Prendre des photos de mes trajets correspond bien à mes obsessions
de traquage (des objets, du temps) et à ma volonté
de vouloir fixer le vécu en l'enfermant dans des séries
de déplacement (voir l' Adam project: «Une journée
banale»). Au départ, je voulais accompagner ces parcours
fléchés de discours, de dialogues philosophiques du
genre «maître et disciple». Le mouvement me semblait
favorable au questionnement et à la réflexion (même
et surtout quand on est seul), c'est en marchant, en roulant, en voyageant
que ma pensée s'agite, que les idées viennent, comme
si elles suivaient le mouvement.
Très vite, dès le deuxième essai, la forme a
changé, ce n'était plus vraiment des «road movies»
; d'eux , je ne retenais que la quête, le voyage intérieur,
l'évolution du héros. Le dialogue a alors pu disparaître
au profit du monologue et le voyage est devenu le plus immobile possible.
Comme si le quotidien le plus banal, l'immobilité totale à
défaut de permettre à la pensée de se libérer
mettait en relief le discours tenu. |