Numéro 12 (1980))

Claude MOUCHARD

par Claude Mouchard

1) Difficile de me figurer - quant aux moments d’écrire ou de lire - des localisations en « organes ».

Bien sûr, vos mots (et vous les nouez, bifides, les invaginez : « orœil », etc.) me provoquent, frôlent… quoi ?

Mais je ne pourrais pas, à l’égard de mes propres tentatives, les poser en registre de plus grande réalité, en un langage second qui, pour vérifier l’écrit, l’arrimerait à un « corps ».

Avec quoi lire, écrire ? Je ne peux que désigner ce qui, d’un moment d’écriture (ou de lecture ?) à l’autre, me reste sur les bras. Ce paquet de ronces et de fil de fer. Un enchevêtrement que je ne nomme ici que pour me forcer à le faire plus vite basculer dans l’écrit même, la prochaine fois.

Avec cette broussaille, j’écris. J’essaie, répétitivement. Je titube mêlé à elle.

Mon corps ? Pas mon corps ? Quels morceaux ? Quelles fonctions ? Je n’en sais rien. Un obscur mélange s’impose.

Me laissez-vous encore une seconde ? Je prends les choses par l’autre bout

2) Si des morceaux de corps mentionnés dans l’écrit
se cernent en images
membraneuses, trop fraîches,

c’est comme appas
(lueurs flûtées, sons boitillants : appeau)

pour engager, de force, dans
la silhouette de l’écrit, les hanches c’est pour aspirer autour des mots
des phrases, une bouche-arête où le goût
de quoi que ce soit se perd,
une silhouette affamée, se mélange
axe vertébral d’un poisson plein de terre, je ne sais pas, je dis trop,
faim crachant sa substance, et le geste pourrit.