L'objet du déchir
a L'objet du déchir
) En observant le réseau qui tient si fermement le modèle
du bondage, on en conclut trop vite à une opération symbolique;
mais si on ne peut écarter la propulsion du corps dans une théâtralisation
qui brasse le fond de tout rapport charnel, c'est pourtant à
une opération de l'imaginaire, en fait, que renvoie le patient
travail du noueur, celle du travail de la représentation. Le
nouage s'apparente à un tracé sur le corps même
du modèle d'un dessin fragile de sa topographie, autant qu'à
une tentative de contrarier son évidence ; au bout du compte,
ce réseau met bien plus en lumière ce qui résiste
du sujet dans toute tentative de le représenter que ce qui, en
lui, s'abîme dans l'image. On pourra supposer à la pratique
du bondage une aventure aussi longue et hasardeuse que celles du dessin
ou de la peinture pour peu qu'on ne l'assujetisse pas plus au sado-masochisme
qu'on ne rangerait la peinture de Morandi dans les arts de la table.
b Mes jours et tes jours ) Il me plait dans cette série
de désigner tout l'arbitraire du tri usuellement fait entre ce
qui ressortit de la scénographie ou pas, en insérant entre
les travaux de bondage des prises de vue du modèle que l'on supposerait
appartenir à la notion de "prises sur le vif". Cette
cohabitation de photographies qui ne sont qu'apparemment disjointes
fait brutalement apparaitre le medium photographique au-devant du sujet
photographié, sa puissance de scénographie immédiate,
ainsi que la faiblesse des catégories qui tiennent superstitieusement
pour tangibles les indices de la vérité. L'enchainement
linéaire des images de cette série interdit la vision
panoptique en usage sur le net, et invite le spectateur à mieux
saisir l'étrange temporalité dans laquelle s'installe
le moment de bondage lorsqu'il est pratiqué avec la femme qui
partage votre vie; aucun de mes travaux mieux que celui-ci ne montre
à quel point la représentation propulse le spectateur
loin du sujet qu'elle prétend lui offrir. Le sujet est bien plus
qu'une personne, et les querelles légales qui agitent sans cesse
le monde de la photographie autour de la notion de droit à l'image
sont la marque d'une faillite métaphysique et d'un rapport superstitieux
à la représentation. Cette série est une invitation
à la puissante douceur de la mélancolie.
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Le corps sait |
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L'objet du déchir II |
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Mes jours et tes jours |
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