|  |  | 
DELEUZE - LEIBNIZ 
  10/03/87 
  
  L'événement Whitehead
 On travaille. J'avais commencé 
  la dernière fois une espèce de vue d'ensemble ou de conclusion 
  concernant la transformation que Leibniz faisait subir à la notion de 
  substance. Si vous le voulez bien on laisse ça de côté et 
  je le reprendrai plus tard, surtout que c'était à peine commencé. 
  J'éprouve le besoin de le laisser parceque là j'ai besoin, comme 
  je vous l'avais annoncé, j'ai besoin d'aide qui ne porte pas cette fois-ci 
  sur les mathématiques, mais qui porte sur certains problèmes de 
  physique. Et comme Isabelle Stengers est là aujourd'hui, et qu'elle ne 
  sera pas là les autres semaines, il faut que je profite de sa présence. 
  Je veux profiter de sa présence pour deux raisons, parceque c'est des 
  problèmes qui concernent de très prés Leibniz et qu'elle 
  le connaît, et d'autre part parceque ce sont des problèmes qui 
  concernent également cet auteur dont je vous ai prévenu depuis 
  le début de l'année que je voulais vous en parler, à savoir 
  Whitehead.
  Donc vous pouvez considérer que notre séance d'aujourd'hui, à 
  la fois s'insère pleinement dans cette recherche sur Leibniz, mais porte 
  sur ce philosophe, Whitehead et ses rapports avec leibniz.
  Vous savez, les grecs avaient un beau mot, dans l'école néo-platonicienne, 
  il y avait un chef d'école, et il succédait au chef d'école 
  précédent; et il avait un mot pour désigner le chef successeur, 
  c'était le diadoque. Le diadoque. Si on imagine une école leibnizienne, 
  Whitehead c'est le grand diadoque, mais en même temps il renouvelle tout. 
  D'où mon envie, et pourquoi est-ce que j'ai tellement envie de parler 
  de cet auteur, dont les dates sont relativement anciennes 1861-1947, il est 
  mort vieux. C'est parcequ'il fait partie de ces auteurs, de ces trés 
  grands philosophes qui ont été étouffés, comme assassinés. 
  Assassiné, qu'est-ce que ça veut dire?
  ça veut dire que de temps en temps surviennent des écoles de pensée 
  qui établissent- d'une certaine maniére quant au problème 
  des penseurs il y a deux dangers : il y a tous les Staline, tous les Hitler 
  que vous voudrez, devant lesquels les penseurs n'ont plus que deux possibilités 
  : résister ou s'exiler. Mais parfois, à l'intérieur de 
  la pensée, il y a autre chose qui se passe parfois, ce sont d'étranges 
  doctrines qui surviennent, qui s'installent, qui prennent un véritable 
  pouvoir là où il y a du pouvoir dans ce domaine, c'est à 
  dire dans les universités, et qui établissent une sorte de tribunal, 
  un tribunal intellectuel d'un type spécial, et dérriére 
  eux, ou sous eux, plus rien ne pousse.
  Il faudrait arreter les appareils parceque ma parole est libre. Je n'écrirai 
  jamais ce que je dis donc j'aimerai pouvoir dire : "je n'ai jamais dis 
  ça". En ce sens j'accuse la philosophie analytique anglaise d'avoir 
  tout détruit dans ce ui était riche dans la pensée, et 
  j'accuse Wittgenstein d'avoir assassiner Whitehead, d'avoir réduit Russel, 
  son maitre, à une sorte d'essayiste n'osant plus parler de logique. Tout 
  ça fut terrible et dure encore. La France a été épargnée, 
  mais nous avons nos philosophes analytiques, la France a été épargnée 
  car elle a été réservée pour d'autres épreuves 
  encore pires. Bien. C'est vous dire que tout ça va mal. Rien dans le 
  domaine de la pensée ne meurt de mort naturelle, vraiment. Cette pensée 
  anglaise et américaine , d'avant la derniére guerre, était 
  extraordinairement riche, elle était d'une richesse...Des auteurs dont 
  on a prit l'habitude de les traiter comme si ils étaient un peu débiles; 
  je pense à William James. William james est un éffarant génie. 
  Il est en philosophie exactement ce que son frère était dans le 
  roman. Pour ceux qui cherchent un sujet de thése, encore une fois je 
  gémis sur le fait qu'il n'y ai pas eu à ma connaissance d'étude 
  sérieuse sur les deux frères james et leurs rapports. Et puis 
  il y a whitehead, et il y en avait un autre, un australien, le seul trés 
  trés grand philosophe australien, Alexander. Whitehead est lu par une 
  poignée d'amateurs et par une autre poignée de spécialistes. 
  Aprés tout Bergson aussi...on ne peut pas dire que ce soit trés 
  grave tout ça. En 1903, Whitehead est un mathématicien de formation, 
  en 1903 il écrit avec Russel les Principiae mathematicae , qui sont à 
  la base du formalisme moderne et de la logique moderne. Ce sont les Principiae 
  mathematicae qui engendreront Wittgenstein, c'est un processus dramatique fréquent. 
  Bon, peu importe. je crois bien qu'il est anglais Whitehead, mais je me trompe 
  à chaque fois, et puis aprés il s'installe en Amérique 
  verts 1920-23. Donc Principiae mathematicae avec Russel, grand livre de logique. 
  Le concept de Nature , non traduit en français, 1920, La science et le 
  monde moderne, un des rares livres de Whitehead traduit en français, 
  trés beau, trés trés beau. La science et le monde moderne 
  , c'est un livre important, trés beau, 1926. Il doit être introuvable, 
  je suppose. Son grand livre, 1929, Processus et Réalité, ou Procès 
  et Réalité. 1933, Aventure des Idées . 
