L'art chemin faisant - 29 juin 2003 - Pont-Scorff

Évidemment, la question que l'on est en droit de me poser c'est: qu'est-ce que tu es venu foutre ici?
Comme dans tout acte humain, inutile de pister ici plus qu'ailleurs une causalité unique ; il y a un faisceau de raisons qui ont conduit mes pas à cette manifestation. Qu'on n'imagine pas qu'il s'agit du thème même de L'art chemin faisant : pour un écrivain le langage n'est pas un thème, pas même un objet*. On voit mal d'ailleurs pour qui le langage serait un objet? Il suffit, pour bien saisir toute la confusion qu'il y aurait à le tenir pour tel, d'observer dans quelles dispositions se sont placés un bon nombre des artistes ici devant le langage : le brosseur de fleurs n'a décalé son regard que jusqu'à l'étiquette où est inscrit le nom de l'espèce ; depuis les années 60 (les mythiques Poésure et peintrie et Écritures dans la peinture), des artistes figuratifs ont trouvé dans cette extension inattendue de la représentation une ouverture pour la modernité invisible; les artistes lettristes avaient déjà ouvert la brèche d'une conception à la fois instrumentale et ésotérique du langage, et on vit fleurir pour assez longtemps les méta-signes, para et infra-signes, graphies et scriptions de tout poil ; tout ce qui pénètre le champ de vision humain ayant le pouvoir d'y faire signe (appartient au marabout d'y fourrer le sens qui lui conviendra), on ne risquait pas grand-chose à y adjoindre la ribambelle des grimaces visuelles singeant de près ou de loin l'écriture ou la typographie.


*je vous mets en appendice ici le texte d'ouverture à la lecture pour L'art chemin faisant, destiné à éclaircir brièvement mon point de vue sur le langage comme thème.