Numéro 12 (1980))

Brion GYSIN

par Brion Gysin

1) Voici mon organe, à vous je me déboutonne. Phallocrate impénitent, j’ai toujours prétendu qu’il ne peut exister de femme-peintres parce qu’il leur manque le membre. Corrigé par une colostomie, je ne suis plus fier du mien. Je ne mâche pas mes mots pour ne pas les avaler. Digérez bien mes mots et vous saurez de quel trou ils tombent. C’est pas mon cas. Je les vois, pas vous. Lecteur, je vous lis, lisez-moi. Parti en trombe d’un parti-pris, je ne marche pas avec ces langues archaïsantes où les mots ont deux sexes et peuvent même rester neutre. Pas moi ! ai-je crié juste avant qu’ils me neutrent.

2) Distinguez entre mes déchets imprimés en lourd et les entrelacs argentés de ma coulée calligraphique comme les mots que Dautremonde pissait autrefois dans les neiges de la lointaine Finlande. Dans le Farouest canadien de mon enfance il faisait trop froid. On risquait perdre son zizi givré qui casserait comme de la glace. C’est là où j’ai appris à écrire mais par la suite je préférais exposer mon organe au Sahara où tout comme sur la mer on apprend vite à ne pas pisser dans le vent pour ne rien dire. Au désert par définition tout écrit se dissout dans le sable et la voix s’évanouit dans le creux de l’air.

3) Je dors deux heures de suite sur mon oreille marocaine et puis deux heures sur mon oreille américaine, entre la musique de Jajouka et la musique de Steve Lacy avec qui je pratique sur scène mes chansons.

4) Oui. Sur scène je suis l’acteur de mes écrits.