Plus que son propre système, la musique que nous appellons expérimentale pour en brimer le moins possible la définition met en lumière combien les autres musiques reposent sur des conventions si admises, si familières, qu'on ne les entend plus comme conventions mais comme un état de nature de l'organisation sonore. Le déploiement et la richesse des paysages de la recherche sonore remettent en question, un à un, la validité de chacun de ces systèmes tacites jusqu'à l'enfouissement, et discute leurs prolongements dans la composition moderne. Sans être illustrative d'une critique, c'est dans sa substance même qu'elle se fait ainsi critique.

Cette musique qu'on prendrait à tort pour la plus savante du monde est en fait la plus sauvage, la plus nue, la plus disponible pour des auditeurs non préparés ; et ceci tout simplement parce que ne pas y être préparé est constitutif de son mode d'apparition et d'organisation.

Libéré des lieux de rendez-vous structurels, rythmiques, harmoniques, l'auditeur est tout entier invité à découvrir un état du son comme cause et finalité de l'organisation musicale au lieu d'en être un élément happé et conduit par elle ; les repères naissent avec elle et créent les conditions d'une écoute toujours apparaissante, dans le dernier état de son développement, celle d'une expérience acoustique sans référent extérieur, ouverte à la découverte continue.