  Mon but est double. A la fois je voudrais que vous sentiez la grandeur de cette 
  pensée pour elle-même, en même temps que vous sentiez le 
  lien qu'elle a avec Leibniz, et dès lors comment, à la lettre, 
  whitehead risque de nous apporter un éclairage fondamental sur leibniz. 
  Ne fait aucun problème la connaissance de Leibniz par Whitehead. Il est 
  imprégné de leibniz, et comme Leibniz, il se trouve être 
  mathématicien, philosophe et physicien. Toute philosophie prétend 
  comme mettre en question quelquechose, qu'est ce que Whitehead met en question? 
  Il met en question le problème .de ce qu'il appelle le schème 
  catégoriel. Le schème catégoriel, c'est quoi? Il nous dit, 
  en gros, le schème catégoriel de la pensée classique c'est 
  : sujet-attribut, substance-attribut. Or c'est moins la question de la substance. 
  La substance vous pouvez la concevoir de telle ou telle maniére. 
  e qui est important ce n'est pas de se demander si les choses sont des substances. 
  La vraie question c'est celle de : l'attribut, en quel sens? Précisement 
  est-ceque la substance doit être pensée en fonction d'un attribut, 
  ou bien est-ce qu'elle doit être pensée en fonction d'autre chose? 
  En d'autres termes si la substance est le sujet d'un prédicat, ou de 
  prédicats, de prédicats multiples, si la substance est le sujet 
  de prédicat, est-ce que le prédicat est réductible à 
  un attribut, un attribut du type "le ciel est bleu". Vous me direz 
  que ce n'est pas un problème fondamentalement nouveau, mais c'est d'une 
  certaine maniére nouvelle, le cri de Whitehead . Cri qui retentit dans 
  toute son oeuvre : non, le prédicat est irréductible à 
  tout attribut. Et pourquoi? Parceque le prédicat est événement.
  La notion fondamentale ça va être celle d'événement. 
  or je pense que c'est pour la troisiéme fois dans l'histoire de la philosophie 
  que ce cri retentit, et sans doute, chaque fois il retentissait d'une maniére 
  nouvelle : Tout est événement. Vous me direz non, tout n'est pas 
  événement puisque l'événement c'est le prédicat. 
  Pour le moment nous disons : tout est événement puisque le sujet 
  est une aventure qui ne surgit qu'à l'événement. Il y a 
  t-il un sujet dont la naissance ne soit pas événement? Tout est 
  événement. Je vais essayer de le dire rapidement. çela 
  a retentit une premiére fois avec les stoiciens, et ils s'opposaient 
  à Aristote précisement dans l'entreprise aristotélicienne 
  de définir la substance par l'attribut. Et eux se réclamaient 
  de ce qu'il faut bien appeler un "maniérisme" puisque à 
  la notion d'attribut ils opposaient celle de maniére d'être. L'être 
  comment, le comment être. L'attribut c'est ce que la chose est, mais le 
  comment de la chose, la maniére d'être, ça c'est tout à 
  fait autre chose. Et les stoiciens firent la premiere grande théorie 
  de l'événement. Et sans doute il y eut une suite dans les logiques 
  du moyen-âge, on pourrait se trouver la continuation de traditions stoiciennes, 
  mais il fallut attendre longtemps, longtemps, pour que pour la fois le cri, 
  cet espéce de cri retentisse à nouveau : tout est événement!
  C'est ce que j'ai essayé de montrer depuis le début, à 
  savoir c'est Leibniz, et il n'y a pas de pire contresens....je dis que le résultat 
  de nos recherches précédentes c'est que il n'y a pas de pire erreur 
  sur Leibniz que comprendre l'inclusion du prédicat dans le sujet comme 
  si le prédicat était un attribut. Et loin que le prédicat 
  soit un attribut, -Leibniz ne cesse de nier que le prédicat soit un attribut, 
  le prédicat pour lui est rapport, ou comme il dit encore en toutes lettres 
  dans Discours de métaphysique : Evenement, prédicat ou événement."ou",on 
  ne peut pas dire mieux, est-il dit dans le Discours de métaphysique.
  D'où il me semble particuliérement stupide de dire comment Leibniz 
  peut-il rendre compte des relations, une fois dit qu'il met le prédicat 
  dans le sujet. Non seulement il rend compte des relations mais il n'a aucune 
  peine à rendre compte des relations pour la simple raison que, pour lui, 
  ce qu'il appelle prédicat c'est la relation, c'est l'événement.
  On a commencé déjà à voir un peu comment il rendait 
  compte de la relation,mais on laisse ça de coté. Il y a tout lieu 
  de s'attendre à ce que ça ne lui fasse pas tellement problème, 
  une théorie des relations. ça ne fait problème que du point 
  de vue d'un faux Leibniz où le lecteur croirait que le prédicat, 
  pour Leibniz, c'est un attribut. A ce moment là , on se dirait, en effet, 
  comment est-ce qu'une relation peut-elle être inclue dans le sujet. Mais 
  si ce qui est inclus dans le sujet c'est les événements, et par 
  définition, comme il le dit trés bien, les événements 
  c'est des rapports à l'existence. Et là il faut prendre au sérieux 
  le mot rapport. Tout est événement, du moins tous les prédicats 
  sont des événements. Et voilà que pour une troisiéme 
  fois le cri retentit avec Whitehead : Tout est événement.
