Le directeur des Beaux-Arts de Paris, Henri-Claude Cousseau, vient d'être mis en examen. On lui reproche d'avoir contribué à montrer des images à «caractère pornographique, violent, portant atteinte à la dignité de l'enfant», dans une exposition au Centre d'arts plastiques contemporain de Bordeaux en 2000.

Comme elle est souterraine cette hypocrisie! Elle brandit le spectre de la protection des mineurs pour empêcher un public adulte d'avoir accès à des images jugées choquantes par des personnes qui ne trouvent absolument pas choquante l'exploitation outrancière des enfants dans les messages publicitaires, qui n'a rien à dire contre l'étalage très grossier de photographies dénuées de qualité et qui donnent à voir encore et toujours le corps mensonger de la femme et qui ne fait pas grand chose contre le racolage d'une certaine presse — c'est amusant récemment dans le RER, Madeleine, sept ans, me demande qu'est-ce que cela veut dire «spécial sexe»?; mais où tu vois ça Madeleine?; elle me montre c'est une de ces affichettes qui pend lamentablement au milieu des wagons, pas plus élégante qu'un préservatif usagé, et la réaction somme toute outrée du type assis à côté de nous parce que je tente vraiment d'expliquer à Madeleine de quoi il retourne.

Tant qu'il y a commerce, en quelque sorte, ça passe. Mais qu'il s'agisse d'images ou d'oeuvres qui justement étendent leur questionnement dans les terrains de la représentation du sexe et qui plus souvent qu'à leur tour, montrent les corps tels qu'ils sont, ou encore disent le mystère du corps des enfants, et alors c'est un déchainement outrancier de ces personnes qui se disent choquées. D'ailleurs l'association la Mouette — une de ces merveilleuses associations de gens bien pensants et qui donc ne peuvent pas penser à mal, pensez, la protection des enfants — qui est ici plaignante dans cette affaire ne demande par ailleurs rien d'autre que la destruction des oeuvres incriminées et plus particulièrement celles d'Annette Messager, photographies d'enfants dont les yeux sont rayés au stylo bille, interdire ce n'est donc pas suffisant, il faut aussi détruire. Des gens de droite. Les oeuvres d'Annette Messager qui seraient vouées à ce fantasme d'autodafé datent de 1971, est-ce à dire que nous serions revenus à un état de rigueur morale antérieur à 1971, c'est-à-dire antérieur à la loi Weil sur les interruptions volontaires de grossesse? Nous voilà bien. Et puis fait amusant, le maire de Bordeaux, Alain Juppé, blogeur, ancien Premier Ministre de droite, avait refusé que son nom apparaisse en qualité de maire de Bordeaux sur le carton d'invitation à cette exposition. Si ce n'est pas du bon gros courage politique de droite ça ma petite dame, quel engagement!

Je n'arrive pas à prendre ces peigne-culs de droite au sérieux. C'étaient les mêmes, il y a une dizaine d'années qui balayaient, d'un revers de la main condescendant, internet, expliquant, doctement, que ce que l'on trouvait surtout sur internet c'était du sexe, «même quand on ne le faisait pas exprès». Ces grandes personnes omettaient toujours de préciser que dans leur moteur de recherche, ils avaient tapé «gros nichons», «grosses fesses» et «venez m'aider à me toucher». Vous trouvez que j'exagère? Je crois que je n'oublierai jamais la demande en aide d'un de mes amis, il m'avait dit avoir visité des sites pornographiques et que depuis cette idée saugrenue, toutes sortes de fenêtres de popup venaient parasiter sa navigation. Je lui ai répondu que ce n'était pas grave, j'ai téléchargé un logiciel antispyware, je l'ai installé et j'ai fait un scan. Effectivement j'ai trouvé une petite soixantaine d'objets malveillants, je les ai isolés et je les ai supprimés. Et, tandis que je faisais cela, la fille de mon ami m'a demandé ce que je bricolais, alors je lui ai expliqué prudemment que j'essayais de débarrasser l'ordinateur de son père des parasites qui donnaient à voir des jolies madames, elle a pouffé et m'a dit que je devrais faire pareil chez sa mère. Son beau-père, peut-être. Puis c'est la belle-soeur de mon ami qui me demande comment je fais parce qu'à la maison elle a la même chose, et puis une amie de passage qui me demande la même chose.

