Du 21 mai au 13 juin 2004, l'association Périscopages
organisait une double exposition à Rennes, orchestrant ainsi la
rencontre entre le collectif Bazooka et le Dernier Cri,
l'une des nombreuses aventures graphiques et éditoriales que
ces formidables défricheurs ont pu encourager, par le modèle
d'invention et de liberté qu'ils représentent.
Aussi étrange que cela puisse paraître, c'était la
première fois que s'organisait, enfin, une rétrospective
de l'oeuvre foisonnante et subversive de Bazooka ; comme
la plupart des grandes oeuvres — à l'instar de ces citations que
tout le monde connait mais dont personne ne se souvient de l'auteur —
les pistes graphiques ouvertes par Bazooka ont pénétré
notre champ de conscience par les autres oeuvres, celles qu'elles ont
suscitées, ou par les pillages plus ou moins avoués qui
en furent fait. Oeuvre radicale qui avait gangréné dans
un joyeux sabotage la presse de la fin des années 70, Bazooka
fut une des plus importantes découvertes de mon adolescence et
c'est avec joie que j'ai vu naître cette rétrospective grâce
à Périscopages
; j'espère qu'elle augure un travail historique complet à
la hauteur de son objet et de nombreuses autres expositions.
Lors de ce festival, fut organisée une rencontre dont l'objet,
«Résistance graphique», fut hélas à
peine effleuré : en effet, une certaine confusion dans la composition
de l'assemblée1 et la faiblesse de certains intervenants2
associés au trop grand plaisir pris à cette rencontre
par tous pour y lancer une vraie machine dialectique ont fait de ce débat-là
une joyeuse réunion mais un rendez-vous manqué avec le questionnement.
J'ai donc décidé de compléter le travail fait par
Périscopages en entamant une série de longs entretiens avec
les membres de Bazooka. Je commence aujourd'hui avec Loulou Picasso,
que j'ai rencontré chez lui, à Bazouges-la-Pérouse.
1 : la présence d'un gandin de Libé qui n'avait
pas grand-chose à foutre ici à moins qu'il ne fut garant
du patrimoine de turbulence congelée d'un journal en loques, et
celle d'un graphiste de rue guère à l'aise dans cette assemblée
d'hommes de presse)
2 : un Morvandiau ce jour-là en toute petite forme
pour canaliser ces débats, et un zozo de la fanzinothèque
de Poitiers surjouant sa partie canaille contre l'intello en vantant les
vertus de la simplcité dont on avait sans doute oublié de
lui dire, pauvre bougre, qu'elle est la langue officielle de la domination
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