Je devrais me foutre de tout. C'est vrai
bon sang, qu'est-ce que j'ai à m'énerver comme ça
pour des conneries, hein? Regardez : on s'affole, par exemple, de
voir la droite obtenir pas à pas un pouvoir absolu dans ce
pays (dois-je vraiment décrire ici la façon dont ce
gouvernement de demeurés brutaux règle les questions
d'opposition depuis son arrivée au pouvoir?); mais pourquoi
s'en soucier après tout? Un pouvoir sur quoi, au juste? Dans
un monde de droite le but du jeu est le quadrillage et la domination
d'un panorama qu'on aura rendu si plat qu'il ne vaut plus rien...
L'aptitude de la droite à détruire tout ce qu'il y
a de précieux, de raffiné, de doux et d'aimable est
sans limite. Et quand un homme de droite ne détruit pas par
sa balourdise ou sa férocité, il ne dispose de toute
façon pas des instruments de mesure lui permettant de distinguer
la finesse du reste (allez dans un congrès de l'UMP ou du
FN, et regardez en compagnie de quels musiciens on doit y dandiner
du cul... Quelle misère! Et quelle misère aussi de
voir en compagnie de quels ratés l'homme de droite doit philosopher
: vous ne plaignez pas celui qui n'a à opposer à Derrida,
Deleuze, Châtelet ou Debord que Luc Ferry?)
Le pays que ce gouvernement va maîtriser sera par ses soins
devenu le miroir de toutes les qualités de droite : vulgaire,
lourd, emmerdant, désert, uniforme et violent ; il aura le
pouvoir absolu sur un tas de fumier, qu'il le garde!
Putain je sens que ça va encore digresser sec aujourd'hui;
qu'est-ce que je disais? Hmmmm... Bosser avec l'institution... On
reste sans voix devant l'invention sans limite des artistes quand
il s'agit de faire passer leur servilité pour de la sagesse
(mener sa barque), leur accoutumance domestique et leur docilité
pour de l'observation, de l'analyse, de la diplomatie ... La moitié
de cette invention pour leur panoplie de chien de compagnie servirait
à leur oeuvre et ce serait la Renaissance tous les jours.
Pourquoi cette reptation, ce valetage? L'orgueil de croire qu'ils
en sortent indemnes, sans doute. Il y a belle lurette
que dans le petit monde de l'art les serpillières se brodent
au blason de Machiavel.
Et bien entendu la certitude (naïve ou feinte) qu'il n'y a
pas d'extériorité à l'institution, qu'il faut
donc composer avec elle ou bien n'être pas du tout.
On comprend vite tout l'intérêt que ceux qui sont dociles
par ambition peuvent avoir à défendre ce point de
vue : se donner pour dociles par fatalité...
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