« Le clientélisme que produit
l'institution aliène une quantité d'artistes naïfs
à la certitude que désormais l'art contemporain ne se
produit plus sans elle (j'insiste bien sur le naïf pour ceux qui
s'imagineraient qu'une ambition carriériste ayant l'institution
pour partenaire est autre chose que de la naïveté). Elle
se fait fort de fourbir à la fois un inventaire de la modernité,
une sémiologie qui accompagne le bazar, et le pognon pour en
alimenter la production.
Car l'invention institutionnelle d'une consommation des oeuvres inhérente
à leur intégration dans un dispositif collectif ne conduit
pas qu'à la régulation des files touristiques dans les
musées; elle nécessite l'accompagnement d'une vaste production
contrôlée, satisfaisant à la fois le modèle
collectif (sous sa forme marchande) de la variété infinie
des déclinaisons et la légitimation de l'institution elle-même
en temps qu'accompagnatrice de cette production. Rien d'étonnant
dans un tel dispositif à voir les artistes les plus accommodants
se plier aux méthodes communicantes de leurs bienfaiteurs quand
ils ne les devancent pas dans le racolage ou la démagogie.
Que doit-on penser d'un artiste comme Matthew Barney qui n'illustre
pas seulement sa vassalité par son allégeance servile
aux cultes les plus plats des rogatons du Spectacle (sport, androgynie,
pub, mode, kitsch, et toute la quincaillerie analogique qui galope entre
les signifiants) mais surtout parce qu'il spécifia bien pour
l'installation de son Cremaster au Musée d'Art Moderne que son
luna-park devait être accessible aux enfants? »
Un artiste peut-il travailler avec l'institution?
Non. 2003
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