SUJET: CENSURE & PORNOGRAPHIE
----- Original Message -----
From: "Thierry Bouche"
Sent: Friday, May 24, 2002 2:50 PM
Subject: Re[2]: [terrier] Racisme : une inquiétude
Le jeudi 23 mai 2002 à 15:29:44, goudal goudal écrivit
:
gef> En ces temps modernes nous avons remplacé l'agitation politique
par l'agitation de nos bites.
c'est un truc qui m'affecte, personnellement. par exemple que notre excellent LLdM se complaise dans la plus immonde pornographie et rejette violemment toute opinion raciste (comme chez Camus*, d'accord on recommence pas ,-). La censure des bites serait scandaleuse, tandis que d'autres seraient bienvenues...Mais ce qui m'alarme, c'est ton « nous » : est-tu bien sûr que « nous » jouons bien dans la même catégorie qu'un Céline...?
--
Thierry Bouche
----- Original Message -----
From: "Lldm"
Sent: Saturday, May 25, 2002 8:20 PM
Subject: Re: Re[2]: [terrier] Racisme : une inquiétude
>c'est un truc qui m'affecte, personnellement. par
exemple que notre excellent LLdM se complaise dans la plus immonde pornographie
et rejette violemment toute opinion raciste (comme chez Camus, d'accord on recommence
pas ,-).
C'est pas vrai, il recommence; c'est pourtant assez facile à saisir,
non? Un propos raciste vise à la discréditation, l'humiliation,
la catégorisation voire la destruction d'une partie de la population.
Il est un véhicule de haine puissant, fédérateur, dont
le but est le mal, la propagation de ce mal, l'installation des idées
associées à ce mal. Indirectement, il vise le meurtre. Tu fais
comme si lorsque Céline écrivit "bagatelle" c'était
un grain de sable dans le désert. C'est faux: "bagatelle" a
eu un immense tirage, a rassasié la soif de haine d'un public pour qui
Céline était déjà devenu un très grand écrivain
populaire, dont on écoutait la voix, qui avait une immense portée.
Mise au service du cul, une telle portée aurait peut-être conduit
à deux ou trois bites dans le cul de plus. Mise au service de l'antisémitisme
quotidien sous sa forme la plus virulente, elle fait de Céline un responsable
direct du processus d'ostracisation et d'oppression de la population Juive en
France.
C'est simple tout de même: le cul vise à nous faire plaisir, ou
à nous amuser, ou, dans d'autres cas, à poser des interrogations
cruciales sur notre jouissance. Le racisme vise quoi qui souhaite nous élever,
nous grandir? La pornographie est un monde de questions, la haine de réponses.
>La censure des bites serait scandaleuse, tandis que d'autres seraient bienvenues...
je n'étais pas pour une censure du livre de Camus. J'étais parfaitement
du côté de ceux qui considèrent ses propos comme crapuleux
et lui demandent des
comptes. J'exigeais un accompagnement de ses foutaises; il est désormais
amplement disponible sur le site de Camus lui-même (http://perso.wanadoo.fr/renaud.camus/),
qui, souvent, pose des questions justes. Mais les questions justes soulevées
par son texte (quel type de problème entoure la prononciation, ou plus
exactement l'impossibilité dans certaines circonstances de prononcer
le mot Juif) ne justifient aucunement la certitude délirante (et raciste)
sur laquelle se fonde ce texte (il s'agissait d'établir l'incapacité
des Juifs à se "sortir" de leur judéité pour
causer de problèmes typiquement français; L'opposition juifs/français
qui s'y disait, et pire: l'enfermement d'une catégorie de la population
dans son origine, oui, c'était une position antisémite).
Pour le reste, il y aurait beaucoup à dire sur Camus qui oscille - comme
souvent - entre philosémitisme (son "discours de Flaran", son
texte sur "six prayers" de Anni Albers etc.) et attitude à
la hussard de mes fesses dont la panoplie contient systématiquement le
petit kit antisémite. Mais en ce qui concerne le passage de "La
campagne de France", je maintiens qu'il faille publiquement le discuter,
en dénoncer la terrible charge.
Alors la censure? Non. La coupe franche, le rebut, l'ombre, on sait tous très
bien ce que ça donne: l'aura du mystère, la certitude que si ça
se planque, c'est sûrement un truc important, que les révélations
que ça contient gènent tout le monde (sous entendu: les bien-pensants,
donc c'est forcément courageux et rebelle) et, en bref, que si on nous
cache des choses c'est pour nous maintenir dans l'ignorance du grand secret,
de la grande équation (ce qui est assez marrant, parce que quand des
livres comme "les assassins de la mémoire" sont publics, ça
a pas l'air de géner grand-monde d'être ignorant). Alors surtout
pas de censure là-dessus. Si on vous maintient Mein Kampf dans l'ombre,
vous lui supposerez peut-être des vertus.
Si vous le tenez entre vos mains, vous ne mettrez pas plus de dix secondes avant
de reposer ce torche-cul écrivaillé par un demi-demeuré
aussi analphabète que teigneux. Je crois même que c'est tellement
furieux et niais
que ça peut guérir certains d'un antisémitisme naissant.
Pour les autres, les convaincus, ils auraient pu tout aussi bien l'écrire
eux-mêmes, alors..
L.L.d.M.
----- Original Message -----
From: goudal
Sent: Friday, August 30, 2002 12:10 PM
Subject: [terrier] Censure...
J'ai lu dans mon Sud-Ouest (le journal local consensuel unique de droite de
Bordeaux) qu'un livre nommé Rose bonbon dont le héro est un pédophile
criminel est auto censuré par son éditeur (Gallimard ?) après
qu'une Giscard D'Estaing s'occupant d'une fondation pour l'enfance ait gueulé.
Quelqu'un aurait-il des infos plus précise sur le sujet ?
Apparemment je ne trouve rien sous google.
F.G.
----- Original Message -----
From: goudal
Sent: Friday, August 30, 2002 1:21 PM
Subject: Re: [terrier] Censure...
