L'art chemin faisant - 29 juin 2003 - Pont-Scorff

Le travail de Gérald Wagner (ci-dessus Reliquats, empreintes sur paraffine de fragments de journaux) n'est pas ouvertement à chier, mais il renvoie au jeu infini (et doux) des équivalences, et ceci à double titre : du point de vue de l'histoire de l'art, cette appropriation désinvolte de la quincaille Beuysienne fait fi de toute notion de modernité (ma cave aussi est pleine de blocs de paraffine et de résine du genre, à ce détail près que je les y laisse moisir, et qu'à vingt ans l'horreur de la perte de mémoire me faisait choisir les journaux de guerre de 1939 pour mes incrustations... Ah! le sentiment de responsabilité historique et la gravité tourmentée de la jeunesse!) et du point de vue politique, il n'est pas indifférent de dire que désormais l'urgence tiendrait plutôt à ruiner le goût des archives et de leur mise à plat pour rendre enfin les événements lisibles...

Gisèle Beauvois a employé elle-même le terme de consommateurs d'art... pourquoi voulez-vous qu'on attende grand-chose de ce que l'on définit comme jetable, périssable (en d'autres termes : chiable)?
Que les changements opérés chez moi par une oeuvre de Jaspers Johns soient non seulement radicaux mais définitifs, que ce que m'apportent les oeuvres de Berio ne puisse jamais m'être ôté et qu'elles consituent une part essentielle de l'homme que chaque jour je deviens, voilà qui cadre assez mal avec la terminologie de notre marchande de soupe...
Alors Comment rendre dérisoires les propriétés de l'art? En rendant dérisoire l'art lui-même. Soit en participant à sa médiocratisation (c'est assez simple quand on dispose — ou prétend disposer — des moyens de production et d'exhibition), soit en s'appuyant sur des oeuvres médiocres.