L'art chemin faisant - 29 juin 2003 - Pont-Scorff

Quoiqu'il en soit, c'est surtout à moi, bien entendu, que je destine cette lecture, et c'est à moi seul qu'elle fera violence : est-ce que je peux vraiment lire des choses comme celles-là?, est-ce que je sais évoquer la plus grande brutalité avec douceur, sans en faire des caisses, sans cabotiner? et puis surtout : est-ce que ça tient vraiment la rampe, tout ça? Est-ce que ça vaut le coup?
Rien ne m'est plus désagréable que l'idée d'intrumentaliser mon boulot; peu de choses m'agacent autant que l'écriture mise au service de quelque chose d'autre, d'une entité ou d'un mode d'action supposé plus important qu'elle-même, politique, philosophique, est-ce que je sais. C'est toujours un aveu implicite d'échec : si on en vient à réduire la liberté qu'on se donne dans l'exercice de son art pour rendre plus clair le discours auquel on l'inféode, c'est qu'on assigne à l'art une valeur purement fonctionnelle, mécanique, décorative ou cautérisante (pour faire mieux passer la piqûre idéologique)... En gros, qu'on a aucune confiance en son aptitude à éclairer, trop soucieux qu'on est d'éclaircir.