L'excellent Mac Cornic m'a envoyé un article du Monde :
Gallimard suspend la commercialisation de "Rose bonbon"
Jeudi 29 août 2002
(LE MONDE DES LIVRES)
Le roman de Nicolas Jones-Gorlin, qui met en scène un pédophile,
provoque le premier scandale de la rentrée. L'association L'Enfant bleu
veut saisir la justice pour poursuivre le livre.
La rentrée littéraire connaît son premier scandale, avec
la parution chez Gallimard du livre de Nicolas Jones-Gorlin, Rose bonbon. Le
livre a suscité une vive réaction de l'association pour la défense
de l'enfance maltraitée, L'Enfant bleu. Dans ce deuxième roman,
le jeune auteur met en scène un pédophile qui parle à la
première personne. Il décrit des scènes d'attouchement
sur de jeunes enfants, mais il dénonce aussi la complaisance dont peuvent
bénéficier des pédophiles mondains. Après avoir
pris connaissance de plusieurs extraits du livre, l'association a envoyé
le 20 août un courrier à Gallimard pour alerter l'éditeur
sur "cette publication qui risque de heurter la sensibilité de l'opinion
publique et de nombreuses victimes de pédophiles".!
L'association demandait que l'ouvrage ne soit pas mis en vente, précisant
qu'il tombait sous le coup"des articles 227-23 et 227-24 du code pénal",
qui s'appliquent aux images, aux films pornographiques et à Internet.
Ces textes visent "le fait, en vue de sa diffusion, de fixer, d'enregistrer
ou de transmettre l'image ou la représentation d'un mineur lorsque cette
image ou cette représentation présente un caractère pornographique".
Le livre a été mis en vente le 26 août, avec un bandeau
sur la couverture : "Amours mineures". L'association a annoncé
qu'elle allait saisir le parquet pour lui demander d'"entreprendre des
poursuites".
Pour l'avocat de L'Enfant bleu, Me Yves Crespin, "ces passages mettent
en scène de très jeunes enfants dans un cadre pornographique.
Un film qui en serait tiré serait inadmissible. Mais la crudité
des propos est aussi choquante que celle des images. S'il s'agissait d'un livre
autobiographique, cela aurait une valeur documentaire, mais c'est une ?uvre
de fiction."L'avocat de Gallimard, Me Laurent Merlet estime que "le
délit pénal n'est pas constitué. Il ne s'agit pas d'un
livre pornographique et il faut prendre le livre dans sa totalité".
"Je ne me sens pas opposé à L'Enfant bleu, se défend
Nicolas Jones-Gorlin. En écrivant ce livre, je savais que je touchais
un sujet brûlant, mais je ne pensais pas trouver des associations antipédophiles
comme ennemi. Mon personnage n'est pas sympathique. Le livre montre aussi la
complaisance qui peut entourer la pédophilie. Ce n'est pas pour rien
que le personnage est en liberté et que la justice est presque absente.
Il y a une critique de la société dans le roman. Je comprends
que certains passages puissent choquer.
Mais ne doit-on pas montrer la pédophilie dans un livre sur la pédophilie
?" Chez Gallimard, on est embarrassé par cette polémique.
L'éditeur a suspendu l'approvisionnement des librairies. Le livre a été
tiré à 4 000 exemplaires. 2 000 exemplaires ont déjà
été mis en place dans les librairies et sont en vente. Gallimard
a demandé aux libraires de supprimer le bandeau qui a choqué L'Enfant
bleu.
La directrice éditoriale, Teresa Cremisi, indique : "Le livre a
fait l'objet de discussions, mais nous l'avons pris pour des raisons littéraires.
Nous ne voulons choquer personne. Nous ne le retirerons pas de la vente, pas
plus que ceux de Genet, Guibert ou Lolita de Nabokov. Nous suspendons l'approvisionnement
dans un esprit d'apaisement et parce que nous ne voulons pas que le scandale
profite pour de mauvaises raisons aux ventes du livre." En raison de son
sujet, le roman a fait l'objet de désaccords au comité de lecture.
Certains membres, à l'image de Jean-Bertrand Pontalis étaient
réservés sur sa publication, défendue par son éditeur,
Michel Braudeau, qui se refuse à commenter cette polémique. Antoine
Gallimard a tranché en faveur de la parution et l'a acceptée dans
la "Collection blanche". Alerté par des articles de presse,
L'Enfant bleu s'apprête à lire le livre de Louis Skorecki, Il entrerait
dans la légende, aux éditions Léo Scheer, qui met en scène
un serial killer tuant les femmes et les enfants qu'il aime. "Il faut tirer
une sonnette d'alarme pour éviter que ce genre de littérature
ne prospère", explique Me Crespin. " La littérature
explore les zones de l'humanité, estime Léo Scheer, elle est en
promiscuité avec le mal. L'inceste et la pédophilie sont à
l'origine des derniers scandales littéraires. Ils sont les derniers tabous,
alors qu'ils florissent dans les journaux et les faits divers."
Alain Salles
Au vu de cet article je me pose des questions quant au terme «image ou
représentation» appliquée à un texte.
Je sais bien qu'on parle d'image littéraire, mais je doute qu'il s'agisse
de ça ici. Est-ce qu'il n'y aurait pas un grave confusion dans les spécificités
des différents médias ?
C'est consternant de voir que Yves Crespin considère qu'un oeuvre de
fiction est plus intolérable qu'un documentaire. Ferait-il le même
commentaire en lisant «Juliette» ?
Il semble que cette confusion des genres littérature, photos, fictions,
reportages... devient de plus en plus nauséabonde.
F.G.
----- Original Message -----
From: "Lldm"
Sent: Friday, August 30, 2002 5:22 PM
Subject: Re: [terrier] Censure...
