Quoiqu'il en soit, c'est surtout à
moi, bien entendu, que je destine cette lecture, et c'est à
moi seul qu'elle fera violence : est-ce que je peux vraiment lire
des choses comme celles-là?, est-ce que je sais évoquer
la plus grande brutalité avec douceur, sans en faire des
caisses, sans cabotiner? et puis surtout : est-ce que ça
tient vraiment la rampe, tout ça? Est-ce que ça vaut
le coup?
Rien ne m'est plus désagréable que l'idée d'intrumentaliser
mon boulot; peu de choses m'agacent autant que l'écriture
mise au service de quelque chose d'autre, d'une entité ou
d'un mode d'action supposé plus important qu'elle-même,
politique, philosophique, est-ce que je sais. C'est toujours un
aveu implicite d'échec : si on en vient à réduire
la liberté qu'on se donne dans l'exercice de son art pour
rendre plus clair le discours auquel on l'inféode, c'est
qu'on assigne à l'art une valeur purement fonctionnelle,
mécanique, décorative ou cautérisante (pour
faire mieux passer la piqûre idéologique)... En gros,
qu'on a aucune confiance en son aptitude à éclairer,
trop soucieux qu'on est d'éclaircir.
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