Mais je m'égare. La colère m'égare. Souvent. Toujours.

La musique pour cet article n'est autre que Sex with your parents de Lou Reed morceau dans lequel il explique à Bob Dole, sénateur ultra conservateur du Kansas, qui a concouru contre Bill Clinton aux élections présidentielles de 1996, que pour lui, Lou Reed, si Bob Dole veut faire interdire tant et tant de choses c'est que ses parents ont couché avec lui quand il était enfant. Quel chanteur en France aurait le courage d'écrire une chanson de ce genre à propos du petit-Nicolas-qui-ne-fait-pas-rire? Et je n'en veux à personne pour ce manque de pugnacité parce que justement une telle chanson ne pourrait pas être diffusée en France, elle serait censurée.

La censure est en train de devenir une spécialité très française. Et ce qui est alarmant c'est qu'elle trouve des sbires zélés pour s'en faire les volontaires. Un administrateur de théâtre pour censurer Handke dont il n'a probablement jamais lu une ligne, une association de défense de l'enfance pour s'en prendre à l'ancien directeur du musée des Beaux-Arts.

En revanche la véritable pédophilie, celle sale et dénue de talent, qui circule sous le manteau, n'est pas vraiment inquiétée. Il y a un an, une collègue de ma compagne découvrait dans les planches-contacts d'un photographe des images épouvantables. Comme la loi l'y oblige, les films ayant été développés dans ce même labo, elle s'en ai ouvert à son patron qui s'est empressé de ne rien faire pour ne pas perdre un client. Et pourtant il tenait là un véritable pédophile. Certainement plus dangereux que Henri-Claude Cousseau. Dont je vous assure qu'il m'a tout l'air d'un honnête homme. Notamment pour avoir eu le courage de présider une exposition, apparemment dans une municipalité de blogueurs de droite, et dont aujourd'hui il doit répondre devant la loi. Je voyais cela plus pépère comme boulot, directeur d'un centre d'art contemporain.

Les paroles de Sex with your parents de Lou Reed.

I was thinking of things that I hate to do
SEX WITH YOUR PARENTS
Things you do to me or I do to you, baby
SEX WITH YOUR PARENTS


Something fatter or uglier than Rush Rambo
Something more disgusting than Robert Dole
Something pink that climbs out of a hole
And there it was - SEX WITH YOUR PARENTS


I was getting so sick of this right wing republican shit
These ugly old man scared of young tit and dick
So I try to think of something that made me sick
And there it was - SEX WITH YOUR PARENTS


Now these old fucks can steal all they want
And they can go and pass laws saying you can't say what you want
And you can't look at this and you can't look at that
And you can't smoke this and you can't snort that
And me baby - I got statistics - I got stats
These people have been to bed with their parents


Now I know you're shocked but hang and have a brew
If you think about it for a minute you know that it's true
They're ashamed and repelled and they don't know what to do
They've had sex with their parents
When they looked into their lovers eyes they saw - mom
In the name of the family values we must ask whose family
In the name of the family values we must ask - Senator


It's has been reported that you have had
Illegal congress with your mother, - SEX WITH YOUR PARENTS
ah, Senator
An illegal congress by proxy is a
Pigeon by any other name, - SEX WITH YOUR PARENTS


Senators you polish a turd
Here in the big city we got a word
For those who would bed their beloved big bird
And make a mockery of our freedoms
Ah, without even using a condom
Without even saying "no"
Bob Dole we have a name for people like that
It's - hey motherfucker