>Il décrit des scènes d'attouchement sur de jeunes enfants, mais il dénonce aussi la complaisance dont peuvent bénéficier des pédophiles mondains.
faut croire qu'il n'a pas encore assez pris de gants pour caresser l'opinion dans le sens du fantasme
>de plusieurs extraits du livre, l'association a envoyé le 20 août un courrier à Gallimard pour alerter l'éditeur sur "cette publication qui risque de heurter la sensibilité de l'opinion publique et de nombreuses victimes de pédophiles".!
sans parler des pédophiles qu'il risque de heurter si le récit
est mal
documenté
>qui s'appliquent aux images, aux films pornographiques et à Internet. Ces textes visent "le fait, en vue de sa diffusion, de fixer, d'enregistrer ou de transmettre l'image ou la représentation d'un mineur lorsque cette image ou cette représentation présente un caractère pornographique"
voilà au fond qui fait plaisir: c'est reconnaître à la
littérature un immense pouvoir de représentation! Etrange que
ce pouvoir discrédite
pourtant chaque jour les arts littéraires au profit de la consommation
massive d'images de tout poil, et que sa reconnaissance dans les livres ne refasse
surface que pour des affaires de ce genre. Qu'est-ce que ça signifie?
Ça signifie au fond, probablement, que nous vivons dans une société
si pédophile elle-même, et si certaine de l'être, qu'elle
ne peut que se méfier du pouvoir de représentation non pas des
livres, mais des lecteurs que les livres invitent à s'y donner. Qui représente
devant le livre, sinon le lecteur?
>en vente le 26 août, avec un bandeau sur la couverture : "Amours mineures".
comme c'est touchant; on est pas très loin d"amitiés particulières", hein?
>Pour l'avocat de L'Enfant bleu, Me Yves Crespin, "ces passages mettent en scène de très jeunes enfants dans un cadre pornographique.
ces passages mettent en scène des mots (à moins qu'on ait broyé des mouflets pour produire l'encre?)
>Un film qui en serait tiré serait inadmissible.
En est-il question? De quoi parle-t-on?
>Mais la crudité des propos est aussi choquante que celle des images.
Qu'un livre soit "choquant" est-il choquant?
>S'il s'agissait d'un livre autobiographique,
s'il s'agissait d'un film
s'il s'agissait d'une pièce de théâtre
s'il s'agissait d'un message crypté préparant le plan d'invasion
de la terre
par des extra-terrestres
si ma tante en avait
>Mon personnage n'est pas sympathique. Le livre montre aussi la complaisance qui peut entourer la pédophilie. Ce n'est pas pour rien que le personnage est en liberté et que la justice est presque absente. Il y a une critique de la société dans le roman.
pouacre, effectivement, interdisons le livre, cet écrivain est trop lâche et trop con, décidément.
>Alerté par des articles de presse, L'Enfant bleu s'apprête à lire le livre de Louis Skorecki,
quand on a commencé, on y prend goût, on peut plus s'arrêter, c'est bandant une paire de ciseaux
>"L'inceste et la pédophilie sont à l'origine des derniers scandales littéraires. Ils sont les derniers tabous, alors qu'ils florissent dans les journaux et les faits divers."
on notera au passage que personne n'échappe à la confusion, détracteurs
comme défenseurs pataugent dans la représentation, les représentations.
Qu'entend exactement cet ahuri par "tabou"? un fait est-il consubstantiel
à son avenir de "fait divers"? Sa journalistisation est-elle
une définition?
Pas clair, non? Qui a dit que nous vivions l'époque la plus conne de
l'histoire...
>Est-ce qu'il n'y aurait pas un grave confusion dans les spécificités des différents médias ?
dans la substance même des objets, oui.
>Il semble que cette confusion des genres littérature, photos, fictions, reportages... devient de plus en plus nauséabonde.
plus rien à faire, le progrès est en marche.
L.L.d.M.
----- Original Message -----
From: "Thierry Bouche"
Sent: Friday, August 30, 2002 5:49 PM
Subject: Re: [terrier] Censure...
Salaud, tu me piques les meilleures répliques !
Le vendredi 30 août 2002, à 18:22:25, Lldm Lldm écrivit
:
L> sans parler des pédophiles qu'il risque de heurter si le récit
est mal
L> documenté
[...]
L> pouacre, effectivement, interdisons le livre, cet écrivain est
trop lâche et
L> trop con, décidément.
[...]
L> on notera au passage que personne n'échappe à la confusion,
détracteurs
L> comme défenseurs pataugent dans la représentation, les représentations.
oui, oh que oui !
L> Qu'entend exactement cet ahuri par "tabou"?
un fait est-il consubstantiel à son avenir de "fait divers"?
Sa journalistisation est-elle une définition? Pas clair, non? Qui a dit
que nous vivions l'époque la plus conne de l'histoire...
ceux qui connaissent mal les autres...
En tout cas, ça confirme pas mal de choses dont nous parlions il y a
quelque temps, qu'il est fatigant de devoir toujours constater que la société
soit tellement prévisible pour le pire et jamais pour le meilleur...
Duvert serait châtré sur la place publique, de nos jours.Ça
me rappelle un vieux « débat contradictoire » organisé
sur Arte à propos d'un type qui prétendait que le SIDA n'existe
pas : on ne l'a pas laissé s'exprimer, et cinquante « scientifiques
» et journalistes l'ont insulté et bombardé d'affirmations
péremptoires pendant une heure, aucun élément de démonstration
n'a été avancé (alors que l'autre en avait des tas de marrants,
du genre tel échantillon de sang est HIV+ dans trois pays mais pas ailleurs).
L> signifie? Ça signifie au fond, probablement,
que nous vivons dans une société si pédophile elle-même,
et si certaine de l'être, qu'elle ne peut que se méfier du pouvoir
de représentation non pas des livres, mais des lecteurs que les livres
invitent à s'y donner. Qui représente devant le livre, sinon le
lecteur?
toutes les censures signifient la même chose : une infantilisation du
lecteur supposé tout prendre au pied de la lettre. C'est pareil pourla
censure idéologique ou de propos racistes : on nous interdit l'accès
aux symptômes mêmes. Moi j'avais compris que les films pédophiles
étaient interdits parce que leur tournage imposait le recours à
d'authentiques actes pédophiles avec des mineurs ; mais apparemment la
pédophilie est en soi un crime, les mauvaises pensées sont interdites,
indépendamment des actes ?