  Tout est événement, oui, y compris la grande pyramide dit Whitehead. 
  Même du point de vue du style c'est assez leibnizien.
  Généralement on considére que un événement 
  c'est une catégorie de choses trés spéciales, par exemple 
  je sors dans la rue et je me fais ecraser par l' autobus. C'est un événement. 
  Mais la grand pyramide, elle, ce n'est pas un événement.
  A la rigueur je dirais : ah oui, la construction de la grande pyramide est un 
  événement,mais pas la grande pyramide elle-même. Une chaise 
  ce n'est pas un événement, c'est une chose. Whitehead dit que 
  la chaise est un événement,pas seulement la fabrication de la 
  chaise. La grande pyramide est un événement. C'est trés 
  important pour comprendre que ce soit possible, l'expression "tout est 
  événement". En quoi la grande pyramide peut elle être 
  événement? Je saute à Leibniz, et je voudrais perpétuellement 
  sauter de l'un à l'autre.
  On partait de certaines déterminations liées à Adam. Il 
  était dans un jardin et il péchait, il commetait un péché. 
  Pécher c'est évidemment un événement, ça 
  fait partie de ce que tout le monde appelle un événement. Mais 
  le jardin lui-même c'est également un événement. 
  Une fleur est un événement. Bon, mais alors? Est-ce que ça 
  veut dire en tant qu'elle pousse? en tant qu'elle surgit. Mais elle ne cesse 
  pas de surgir. Elle ne cesse pas de pousser, une fleur. Ou lorsqu'elle a fini 
  de pousser elle ne cesse pas de se flétrir. C'est de la fleur elle-même 
  et à chaque instant de sa durée que je dois dire c'est un événement. 
  Et la chaise? La chaise c'est un événement; ce n'est pas seulement 
  la fabrication de la chaise. En quoi la grande pyramide est-elle un événement?
  C'est en tant qu'elle dure, par exemple, cinq minutes. En tant que la pyramide 
  dure pendant cinq minutes, elle est un événement. En tant qu'elle 
  dure cinq autres minutes, c'est un autre événement. Je peux réunir 
  les deux événements en disant : elle dure dix minutes. Toute chose, 
  dira Whitehead, est passage de la nature. En anglais c'est "passage of 
  nature", passage de nature. Corrigeons un peu pour retrouver leibniz : 
  toute chose est passage de Dieu. C'est strictement pareil. Toute chose est passage 
  de nature. La grande pyramide est un événement, est même 
  un multiplicité infinie d'événements. En quoi consiste 
  l'événement? A la lettre toute chose est une danse d'électrons, 
  ou bien toute chose est une variation d'un champ électro-magnétique. 
  Voilà que nous mettons un pieds trés prudent dans la physique.
  Par exemple, l'événement qui est la vie de nature dans la grande 
  pyramide, hier et aujourd'hui. Il faut peut-être pressentir qu'il n'y 
  a pas une seule grande pyramide, mais qu'il y a peut-être deux grandes 
  pyramides. C'est ce qu'il dit dans le texte. Mais n'allons pas trop vite....pour 
  le moment c'est comme ça. Voilà. Il n'y a pas de choses, il n'y 
  a que des événements, tout est évenement.
  Un événement est le support d'une infinité de processus, 
  des processus de subjectivation, des processus d'individuation, de rationnalisation. 
  Tout ce que vous voulez. Des sujets vont naitre, des rationnalités, des 
  individualités vont se dessiner, mais tout ça dans les événements. 
  Tout est événement, mais il faudra bien une classification des 
  événements. par exemple, comment est-ce qu'il faudrait poser le 
  problème de la liberté, en termes d'événements? 
  Il y a-t-il une différence de nature entre les événements 
  qu'un sujet, à supposé que je sache ce que c'est qu'un sujet, 
  qu'un sujet subit, ou qu'un sujet promeut. Qu'est-ce que veut dire : faire événement.(.....retourner 
  la bande....)
  Si je peux identifier la grande pyramide à travers deux passages de nature, 
  en disant : c'est la même pyramide, c'est la grande pyramide, c'est uniquement 
  grace à un objet éternel. Je voulais vous faire sentir ce que 
  cette philosophie a à la fois de trés familier et à la 
  fois de trés bizarre pour nous. La philosophie doit créer de tels 
  modes de pensée. C'est d'ailleurs le titre d'un des livres de Whitehead, 
  Modes de Pensée. Si je résume, je dis voyez les trois coordonnées 
  : les occasions actuelles définies par les conjonctions, les préhensions, 
  et les objets éternels.
  A l'occasion actuelle correspondent les concepts de conjonction, concrescence, 
  créativité; aux préhensions correspondent tous les éléments 
  qu'on a pas vu encore de la préhension, toutes les composantes de la 
  préhension, aux objets éternels correspondent les différents 
  types d'objets éternels. Par exemple il y a des objets éternels 
  sensibles et il y a des objets éternels conceptuels...non c'est mauvais 
  ce que je viens de dire...il y a des objets éternels qui renvoient à 
  des qualités sensibles, et d'autres qui renvoient à des concepts 
  scientifiques. Tout ça c'était relativement facile. Mais nous 
  avons trois problèmes, et c'est là-dessus que j'ai tant besoin 
  d'Isabelle.
  Premier problème, nous sommes partis des conjonctions, c'est à 
  dire des occasions actuelles, nous nous sommes déjà donné 
  des événements et un monde d'événements. Peut-on 
  faire la genése de l'événement? comment arrive t-on à 
  des conjonctions? Est -ce que les conjonctions c'est donné comme ça? 
