Quoique vous fassiez, au fond, a bien
moins d'importance que la méprise sur laquelle se battit l'écho
qu'on en fait. Je tiens peut-être là un début d'explication
à ce qui me tourmentait au début de cette chronique: la
gelée de votre corps se déplace dans les commentaires
qu'on en fait. Membres et articulations sont des détails risiblement
décoratifs ; le vrai mouvement, c'est la fausse parole, et votre
docilité vous rend assez liquide pour qu'elle vous canalise et
vous achemine partout. Dans quel absurde consistance vous trouverez-vous
si vous cherchez un regard contemporain de votre oeuvre? Comprenez-moi
: dites-vous bien qu'un oeil jeté trop tôt sur un travail
qu'aucune autorité n'a commenté le traversera comme du
sucre filé; et qu'un oeil rendu attentif par la confusion qui
entoure la presse faite à votre nom ne verra que l'opaque couche
de cette presse derrière laquelle votre travail a disparu à
jamais.
Et s'il ne s'agissait pas que d'oeuvre, mais, au fond, de toute vie
humaine dès l'instant où elle doit être pesée,
estimée, embrassée ou rejetée par d'autres? C'est
à peu près l'hypothèse sur laquelle se fonde le
roman de Philip Roth, «La tache».
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