Thierry (zoophile, par dépit de l'espèce humaine...)
----- Original Message -----
From: "Lldm"
Sent: Saturday, August 31, 2002 4:13 PM
Subject: Re: [terrier] Censure...
> ceux qui connaissent mal les autres...
Aucun siècle comme le nôtre n'a offert à la sottise ni
à la méchanceté les moyens de diffusion prodigieux qui
les érigent au rang d'art et de règle de vie pour tous. Les mailles
se resserrent, les échappatoires se raréfient, et au passage la
bêtise est devenue pour la première fois dans l'histoire un titre
de gloire ("Ça sert à rien de se prendre la tête"),
sans parler de la frivolité et du second degré (cf. "de l'humour
libéral ou l'invention de l'idiot moderne", http://www.atol.fr/lldemars2/idiot/textelldm.htm
).
Jamais l'esprit n'a été aussi publiquement foulé au pied,
les intellectuels méprisés et balancés aux rires publics
quand des imposteurs s'y mêlent sur des plateaux roses avec l'air d'encanailler
un esprit dont ils ne disposent pas ; jamais on a autant entendu chanter la
chanson "des choses simples", et quand l'art n'est pas un hobby thérapeutique
il est un gadget sociologique destiné à décorer la bassine
publique.
Que notre siècle ne soit pas que celui de la Shoah mais aussi celui du
négationnisme et de la sirupeuse Liste Schindler en fait tout de même
un joli siècle d'exception, non?
Qu'au passage Homais soit devenu maître du monde et que les plus nantis
aient la même culture que des branleurs de 13 ans sans en rougir, ça
laisse rêveur aussi...
> En tout cas, ça confirme pas mal de choses dont nous parlions il y a quelque temps, qu'il est fatigant de devoir toujours constater que la société soit tellement prévisible pour le pire et jamais pour le meilleur...
La bonté est toujours une surprise.
>Duvert serait châtré sur la place publique, de nos jours.
ça ne fait aucun doute (cf.http://www.atol.fr/lldemars2/lestextes/pinon/pinduvert.htm)
> toutes les censures signifient la même chose : une infantilisation du lecteur supposé tout prendre au pied de la lettre. C'est pareil pour la censure idéologique ou de propos racistes : on nous interdit l'accès aux symptômes mêmes.
je souhaite depuis longtemps créer un site consacré au négationnisme, et il m'est légalement impossible de citer intégralement les textes auxquels je m'attèle. Que faire?
> Thierry (zoophile, par dépit de l'espèce humaine...)
je me méfie des gens qui aiment trop les animaux. Mémère, va!
L.L.d.M.
----- Original Message -----
From: "Francois Coquet"
Sent: Saturday, August 31, 2002 5:06 PM
Subject: Re: [terrier] Censure...
>Le lièvre :je souhaite depuis longtemps créer un site consacré au négationnisme, et il m'est légalement impossible de citer intégralement les textes auxquels je m'attèle. Que faire?
Mettre un lien vers <http://www.anti-rev.org/textes/> par exemple ?
François (intéressé également par le sujet)
----- Original Message -----
From: "Thierry Bouche"
Sent: Saturday, August 31, 2002 5:18 PM
Subject: Re: [terrier] Censure...
> Le samedi 31 août 2002, à 17:13:36,
Lldm Lldm écrivit :
> L> Aucun siècle comme le nôtre
Mmh, tu parles duquel ? de celui où tu as conçu cette pensée,
ou de celui où tu l'exprimes ?
L> au passage la bêtise est devenue pour la
première fois dans l'histoire un titre de gloire ("Ça sert
à rien de se prendre la tête"),
Le top dans le genre, c'est les bouquins façon « la philosophie
du BAC sans prise de tête ». Ou, sur les sites de rencontre «
cherche relation amoureuse sans prise de tête »... Sans prise de
bec, ou sans prise de sexe, on comprendrait encore...
L> sans parler de la frivolité et du second
degré (cf. "de l'humour libéral ou l'invention de l'idiot
moderne", http://www.atol.fr/lldemars2/idiot/textelldm.htm> ).
tiens, depuis le temps que tu te cites, je vais peut-être aller regarder,
finalement...
L> Jamais l'esprit n'a été aussi publiquement
foulé au pied, les intellectuels méprisés et balancés
aux rires publics quand des imposteurs s'y mêlent sur des plateaux roses
avec l'air d'encanailler un esprit dont ils ne disposent pas ;
Mais justement, comment sçavoir ça ? Est-ce que le cerf du XIIe
s. savait que ça existait, un intellectuel ?
L> Que notre siècle ne soit pas que celui
de la Shoah mais aussi celui du négationnisme et de la sirupeuse Liste
Schindler en fait tout de même un joli siècle d'exception, non?
ah, tu es donc resté coincé au précédent ! Rien
ne prouve que le nouveau s'annonce moins exceptionnel...
L> Qu'au passage Homais soit devenu maître du
monde et que les plus nantis aient la même culture que des branleurs de
13 ans sans en rougir, ça laisse rêveur aussi...
Oui, là il y a quelque chose qui semble avoir changé -- mais,
même question : quels sont les outils dont nous disposons pour faire des
comparaisons sensées ? J'ai personnellement vécu un aspect de
cetteévolution, des années 70-80 où les étudiants
formaient le public captif des cinoches d'art et d'essai, des concerts de musique
improvisée, etc., aux années 90 où ils se sont rués
sur les superproductions hollywoodiennes (là encore, par répulsion
pour la prise de tête). Mais de là à suivre une évolution
à travers les siècles...
L> Mémère, va!
c'est trop d'honneur ;-)
--
Cordialement,
Thierry
----- Original Message -----
From: "Lldm"
Sent: Saturday, August 31, 2002 5:52 PM
Subject: Re: [terrier] Censure...