  Qu'il y ait des conjonctions dans le monde ça ne va pas du tout de soi. 
  Qu'est-ce qui va expliquer qu'il y a des conjonctions dans le monde? Pour moi, 
  je ne sais pas ce que dira isabelle, c'est le problème fondamental de 
  la philosophie de WhiteheaD. Si ce problème là est réglé, 
  tout le reste va , non pas du tout de soi, mais tout le reste va agréablement. 
  C'est vraimeny le problème le plus difficile et là où Whitehead 
  est physicien et mathématicien. Il y a besoin de toute une physico-mathématique 
  pour rendre compte de la formation des conjonctions, c'est à dire de 
  la formation des occasions actuelles. pourquoi? Sentez le, on part d'une distribution 
  aléatoire du type distribution aléatoire d'électrons, ou 
  variation d'un champ electro-magnétique. Comment se forment les conjonctions 
  dans un tel monde? Si on n'a pas une réponse précise à 
  ça, à ce moment là on aura raté. Il nous faut une 
  réponse précise à cette question.
  La deuxiéme question ce sera : de quoi une préhension est-elle 
  faite? quels sont les éléments d'une préhension? Et si 
  il est vrai que l'occasion actuelle est une conjonction, on doit dire dans le 
  vocabulaire de Whitehead, j'ai oublié de le préciser, que un ensemble 
  de préhensions c'est un nexus . Deuxiéme probléme, les 
  composantes de préhensions.
  Troisiéme problème, les modes d'objets éternels.
  Le plus difficile pour moi c'est cette genése préalable. comment 
  arrive t-on à des conjonctions, pourquoi y a t-il des conjonctions? Est-ce 
  qu'il y a une raison des conjonctions, raison qui ne peut être que mathématique 
  et physique. Je voudrais déjà l'avis d'isabelle. Comment tu vois 
  ça, toi?
  
  Isabelle Stengers: ....Isabelle est trés éloignée 
  du micro et sa longue intervention est difficilement audible.
  
  Gilles deleuze: C'est trés intéressant. Il ne s'agit pas 
  du tout de discuter. Ce qui me frappe c'est que ce qui semble intéresser 
  Whitehead- c'est le propre de tous les grands penseurs-, ce qui semble intéresser 
  tout particulierement Isabelle stengers dans whitehead, ce n'est pas ce qui 
  m'intéresse le plus. Il n'y a pas lieu de dire qui a raison ou qui a 
  tort. ça va être mon tour de poser des uestions à Isabelle 
  parceque je suis sur qu'elle a les moyens d'y répondre, sans du tout 
  abandonner son point de vue. Elle nous a dit trés exactement ceci: c'est 
  vrai que ,au début de son oeuvre, par exemple dans le Concept de nature 
  , Whitehead pense encore possible de faire une genése de l'occasion actuelle 
  , c'est à dire une genése des conjonctions. Et d'accord, elle 
  me dit, à ce moment là il pense que seule une physique mathématique 
  peut nous donner la clef de cette genése. Et puis elle dit mais il aurait 
  eu le sentiment que, à ce moment là si il faisait une genése 
  des conjonctions, et qu'il tenait déjà énormement à 
  cette idée, comme toute conjonction est nouvelle, elle est même 
  nouveauté, elle est nouveauté dans son essence; il n'y a pas d'occasion 
  actuelle qui ne soit nouvelle. Elle n'est pas l'effet des occasions actuelles 
  précédentes. il n'y a pas de déterminisme. Une occasion 
  actuelle est active , elle est préhension, c'est à dire préhendante,- 
  hé bien comme une occasion actuelle ne peut pas être déduite 
  d'autre chose qu'elle même, Isabelle pense qu'il aurait renoncé,ou 
  bien qu'il se serait moins intéréssé à sa genése 
  pour prendre le problème au niveau d'une finalité et d'une conception 
  trés particuliére de Dieu qui, finalement, opére au niveau 
  des occasions actuelles. Moi je pense, on va voir, moi je pense que la genése 
  des conjonctions, ou la genése des occasions actuelles, genése 
  physico-mathématique, est quelque chose à quoi Whitehead ne renoncera 
  pas, à condition que cette genése respecte pleinement l'exigence 
  rappelée par Isabelle, à savoir que ça ne doit pas être 
  une genése telle que l'occasion actuelle dérive, découle 
  ou résulte de ses composantes génétiques. ça doit 
  être une genése qui rend compte de ceci que la seule loi de l'occasion 
  actuelle est d'être toujours une nouveauté par rapport à 
  ses propres composantes.
  Et c'est précisement cette genése de la nouveauté qui est 
  essentielle, genése de la nouveauté comme telle, c'est à 
  dire qui n'implique aucune réduction du nouveau à l'ancien, c'est 
  cette genése même que Whitehead, parcequ'il sait beaucoup de mathématique 
  et de physique, va faire dans des conditions qui, en effet, font de lui et de 
  sa philosophie, une des rares philosophie- à mon avis avec celle de Bergson-, 
  à avoir opérer avec la science moderne un lien fondamental.
  Là il faudrait demander à chaque fois à isabelle, est-ce 
  que ça marche ou est-ce que ça ne marche pas. Il part de quelque 
  chose, il se donne quelque chose. On en est au problème de la genése 
  des occasions, ou la genése des conjonctions. une conjonction c'est un 
  quelque chose de nouveau, du type ce soir il y a concert. C'est quelque chose 
  de nouveau. Ahn tu sais il y a untel qui donne un concert ce soir. C'est une 
  nouveauté et vous ne l'engendrerez pas; ça ne résulte pas. 
