Évidemment, la question que l'on
est en droit de me poser c'est: qu'est-ce que tu es venu foutre
ici?
Comme dans tout acte humain, inutile de pister ici plus qu'ailleurs
une causalité unique ; il y a un faisceau de raisons qui
ont conduit mes pas à cette manifestation. Qu'on n'imagine
pas qu'il s'agit du thème même de L'art chemin faisant
: pour un écrivain le langage n'est pas un thème,
pas même un objet*. On voit mal d'ailleurs pour qui le langage
serait un objet? Il suffit, pour bien saisir toute la confusion
qu'il y aurait à le tenir pour tel, d'observer dans quelles
dispositions se sont placés un bon nombre des artistes ici
devant le langage : le brosseur de fleurs n'a décalé
son regard que jusqu'à l'étiquette où est inscrit
le nom de l'espèce ; depuis les années 60 (les mythiques
Poésure et peintrie et Écritures dans la
peinture), des artistes figuratifs ont trouvé dans cette
extension inattendue de la représentation une ouverture pour
la modernité invisible; les artistes lettristes avaient déjà
ouvert la brèche d'une conception à la fois instrumentale
et ésotérique du langage, et on vit fleurir pour assez
longtemps les méta-signes, para et infra-signes,
graphies et scriptions de tout poil ; tout ce qui
pénètre le champ de vision humain ayant le pouvoir
d'y faire signe (appartient au marabout d'y fourrer le sens qui
lui conviendra), on ne risquait pas grand-chose à y adjoindre
la ribambelle des grimaces visuelles singeant de près ou
de loin l'écriture ou la typographie.
*je vous mets en
appendice ici le texte d'ouverture à la lecture pour L'art
chemin faisant, destiné à éclaircir brièvement
mon point de vue sur le langage comme thème.
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