>Mettre un lien vers <http://www.anti-rev.org/textes/> par exemple ?
quel intérêt? Il n'y a aucun texte négationniste sur antirev,
c'est illégal.
Alors, on travaille comment? On dit "ils existent", "ils ont
dit que"? On
entérine le mystère qui plane autour de ces torche-culs en laissant
planer
le sentiment qu'ils révèlent quelque chose d'interdit, donc qu'ils
sont
proches d'une vérité scandaleuse? Même un lien sur un site
négationniste est
illégal.
L.L.d.M.
----- Original Message -----
From: "bonobo"
Sent: Saturday, August 31, 2002 8:09 PM
Subject: Re: [terrier] Censure...
>Lldm a écrit :
> On dit "ils existent", "ils ont dit que"? On entérine
le mystère qui plane autour de ces torche-culs en laissant planer le
sentiment qu'ils révèlent quelque chose d'interdit, donc qu'ils
sont proches d'une vérité scandaleuse? Même un lien sur
un site négationniste est illégal.
On produit de la vérité pour qu'ils ne soient pas seuls à
dispenser leurs proses puisque la Loi nous oblige à la pure confrontation
quantitative. C'est l'américanisation de l'Europe. En Amérique,
tous les discours ont droit de cité tant qu'ils sont. Américain.
Préparons-nous : toutes les opinions politiques vont dorénavant
avoir le droit de cité sans qu'on puisse jamais rentrer dans un quelconque
débat, confrontation, contradiction, sans que ça tombe sous le
coup de la loi. Le Pen, depuis peu, prépare sa véritable «
entrée en politique ». La seule question est : qui se prépare
(vraiment) en face ?
> marchandisation des idées
La coexistence de tout et de son contraire a commencé.
Je ne crois pas au jugement sur les siècles. Qu'est-ce que c'est d'abord
que cet objet siècle ? Et je ne crois pas au mal d'une situation globale
non créée, non voulu et pas pire qu'une autre. Par contre, personne
nous empêche d'être actif. Il faut donc, dans toutes les acceptions,
imprimer.
bah !
A.F.
----- Original Message -----
From: "Lldm"
Sent: Sunday, September 01, 2002 1:53 AM
Subject: Re: [terrier] Censure...
> Mmh, tu parles duquel ? de celui où tu as conçu cette pensée, ou de celui où tu l'exprimes ?
du XIXème siècle que nous n'avons pas quitté (et que nous ne sommes pas près de quitter); je vous renvoie, pour éclairer un peu cette brutale assertion, au "XIXème siècle à travers les âges" de P. Murray (Denoël)
> Le top dans le genre, c'est les bouquins façon « la philosophie du BAC sans prise de tête ». Ou, sur les sites de rencontre « cherche relation amoureuse sans prise de tête »... Sans prise de bec, ou sans prise de sexe, on comprendrait encore...
Sans prise suffirait : du surf.
> Oui, là il y a quelque chose qui semble avoir changé -- mais, même question : quels sont les outils dont nous disposons pour faire des comparaisons sensées ?
Nous disposons de l'histoire comme outil comparatif suffisamment bien renseigné,
du moins pour la classe des nantis. Nous n'avons aucune difficulté à
observer le déplacement de l'intérêt porté au savoir
dans cette classe et nous savons aussi ce que les productions intellectuelles
et artistiques doivent depuis bien longtemps à ces classes dominantes
(qu'on ne me casse pas les couilles avec l'élitisme, ce n'est pas le
sujet) . Que promeut aujourd'hui la classe dominante? Pour quoi paye-t-elle?
Nous avons un premier ministre qui met en avant sa connaissance des chansons
de Johny Halliday, et même si nous voyons très bien la somme de
démagogie
flatte-couillons incluse dans ses déclarations racoleuses, nous savons
aussi qu'il n'a rien d'autre à proposer. Messier a la culture musicale
d'une petite branleuse de 12 ans. Littéraire, aucune. Le savoir conçu
comme richesse est dévalué par la richesse conçue comme
_être_, et un vrp s'autorise à mépriser quiconque a un salaire
inférieur au sien sans imaginer que l'on vaille quoi que ce soit hors
de ce salaire. Les artistes eux-mêmes se flattent de faire des oeuvres
ludiques, people, visent la fusion dans la collectivité et ont abandonné
toute recherche au profit de la spectacularisation de l'art. On s'emmerde, et
ferme.
>J'ai personnellement vécu un aspect de cette évolution, des années 70-80 où les étudiants formaient le public captif des cinoches d'art et d'essai, des concerts de musique improvisée, etc., aux années 90 où ils se sont rués sur les superproductions hollywoodiennes (là encore, par répulsion pour la prise de tête). Mais de là à suivre une évolution à travers les > siècles...
Que te répondre? Tu préfère ne pas y croire parce que
chaque génération apporte depuis toujours sa charreté de
vieux cons qui pleurnichent "c'tait mieux avant"? Tu n'as pas tort
d'être méfiant, mais tu oublies une chose: "ce n'est pas parce
que je suis paranaoïaque que tout le monde n'est pas contre moi".
En d'autre termes, nous avons toutes les raisons de croire que l'imbécilisation
générale est en marche et qu'elle est glorieuse, même si
ce discours a été souvent répété, il est
peut-être, hélas, enfin devenu vrai. Tu me parles des étudiants,
voici un court exemple : un de mes amis est libraire à l'Université
de Rennes II (Lettres, sciences humaines, langues).
Il voit chaque année son rayon se déserter un peu plus. Lui dont
je connaissais la boutique pleine et dont le succès faisait plaisir à
voir végète dans un rayon le plus souvent vide où il fume
des joints en se grattant les couilles. Il a perdu tout plaisir à fouinasser
pour dégoter des petits merveilles (il n'avait pas son pareil pour trouver
des éditions originales de Maurice Roche, des petites trucs illustrées
de Klossowski, et des publications bien plus surprenantes), puisqu'il ne vend
plus que les trois ou quatre merdes exigées par les programmes en cours.