  Ce n'est pas l'effet d'une cause. Une genése n'est pas causale. Alors,qu'est-ce 
  qu'elle est? De quoi part-il? C'est à chacune de mes phrases que j'ajoute 
  un point d'interrogation. Il part du "many", vous excuserez mon accent. 
  Je ne saurais jamais le prononcer. Je le dis en anglais...je dirais qu'il part 
  du multiple, mais une multiplicité pure et aléatoire. Il lui donne 
  un nom dans Procés et réalité, c'est le pure état 
  de la diversité disjonctive. Il se donne une diversité disjonctive 
  quelconque. Le mot disjonctif est trés important puisque on part de l'opposé 
  de la conjonction. La diversité disjonctive, qu'est-ce que c'est. Je 
  ne sais pas. On va voir. Ce qui m'importe c'est que, à chacun de ces 
  stades, il y a une espéce d'ajustement avec Leibniz qui est étonnant, 
  si bien que tout ça c'est une lecture prodigieuse de Leibniz, en même 
  temps qu'il nous fait surgir un nouveau Leibniz. C'est une nouvelle occasion 
  actuelle. Etonnant. Il part comme ça du "many", multiplicité 
  aléatoire définie par la diversité disjonctive. Isabelle, 
  tu me l'accordes, ça?
  Deuxiéme point, ça va être la premiére étape 
  de la genése. Il va nous montrer que à partir de cet état 
  de diversité disjonctive se produit quelque chose d'absolument nouveau, 
  premiére étape de la nouveauté, se dessine dans cette diversité 
  disjonctive des séries infinies sans limite, qui ne tendent pas vers 
  une limite. Séries infinies sans limite. C'est comme le stade, ce premier 
  moment, c'est la divisibilité infinie. la diversité disjonctive, 
  on va voir comment et pourquoi, - les questions abondent dans tout ce que je 
  dis, j'établis un plan-, est soumise à un processus de divisibilité 
  infini qui organise des séries infinies sans limite xxxx(un mot inaudible). 
  Donc à ce premier stade, question : qu'est-ce que c'est que ces séries 
  sans limite, ces séries non limitées, ces séries infinies 
  sans limites? Je commence à répondre en disant que ce premier 
  stade repose sur une analyse de la vibration. Finalement au fond de l'événement 
  il y a des vibrations . Au fond des événements actuels il y a 
  des vibrations. 
  Le premier stade c'était le "many", des vibrations n'importe 
  comment, des vibrations aléatoires.
  pour ceux qui connaissent Bergson, peut-être que vous vous rappelez la 
  splendide fin de Matiére et Mémoire , le fond de la matiére 
  est vibration et vibration de vibrations. la correspondance avec Bergson se 
  révéle à toutes sortes de niveaux, c'est des philosophies 
  trés proches. Tout est vibration. Pourquoi la vibration met-elle déjà 
  ce début d'ordre? C'est parceque toute vibration a des sous-multiples 
  et s'étend sur ses sous-multiples. la propriété de la vibration 
  c'est de s'étendre sur ses sous-multiples. Là je ne parle vraiment 
  pas scientifiquement, c'est pour que vous reperiez des choses dans votre tête, 
  ça a un nom célébre dans tous les domaines, ce sont des 
  harmoniques. là aussi je n'ai pas besoin de souligner le clin d'oeil 
  à Leibniz. C'est trés important tout ça pour votre avenir. 
  Une couleur est une vibration, un son est une vibration. En tant que tel tout 
  son a des harmoniques, toute couleur a des harmoniques.
  Mon hypothése est celle-ci : c'est la vibration qui surgit dans le "many", 
  comment est-ce qu'elle surgit, ça on est repoussé, il faudra répondre, 
  et je vous en supplie il ne faut pas me lacher si je n'ai pas répondu 
  à tout, ou bien alors tout s'écroule, et moi je veux bien. Si 
  tout s'écroule nous dirons : nous nous étions trompés, 
  Whithead n'est pas un grand philosophe. Or évidemment Whithead est un 
  grand philosophe, un philosophe de génie.
  voilà, une vibration qui se forme dans le "many",et dès 
  ce moment là la diversité disjonctive commence à s'organiser 
  en séries infinies sans limite. Il faut supposer que chaque vibration 
  a des sous-multiples, a des harmoniques à l'infini, dans le pur cosmos. 
  Le cosmos c'était le many, c'est à dire le chaos. C'était 
  le chaos cosmos.
  Troisiéme étape. Séries infinies vibratoires....en d'autres 
  termes toute vibration infiniment divisible a certains caractéres intrinséques. 
  ces caractéres intrinséques soit concernent la nature de la vibration 
  envisagée, soit même-caractéres extrinséques- ses 
  rapports avec d'autres vibrations. Je dirais que une vibration sonore a des 
  caractéres qui sont la durée, la hauteur, l'intensité, 
  le timbre. la couleur à des caractéres, intrinséques et 
  extrinséques, qui sont la teinte, la saturation, la valeur, c'est les 
  trois grandes dimensions de la couleur, de ce qui sera couleur, mais c'est ouvert, 
  on pourra toujours en trouver une nouvelle. Pendant longtemps on a tenu compte 
  de ces trois variables de la couleur : la teinte, la saturation et la valeur. 
