Entre-temps,Philippe De Jonckheere, 1998.




Cet après midi, j'écrivais à Françoise, J'y prenais beaucoup de plaisir, entièrement absorbé à faire de l'esprit sans doute, et puis soudain un raclement suivi d'un bruit immense remplirent la pièce dans mon dos. Cette explosion de verre - je n'avais pas encore réalisé qu'un immense cadre était tombé et son verre s’était brisé avec force fracas me fit tressauter. Par un réflexe de crispation je ramassai en une boule froissée la feuille sur laquelle j'écrivais.

L'émotion retombant doucement et l'adrénaline se répartissant plus uniformément dans tout mon corps, je regardai, d'abord avec colère le cadre détruit, son image abîmée, puis avec honte d'avoir accroché un tel format sur un clou aussi court, aussi peu idoine, et enfin avec un peu d'émerveillement je remarquai que l’éparpillement des éclats de verre était très réussi et que plus encore la lumière de fin d'après-midi qui donnait rasante, rehaussait très joliment l'ensemble, les reflets de la multitude d’éclats de verre partant en tous sens.

Je décidai de faire une photographie de ce désordre lumineux pour la joindre à la lettre. Je fis un premier polaroid et j'attendais qu'il soit bien monté pour en faire un second, et regardant le deuxième polaroid, je contemplai tout le chemin qu'avait parcouru la lumière entre les deux clichés: pour mon plus grand bonheur cela faisait mentir l'idée de "photographie instantanée".

C'est en regardant le deuxième cliché lui aussi entièrement monté, et en le comparant au premier, que je remarquai que dans la main gauche je tenais toujours la lettre a Françoise, que j'avais maintenant nerveusement comprimée en une boulette très serrée et compacte.

« Entre-temps... »

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