Ses seuls clients curieux sont des profs, ceux qui lui achetaient déjà
ce qu'il aimait vendre il y a quinze ans. Une des plus célèbres
librairies de France à Rennes a disparu, une institution qu'on croyait
inébranlable ("Les nourritures terrestres"). Le seul disquaire
de la ville qui fourbissait de la musique contemporaine et, surtout, qui en
écoutait, a fermé ses portes. Un Virgin s'est ouvert : 20 fois
plus grand que ce disquaire, il n'offre pas le dixième de son choix,
et les vendeurs pas le millième de ses compétences. Cette andouillerie
uniformisante est générale, elle touche tous les milieux.
Les jeunes branleurs qui organisent des festivals d'art contemporains n'ont
qu'une chose qui les différencie des institutions, leur budget. Pour
le reste, leurs aspirations, leur culture, leur conception de l'art, sont les
mêmes. Que j'aie affaire à des demeurés institutionnels
ou des jeunes artistes, j'observe le même mépris pour tout ce qui
de près ou de loin ressemble à de l'esprit et aux exigences que
ça suppose. La solitude désirée
rend méfiant, le goût pour les choses difficiles fait rire. Le
savant, s'il n'est pas distrayant ou télévisuellement impertinent,
est un casse-couille honni, un rabat-joie à fuir. La mystique à
deux balles du Chaos est la seule porte de sortie que semblent trouver les quelques
vagues rebelles qui écrivaillent dans des revues pas encore officielles.
Les dernières choses que nous aimions ont été tellement
défigurées et malaxées en digest pour tourtes mondaines
ou pédagogues que nous allons tous devoir bientôt travailler sans
citation.
Dix pages d'homélie de ce genre ne suffiraient pas à brosser un
panorama assez juste de la situation navrante dans laquelle nous allons pateauger
pour encore bien longtemps.
J'ai pas fini de râler, je crois. C'est ça ou m'habituer, devenir
aussi mou et lâche que ce paysage roseâtre colonisé par des
garçons-coiffeurs et des représentants de commerces.
L.L.d.M.
----- Original Message -----
From: "Eric Loillieux"
Sent: Sunday, September 01, 2002 3:08 AM
Subject: Re: [terrier] Censure...
le 1/09/02 2:53, Lldm a écrit :
> Nous disposons de l'histoire comme outil comparatif suffisamment bien renseigné,
du moins pour la classe des nantis.
Oui mais justement n'est-ce pas "le reste" qui est en cause? Qu'il serait encore plus pertinent de pouvoir analyser? La culture de masse n'est-elle pas un phénomène trop récent pour pouvoir en tirer des prévisions à long terme, pour pouvoir projeter sur elle une vision historique? Vaut-elle moins que le catéchisme et les potins de villages? Ne finiront-ils pas par faire un tri, bon sang, à force "d'avoir accès" à tout?
> Les artistes eux-mêmes se flattent de faire des oeuvres ludiques, people, visent la fusion dans la collectivité et ont abandonné toute recherche au profit de la spectacularisation de l'art. On s'emmerde, et ferme. Dix pages d'homélie de ce genre ne suffiraient pas à brosser un panorama assez juste de la situation navrante dans laquelle nous allons pateauger pour encore bien longtemps.
Ouah! La déprime! Si seulement je trouvais un seul petit contre-exemple...un
indicateur positif...
Encore une tirade à ranger dans les annales, en tout cas.
Eric L.
----- Original Message -----
From: "Eric Loillieux"
Sent: Sunday, September 01, 2002 3:08 AM
Subject: Re: [terrier] Censure...
>le 31/08/02 18:18, Thierry Bouche Oui, là il y a quelque chose qui semble avoir changé -- mais, même question : quels sont les outils dont nous disposons pour faire des comparaisons sensées ? J'ai personnellement vécu un aspect de cette évolution, des années 70-80 où les étudiants formaient le public captif des cinoches d'art et d'essai, des concerts de musique improvisée, etc., aux années 90 où ils se sont rués sur les superproductions hollywoodiennes (là encore, par répulsion pour la prise de tête). Mais de là à suivre une évolution à travers les siècles...
Tu en fais toi même, n'est-ce pas , la démonstration: pendant
que "un microcosme" (le tien, le mien) "formait le public captif
des cinoches d'art et d'essai, des concerts de musique improvisée, etc.,"
des troupeaux entier broutaient déjà conscieusement les mornes
plaines de la culture marchandisée: rappelle toi Claude François,
Saturday Night Fever...(remplir selon génération).
Et j'ai vu (récemment) quelques "gamins" dans des concerts
à la pointe d'une certaine recherche... N'y en avait-il pas le Soir des
Fous?
Alors effectivement, pour ce qui est d'une analyse de cette évolution...quels
critères, quelle méthode, quelle catégorisation?
Eric L.
----- Original Message -----
From: "Eric Loillieux"
Sent: Sunday, September 01, 2002 3:08 AM
Subject: Re: [terrier] Censure...
le 31/08/02 17:13, Lldm a écrit:
> au passage la bêtise est devenue pour la première fois dans
l'histoire un titre de gloire ("Ça sert à rien de se prendre
la tête"),
"Prise de tête" ne veut-il pas signifier au départ "penser
mal mais longtemps à un faux problème"? (J'ai la tête
prise par des conneries, je n'arrive pas à penser) Et dans ce cas pourquoi
se prendre la tête, en effet?...
Mais peut-être le sens s'est élargi, comme tu dis... (ça
me prend la tête de penser).
Eric L.
----- Original Message -----
From: "Eric Loillieux"
Sent: Sunday, September 01, 2002 3:24 AM
Subject: Re: [terrier] Censure...
le 1/09/02 2:53, Lldm a écrit:
> Que promeut aujourd'hui la classe dominante? Pour quoi paye-t-elle? Nous
avons un premier ministre qui met en avant sa connaissance des chansons de Johny
Halliday, et même si nous voyons très bien la somme de démagogie
Les politiques classe dominante? Tu m'étonnes...