  C'est depuis la fin du dix-neuviéme siécle qu'on tend de plus 
  en plus à y ajouter l'étendue de la couleur pour définir 
  ensuite une nouvelle variable trés intéressante qui dépend 
  d'ailleurs de l'étendue et de la valeur, et qu'on appelle le poids de 
  la couleur.
  vous vous rappelez, la vibration entre dans des séries infinies sans 
  limite, ce sont ces caractéres, ou plutôt comme dit Whitehead, 
  les quantités, les expressions quantitatives capables de les mesurer, 
  de mesurer ces caractéres, les expressions quantitatives capables de 
  mesurer ces caractéres entrent dans des séries qui, elles, convergent 
  vers des limites. la série vibratoire, les séries vibratoires 
  ne sont pas convergentes et n'ont pas de limite. c'est le premier stade de la 
  genése. Deuxiéme stade de la genése : les séries 
  de caractéres intrinséques et extrinséques, elles, convergent 
  vers des limites. Cette fois-ci on a une idée de séries convergentes. 
  Les timbres vont former une série convergente; les intensités 
  vont former une série convergente, les hauteurs vont former une série 
  convergente, etc...etc...Les teintes vont former une série convergente. 
  C'est beau. C'est d'une trés trés grande beauté. C'est 
  une des genése les plus...et puis c'est tellement plein de science,c'est 
  une maniére tres moderne et pourtant c'est tout simple.
  donc premier stade le "many" ou la diversité disjonctive; deuxiéme 
  stade l'organisation de séries infinies sans limite avec les vibrations 
  et les sous-multiples de vibrations; troisiéme stade, formation de séries 
  convergentes sur limites. Quatriéme stade, tout est prêt : l'occasion 
  actuelle c'est la conjonction. la conjonction vient aprés la convergence. 
  La conjonction c'est une réunion de deux series convergentes, au moins. 
  Vous avez engendré l'occasion actuelle, et ça n'empêche 
  pas que l'occasion actuelle qui est une conjonction, est radicalement nouvelles 
  par rapport aux séries génétiques qui l'engendrent, par 
  rapport aux deux séries convergentes au moins. Elle est tout à 
  fait nouvelle.
  d'où cinquiémement, alors, de quoi est faite l'occasion actuelle 
  - une fois dit qu'il ne faut pas confondre les éléments de l'occasion 
  actuelle et les conditions de l'occasion actuelle, je dirais les réquisits 
  de l'occasion actuelle. Les réquisits de l'occasion actuelle c'est : 
  la diversité disjonctive, les séries vibratoires infinies sans 
  limite, les séries convergentes. Voilà les réquisits successifs 
  de l'occasion actuelle, c'est à dire de la conjonction. vous avez donc 
  quatre termes: I) le many, 2) les séries infinies sans limite,3) la convergence 
  des séries, c'est à dire que ce n'est évidemment pas les 
  mêmes séries qui deviennent convergentes, c'est de nouvelles séries,4) 
  la conjonction de séries qui donne l'occasion actuelle, 5) quels vont 
  être les éléments, et non plus les réquisits, les 
  éléments de l'occasion actuelle, c'est à dire de quoi est 
  faite une occasion actuelle. Réponse : elle est faite de préhensions. 
  Mais de quoi est faite une préhension , quels sont les éléments 
  de la préhension, quels sont les éléments composants et 
  non plus les conditions requises. Alors qu'est-ce qui m'importe?
  est ce que c'est trés clair comme schéma. Sentez que ça 
  renvoit à toutes sortes de choses en mathématique et en physique, 
  c'est au gout de chacun, vous n'avez besoin de strictement rien savoir pour 
  comprendre, ou au moins pour sentir. Quand au feeling comme le dit Whitehead, 
  vous pouvez même voir ce monde se former; le many c'est un espéce 
  de soupe, c'est la grande soupe, c'est ce que les cosmologues appellent la soupe 
  pré-biotique, les mebres disjoints, ce qu'Empedocle appelait déjà 
  les membrae disjunctae. ça va tellement bien avec tout ce qu'il y a d'important 
  en philosophie. C'est le fleuve qui charrie les membrae disjunctae, les mebres 
  épars, un bras puis un nez, c'est le chaos. Mais
  il faut supposer que ce n'est pas un nez, c'est un electron de nez. voilà 
  que dans cette soupe se dessinent des séries sans limite et sans convergence. 
  C'est tellement proche de Leibniz. Et puis chacune de ces séries sans 
  limite et sans convergence a un caractére, et les caractéres de 
  séries, eux entrent dans des séries convergentes. Quand elles 
  sont entrées dans des séries convergentes, alors il y a des conjonctions 
  qui se produisent, comme des grumeaux dans votre soupe. C'est une occasion actuelle 
  précipitée sur un grumeau; tiens! Une occasion , et vous vous 
  apercevez que votre grumeau est composé de préhensions . Bien 
  ,est-ce que c'est trés clair, sinon je recommence tout!
  J'insiste là-dessus, à mon avis une telle genése échappe 
  au danger que signalait Isabelle parceque l'occasion actuelle n'est pas du tout 
  présenté comme le résultat passif. Il y a chaque fois activité 
  et rétro-activité. Les séries convergentes réagissent 
  sur les séries infinies sans convergence, les conjonctions réagissent 
  sur les séries convergentes. A chaque niveau il ya émergence d'un 
  nouveau type d'activité. La série est une activité, la 
  convergence des séries est une autre activité, la conjonction 
  est une autre activité, etc...
  Voilà, elle m'accordait le stade du many ou de la diversité disjonctive. 
  On passe au second stade. isabelle, quand tu as écrit "états 
  et processus", est-ce que tu connaissais déjà Whitehead? 
