Adrien Mitterrand, avec qui je travaille très régulièrement, me disait récemment que je faisais mes films à partir des lieux, de ce qu'inspirent les lieux, et que les gens y venaient par la suite, parce qu'ils se mettaient à peupler ces lieux. Ca me va très bien d'imaginer que la première démarche de mes films est de faire voir des lieux sous une lumière, un angle, un montage singuliers. D'imaginer que je mets des lieux en scène et que les personnages y viennent ensuite, en tant que personnages. Dans un brillant court métrage de Soufiane Adel, Chapitre 7 : National (La décalogie Vincent V.), Adel installe sa caméra sur pied puis se place en amorce du plan, de dos, pour mieux regarder ce monde qui peuple son cadre, comme hébété de cette découverte. J'aime cette note d'intention-là. Regarder ce qu'il advient du monde lorsqu'on le filme, voir comment, d'avoir posé l'oeilleton dessus, un pan de monde devient un plan du monde. De quoi il se colore.

Lorsque je filme la migration d’étourneaux au sein de la forêt de la Bibliothèque François Mitterrand à Paris, je me retrouve à tourner un remake façon western des Oiseaux d’Hitchcock (Xénocristal, 2008).

Lorsque la Mairie de Paris me commande un film sur le Lac Daumesnil, je détourne la commande pour perdre le spectateur dans les dédales de son étrangeté artificielle (Passemerveille, 2009).

Lorsque je pars filmer des ouvriers en proie à la crise industrielle, je fais naître dans les machines arrêtées en pleine forêt des Ardennes de fantastiques dragons endormis (Les Dragons n’existent pas, 2010, dont je montre ci-après les repérages filmés, que je n'avais jamais exposés).

Et lorsque je suis lâché dans la ville, c’est pour y découvrir dans les mannequins en vitrines les ruines imaginaires d’une cité engloutie sous la lave (Pompéi (nouvelle collection), 2010)

ou pour y rencontrer des créatures de fiction, cow-boys, vampires et super-héros, sur la place du marché (Le Crépuscule, 2010). Les pieds dans le documentaire, la tête dans les nuages de la fiction.

Xénocristal

Chaque année depuis 2003, des milliers d'étourneaux élisent pour dortoir la forêt encagée de la Bibliothèque Nationale de France, à Paris. Tous les ans on les en chasse ; tous les ans ils reviennent.

Passemerveille

Découvrant que le documentaire animalier qu'elle est chargée de commenter est tourné dans un décor parisien, une voix-off décide de s'émanciper.

Les Dragons n'existent pas

Le site de l'usine Cellatex dans les Ardennes, huit ans après sa fermeture, est seulement entré en phase de dépollution.

Deux ans avant le tournage de mon documentaire Les Dragons n'existent pas, j'ai eu l'occasion de filmer l'usine vide, de l'intérieur, casque vissé sur le crâne. En résultèrent plusieurs heures de rushes fantomatiques et inquiétants, décor de film d'horreur, silence de mort, inscriptions sur les murs, silhouettes spectrales, créatures improbables...

Un dragon, au loin, se débattait, comme agonisant.
Qui traversait l'usine la trouvait hantée..
... et n'en ressortait que pour trouver la nature reprenant ses droits, tant bien que mal.
Quelqu'un, ici, vivait-il encore?

Pompéi (nouvelle collection)

Un visiteur du futur fouille les vestiges de notre société contemporaine, tel un archéologue les ruines de Pompéi.

Le Crépuscule

Batman et Spider-Man, James Bond et les cow-boys, attendent patiemment les vampires de la nuit.