> richesse est dévalué par la richesse conçue comme _être_, et un vrp s'autorise à mépriser quiconque a un salaire inférieur au sien sans imaginer que l'on vaille quoi que ce soit hors de ce salaire.
C'est nouveau, ça, un petit-bourgeois sans culture, et méprisant en plus? Tu m'étonnes...
> Les artistes eux-mêmes se flattent de faire des oeuvres ludiques,
Oui, alors ceux-là effectivement je ne les comprend pas.
(Bon, j'en fait une tous les 2 ans, neammoins...)
> visent la fusion dans la collectivité et ont abandonné toute recherche au profit de la spectacularisation de l'art.
Je les conchie.
Eric L.
----- Original Message -----
From: "Lldm"
Sent: Sunday, September 01, 2002 2:50 PM
Subject: Re: [terrier] Censure...
>Les politiques classe dominante? Tu m'étonnes...
à partir du moment où tu admets leur collusion avec l'entreprise
(de l'Etat
considéré comme telle et des alliés qu'il se choisit hors
du champ de la
politique) et les médias, oui. Il n'y a pas de dissociation entre ces
trois
pôles, qui constituent ensemble, sans rivalité mais en parfaite
association,
la classe dominante.
>C'est nouveau, ça, un petit-bourgeois sans culture, et méprisant en plus? Tu m'étonnes...
oui, c'est complètement nouveau qu'un petit bourgeois tire vanité
de ne
s'encombrer d'aucun savoir et qu'il arbore la culure populaire comme la
sienne, arborant au passage la supérioté numéraire de cette
culture comme
supériorité absolue (jusqu'au XIX ème siècle, les
bourgeois s'entourent
d'objets de culture qu'ils imaginent être frappés au coin du bon
goût, de la
délicatesse, de la rareté)
L.L.d.M.
----- Original Message -----
From: "Lldm"
Sent: Sunday, September 01, 2002 2:52 PM
Subject: Re: [terrier] Censure...
>"Prise de tête" ne veut-il pas signifier au départ "penser mal mais longtemps à un faux problème"? (J'ai la tête prise par des conneries, je n'arrive pas à penser) Et dans ce cas pourquoi se prendre la tête, en effet?...
Je sais aussi ce que signifie "génial" au départ, mais je me souviens qu'Ulrich ("L'homme sans qualité") décide d'abandonner toute carrière littéraire le jour où il entend parler d'un cheval de course "génial". Le champ du génial, depuis ces années 20, s'est largement étendu.
L.L.d.M.
----- Original Message -----
From: "Lldm"
Sent: Sunday, September 01, 2002 3:07 PM
Subject: Re: [terrier] Censure...
>Et j'ai vu (récemment) quelques "gamins" dans des concerts à la pointe d'une certaine recherche... N'y en avait-il pas le Soir des Fous? Alors effectivement, pour ce qui est d'une analyse de cette évolution...quels critères, quelle méthode, quelle catégorisation?
se donner les moyens de penser le général, c'est choisir les
bons instruments de mesures, en l'occurence, plutôt généraux
eux-aussi. On n'établit pas la rigueur taxinomique sur les exceptions
rencontrées dans un genre, une famille, une espèce, mais sur les
universaux qui les traversent.
Je suppose, effectivement, que nous serions plus ajustés en tentant de
nous en tenir à des indices généraux (plutôt qu'à
mon, libraire d'université qui, après tout, est peut-être
exceptionnel ; l'Université de Rennes II est peut-être touchée
par un fléau local) : combien de boîtes d'éditions d'avant-garde
ont disparu en 20 ans? (plus des 3/4 de celles que je connaissais) Combien de
bonnes choses ont été remplacées par des sous produits
de merde et ne sont pas réapparues ailleurs sous leur forme première?
(exemple de la revue Traverses et de sa pitoyable deuxième moûture,
de Beaubourg transformé graduellement en salon des arts ménagers
depuis dix ans etc.). Combien de pans de la culture ont disparus sous des prétextes
technologiques? (80% de ma discothèque vinyle n'a jamais été
retirée en CD ; combien de films de ma videothèque vont passer
à l'as du DVD?) Et surtout: à quelle forme d'indistinction (c'est-à
dire: fin de la recherche) conduit la pensée du "tout se vaut"
qui touche tous les secteurs de l'activité humaine? Le post-modernisme
donne-t-il les moyens de penser la modernité ou la transforme-t-elle
d'autorité en gadget historique? Que fait la mystagogie mac luhanienne
du sens? Et bien entendu : qu'est-ce que la télévision?
L.L.d.M.
----- Original Message -----
From: "Lldm"
Sent: Sunday, September 01, 2002 3:13 PM
Subject: Re: [terrier] Censure...
>La culture de masse n'est-elle pas un phénomène trop récent pour pouvoir en tirer des prévisions à long terme, pour pouvoir projeter sur elle une vision historique?
la culture de masse EST un objet historique; elle est consubstantielle au motif idéologique qui précède sa réification, elle est la conséquence de son énoncé, c'est-à dire d'un simple postulat analytique de l'histoire (en l'occurence de sa conception matérialiste-dialectique). Elle n'est pas produite par la masse (avatar fantasmés du simple "nombre" qui jusqu'au XIXème siècle n'était pourvu ni d'idéologie ni même de substance, de désirs, de projets ou de volonté), et sa consommation n'est que l'indice de bonne santé de ses producteurs et du système qui les établit comme distributeurs de l'ordre momentané des valeurs. Une histoire de ce que tu appelles la culture de masses n'est que l'histoire des formes modernes de la domination et de ce que les dominants ont choisi de faire de la culture comme instrument de normativation et d'éradication du singulier, de la révolte, de la subversion, de l'advention du sujet.
L.L.d.M.
----- Original Message -----
From: "Eric Loillieux"
Sent: Sunday, September 01, 2002 5:08 PM
Subject: Re: [terrier] Censure...
le 1/09/02 16:13, Lldm a écrit :
> de l'ordre momentané des valeurs. Une histoire de ce que tu appelles
la culture de masses n'est que l'histoire des formes modernes de la domination
et de ce que les dominants ont choisi de faire de la culture comme instrument
de normativation et d'éradication du singulier, de la révolte,
de la subversion, de l'advention du sujet.