  Oui! Ma question c'est tout simple. On ne sait pas bien ce qui s'est passé 
  dans la diversité disjonctive, mais on se donne des vibrations. Il y 
  a formation de vibrations. D'où viennent-elles, il va falloir le dire, 
  mais ça je me sens assez sur de moi pour dire d'où elles viennent, 
  les vibrations. sur ce spoint j'ai moins besoin d'Isabelle.
  Est-ce que je peux dire que ces vibrations forment des séries infinies 
  qui ne convergent vers aucune limite, et c'est le cas d'une vibration par rapport 
  à ses harmoniques, à supposé une infinité d'harmoniques 
  dans le cosmos. Est-ce que je peux dire ça ou bien est-ce que c'est une 
  proposition physiquement stupide?
  
  Isabelle Stengers: hélas toujours aussi inaudible à cause 
  de la directionnalité du micro....
  Gilles Deleuze: tu dis une chose merveilleuse. J'insiste sur le point 
  suivant parceque c'est un genre de philosophie qui est en connexion avec la 
  science moderne. Je reprends l'exemple de Bergson, parceque dire que Bergson 
  fait une métaphysique de la durée et liquide la science, il faut 
  être profondement débile pour dire des choses comme ça. 
  L'idée de Bergson elle est que la science moderne nous donne et nous 
  apporte une nouvelle conception du temps, le temps scientifique. Le temps scientifique 
  moderne qui commence dans la physique vers la fin du seizieme siécle 
  peut se définir scientifiquement, je dis bien scientifiquement ainsi 
  : c'est la considération du temps à un instant quelconque, à 
  l'instant t. La science moderne définit le temps par rapport à 
  l'instant quelconque. Pourquoi est-ce que c'est moderne, ça? Parceque 
  la science antique définissait le temps en fonction de moments privilégiés. 
  L'idée de Bergson, elle est trés simple, elle est trés 
  belle : qu'est-ce qu'à fait Galilée, c'est ça qu'a fait 
  Galilée. Là-dessus, Bergson, qu'est-ce qu'il prétend faire? 
  Il dit que l'ancienne métaphysique était le corrélat de 
  la science antique.
  Bergson nous dit: ce que vous appelez métaphysique, c'est la métaphysique 
  ancienne, ancienne dans quelle mesure? Elle était parfaitement adaptée 
  à la science antique, et inversement la science antique était 
  adaptée à sa métaphysique. Physique, métaphysique, 
  il faut garder ces termes excellents. Aristote fait la physique du mouvement, 
  et la métaphysique qui correspond à cette physique du mouvement, 
  et la physique du mouvement correspond à la métaphysique d'Aristote.
  Aujourd'hui il y a une série de crétins qui ont pensé, 
  parceque la science avait évolué, elle pouvait se passer de métaphysique. 
  Bergson dit que c'est completement idiot; la science a en effet suffisament 
  évolué- non pas du tout que Aristote ait vieilli, ça n'a 
  aucun sens,- il faut, y compris grace à Aristote, reprendre la métaphysique 
  à zéro. Il faut faire la métaphysique qui est le corrélat 
  de la science moderne, exactement comme la science moderne est le corrélat 
  d'une métaphysique potentielle qu'on a pas encore su faire. Quelles est 
  la métaphysique qui correspond à une considération scientifique 
  du temps pris à l'instant quelconque, Bergson dit: c'est la mienne. Il 
  veut dire que c'est une métaphyque de la durée , et non plus de 
  l'éternité. Vous remarquez le thème commun avec Whitehead. 
  Qu'est-ce que c'est que la métaphysique pour Whitehead qui correspond 
  à la science moderne? Ce serait une métaphysique de la créativité. 
  Ce sera une métaphysique du nouveau. La novelty. Le quelquechose de nouveau. 
  C'est merveille ce que vient de dire Isabelle. Je dis : est-il possible de concevoir 
  une vibration qui s'étend sur une infinité d'harmoniques, c'est 
  à dire sur une infinité de sous-multiples? Elle me répond 
  évidemment oui; mais ça n'intéressera pas un physicien-remarquez 
  la notion d'"interet"- ça n'intéressera pas un physicien 
  parceque toute la démarche de la science sera de prendre la moyenne. 
  Un savant, seule l'intéressera la moyenne. Ou dans le cas de l'acoustique, 
  seul l'intéressera un nombre d'harmoniques finies, et proches. Ce sera 
  son métier de savant. La métaphysique qui correspond à 
  cette science, ce n'est pas une réflexion sur cette science, elle doit 
  dire métaphysiquement ce que la science dit scientifiquement, elle doit 
  dire avec des concepts ce que la science dit avec des fonctions. la métaphysique,elle, 
  ça l'intéresse prodigieusement de ne pas prendre la moyenne , 
  et de constituer une série qui en effet n'aura pas d'interet physique, 
  mais aura un intéret métaphysique considérable, une série 
  infinie sans convergence constituée par la vibration et l'infinité 
  de ses sous-multiples, l'infinité de ses harmoniques.
