«Qui terrorise qui ?»
Alors que l’enquête concernant leurs deux
camarades emprisonnés n’a à ce jour rien livré de tangible, les comités
de soutien aux inculpés de Tarnac, créés depuis un mois, se sont mis en
ordre de marche. Samedi après-midi, première manifestation à Limoges
(Haute-Vienne) et premier élément d’un dispositif destiné à «anticiper
le dégonflage médiatique qui ne manquera pas d’arriver», selon le tract
distribué à plus de 500 personnes massées sous une pluie glacée, place
de la République.
Beaucoup
d’habitants du plateau de Millevaches, théâtre des événements, avaient
rejoint leurs camarades de la Haute-Vienne, des groupes de Tulle,
Brive, Guéret, Périgueux et même Poitiers venant grossir les rangs.
Deux mots d’ordre : la libération immédiate de Julien et Yldune, le
couple encore incarcéré, et le retrait des chefs d’inculpation de
terrorisme et association de malfaiteurs.
Mais pour beaucoup de
manifestants, l’affaire de Tarnac est l’aiguillon qui les a poussés à
venir manifester un ras-le-bol généralisé. «On peut tous tomber demain
sous le coup de ces lois d’exception», annonce Bob, du comité de
Périgueux. Bertrand avoue : «J’ai dû voter une ou deux fois dans ma
vie.» Ce qui l’a fait bouger : «La liberté de dire et d’agir bafouée.»
Jean et sa compagne sont serrés sous leur pancarte. On peut y lire :
«Moi aussi je lis des livres et je sème des carottes.» «C’est en
référence à des critères mis en place par les Renseignements généraux
concernant les personnes à surveiller, explique Jean, celles qui
lisent, qui mangent bio et se déplacent beaucoup.» Un syndicaliste CGT
marche au côté de sa fille. «On n’écoute plus les gens, et on se moque
d’eux. La loi est détournée dans le cas présent : ce ne sont pas des
terroristes, au pire des saboteurs.» Seul sous son parapluie dans son
manteau camel, un magistrat de la cour d’appel. «Je me sens seul,
plaisante-t-il. C’est scandaleux ce qui se passe, c’est une véritable
atteinte aux libertés publiques, plaide le juriste avant d’ajouter,
s’il y avait des éléments, on nous le dirait.» Les banderoles accusent
: «Qui terrorise qui ?» «Non aux lois d’exception.»
Dans la foule, quand ce n’est pas le Chant des partisans qui monte, un
hymne en cette terre de résistance, ce sont les slogans qui sont repris
en chœur : «Mensonges d’Etat, des tas de mensonges», «C’est l’Etat qui
t’arnaque», «Pétain, reviens, t’a oublié tes chiens». La manifestation
se disperse devant la prison de Limoges, en présence discrète de
quelques rares policiers. Rendez-vous est pris pour la grande
manifestation à Paris le 31 janvier.