétique au sens d'art poétique est une imposture.

Saisie d'agoraphobie et minée par son origine, la mathématique (qui informe la poétique) risque de trouver une motivation dans son objet, de telle sorte que par un renversement imprévu le poème rendrait le théorème psychologiquement viable... Il existe des moments-lieux matériels où probablement l'équation se saisit comme métaphore, lieu et formule, formule rêvant son lieu rêvant informulable. Mais, situant Dieu au point de tangence de zéro et de l'infini, Jarry n'inventait qu'une allégorie astucieuse applicable à toute chose où la ponctuation d'une totalité entre en jeu. Où commence la pataphysique ?

On serait tenté de dire que la mathématique est le contraire de la poésie, la première construisant les machines à penser les plus « abstraites » , la seconde des machines à jouir. On opposerait structure et pulsion, pensée et dépense... si c'était aussi simple. Car c'est peut-être dans la mathématique que le désir joue avec la plus imperceptible, incoercible violence. Quant au poème il est pensée du corps, rythme, algorithme.

Rêve de l'asymptote. — L'avenir serait à une Bio-Logie où poésie et politique se redoubleraient, se dédoubleraient, réglant avec ludisme l'ordre de l'énergie. Lire, écrire, serait alors mesurer la mort à certains gradients, sur le terrain.

Lire au second degré. Ce qui permet, à un 3è, de jouir des aliénations du 1er. On aborderait aussi Chomsky comme du Bradbury, Althusser comne du Borgès... Si la science n'est pas lascive elle est toujours libertine.

Quoi lire ? Tout. (*)


M.V.

le pavé dactylographié ci-dessous est barré d'un grand trait et annoté manuellement : « indiquer que c'est barré mais à conserver pour historique »

(*) À côté de la revue homonyme, la Collection Génération (1) entend publier des écrivains décidés à rompre avec le circuit éditorial ou que celui-ci rejette à moitié ou complètement. Aussi en rupture, se voulant plus radicalement engagée dans la lutte politique, TXT (2). Un peu différemment, dernière née, Stratégie (3), dont le premier n° contient notamment un texte de Narcisso Pizarro,sans doute trop abstrait pour convaincre mais très précis et rigoureux dans sa généralité, « Reproduction et produits signifiants » . Dans la même aire de déconstruction de telles revues, dont la seule existence équivaut à la levée objective d'une censure, Presse Zéro (4) fabrique des livres à partir de produits-librairie retravaillées (par découpage ou montage) chacun différemment. Ainsi, avec 12 ex. de La Voix Royale (signature: André Malraux) il a été produit 12 accès au Cambodge. P° a édité 3 ex. différents d'Annexe à la Machinerie Baudelaire (Baudelaire/ Proudhon/ De Maistre/ « Superman » ) qui furent donnés. Mais P° vend. Quelqu'un désirant posséder un livre de série retravaillé en indique les références à P°. P° lui envoie ses tarifs, fonction de ses besoins, du prix de vente de l'objet-en-librairie, et principalement de la bourse et de la tête du client. P° envisage la création d'une bibliothèque de prêt. Parallèlement, le groupe TEXTRUCTION produit des objets en rupture avec la tradition sculpturale et l'industrie du livre.
Ejectée de ses délectables arrière-mondes une critique aérophagique ou béate se réapprovisionne en cautions fantômatiques, les derniers mots-thrillers du poète se dégonflent, l'imagisme répressif est virtuellement mort. Seule l'image n'a pas encore... dit... son dernier mot.

(1) (2) 30, rue St-Vincent 92 - Colombes.

(3) Succ. A Case Postale 52 Longueuil - Québec

(4) 19A, rue Amiral Courbet 56 - Lorient