  Deuxiéme point, c'est plus compliqué. Il se peut, d'ailleurs, 
  que j'ai mal compris la thése de Whitehead, j'ai de la peine. D'abord 
  c'est en anglais, ce n'est pas traduit, évidemment, et vous avez déjà 
  deviné que mes rapports avec l'anglais étaient douloureux. Mais 
  pour ceux qui savent l'anglais et que ça intéresse c'est dans 
  Concept de nature , c'est le merveilleux chapitre 4. Je vous en traduit des 
  petits bouts : "Le caractére de l'événement (pour 
  le moment l'événement c'est donc une suite infinie non convergente 
  et sans limite) peut être défini par les expressions quantitatives 
  exprimant des relations entre diverses quantités intrinséques 
  à l'événement lui-même(i.e à la série), 
  ou entre de telles quantités et d'autres quantités intrinséques 
  à d'autres événements (c'est à dire à d'autres 
  vibrations). Dans le cas d'événements qui ont une extension spatio-temporelle 
  considérable, l'ensemble des expressions quantitative est d'une trés 
  grande complexité. Si e est un événement, appelons Qe l'ensemble 
  des expressions uantitatives définissant son caractére, et qui 
  inclus ses connexions avec le reste de la nature". Vous voyez que e désigne 
  la série vibratoire infinie étendue sur les sous-multiples et 
  Qe un des caractéres de la série. Il donne comme schéma 
  des deux séries " e1, e2, e3, en, en+1",ça c'est la 
  série vibratoire, et Qen,Qen+1" ça c'est la série 
  de la caractéristique? "Si Q1 est une mesure quantitative trouvée 
  en qe1, et Q2 L'homologue à Q1 qui est trouvé en Qe2, et Q3 etc...etc...alors 
  nous aurons une série Q1-Q2-Q3-Qn+1 etc...Bien qu'elle n'ait pas de dernier 
  terme" donc elle a en commun avec la série précedente vibratoire, 
  elle a en commun de ne pas avoir de dernier terme, elle est bien infinie "...bien 
  qu'elle n'ait pas de dernier terme, elle converge vers une limite définie". 
  Alors mon angoisse c'est est-ce que mon commentaire est juste ; lui ne donne 
  aucun exemple. J'ai donc besoin d'Isabelle. Le point essentiel c'est cette naissance 
  de la série convergente, convergent vers une limite. qu'en penses tu?
  
  Isabelle Stengers: toujours aussi inaudible.
  Gilles Deleuze : ça m'intéresse beaucoup car je crois à 
  une espéce de relai, un relai métaphysique science,une fois dit 
  que les deux disciplines sont trés différentes. Mais ça 
  n'empêche pas qu'il puisse y avoir des relais si il y a la complémentarité 
  que j'ai indiqué d'aprés Bergson, d'aprés Whitehead, si 
  il y a cette complémentarité entre métaphysique et science, 
  et que cette complémentarité n'a absolument pas vieilli, c'est 
  que les gens n'ont absolument rien compris il me semble, et c'est que nous n'avons 
  pas qu'il y ait des relais.
  
  Fin de la bande
  Question: inaudible
  ....la théorie platonicienne du réceptacle ne présuppose 
  pas l'espace-temps, c'est l'inverse. L'espace et le temps naitrons sous certaines 
  conditions. la question est trés juste mais elle est à venir. 
  L'occasion actuelle c'est quelque chose qui est déjà dans l'espace 
  et dans le temps. Ma réponse portait sur : quel est le rapport entre 
  l'espace et le temps et les séries, les séries préalables 
  à l'occasion actuelle. Les séries dont je n'ai pas céssé 
  de parler aujourd'hui, qui sont préalables à l'occasion actuelle- 
  vous vous rappelez?-, ce sont les conditions de l'occasion actuelle, elles sont 
  premiéres par rapport à l'occasion actuelle. Dans l'ordre vous 
  avez ces séries qui conditionnent l'occasion actuelle , la série 
  espace-temps, et l'occasion actuelle. L'occasion actuelle est bien sur dans 
  l'espace et dans le temps.
  Isabelle Stengers: toujours aussi inaudible....
  Gille Deleuze: à mon avis non, mais je te reconnais bien là. 
  C'est tes soucis à toi. Mais c'est pas mal, ce n'est pas du tout un reproche. 
  Mon exemple de la lumiére, si je l'ai invoqué, c'est un pure exemple 
  qui consistait à me servir de quelquechose qui ne peut pas intervenir 
  à cemoment là, en droit, mais qui à l'avantage de pouvoir 
  faire comprendre comment fonctionne un crible. En effet, je dis : l'action de 
  la lumiére, elle consiste à faire un filtre entre les ténébres 
  et le sombre fond des couleurs, or, au contraire, le filtre dont je parlais 
  faisait un filtre entre le chaos et le sombre fond tout court. Donc je n'étais 
  pas forcé de me donner rien, en tout cas, comme lumiére. Est-ce 
  que le crible, chose beaucoup plus importante à mon avis, est-ce que 
  le crible implique déjà des équivalences de miroir, ce 
  serait trés facheux. A ce moment là tous les éléments 
  de l'occasion actuelle seraient là, or il ne faut pas. Il ne faut surtout 
  pas. Si on était obligé de mettre des quasi-miroirs, ça 
  compliquerait beaucoup, mais j'ai espoir qu'il n'y a pas besoin de quasi-miroir.
  
  Isabelle Stengers: Quand tu nous as lu le texte de Whitehead, que tu 
  as fais ta serie de Q, Q1, Q2, Qn+1, ce n+1, est ce que ça signifie qu'on 
  continue comme ça à l'infini, ou bien est-ce que ça signifie 
  qu'on est dans un espace à trois + une dimensions?
  
  Gilles Deleuze: Les symboles Q1, Q2, Q3, etc... c'est une série 
  de caractéristiques, mais chacun anime une série convergentes. 
  Chaque caractéristique a sa série convergente, et tu as, en revanche, 
  une série ouverte illimitée de caractéristiques. 
  Intervention : inaudible.
  Gilles Deleuze : bon bien lisez Platon.
|  |  |