Sauvez un enfant : tuez un artiste ! 1. Madame La Mouette. Sans doute est-ce à cause de la fiente. Dans Libération du 20/11/2006, vous déclarez : «Le corps d'un enfant est évidemment beau, mais pas s'il est exposé dans des images à caractère sexuel». Une vulgate ? Quand je lis ça, est-ce que, je me demande. Je me demande jusqu'où vous iriez décliner cette chose, cette affirmation. Évidemment beau. Depuis quand pourquoi serait-ce évidemment beau ? Un enfant, un corps d'enfant ? À quelle logique faut-il s'accrocher pour affirmer une énormité pareille, une généralité aussi stupide. Si on en suit le fil, suivons-le, un instant, pourrait-on dire de la partie ce que l'on dit du tout : « les fesses de l'enfant son évidemment belles, mais pas si elles sont exposées dans des images à caractère sexuel ». Et des organes internes, « le gros colon de l'enfant est évidemment beau, mais pas s'il est exposé dans des images à caractère sexuel ». Ou des fèces, « la merde de l'enfant est évidemment belle, mais pas si elle est exposée dans des images à caractère sexuel ». Et le corps malade de l'enfant, « le corps de l'enfant prêt à mourir de faim est évidemment beau, mais pas s'il est exposé dans des images à caractère sexuel. Le corps de l'enfant obèse est évidemment beau, mais pas s'il est exposé dans des images à caractère sexuel. Le corps de l'enfant cholérique, lépreux, diphtérique, tuberculeux, pustuleux est évidemment beau, mais pas non, mais pas alors, mais pas du tout, aucunement et sans discussion s'il est exposé dans des images, pas n'importe lesquelles, des images, ces images particulières, des images à caractère, des images dont on peut dire qu'elles sont, sans le moindre doute, des images à caractère sexuel ». Et encore ne doutez vous pas de ce caractère. Sexuel. Donc. Et le corps mutilé de l'enfant ? « le corps de l'enfant qui vient de se faire arracher une jambe par une mine est évidemment beau, mais pas s'il exposé dans des images à caractère sexuel » 2. Le corps de l'enfant en sa beauté, il faut, c'est ça, le protéger des atteintes. Une exposition était intitulée : Présumés Innocents, au titre si innocent, l'innocence c'est bien connu, de l'enfance. Maintenant la justice a transformé ce titre en «diffusion d'images à caractère pédopornographique» et «corruption de mineurs par exposition de plusieurs documents portant atteinte à la dignité des enfants». Cela sera sans doute un grand succès. Je trouve cela un bon titre. Accrocheur, juste comme il faut. Pas à dire, ils s'y connaissent en marketing des expositions. Vous aussi. En marketing de quoi ? «On ne peut pas faire voir à des enfants des images pornographiques, morbides ou malsaines, car ils n'ont pas le recul pour les analyser», justifie La Mouette. «Nous souhaitons un procès, affirme encore La Mouette. Pour ouvrir le débat : est-ce que l'on peut tout faire en terme d'art quand cela concerne les enfants». Dignité de l'enfant, images morbides à éviter aux enfants, jusqu'où aller trop loin, c'est cela, je vous le demande ? Je vous le demande. Toujours la même vieille question. Madame la mouette. Dites-nous, pourquoi demander à la justice de nous le dire et non pas nous le dire vous ? Votre idée a l'air faite. Et quand je dis faite ... trop faite sans doute. S'il s'agit d'ouvrir un débat, est-ce à la justice de ? la justice n'ouvre ni ne ferme les débats, elle condamne, ou innocente, ou relaxe, ou prononce le non-lieu, elle n'a pas ce pouvoir d'ouvrir le débat, elle applique la loi qui est une chose dure et peu innocente, et qui envoie les gens en prison, ce qui n'est pas le meilleur moyen de débattre. aussi cet argument est stupide et hypocrite. Ce que vous demandez à la justice c'est de juger. Ce qui menace dans votre plainte, c'est de la prison. Nous n'irons pas jusque là ? Je me demande. Il y a dans tout cela une façon de jouer avec le délire ambiant, cette menace pédophile qui pénétrerait nos reins et nos coeurs, qui sent fort et mauvais Aussi en remède, vous proposé-je ce slogan plus efficace pour une de vos futures campagnes « sauvez un enfant : tuez un artiste ». 3. Je me suis penché sur le problème suite à vos déclarations, et je pense pouvoir y apporter une solution simple et élégante qui ne peut que retenir l'assentiment. Pour que rien ne vienne plus choquer le regard des enfants, il serait bon de leur crever les yeux, et ce dès la naissance, avant que le mal ne s'infiltre en eux par ces fenêtres de l'âme. Ainsi le mal ils ne le verront pas, ils en deviendront incorruptibles et indéfiniment purs. Ils resteront innocents. Ce sera une grande fierté, pour nous tous. Et pour que nul ne profane cette innocence et ne s'en empare pour en tirer des images immondes, que nul n'en conçoive de pensées obscènes, nous les tiendrons sans cesse cachés sous de longs voiles qui ne laisseront rien deviner de la forme de leur corps, ni de celle de leur visage. Quiconque osera lever ces voiles, nous le lapiderons. Leurs mères même aux tout-petits n'auront le droit de porter de soins que dans l'obscurité la plus complète et très tôt ne devront plus les toucher du tout, car des mères aussi il y a à craindre. Pour leur bonne santé nous nommerons, sur recommandation des associations compétentes, des bergers d'enfants, que nous prendrons parmi les purs, et nous leur confierons des troupeaux d'enfants afin qu'ils les conduisent respirer l'air non-souillé de nos campagnes. Afin d'éviter de perdre nos petits encapuchonnés, nous les lierons les uns les autres au moyen d'une corde dont une extrémité sera tenue par le berger. Qui sera accompagné d'un chien dressé afin de protéger le troupeau mais aussi de ramener dans le droit chemin les petits récalcitrants, s'il y en a. Et durant leurs promenades, tous ils chanteront. Je propose que soit créée une commission qui dés maintenant s'attache à sélectionner dans nos chansons traditionnelles les plus adaptées à nos buts et écartent des innocentes petites oreilles toute source d'impureté. Quoique. Il serait préférable aussi de les rendre sourds. On ne sait jamais. Oolong
dessin: L.L. de Mars |