L'histoire est un cauchemar
dont j'essaie de m'éveiller. (James Joyce, Ulysse).
Série de 18 planches (50x16cm chacune), collage, pastel et acrylique sur
carton. Les collages s'excluent peu à peu d'un chaos originel: le magma
de l'atelier. Laboratoire rendu pléthorique par l'accumulation de documents,
de photographies, de reproductions d'oeuvres, de notes de lecture. Autant
d'éléments constitutifs d'un corps du délit à venir, réservés avec préméditation.
La réserve est cette première promesse de travail et la constitution de
cette banque de données n'est pas innocente en regard des fonctions de la
mémoire, puisque je cherche à me constituer un dépôt de références choisies,
comme pour en perpétuer le souvenir, les tirer de l'oubli. Même si cette
mémoire vive ne peut se dédouaner des manques inhérents à tout effort de
rétrospection...
C'est par l'entretien d'une relation
préliminaire nouée avec ces documents que je mesure mieux la portée de
leur isolement puis de leur rassemblement dans un corpus. Il m'arrive
souvent de projeter un travail plastique à leur simple vue, dans les liens
que je pourrais tisser entre eux: c'est déjà l'espace d'un entre-temps,
celui où je me prends d'emblée au jeu de la fiction. Car ce stockage d'images
est l'entremise première d'un projet qui n'a rien d'une reconstitution
du savoir: leur mise en présence respective dans la réserve laisse présager
une rencontre entre le sens de l'image prélevée et son altération, entre
la reproduction qui devient parfois sa perte (son oubli) et le traitement
pictural qui lui ne se constitue que de se rappeler à lui-même (sa mémoire).
Le plus grand mérite de la fiction est de pouvoir disposer du monde en
raison même de son absence...
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