Présentation
Un des paris les plus difficiles pour un artiste est de faire toucher
l'horreur qui, un moment, l'a ruiné, sans la ruiner elle-même
dans le théâtre de l'expressivité. La douleur
est par nature peu délicate, et son évocation n'est
qu'une grimace qui signe sa fin dans la mémoire.
Il m'a fallu composer pour cette pièce avec la difficulté
d'évoquer l'extrême violence exhibitionniste, sans
exhiber mon incapacité à la contrôler ; les
photos utilisées pour ce travail (archives de la police,
photos d'amateurs sur les lieux d'un crime, d'un accident etc.)
n'ont pas hanté mes nuits pour ce qu'elles montraient, mais
pour le cadre dans lequel elles étaient montrées:
elles étaient diffusées sur un site pornographique
en tant qu'elles assouvissent un désir d'images parmi l'ensemble
des autres disponibles pour la masturbation; une simple possibilité.
Deux d'entre elles échappent à cette description (elles
m'auraient terrifié dans n'importe quelle circonstance) en
tant qu'elles mettent en abîme le cadre de l'horreur : prises
par des assassins souriants découpant leur victime et collectant
des souvenirs ; sans doute, dans l'album, une simple possibilité.
On comprendra sans peine le risque qu'il y a à présenter
de telles images ; mais on entendra aussi que le travail d'atelier
est l'antidote au refoulement. J'ai pris deux ans avant de réaliser
ces pièces. Pendant tout ce temps, ces photographies étaient
au travail.
Le dispositif formel utilisé au cours de cette exposition
collective me permit de tenter un autre pari que celui de Borges
(tout, tôt ou tard est appelé à devenir une
oeuvre d'art), celui d'un lent et paradoxal décillement
du spectateur, qui le conduisit à regarder ces images sans
les voir. Elles interdisent la compréhension. Comme j'en
fis l'épreuve.
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LA PIÈCE
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