
a 
            liberté qu'on s'accorde est celle dont on a su définir 
            clairement l'objet (le mouvement qui la porte, comme la nature de 
            son enjeu) ; oublier cet objet, c'est tracer dans l'air au-dessus 
            de soi le périmètre de son action, et confondre liberté 
            et démence. C'est en ce point que toute liberté est 
            contingente, mais elle le sera toujours moins que la démence.
            Quittez de l'il l'objet de votre liberté, et elle ne 
            sera plus que le chant de son propre nom - la litanie qu'elle se donne 
            à elle-même - celui d'une liturgie pour un dieu mort.
            La liberté de parler, de définir les traits pertinents 
            de son désir et l'espace qu'on veut offrir à son assouvissement, 
            son expansion ou sa limitation, est irréductiblement liée 
            à ce contrat de précision : libre absolument, vous auriez 
            rejoint la majorité absolue - celle des morts - ou encore la 
            transparence absolue - celle des anges.
            La censure est probablement inadmissible (et l'est-elle absolument 
            ?), mais la censure de la censure n'en est pas moins absurde si elle 
            doit faire oublier la nature de ce qu'on a voulu un jour couper, et 
            ce qui a présidé à la coupure. S'il s'agit d'un 
            désir inavouable, alors c'est bien plus le désir qu'il 
            faut s'attacher à défendre que l'aveu.
            Il y a une certaine cécité à se tourner vers 
            la pornographie comme si elle représentait - comme un trait 
            métaphysique - une réponse pleine d'elle-même 
            suffisante à subvertir la tentation de couper. Une pornographie 
            vidée de son cul, un manifeste. Ce serait oublier l'enjeu de 
            la pornographie qui est, nous reconduisant à la porte de notre 
            propre désir, de questionner le fondement de toute coupure 
            et l'implication insaisissable du désir de l'autre, de tous 
            les autres. 
            La librairie Alphagraph se propose (entre autres choses) de rendre 
            accessible à sa clientèle le travail de la pornographie 
            - disons - étymologique (la part clandestine, inévidente, 
            prostitutionnelle de l'art) ; mais cette liberté qui nous est 
            offerte ne doit pas transformer la pornographie à son tour 
            en masque de l'obscène (une lumière trop violente rendant 
            aveugle), c'est-à-dire métapornographie n'agissant plus 
            que comme rouage d'une liberté (sans territoire) à conquérir 
            contre la censure : il faut continuer, au contraire, à voir 
            piégés en elle l'obscénité et le puits 
            des questions qu'elle pose à notre désir, et surtout 
            à la forme singulière, inéchangeable de celui-ci. 
            Rien ne serait plus inquiétant que de n'être pas choqué 
            par l'obscène : ce serait là l'installation dans la 
            démence, l'inaptitude à faire pénétrer 
            la coupure dans le champ de son désir.
            

'ai 
            choisi de ne montrer, en somme, en présentant ici ces académies 
            d'une scénographie de ma contre-libido, que le verbe montrer. 
            Il n'y a rien, ici, qui soit l'objet de mon désir. Système 
            de représentation de ma propre coupure. Et pourtant, il y a 
            bien eu un temps, un temps d'atelier, au cours duquel j'étais 
            tout entier appliqué à les faire ces dessins, ces aquarelles, 
            où je me donnais à mon enfer. C'est bien montrer, s'il 
            le fallait encore, que celui qui se donne à la pratique de 
            l'art court souvent le risque de faire principalement des choses qui 
            l'horrifient ou le ruinent ; ce qui le conduira un jour, enfin, à 
            faire l'épreuve de ce qu'il ne peut absolument pas faire, faute 
            de pouvoir rencontrer ce qu'il ne peut imaginer. Dans cet étrange 
            mouvement des répliques contradictoires se dessine le champ 
            de son désir en action.
              Pourquoi des académies ? Là encore, tout est affaire 
              de contre-libido. Graphiquement, il y a des moments où il 
              est bon de risquer l'insignifiance, une vague histoire de répartitions 
              des charges pulsionnelles, en quelque sorte ; histoire, surtout, 
              de faire peser sur la série présentée ici la 
              charge du lieu duquel elle est émise, et, bien entendu, de 
              celui vers lequel elle se tourne, où elle s'expose : la confusion 
              est toujours grande quand un graphisme superpose la violence faite 
              à des conventions formelles et la violence faite à 
              des conventions morales, une sorte de magma de libidos aveugles 
              l'une à l'autre. C'est encore autre chose que la démence, 
              c'est une forme d'irresponsabilité brutale, un culte de l'expressivité, 
              c'est-à-dire de la colère. La plus grande violence, 
              au fond, qui soit faite ici, est celle que j'inflige à l'éclosion 
              de ma jouissance, pour redonner à la censure non pas la légitimité 
              de son exercice, mais bien le sens du dialogue qu'elle entretient 
              avec la pornographie, avec le désir et son effectuation.