De plus en plus déprimant.
Mais es-tu bien certain que cette culture là soit le produit d'une classe
dominante? La civilisation de la culture de masse ne génère t-elle
pas sa culture de manière tout à fait démocratique, où
chacun à le même droit de produire, consommer ou vendre de la merde?
Il me semble qu'un Lang par exemple ne fait que suivre un climat général,
le chèr homme serait bien incapable probablement de créer une
ligne esthétique. Il a un grand nez et de grandes oreilles. La merde
"artistique" démocratique ne se dépose t-elle pas comme
se répand la pensée démocratique, selon le perpétuel
consensus mou et le désolant manque d'invention dû, peut-être,
au simple nombre de ses actants?
En gros: ne vaudrait-il pas mieux s'inquiéter des moutons plutôt
que du berger, car ceux-là sont accessibles quand ceux-ci ne le sont
pas?
Enfin après tout on peut aussi taper dans tous les coins, ça ne
coûte même plus encre ni salive.
Vive l'électronique!
Eric L.
----- Original Message -----
From: "Thierry Bouche"
Sent: Friday, September 06, 2002 9:27 AM
Subject: Re[2]: [terrier] Censure...
Avec un certain retard (c'est marrant comme certaines discussions restent cantonnées aux dimanches...)
Le dimanche 1 septembre 2002 à 04:08:27, Eric Loillieux écrivit
:
>> comparaisons sensées ? J'ai personnellement vécu un aspect
de cetteévolution, des années 70-80 où les étudiants
formaient le public captif des cinoches d'art et d'essai, des concerts de musique
improvisée, etc., aux années 90 où ils se sont rués
sur les superproductions hollywoodiennes (là encore, par répulsion
pour la prise de tête). Mais de là à suivre une évolution
à travers les siècles...
> EL> Tu en fais toi même, n'est-ce pas ,
euh...
EL> la démonstration: pendant que "un microcosme" (le tien, le mien) "formait le public captif des cinoches d'art et d'essai, des concerts de musique improvisée, etc.," des troupeaux entier broutaient déjà conscieusement les mornes plaines de la culture marchandisée: rappelle toi Claude François, Saturday Night Fever...(remplir selon génération). Et j'ai vu (récemment) quelques "gamins" dans des concerts à la pointe d'une certaine recherche... N'y en avait-il pas le Soir des Fous? Alors effectivement, pour ce qui est d'une analyse de cetteévolution...quels critères, quelle méthode, quelle catégorisation?
je suis pas sociologue (et je fréquente assez peu la société,
hormis la vôtre, pour pouvoir dire n'importe quoi sur son compte). Ma
méthode,
comme celle de LLdM enquêtant chez son libraire fossile, est celle du
café de commerce. N'empêche, une évolution à court
terme comme celle-ci se remarque bien, et je crois qu'elle fonde ce sentiment
de débandade intellectuelle, beaucoup plus qu'une étude sur le
long terme qui
demanderait de savoir ce que c'était qu'un intellectuel et sa réception
dans une société où ils sont parqués dans des monastères
et se comptent par dizaines.
Il y a eu une ébullition avant-gardiste dans les années 70, puis
le soufflé est retombé. On constate que la génération
de cette époque reste
attachée à certaines choses, qui laissent plutôt indifférentes
les jeunes générations. Quelqu'un avait assez bien donné
ce sentiment à propos des « clients » de Rock in Opposition
: public essentiellement constitué d'étudiants, qui se raréfiait
à l'entrée dans la vie active, puis se
dissolvait. Aujourd'hui, ce public a vieilli. Certes, il y entre du sang neuf,
mais la pyramide des âges n'est vraiment plus la même. À
quand une
thèse sur le festival Mimi ?
Être rebelle, aujourd'hui, c'est écouter Eminem, n° 1 un peu
partout ?
(c'est désormais clair, je suis vraiment en train de me faire vieux con)
--
Thierry Bouche
----- Original Message -----
From: "Thierry Bouche"
Sent: Friday, September 06, 2002 9:36 AM
Subject: Re[2]: [terrier] Censure...
Le dimanche 1 septembre 2002 à 16:07:22, Lldm Lldm écrivit :
L> combien de boîtes d'éditions d'avant-garde ont disparu en
20 ans? (plus des 3/4 de celles que je connaissais) Combien de pans de la culture
ont disparus sous des prétextes technologiques? (80% de ma discothèque
vinyle n'a jamais été retirée en CD ;
L, tu portes la poisse !
L> Combien de bonnes choses ont été remplacées
par des sous produits de merde et ne sont pas réapparues ailleurs sous
leur forme première? (exemple de la revue Traverses et de sa pitoyable
deuxième moûture, de Beaubourg transformé graduellement
en salon des arts ménagers depuis dix ans etc.).
certes, et pourtant c'est le seul salon d'objets kitch où l'on trouve
une belle
présentation de Duchamp, Réquichot ou Dubuffet...
--
Thierry Bouche
----- Original Message -----
From: "Eric Loillieux"
Sent: Friday, September 06, 2002 6:22 PM
Subject: Re: Re[2]: [terrier] Censure...
le 6/09/02 10:27, Thierry Bouche a écrit :
> (c'est désormais clair, je suis vraiment en train de me faire vieux
con)
Mais non mais non, ou alors tu n'es pas le seul. Ce qui serait interessant
c'est une vraie étude sociologique qui nous débroussaillerait
tout ça...
Quelqu'un connait-il un ouvrage recommandable?
[...]
Eric L.
Notes:
* À l'époque de ce qu'on appelle l'affaire Camus (le site personnel de Renaud Camus y renvoie longuement), une conversation sur la censure échauffa la liste du Terrier. Le Terrier ayant depuis changé de fournisseur pour les services de sa liste de diffusion, les archives de cette discussion ont été perdues. (retour au texte)