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| Passés les premiers émois
qui conduisent un jeune homme à considérer, après
sa première rencontre avec un Ensor
ou un Schwitters,
que l'art est une manifestation de l'espèce humaine infiniment
plus excitante que sa capacité à se déplacer très
rapidement d'un endroit emmerdant à un endroit mortel ou que son
sérieux imperturbable devant les fluctuations de ses capitaux et
de ses superstitions du moment, il n'est pas rare que la peinture américaine
d'après-guerre soit le second choc dans la vie d'un esprit en formation
plein d'appétit pour la peinture et l'expression de la modernité*.
*Je parle évidemment ici du jeune homme du XXème siècle, pour lequel l'érudition était encore gratifiante et accompagnait nécessairement la lente formation d'une vie d'homme réussie quand elle n'était pas censée être le signe-même de cette réussite. Grâce à Dieu, les jeunes gens du XXIème siècle savent désormais qu'on peut parfaitement servir de modèle à une génération entière en ayant jusqu'à la mort la culture d'un enfant de dix ans du moment qu'on a un compte en banque épatant. Restera pour les générations suivantes à inventer un modèle pour lequel un tel compte en banque puisse servir à acheter quelque chose d'intéressant quand on n'a ni goût ni culture. Ce changement radical de perspective relatif à l'acquisition et au partage du savoir me fait douter actuellement de l'intérêt d'apprendre à lire à mon fils : quand il me montre du doigt ma bibliothèque, j'évoque évasivement un jeu de construction pour adultes à base de briques plates et souples et s'il me demande qui a créé la Terre je lui réponds: la télé; ainsi, parfaitement adapté à ce monde, il aura plein d'amis très amusants et il mourra avec le sourire. |
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