Encombré comme tout le monde au gré des rencontres malencontreuses ou des erreurs d'aiguillages par toutes sortes de livres merdiques, j'ai laissé sédimenter dans la bibliothèque une petite couche de poètes consternants ; ça s'étire tranquille entre la vache pompidolienne dont aucun enterrement n'arrêtera jamais le lyrisme, le blafardeux qui écrit à la gomme, le convulsif fatigant embourbé dans le mot viande, le calembourdeur sinistre qu'en finit plus de se lacaniser dessus, le brouteur de checklists qui vérifie sa vie nulle à voix haute, le ténébreux, le phénoménologue, le cormoran et l'homme du slogan sur la langue. De quoi, sans aucun doute, faire du compost ou du combustible, des projectiles ou des cadeaux empoisonnés ; mais quand même, ça m'embête, c'est des livres, et maman m'a appris très tôt à avoir de la considération pour les livres, faut pas déconner avec ça.
Il y a quelques années, Antoine Hummel ouvrait le site « Kilobyte's patron », accueillant des productions sonores expérimentales de tous les branleurs de son espèce susceptibles de lui plaire. L'occasion se présentait alors de recycler mes rogatons d'étagères.
J'ai pris les pires, les plus cons et les plus lourds dans leurs catégories respectives, Jouffroy, Du Bouchet, Fiat, Vargaftig, Chaton, je ne sais même plus quels autres corniauds, j'ai choisi chez chacun d'entre eux un texte au hasard et j'ai décidé d'essayer d'en tirer quelque chose. J'ai évidemment arraché au passage à leur néant de poche quelques-uns de mes propres textes foireux. J'en ai enregistré des lectures et je m'en suis servi comme matière première pour travailler. Pour pas gâcher.
Antoine Hummel prenant peu soin de ses affaires et se lassant d'à peu près tout assez rapidement, « Kilobyte's patron » n'est plus qu'un bon souvenir dans les rares têtes qui ont eu vent de sa courte existence.
Voici quelques-uns de ces mijotés cuisinés avec les restes (le peu que j'avais archivé à peu près correctement, le reste ayant rejoint « Kilobyte's patron » dans le néant). J'espère que le bouquet d'épices et la cuisson lente réveille le goût de ces carnes pas fraîches et que l'ensemble vous donne envie de vous mettre à votre tour aux fourneaux. N'hésitez pas à nous expédier vos propres travaux, la matière première ne manque pas.
Les lecteurs des sons suivants pouvant être utilisés simultanément, libre à vous de superposer ces sonnets étriqués à votre guise.
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